7.

Karol

Mon doigt s'enfonce sur le bouton de l'étage 0 de l'ascenseur. Je me recule, et m'étire. La journée de tournage a été longue, je n'ai presque pas dormi de la nuit à cause de tout ce qu'il se passe dans la presse et sur les réseaux en ce moment, et mes angoisses ne m'ont pas quitté de la soirée.

L'ascenseur s'arrête, les portes métalliques s'ouvrent et j'atterris dans le hall du bâtiment dans lequel nous avons tourné une partie de la journée. Je salue l'hôtesse d'accueil, puis les vigiles m'ouvrent les grandes portes en bois, et c'est à ce moment là que j'ai eu la vive impression que mon coeur allait se détacher de ma cage thoracique.

- Mademoiselle Sevilla !

- Est-ce que vous pourriez répondre à quelques questions ?

- S'il vous plaît ! Par ici !

Les flashs m'éblouissent de tous les côtés, les journalistes m'affichent leur micros pour tenter de recueillir quelques informations exclusives. Les gardes de sécurité se précipitent vers moi, et malgré les bras des grands hommes, les mains des journalistes sinisent entre nous pour capturer le plus de clichés possible de moi tandis qu'au milieu de toute cette masse d'éditorialistes, j'espérais percuter un regard familier, en vain.

- Karol !

- Mademoiselle Sevilla s'il vous plait !

Les vigiles me regardent, attendant de savoir ce qu'ils sont sensés faire, s'ils doivent appeler quelqu'un ou s'ils peuvent retourner dans le bâtiment. Sauf que je n'en sais rien. Je suis comme paralysée au milieu de cette foule de personnes. Je suis en plein cœur de toute cette mascarade journalistique, sans savoir comment je suis sensée contrôler tout ça.

Ma respiration se bloque les secondes suivantes. Mon regard passe d'un journaliste à un autre, d'un flash à un micro amené trop près de mon visage. Je sens mes poumons se comprimer, l'oxygène a du mal à glisser dans mon corps et je me mets à paniquer. Mes mains tremblent, mais je suis encore figée devant cette masse de gens.
Le brouhaha des journalistes et des médias semble s'être transformé en un bourdonnement aux creux de mes oreilles. Tout est si vif, et moi je semble si éteinte. Plus rien ne me semble vraiment visible, je ne sais pas exactement qui se trouve devant moi. Plus rien ne m'est audible, je percute seulement de temps à autre des cris lointains.

- Mademoiselle ? Vous voulez qu'on vous emmène un peu plus loin ?

Toute ma bulle de pensées s'éclate lorsque je sens l'un des vigiles me tapoter l'épaule.
Je secoue machinalement la tête de haut en bas, et les deux hommes m'aident à me faufiler entre les journalistes.

- Mademoiselle ! S'il vous plaît ! Au moins une question !

On marche vite, et les passants nous aident vivement à ralentir la foule de journalistes qui nous suit encore. Les deux hommes tournent dans une rue, cachée derrière un bar et camouflée par une voiture garée sur le trottoir. On aperçoit les rédacteurs nous chercher au loin, puis prendre une autre direction tout de même non loin de nous.

- Ça va aller pour vous ? Il y a quelqu'un pour venir vous chercher ? me demande l'un des deux hommes.

- Oui, je vais passer un coup de fils ça ira, merci beaucoup.

Ils hochent la tête et après s'être une dernière fois assurés de mon état, ils m'indiquent que s'il y a quoi que se soit je peux appeler l'accueil et qu'ils reviendront.

Je souffle un bon coup en les voyant s'éloigner doucement.
Je devais prendre le métro pour rentrer, mais cette pensée m'angoisse d'autant plus.

La respiration rythmée par l'angoisse et mes larmes imminentes, je tapote mon sac en essayant d'y attraper mon portable. Je le sors et appuie sur le dernier contact que j'ai appelé.

- allô ?

- rugge ?

- oui, ça va ?

- non. je tente de retrouver une respiration stable. je...il faut que tu m'aide...je sais pas quoi faire.

- qu'est-ce qui se passe ? ça va ?

Les larmes me montent aux yeux. Je n'arrive pas à retrouver une respiration régulière, mon état m'énerve, je me trouve impuissante face à tout ça, face à moi.

- Il y a des journalistes...là où je suis...il y a des journalistes...je ne peux pas rentrer à la maison.

- Tu es où ? il y a quelqu'un avec toi ?

- Il y avait des vigiles...mais...ils sont partis.

- Et tu es où ?

- Dans une rue...à côté du lieu de tournage.

- Je vais demander à un chauffeur de venir te récupérer, ça va aller ? Tu veux que je reste avec toi au téléphone ?

- Oui, s'il te plaît.

Pendant quelques secondes il continue de me parler, je l'entends taper un message - certainement pour la voiture - tandis que j'essaie encore de respirer convenablement.

- T'as fais une crise d'angoisse ? me demande-t-il doucement à l'autre bout du combiné.

Entre deux reniflements et reprises de souffle, je lui réponds que oui.

- Ça va aller, tu seras bientôt à la maison, respire doucement.

- J'y arrive pas...j'arrive pas à respirer...

- Prends ton temps mais essaies de respirer doucement, tout va bien, fais le à ton rythme.

J'essaie de faire de ce qu'il me dit, mais le noeud dans mes poumons est trop intense. L'oxygène ne me parvient pas assez, j'ai un poids qui appuie et comprime ma poitrine et je panique de plus en plus. Sous le soleil, ma température corporelle augmente progressivement et j'ai la sensation que je vais finir par faire un malaise.

- karol t'es toujours là ?

Je me laisse glisser le long du mur en pierre du restaurant, la respiration plus irrégulière que jamais.

- Ça va pas...j'essaye d'articuler.

- Assis toi quelque part, reprends ton calme, regarde autour de toi et dis-moi ce que tu vois.

Mon cerveau est tellement brouillé et alarmé par mon état, que ce qu'il me demande me paraît presque impossible.

- Qu'est-ce que tu vois ?

Je balaye la rue des yeux, et pose mon regard sur chaque objet qui peut se trouver aux alentours.

- Une voiture dis-je pour commencer.

- Ok très bien, il y a autre chose autour de toi ?

- Des passants, les poubelles d'un restaurant, des gamelles pour chat devant une porte.

- Tu sais dans quelle rue tu es ?

- Dans la rue du Beaujolais.

- Tu peux me dire quel jour on est est ?

- lundi.

Je prend une bouffée d'air, la tête collée contre le mur.

- Essaies de rester concentrer sur ma voix et sur ce que je raconte, peut-être que ça t'aidera.

Il ne prend pas plus de temps pour commencer à me raconter sa journée, puis quelques anecdotes. Assise parterre, je ferme les yeux et tente de concentrer mon esprit seulement sur sa voix.

- J'ai vu les garçons aujourd'hui, ils étaient tous super dissipés comme d'habitude, mais agus m'a aidé pour une chanson.
ils m'ont dit qu'ils avaient hâte de pouvoir te voir, Jorge espère que tu lui as ramené un souvenir, Agus est pressé de t'attirer dans ses plans foireux et Mick n'arrête pas de dire que les vacances sont finies, mais je sais qu'il ment.

- Il m'a aussi dit que Valu passait ma chanson en boucle à l'appart, tu sais, celle que tu aimes tant ?

Un petit sourire s'amuse à étirer doucement mes lèvres.

- Apparemment lui ne peut plus l'écouter tellement il l'a entendu.

- Jorge à encore acheté l'une de ses babioles inutiles, un lapin distributeur de bonbons, et il s'est plaint parce que ça ne fonctionnait pas.

- Ah et à mon plus grand bonheur, j'ai vu Mick avec un masque de beauté en arrivant.

Je souris dotant plus en imaginant ces deux scènes, Jorge énervé face à son jouet en plastique à cinquante centimes, et Mick avec un masque et un bandeau dans les cheveux.
La chaleur me paraît inconsciemment moins étouffante qu'avant, je perçois de nouveau distinctement les bruits autour de moi.

- Mademoiselle ?

Je réouvre les yeux, face à un homme habillé d'une chemise.

- La voiture est garée, vous pouvez me suivre.

Je tourne la tête, et discerne le véhicule garé à la place de l'autre voiture qui bloquait la rue.
Je me relève doucement, et suis l'homme jusqu'à la porte arrière gauche qu'il m'ouvre. Les vitres teintées m'indiquent que le calvaire est enfin fini. Ma tête s'écroule contre le siège, le téléphone encore collé à mon oreille.

- Tu es montée dans la voiture ? j'ai entendu une porte claquer.

- Oui, ça y est.

- Ça va mieux ?

- Un peu, je crois.

- Repose toi pendant le trajet, ça te fera du bien, tu me rappelles si ça va pas ?

- Oui, merci beaucoup, à tout à l'heure.

- À tout à l'heure, je t'aime.

- Je t'aime aussi.


~~

heyyy !

Ce chapitre aborde les crises d'angoisses et plus précisément une manière de les calmer.

Il s'agit d'une technique appelée grounding, les psychiatres/psychologues l'utilisent eux même avec leurs patients. Elle consiste à demander à la personne anxieuse de regarder autour d'elle et de se souvenir d'où ils sont.

Alors si jamais vous vous trouvez dans une situation anxiogène, n'hésitez pas à regarder autour de vous et repérer différents objets, personnes ou situations précises. Et si vous voyez une personne anxieuse, faites comme ruggero :) ça peut toujours aider.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top