25.
Le réveil sonne, brisant le silence dans la chambre. Je ne dormais plus vraiment, c'était comme si mes paupières étaient lourdes mais mon esprit refusait de s'apaiser.
Je l'éteins d'un geste fatigué, puis fixe le plafond, laissant échapper un long souffle, comme pour relâcher un poids invisible qui s'était accumulé pendant la nuit.
J'ai pris la décision hier soir : aujourd'hui, je ne travaille pas. Tout le monde est d'accord. Les médecins ont été formels, et Ruggero, le groupe, mes parents ont vraiment insisté pour ne pas que je retourne sur le plateau après ce qui s'est passé. Même le réalisateur, qui a pourtant des délais serrés, m'a assuré qu'il mettrait sur pause les scènes où je dois apparaître. C'est fou à quel point tout le monde semble plus préoccupé par mon état que moi-même.
Je me lève péniblement du lit, sentant immédiatement la douleur qui irradie de mon cou et de ma tête. Ces douleurs, elles ne sont apparues qu'une fois le choc passé, comme si mon corps avait finalement réalisé ce qu'il avait subi. Les médecins m'ont prescrit des crèmes, des anti-douleurs, m'assurant que les effets se feraient ressentir une fois la pression retombée. Mais pour l'instant, tout ce que je ressens, c'est un mélange de courbatures et de fatigue nerveuse.
Une odeur de petit-déjeuner me parvient depuis le couloir. C'est étrange. Ruggero est parti travailler aujourd'hui, et je suis seule à l'appartement avec Leonardo... Et s'il y a bien une chose que je sais sur lui, c'est qu'il n'a jamais cuisiné de petit-déjeuner de toute sa vie.
— Leo ?
Je l'appelle, incrédule, en me dirigeant vers la cuisine. Il relève la tête depuis derrière le comptoir, une poêle à la main, et m'offre un sourire maladroit.
— Surprise ! dit-il, un demi-sourire incertain sur les lèvres. Je suis vraiment pas sûr que ça soit bon. Je me suis trompé de recette trois fois.
Je ne peux m'empêcher de rire, malgré tout. Sa bonne volonté est touchante. Il contourne le comptoir avec précaution, portant deux assiettes qu'il dépose délicatement sur la table basse du salon. Je m'assois et il me tend une assiette remplie de pancakes un peu trop dorés, garnis de fruits rouges et d'un filet de Nutella.
— Alors, ça va mieux ? me demande-t-il, l'inquiétude perceptible dans sa voix.
Je hausse les épaules. Pas vraiment, je pense. Physiquement, j'ai mal à peu près partout, mais c'est surtout mentalement que c'est le chaos. J'ai cauchemardé toute la nuit. Les mêmes scènes horribles tournaient en boucle, encore et encore, comme un disque rayé. Je revois Sebastian, l'agression, l'enquête rouverte, et le procès imminent. Chaque détail se rejoue dans ma tête, des médecins aux pompiers, des policiers aux médias. Et ce fameux enregistrement audio que j'ai dû écouter et réécouter, comme si le fait de l'entendre pouvait changer la réalité. Aux journalistes qui, sans aucun doute, se feront un plaisir de retranscrire chaque détail sordide.
J'ai une envie folle de tout arrêter, de me couper du monde, de jeter mon téléphone par la fenêtre et de m'enfermer dans cet appartement pour toujours. Mais je sais que c'est impossible. Je sais aussi que si le présent est difficile, le retour à la réalité le sera encore plus.
— Pas vraiment, finis-je par dire, le souffle court. Aujourd'hui, je vais juste essayer de me reposer.
— Ça tombe bien, je suis là pour m'occuper de toi ! répond Leo avec une chaleur sincère, un sourire encourageant sur le visage.
Il repose son assiette déjà terminée et se repositionne confortablement sur le canapé, comme s'il s'apprêtait à passer la journée ici, à mes côtés.
— Aujourd'hui, je m'auto-proclame assistant. On fait ce que tu veux.
Je lève un sourcil, un léger sourire aux coins des lèvres.
— Ce que je veux ?
— Après, n'abuse pas, Karol, je suis gentil, mais dans la limite du raisonnable plaisante-t-il.
Je pouffe de rire. Franchement, je n'ai même pas la force de lui demander quelque chose de compliqué, même si l'envie ne manque pas. À vrai dire, sa simple présence est déjà un réconfort.
Il se lève, laissant un silence réconfortant s'installer entre nous. Je continue de savourer mon petit déjeuner, malgré la douleur persistante. Leo revient quelques minutes plus tard avec deux verres de jus d'orange à la main. Il me tend un verre quand je pose enfin mon assiette vide sur la table basse.
— Je peux te poser une question ? demande-t-il, sérieux.
Je hoche la tête, prenant une gorgée du jus.
— Comment tu vis cette histoire avec Sebastian ? Sincèrement ?
Je soupire profondément, posant mon verre. La question est simple, mais la réponse ne l'est pas.
— Ça a été très difficile, commence-je lentement. Heureusement qu'il y avait le groupe, ton frère, mes parents... Hier, c'était comme si j'avais replongé trois ans en arrière. Ce qui est le plus compliqué, c'est de ne pas savoir où il se trouvera dans quelques années. Comment les autorités vont-elles gérer ça ? Même avec une mesure d'éloignement, il ne la respecte pas. Tout n'est pas sous mon contrôle. Ce sont des choses avec lesquelles je vais devoir apprendre à vivre.
Leo me regarde, le visage grave, mais sa voix reste douce.
— Avec ton statut, tu pourrais demander plus de sécurité, non ?
— Oui, dis-je en hochant la tête. Mais c'est pas quelque chose que tu souhaites. Avoir des gardes du corps ou être constamment surveillée, même de loin... C'est oppressant.
— Si tu veux, Jorge et moi, on peut faire les gardes du corps, plaisante-t-il pour alléger l'atmosphère.
Je le regarde avec un air faussement sérieux, l'observant de haut en bas.
— C'est avec tes muscles que tu comptes protéger quelqu'un ?
— C'est culotté, venant de toi, avec tes bras minuscules, réplique-t-il en riant.
Je m'effondre de rire à mon tour, mimant une expression offusquée.
— Bon, je propose qu'on réfléchisse à comment on va pouvoir énerver Ruggero aujourd'hui.
— Excellente idée, répond-il en riant.
Mon téléphone vibre sur la table basse. Je jette un coup d'œil rapide à l'écran : un message de mon avocat.
~~
Avocat
La police souhaite vous entendre une nouvelle fois demain matin, 10h. Préparez-vous à clarifier certains points. Nous en discuterons ce soir, appelez-moi dès que possible.
~~
Mon estomac se serre immédiatement. Même si je savais que ce moment approchait, le voir écrit noir sur blanc rend tout soudainement plus réel. Leo remarque mon changement d'expression et se penche légèrement en avant, inquiet.
— Tout va bien ? me demande-t-il doucement.
Je hoche la tête sans grande conviction, posant mon téléphone face contre table.
— Juste des nouvelles de l'avocat. Il faut que je revoie les enquêteurs demain.
Son visage s'assombrit, et il ne répond rien tout de suite, comme s'il cherchait les bons mots. Je sais qu'il n'aime pas voir ses proches souffrir, et encore moins quand il se sent impuissant.
— Écoute, commence-t-il après un moment. Peu importe ce qui se passe demain, tu n'es pas seule. On est tous derrière toi. Moi, Ruggero, ta famille... Même si c'est dur, on est là.
Je veux le croire, mais ces mots, je les ai déjà entendus trop de fois. Ils sont sincères, je le sais, mais ils n'effacent pas mes craintes.
À cet instant, un autre message apparaît sur mon téléphone. Cette fois, c'est ma mère.
Maman 💗
Bonjour ma chérie. Comment te sens-tu ce matin ? Papa et moi sommes inquiets. Si tu veux qu'on vienne à Paris, dis-le nous
Je reste immobile un instant, lisant et relisant le message.
Leo me regarde en coin, remarquant mon hésitation.
— Tes parents ?
J'acquiesce, tapant une réponse rapide.
~~
Karol
Je vais mieux, ne vous inquiétez pas. Leo et Rugge sont là pour s'occuper de moi. Je vous tiens au courant dès que possible
~~
Quelques secondes plus tard, une nouvelle vibration. Cette fois, c'est mon père.
~~
Papa 🤍
On est fiers de toi. Reste forte. Mais n'hésite pas à nous appeler, d'accord ? Peu importe l'heure
~~
Je repose le téléphone, émue. Leur amour inconditionnel me touche toujours autant, mais il ajoute aussi un poids sur mes épaules : je ne veux pas les inquiéter davantage.
— Ils veulent venir ? demande Leo doucement.
— Oui, dis-je dans un souffle. Mais je leur ai dit que tout allait bien.
Il me fixe un instant, visiblement sceptique.
— Karol, tu sais qu'ils s'inquièteront de toute façon, que tu le leur dises ou non. Peut-être que ce serait une bonne idée qu'ils soient là.
Je secoue la tête.
— Ils ont déjà tellement fait pour moi. Je ne peux pas leur imposer ça.
Un silence s'installe. Leo ne veut pas insister, mais je vois qu'il n'est pas convaincu.
— Bon, écoute, dit-il après un moment. Demain, c'est juste un entretien avec la police. Tu vas éclaircir la situation, ton avocat s'occupera du reste jusqu'au procès. T'es parents peuvent venir, ça te fera penser à autre chose.
Je hoche la tête, même si la perspective d'y retourner me tétanise. Je revois les visages des enquêteurs, sérieux, presque froids, les questions qui s'enchaînent, comme si j'avais toutes les réponses.
— Viens, on sort un peu, propose-t-il soudain.
Je le regarde, incrédule.
— Quoi ?
— Oui, on sort. Une balade rapide, un café dans le quartier... N'importe quoi, mais tu as besoin de changer d'air, ne serait-ce qu'une heure.
Je veux protester, mais il me coupe avant que je ne puisse ouvrir la bouche.
— Je sais que t'as mal et que t'as pas envie, mais ça te fera du bien, je te le promets. Allez, enfile un truc confortable.
Je finis par céder, touchée par son insistance bienveillante. Quelques minutes plus tard, nous sommes dehors, l'air froid de la rue venant piquer mes joues.
— Destination ? demande-t-il, les mains enfoncées dans ses poches.
Je réfléchis un instant avant de répondre.
— Le parc en bas de la rue. Je crois que j'ai besoin de calme.
Nous marchons en silence, le bruit lointain des voitures remplissant l'espace entre nous. Arrivés au parc, nous nous asseyons sur un banc. Je ferme les yeux un instant, écoutant le vent dans les arbres.
— Tu te souviens, dit Leo doucement, de la dernière fois qu'on est venus ici ?
Je souris faiblement, les souvenirs remontant à la surface.
— Oui. Ruggero avait renversé son café sur toi, et tu t'es mis à courir après lui avec ta veste pleine de taches.
— Je voulais lui faire payer, dit-il en riant. Sérieusement, cette veste m'a coûté une fortune.
Son rire est contagieux, et je me sens presque normale, ne serait-ce qu'un instant.
— Il rentre à quelle heure d'ailleurs aujourd'hui ? poursuit-il.
Le ciel est gris et les environs assez sombres malgré la fin de matinée qui s'annonce.
— Pas très tard, il voulait aller au studio pour prévenir de la situation et organiser son planning autrement.
Un éclat scintillant se projette dans le ciel.
— On pourrait commander des pizzas aux champignons pour ce soir ? demande Leonardo.
— Rugge n'aime pas ça.
— Justement
— Il serait obligé de se faire à manger, pendant que nous, on se goinfrerait sur le canapé se moque-t-il.
Je me mets à rire.
Un deuxième éclat vient éclaircir le ciel.
— C'est des éclairs ? demande Léo.
Je hausse les épaules.
— On devrait rentrer, si c'est des éclairs, la pluie risque de bientôt tomber.
On se lève à l'unisson, laissant notre conversation sur ce banc.
Cette petite coupure m'a fait du bien, j'aurais aimé qu'elle dure une éternité.
Mais demain, tout recommencera.
**
hello !!!!
Premier chapitre où la relation Karol - Leonardo est développée !! Qu'est-ce qu'on en pense ?
Bisouille :)
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