« Ne pleure pas Mikasa, ça va aller. Je suis avec toi. Tu n'es plus seule. On forme une famille maintenant. Tu es ma petite sœur, et je vais prendre soin de toi. On est ensemble. Et on restera ensemble. Je te le promet. »

La petite brune, les yeux bouffies par les larmes, avait relevé la tête vers le garçon qui lui tendait la main. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait rassurée. Elle n'avait plus peur.

Sans réfléchir, elle couru vers le jeune homme pour se blottir dans ses bras.

Il sentait tellement bon....

« M-merci... Eren... » avait-elle murmurée en esquissant un léger sourire.

***

La douce mélodie de Nothing else matters enveloppait la chambre de Mikasa, tant dis que la jeune femme se pavanait devant le miroir, un grand sourire aux lèvres. Elle portait une de ses tenues fétiches ; sa robe en dentelle préférée recouvrait ses bras et sa longue jupe touchait le sol, dissimulant la moitié de son corps. Pour s'assombrir encore plus, la belle asiatique recouvrit ses lèvres d'une couleur très foncée, aussi noire que ses cheveux de jais.

Vu la tête que tirait Armin, il n'avait pas l'air d'apprécier cet accoutrement. Le blondinet poussa son ordi portable sur le côté, oubliant momentanément le roman qu'il était en train d'écrire. Il fixa Mikasa avec intensité , ainsi que sa robe à dentelle et son rouge à lèvre noir. D'ordinaire, il lui aurait assuré qu'elle était habillée comme une déesse, mais les circonstances ne s'y prêtaient pas tellement. La brune en faisait trop. C'était un enterrement et Mikasa risquait encore de s'attirer des remarques de puristes sur son look très peu conventionnel. Le reste de sa famille finirait par penser qu'elle était passionnée de cadavre et d'incantations maléfiques. Ce qui, entre autre, était légèrement le cas.

« Hum... Mikasa, je croyais t'avoir conseillé d'y aller soft cette fois ! » conseilla une nouvelle fois Armin.

« Je sais ! Mais c'est plus fort que moi ! J'adore cette tenue! » affirma t'elle en faisant tourner les volants de sa robe.

Armin s'assit sur le lit pour lui faire face :

« Je dit ça pour toi ! Tu sais aussi bien que moi que ces cons d'adultes snobs seront invités et qu'ils ne vont pas louper l'occasion de te demander si tu vénères Satan... »

Mikasa fit la moue en s'admirant une dernière fois dans le miroir :

« Bon... j'imagine que t'as raison... comme toujours! ... Eren m'aurait trouvé tellement belle habillée comme ça! »

« Tu ne t'habilles pas pour Eren ! rajouta Armin en s'emportant. Ni pour ces vieux cons d'ailleurs... mais si tu veux mon avis ce serait quand même plus sympa pour la famille d'y aller mollo sur les allusions à la mort, tu vois ce que je veux dire ? Ils en ont déjà pleins le... »

Alors qu'Armin était en train de faire la morale à son amie, Eren rentra brusquement dans la chambre. Les joues de Mikasa s'empourprèrent en remarquant le torse nu de son frère.

« Mikasa, toi qui aime les couleurs sombres, t'as pas un T-shirt noir à me filer ? demanda le beau brun en regardant sa sœur. À part un décolleté en dentelle je veux dire... »

La jeune femme se mit à rougir bêtement en s'agitant dans tout les sens. Elle espèrait sincèrement qu'Eren n'ait rien entendu de sa conversation avec Armin.

« Tiens, j'ai de la lessive propre, ça devrait t'aller ! » dit-elle en lui tendant une pile de vêtements.

Eren inspecta minutieusement les affaires :

« Bon ça va... je devrais m'en sortir avec ça. Au fait vous avez besoin d'aide ?»

« NON !! Tu peux t'en aller ! » s'empressa de dire Mikasa, emportée par la gêne.

« Ok... »

Eren lui jeta un regard suspicieux avant de refermer la porte derrière lui. Armin soupira lourdement en agitant sa main devant sa bouche :

« Wouuu ! Je rêve ou Eren est devenu super sexy ? »

« Armin ! Je t'interdis ! Ne parle pas de mon frère comme ça ! » ordonna Mikasa en s'asseyant face à lui.

Rouge de honte, elle baissa les yeux vers le sol :

« Je ne vais pas te cacher qu'il est plus agréable à regarder depuis qu'il s'est inscrit à la salle de sport...Mais je ne veux pas que tu le regardes de cette manière ! C'est mon frère ! Le mien ! »

« Mikasa, tu ferais mieux de prendre des cours de théâtre ! Tout le monde sait que tu considères Eren comme bien plus qu'un simple frère. Ça crève les yeux, même ceux des aveugles. »

« Ne te moque pas de moi ! s'écria t'elle, vexée. Je te rappelle que ma tante est morte. Je suis en deuil. »

« Euh... oui bien sûr... d'accord mais... okay. »

En réalité, Mikasa se fichait pas mal de sa tante. Elle ne l'avait jamais rencontré et ne la portait absolument pas dans son cœur. C'était juste une excuse pour clouer le bec d'Armin.
Agacée, elle se dirigea vers sa garde robe pour en sortir des vêtements au hasard, auquel elle n'avait pas touchés depuis des mois.

« En tout cas ne t'inquiète pas, continua le blondinet. Je ne vais pas m'approcher de « ton frère à toi » de cette manière. Je te rappelle que c'est mon meilleur ami... Et j'ai mieux à faire que d'essayer avec un hétéro. »

« Je ne t'aurais pas laissé faire de toute manière... » murmura Mikasa en enfilant un pull gris et un jean déchiré.

Armin la regarda enfiler ses vêtements plus colorés avec satisfaction :

« Voilà ! On dirait presque que tu es normale comme ça ! »

La jeune brune lui lança un regard terrifiant avant de reprendre :

« J'ai vu bien trop de choses hors du commun pour être normale... Bon je ferais mieux d'y aller. Mon oncle Kenny va encore me faire la morale si j'arrive en retard. L'autre fois il croyait que je me prostituait, sûrement a cause de mes vêtements. J'ai du lui expliquer que non, mais ça ne l'a pas convaincu ce vieux con. Comme si être une pute c'était de famille. »

Elle marqua une pause pour se démaquiller le visage, puis continua d'un ton toujours aussi las :

« M'enfin bref... Je vais devoir pleurer la mort d'une pauvre femme que je ne connaissais même pas. Je me demande bien l'intérêt de cette cérémonie. Tout le monde la détestait dans la famille ! En même temps je comprend ; elle osait se prostituer au lieu d'aider son gamin. Tu parles d'une réputation ! D'ailleurs, son gosse doit être le seul véritablement attristé par sa mort. »

Armin la regardait de dos, visiblement touché par son discours remplit de rancoeur.

« Encore un autre idiot d'Ackerman que je n'ai jamais vu de ma vie, se lamenta Mikasa. A ce qu'on dit c'est un merdeux incapable qui cherche les emmerdes partout où il va. Il aurait pas mal de problèmes avec la police. D'ailleurs tu le connais, toi qui est passionné par cette histoire ; c'était le petit ami de notre chère disparue Petra Ral. L'pauvre gars n'a pas eu de chance dans sa vie. D'après Kenny il est encore plus bizarre que moi. Ça me fout les jetons. Mais quelle famille de merde...»

Mikasa ne regrettait pas ses mots. Elle pourrait paraître dure et insensible, mais sa famille biologique ne faisait pas partie de son cœur. Elle gardait contact avec eux par simple obligation.

En effet, après la triste mort de ses parents, Mikasa avait été recueillis par la famille d'Eren. Aucun Ackerman, pas même son oncle, avait voulu s'occuper de la jeune fille. Sans les Jaeger, elle n'aurait jamais tenu le coup. À l'époque, elle n'avait que 7 ans.

Déjà profondément ennuyée par la soirée qui s'annonçait déprimante, Mikasa prépara l'intégrale de Twilight ainsi que quelques affaires, pour les ranger dans son sac. Prête à partir, elle ouvrit la porte de sa chambre, suivi d'Armin.

« C'est clair que ta famille est louche, mais c'est un enterrement important, pas question que tu loupes ça.... on se voit demain j'imagine ? »

« Oui ! Et si tu touches à mon frère , je le saurais, alors fait attention ! »

Mikasa partit en courant, laissant un Armin désespéré derrière elle.

***

Une heure plus tard la jeune femme arrivait dans les bas fonds de la ville, accompagné par Hannes, un ami de la famille. Sa mère avait insisté pour qu'elle soit accompagné, connaissant la mauvaise réputation des quartiers défavorisés d'Eldia. Hannes la déposa devant la maison des Ackerman, en lui expliquant qu'il viendrait la récupérer dans trois heures. La brune acquiesça et le salua tristement. Elle rejoignit la vieille demeure, angoissée de se retrouver seule face à sa famille de délinquants.

Elle toqua trois fois, grelottant de froid et d'anxiété. La porte s'ouvrit en grand , lui arrachant la poignée des mains. Un homme carré et trapu apparut et, à la seconde où ses yeux se posèrent sur elle, ils émanèrent déjà de puissantes effluves de haines :

« Mikasa. Je ne pensais jamais te revoir. »

Elle rentra à l'intérieur de la maison sans y avoir été invitée, une expression blasée collée au visage.

« Au moins t'as eu la décence de ne pas venir habillé en sorcière... » cracha Kenny en la regardant de haut en bas.

« Je ne suis pas une sorcière. J'aime le noir, c'est tout. C'est une belle couleur le noir. Vous ne l'appréciez pas assez. »

« Il n'y a pas que le noir que je n'apprécie pas... » siffla l'oncle en passant son chemin.

Mikasa ignora son oncle une énième fois en levant les yeux au ciel. Elle s'engouffra dans le salon en inspectant chaque recoin de la pièce. Elle était entourée d'inconnus déprimés, blasé ou en colère, l'air féroce et repoussant. Leurs mauvaises auras ne la poussait pas à les rejoindre ou à entamer une discussion avec eux.

Les Ackermans étaient dangereux. Ils formaient un gang de mafieux pas fréquentable. Tout le monde le savait.

Et Mikasa ne comptait pas finir comme eux.

La brune se reposa sur le premier fauteuil venu, déjà lassée. Son regard dériva vers un petit cadre entouré d'une dizaines de bougies, posé face à elle. Elle y reconnu sa défunte tante, Kuchel Ackerman.

Elle était vraiment belle... songea Mikasa en regardant les longs cheveux noirs de la femme. Mais malgré son sourire éclatant, elle semblait triste. Seule. Ses yeux trahissait un grand désarroi.
Mikasa remit en question les apriori qu'elle avait toujours eu pour sa tante. Quelles raisons avaient pu la pousser à se prostituer ? Sa famille, qui passait son temps a la rabaisser, avait-elle au moins essayer de comprendre ses actes ? Avaient-ils essayé de l'aider ? De la soutenir?

Mikasa connaissait déjà la réponse.

Pas étonnant que Kuchel se soit suicidée. Chez les Ackerman, c'était chacun pour soi.

La jeune brune s'enfonça dans le canapé en soufflant de désespoir. Son regard se posa alors sur la fenêtre du jardin, où elle aperçut un jeune homme assit seul sur une balançoire rouillée et usée par le temps.

Ne prêtant pas attention à lui, elle décida d'entamer sa dixième lecture de Twilight.

***

La soirée s'éternisait. Mikasa n'avait adressé la parole à personne et aucun invité ne semblait l'avoir remarqué. Seul son oncle continuait à la surveiller d'un mauvais œil. La jeune femme grimaça en remarquant qu'elle arrivait déjà au dernier chapitre du livre. Quelle catastrophe...

Ennuyée, elle reporta une nouvelle fois son attention vers le jardin. Le garçon n'avait pas bougé. Personne n'avait été le voir depuis le début de la soirée. Au moins, elle n'était pas la seule à être rejetée par les Ackerman.

Ne trouvant aucun autre moyen de se changer les idées, elle décida de le rejoindre dehors. L'air frais la fit frissonner mais elle continua à avancer vers le jeune homme, en prenant place sur la deuxième balançoire.

Ses cheveux coupés en undercut cachait son visage, empêchant Mikasa de découvrir son expression. D'ici, elle pouvait simplement remarquer la pâleur du jeune homme, ainsi que son gabari très maigre.

Aucun des deux ne parla.

La solitude et le silence étaient agréables un moment, mais pas assez pour qu'elle meure d'ennui ici. Et puis ce garçon l'intriguait beaucoup.

« Salut. » osa Mikasa en se rapprochant un peu plus de lui.

« ... »

« Je ne t'ai jamais vu ici, tenta une nouvelle fois la brune. Tu sors d'où ? »

Le jeune homme ne daigna pas lui accorder un regard. Ses yeux métalliques restèrent figés sur le sol boueux, tant dis que ses cheveux de jais s'ébouriffait dans le vent, dissimulant ainsi l'expression mélancolique de son visage.

« C'est ma maison... » se décida t'il à dire après un long silence.

Mikasa commença à se balancer doucement :

« Plutôt cool comme baraque. Du genre à foutre la trouille la nuit et à être remplit de con le jour. »

La balançoire grinça dans un bruit de chat écrabouillés.

« T'as déjà essayé de faire du spiritisme ici ? On dit que les bas fonds de la ville sont hantés ! » continua Mikasa, entêtée à combler le silence pesant qui s'était installé.

Le jeune homme commençait à trouver la présence de cette énergumène très désagréable. En attendant, c'était bien la première à ne pas le couvrir d'excuses et de condoléances hypocrites.

« Tu ne parles pas beaucoup. Mais j'imagine qu'on va mettre ça sur le dos du décès? » dit-elle avec sarcasme, en levant les yeux au ciel.

L'homme près d'elle lui lança un regard à glacer le sang. Il mourrait d'envie de lui éclater le crâne par terre, mais malheureusement, il n'en avait pas la force. Quelle garce ! Comment osait-elle... elle ne perdait rien pour attendre celle là...

Mikasa inclina la tête sur le côté pour essayer de discerner la forme du visage de son interlocuteur parmi ses mèches rebelles.

« C'est quoi ton petit nom, homme muet ? »

« ...Levi... Juste Levi. »

« Cool, juste Levi. »

Elle marqua une pause pour plonger ses yeux dans le vide.

« Tu connaissais celle qui a clamsé? »

« Tu te fous de ma gueule ? » lui lança Levi, sur un ton rempli de reproches.

Tout le monde savait que Levi était le fils de la "regrettée" Kuchel Ackerman. Tout le monde savait qu'il ne fallait pas parler d'elle en sa présence. Et pourtant , cette gamine venait de lancer le sujet comme si de rien était. Un peu de respect serait le bienvenu.

Mikasa fronça les sourcils, déroutée. Elle était un peu déstabilisée par le regard noir que lui lançait le jeune homme, mais elle était déterminée à ne pas le montrer. Elle s'efforça de se creuser la mémoire pour se rappeler la photo de sa défunte tante, qu'elle avait observée quelques heures plus tôt. C'est vrai que ce garçon avait quelque traits similaires au sien. Ça pourrait expliquer pourquoi il avait l'air aussi enragé.

Puis elle se souvint. Levi. Levi Ackerman, le fils unique de Kuchel.

Oops. La boulette.

« Oh... je suis désolée j'imagine... »

Elle fit en sorte d'être le plus sincère possible, et le garçon détourna la tête, toujours blessé.

« Tch. Gamine. T'es qui d'abord ? »

« Oh moi. J'suis juste là parce que je dois être là. Mon nom c'est Mikasa. Juste Mikasa... »

« T'es la gothique dont on m'a parlé, je me trompe ? »

« Non. Je suis bien là dégénérée qui fait du ouija chaque samedi soir, confirma la prénommée gothique. Qui t'as parlé de moi? »

« Kenny. Il dit que tu vas finir par te prostituer toi aussi. Tch... tu dois lui rappeler ma mè-sa soeur. »

Mikasa soupira une énième fois en envoyant bouler des cailloux du bout de sa chaussure.

« Et moi qui avait encore un peu d'espoir pour les dernières générations de cette famille de merde. Bref. J'ai finit par m'en foutre de ce qu'ils disent tous. »

« Tant mieux pour toi. » dit froidement Levi, sans la regarder.

« Bon.... je vais devoir y aller.. » expliqua Mikasa, mais comme attendu, elle n'eut aucune réponse.

Elle fixa le sol , très embarrassée, ne sachant plus quoi dire. Elle ne peut tout de même pas partir comme une voleuse et le laisser planté la, sachant qu'elle l'a encore plus enfoncé dans sa merde. Surtout que sous ses airs de dur, il serait bien du genre à sauter par une fenêtre.

« Tu t'attends sûrement à ce que j'essaye de te réconforter en t'apportant mes condoléances, mais je préfère être sincère. Je sais ce que tu traverses. Moi aussi on m'a dit que tout allait bien se passer. Moi aussi on m'a dit que j'irais mieux. Mais c'est faux. La vérité..., elle marqua une pause, la gorge nouée. La vérité c'est que la souffrance ne disparaît jamais. On apprend juste à vivre avec. Ton seul espoir c'est de garder la tête hors de l'eau. Ne compte pas sur cette famille. Leurs condoléances sont aussi vides qu'une noix et tu mérites mieux que ça. »

Levi ancra ses yeux dans ceux de l'asiatique, troublé. Personne ne s'était montré aussi sincère avec lui depuis un bout de temps.

« Je te souhaite bonne chance, Levi. »

Elle se leva tristement de la balançoire en lui offrant un sourire encourageant. Sur ces derniers mots, Mikasa quitta le jardin, puis la maison, sans saluer son oncle.

Levi la regarda partir d'un air toujours aussi vide et blasé. Cependant, son visage semblait un peu plus paisible et reposé. Cette gamine avait réussit à lui remonter le moral. C'était  un exploit que peu de personne avait réussi à accomplir.

Touché par les mots de sa cousine, il leva les yeux vers le ciel en murmurant un doux « merci » que Mikasa ne put jamais entendre.

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