Chapitre 10
«Alice... Je peux te parler deux secondes s'il te plaît ?»
Je relève la tête de mon plateau pour voir Marc planté au bout de notre table. Je cligne des yeux, surprise, mais suis devancée par Catherine, qui, la fourchette chargée de carottes figée dans son trajet entre son assiette et sa bouche, l'observe en haussant un sourcil.
«Euh... bah non en fait.» assène-elle d'un ton égal.
Je la regarde durement, les sourcils froncés, avant de me tourner vers le nouvel arrivant, décontenancée. Il a été gentil avec moi ces derniers jours, c'est vrai, mais n'est jamais allé jusqu'à s'incruster dans mon groupe d'amis pendant la pause déjeuner.
Je jette un œil à mon plateau. Il ne me reste qu'à finir mon yaourt. Je relève la tête vers mon ex et soupire. Je ne sais même pas ce qui me prend, j'étais pourtant décidée à l'ignorer il y a une semaine à peine.
« Attends deux secondes, j'arrive.»
Catherine grogne dans sa barbe, assez fort cependant pour que Marc l'entende, mais je l'ignore superbement. Après avoir fini à la hâte mon dessert, je me lève, enfile mon manteau et ramasse mes affaires pour le suivre. À sa suite, je débarrasse mon plateau, sentant le regard de mes amis peser dans mon dos. Oh, et puis zut! S'ils ne sont pas contents, tant pis pour eux! Cependant, je regrette aussitôt cette pensée. Mes amis veulent uniquement mon bien et souhaitent simplement me protéger, je le sais. Seulement, je suis libre de faire mes propres choix.
Nous sortons sur la cour et je frissonne à cause du vent frais qui m'assaille, resserrant mon écharpe autour de mon cou.
Marc m'invite à m'asseoir avec lui sur un banc, un peu à l'écart. Il n'y a pas grand monde sur la cour, et, pour une fois, le silence règne, ce qui rend l'ambiance un peu étrange. Il reste silencieux un long moment, avant de se lancer.
« Je ne sais pas trop comment te dire ça, parce ça fait plusieurs fois que je te le laisse entendre, mais...Est-ce que tu serais prête à ce qu'on reparte de zéro toi et moi? Est-ce que... tu voudrais bien sortir avec moi à nouveau?»
Je le fixe longuement sans rien dire.
«Sortir avec un mec susceptible de me tromper tous les quatre matins, ce n'est pas trop mon délire, je t'avoue.
-Je t'ai déjà dit que je regrette ce que j'ai fait! Combien de fois faudra-t-il que je le répète?»
Je soupire. Une fois de plus, j'imagine.
«Admettons. Mais si seulement il n'y avait que ça! Ce n'est pas le cas! Si je voulais sortir à nouveau avec toi, ce serait avec le toi d'avant! Celui qui était gentil, drôle, intelligent, attentionné! Celui qui, même s'il ne les portait pas dans son cœur, acceptait de passer beaucoup de temps avec mes amis, parce qu'il savait que cela me faisait du bien!
Parce que, et que ce soit bien clair, le toi de maintenant, arrogant, stupide et parfois même méchant, qui n'a pas hésité avant de balancer des horreurs à Tristan alors qu'il n'avait absolument aucune idée de ce dont il parlait, je n'en veux pas!»
Il a détourné la tête et serre les dents, mais encaisse. De toute façon, il sait que j'ai raison et qu'il a mérité tout cela. Cependant, je n'ai pas tout à fait fini.
«Alors la vraie question, ce n'est pas si moi, je veux sortir avec toi, mais véritablement si toi, tu veux changer pour moi.
-Mais bien sûr que oui! Tu n'as même pas idée de ce que je pourrais faire pour toi, donc juste être sympa, c'est dans mes cordes.»
Je soupire. Il ne comprend rien! Je crois qu'il n'a pas saisi à quel point c'était important. Assise sur le banc de façon à lui faire face, les jambes repliées sous moi, je m'accoude au dossier et pose ma tête dans ma main.
«Et on est bien d'accord que si, ne serait-ce qu'une seule fois, tu blesses Tristan comme tu l'as fait, tu es mort.
-Pourquoi lui en particulier?»
Je détourne les yeux vers le fond de la cour, en pleine réflexion. Bonne question. À laquelle je suis d'ailleurs incapable de répondre puisque cette phrase est sortie toute seule, irréfléchie. Et pourtant, même si je ne sais pas pourquoi j'ai dis cela, je suis convaincue qu'il ferait mieux de s'y tenir, s'il tient à garder ses deux yeux.
«Parce qu'il est vulnérable sur certains sujets, et que je tiens à lui. Plus qu'à toi d'ailleurs, pour le moment.»
Vexé, il fronce le nez mais ne rétorque rien.
«D'accord. dit-il. Alors c'est un oui?
-Je ne sais pas, Marc. J'ai des sélections pour les championnats nationaux dans trois jours, et, désolée, mais je n'ai pas vraiment envie de me prendre la tête avec tout ça avant.
-D'accord. Tu veux que je vienne t'encourager?
-Si ça t'amuse écoute. La bande vient et mes parents aussi. C'est samedi à quinze heures.
-Ok, c'est noté, je serai là.»
Il marque une longue pause, et j'ai le fort pressentiment qu'il veut revenir au sujet initial, mais n'a pas envie de trop insister. Je me tais et le laisse galérer.
«Est-ce que...Est-ce que ça veut dire que tu me pardonnes? Que j'ai ma chance?...Que...tu m'aimes peut-être encore un tout petit peu?»
Je soupire. Est-ce que je l'ai pardonné? Oui. J'aurais aimé le détester encore un peu, le haïr sans ambiguïté, mais je ne suis pas rancunière, et c'est presque malgré moi que je l'ai pardonné. Est-ce qu'il a une chance? Cela dépend de lui. Si vraiment, comme je le lui ai dis, il redevient comme avant, oui, il aura certainement toutes ses chances parce qu'est-ce que je l'aime encore? J'aimerais pouvoir dire non de façon sincère, parce que toute fille normalement constituée dirait non, parce que je me sens affreusement naïve, parce que cela fait à peine plus d'un mois qu'il m'a trompée, mais ce serait un mensonge. J'étais tellement amoureuse de lui lorsque nous sortions ensemble, et je crois bien, ou plutôt je sais qu'une partie de moi, bien dissimulée dans un coin de ma tête, n'a jamais cessé de l'aimer.
«Je t'ai pardonné, Marc, parce que je te connais depuis toujours et que je sais que tu peux te rattraper. Tu as sans doute ta chance si tu fais des efforts, mais, comme je te l'ai déjà dis, je n'ai pas envie de discuter de ça maintenant. Je me lève et m'étire avant de fourrer mes mains dans les poches de ma parka noire. Marc reste assis et m'observe avec un sourire en coin.
«Quoi?» je lui demande, hésitant à sourire.
Ce regard me rappelle notre couple. Il me regardait toujours comme cela, ce genre de regard qui me faisait me sentir belle et désirable. Il se lève pour être à ma hauteur.
«Rien.» souffle-t-il.
Mon cœur bat la chamade et je suis perdue dans ses yeux bleus captivants. Il attrape une mèche de mes cheveux blonds et l'enroule autour de son doigt. Je détaille longuement son visage et il fait de même, le temps semble s'être suspendu. Sans quitter mes yeux, il se penche lentement vers moi. Ses doigts frôlent ma joue et son souffle s'écrase sur mon visage. Seuls quelques millimètre nous séparent lorsque je me reprends soudainement. Je baisse la tête et recule de quelques centimètres.
«J'ai froid.»
Il recule aussi d'un pas, fourre ses mains dans les poches de son blouson marine à manches en cuir blanc, et arbore un sourire amusé. Il secoue légèrement la tête, moqueur. Je me mordille la lèvre, culpabilisant.
Je baisse les yeux puis, à toute vitesse, je me dresse sur la pointe des pieds, lui colle un baiser sur la joue et m'enfuie comme une voleuse.
Je continue à marcher d'un pas vif vers un bâtiment, ne sachant pas vraiment où je me rends, mais n'osant pas faire demi-tour, sentant son regard ardent dans mon dos.
Au bout de quelques minutes, je retrouve finalement mes amis dans le foyer, salle de détente. Benoît joue aux échecs avec une fille du nom de Célia, Michaël et Cat' sont affalés sur les canapés et se tordent de rire face à Tristan qui, semble-t-il, imite pour eux nos professeurs. Lorsque j'entre dans la pièce, Tris' se retourne et s'arrête. Les deux autres cessent aussitôt de rire et m'observent.
«Il était désolé, j'imagine?»me lance Catherine avec dédain.
Elle me fixe sans ciller de son regard sombre qui, habituellement espiègle, est à présent froid comme la glace.
«J'ai compris que tu ne l'aime pas, Cat', te fatigue pas.» je soupire en m'asseyant à leurs côtés.
Elle lève les yeux au ciel et bougonne alors que Tristan me sonde de son regard si particulier.
«Qu'est-ce qu'il te voulait, Alice?»
J'entrouvre la bouche, la referme, la gorge soudainement séche. Si je n'aurais aucun scrupule à envoyer balader Catherine ou lui dire que ce ne sont pas ses affaires, avec lui, j'en suis incapable.
«Il s'est encore excusé... avoue-je en me mordant l'intérieur de la joue. Il...il voulait repartir de zéro avec moi.»
Aussitôt, Catherine lève les yeux au ciel et Tristan soupire alors que Michaël se frotte le front.
«Tu lui as dit non, n'est-ce pas ? Je veux dire, tu lui as bien fait comprendre que tu ne voulais plus être avec lui? demande Ben en se retournant.
-Euh... je ne lui ai pas vraiment dis comme ça, mais...
-Mais c'est pas vrai, Alice, tu es épuisante! s'écrie Cat'.
-Mais quoi?»
Mes amis se sont tous rapprochés de moi et nous avons baissé d'un ton.
«C'est ta vie, Alice, soupire Michaël, mais s'il te plaît, fais-lui bien comprendre que tu n'es pas...
-Sa proie! coupe Catherine.
-Oh, je t'en prie, Cat', je ne suis pas sa «proie», soupirai-je, exaspérée, en mimant les guillemets avec mes doigts, je suis juste son ex qu'il veut récupérer!
-Vraiment Alice? Tu ne vois même pas que ça sonne faux, même dans ta bouche?»
Je soupire et jette un coup d'œil à ma montre.
«Vous voulez pas me lâcher? Et aller en cours aussi, accessoirement, parce qu'on a maths dans moins de dix minutes.»
Ils acquiescent et nous nous levons pour rejoindre nos casiers et prendre nos affaires. Je marche en tête vers la salle de cours, et nous nous installons. Marc entre dans la pièce et capte aussitôt mon regard. Après un bref regard pour mes amis, je secoue imperceptiblement la tête en articulant un «non» silencieux.
Il paraît surpris mais n'insiste pas, et part s'installer au fond de la classe. Je soupire en voyant Cat' le suivre des yeux avec un regard noir. Dans quoi me suis-je encore fourrée?
****
𝔻𝕖́𝕤𝕠𝕝𝕖́𝕖 𝕛𝕖 𝕟'𝕒𝕚 𝕡𝕒𝕤 𝕡𝕦 𝕡𝕠𝕤𝕥𝕖𝕣 𝕙𝕚𝕖𝕣... 💜
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top