24.
Karol
- Écoute je te rappelle si tu veux, je demande à Rugge si ça lui va dis-je au bout du fils.
J'introduis la clé de la porte d'entrée et la tourne lorsque Valentina me répond.
- Ok pas de soucis, on y sera pour 20h je pense, il faut que j'appelle Caro de toute façon.
J'entre dans l'appartement, claque la porte avec mon pied et dépose mes sacs sur le petit meuble à l'entrée.
- Ok on fait ça, à tout à l'heure Valu.
- À tout !
Elle raccroche. Je ferme la porte à clé et récupère mes sacs pour les amener dans le dressing. La journée de tournage a été assez longue aujourd'hui, les stylistes nous ont donné diverses tenues à essayer afin qu'elles puissent faire des retouches les prochains jours.
Arrivée dans le salon, je tape un message à Ruggero concernant le restaurant que Valentina et Michael souhaitent faire ce soir. Je ne sais pas à quelle heure il terminera sa journée, obligée de le prévenir maintenant pour qu'il puisse m'en dire plus.
- Salut, ma belle.
D'un geste brusque, mon téléphone et mes sacs s'écrasent au sol, interrompant le silence de l'appartement. Mon regard se fixe sur la chaise près du comptoir de la cuisine.
Mon cœur rate un battement.
Sebastian.
Il est là, dans mon appartement, assis nonchalamment, un sourire satisfait aux lèvres, comme s'il avait parfaitement sa place ici.
- Ta maquilleuse m'a laissé entrer, dit-il d'une voix calme. Je lui ai dit que je voulais te faire une surprise. C'est l'effet escompté, non ?
Je reste figée, essayant d'assimiler ce qu'il venait de me dire. Ce matin j'ai donné les doubles des clés à Charlotte, elle avait oublié une de ses valises de maquillage et devait la récupérer pour une cliente cet après-midi. Avec le système de sécurité de la porte principale en panne depuis des jours, entrer dans l'immeuble est devenu trop facile.
Mon corps se paralyse sous le choc. Mes yeux s'embuent. Je ne peux pas bouger, je suis clouée sur place, pétrifiée. Chaque fibre de mon être hurle qu'il ne fallait pas que je rentre à cet instant. Et je me maudit d'y être entrée seule.
Il commence à se lever, son mouvement est lent, et mon instinct de survie se réveille. Il faut que je parte, que je me cache, que je fasse quelque chose. Mon regard frénétique scrute la pièce, cherchant une issue, n'importe quoi. Mon téléphone. C'est ma seule chance. Il faut que j'arrive à l'attraper et m'enfermer avant qu'il ne m'atteigne.
Je fais un pas hésitant, les muscles tendus. Je me baisse lentement, sans jamais quitter Sebastian des yeux, le cœur battant à tout rompre.
- Karol, laisse ton téléphone là où il est.
Sa voix est douce, presque persuasive. Mon regard reste ancré au sien, ma main suspendue au-dessus du téléphone.
- Karol...
Son ton se durcit, une ombre de menace se glisse dans son sourire. En une fraction de seconde, je prends ma décision. D'un geste brusque, je m'empare du téléphone et ouvre l'application Dictaphone. Je sais que j'aurais besoin de preuves, car il n'est pas rentré par effraction.
Je relève les yeux juste à temps pour le voir attraper la bouteille de vin qu'Agustin avait laissée sur le comptoir quelques jours avant. Lentement, il descend de sa chaise, comme s'il savourait chaque instant de cette sinistre rencontre.
Mon cœur martèle ma poitrine, l'application est en route, mais cela ne suffira pas. Je fais volte-face et me lance dans une course désespérée à travers l'appartement. Ses pas résonnent lourdement derrière moi, le sol vibre sous son poids. Chaque coup de talon dans le parquet semble se rapprocher, comme un compte à rebours inévitable.
Je me précipite dans le dressing, refermant les portes juste à temps. Le verrou glisse rapidement avec un clic rassurant, mais l'illusion de sécurité est rapidement brisée. Ses poings s'écrasent contre les portes avec une violence qui me fait sursauter.
Je suis pétrifiée, mon souffle est court et irrégulier. Mes mains tremblent si fort que je peine à maintenir mon téléphone. Mais je sais que je dois réagir, et vite. Le Dictaphone continue de tourner, capturant chaque son, chaque mot, chaque seconde de cette terreur.
Je quitte l'application et accède à mes contacts. Ma vision se brouille, mon esprit embrouillé par la panique. Il n'y a qu'une solution évidente, celle que je refuse de voir. Au lieu de composer le numéro de la police, mes doigts glissent sur l'écran, hésitent, puis se posent sur le nom de Ruggero.
Le téléphone sonne, chaque tonalité résonne comme un écho dans le silence oppressant de la pièce. Derrière moi, les coups continuent, plus violents, plus insistants. Je serre le téléphone contre moi, espérant de tout cœur que Ruggero répondra avant que Sebastian ne défonce cette porte.
- Karol sors de la ! hurle-il.
Ses cris résonnent dans l'appartement, son écho se propageant à travers les murs, me glaçant le sang. Je reste figée, agrippant mon téléphone comme si ma vie en dépendait. La sonnerie d'attente résonne dans mes oreilles, chaque bip accentuant ma terreur. Le silence entre les coups est assourdissant, et pourtant, chaque bruit de l'appartement me fait sursauter, le moindre craquement de bois, le moindre souffle de vent me semble être le signal de son arrivée imminente.
La sonnerie continue, interminable, et je lutte pour ne pas céder à la panique. Chaque seconde d'attente semble durer une éternité. Le bruit d'un coup sourd résonne, et je m'imagine déjà la porte se fracasser sous sa rage.
- Allo ?
Ma respiration s'accélère, chaque inspiration semble plus difficile que la précédente. Sebastian est là, juste derrière la porte, et je sais que chaque bruit, chaque souffle pourrait lui indiquer ma position. Mon cœur bat à tout rompre, chaque coup résonne comme une menace.
- Rugge soufflé-je une première fois.
- Oui ?
- Rugge, aide moi.
- Il faut m'aider répétais-je doucement.
Ma voix est tellement basse que je ne suis même pas sûre qu'il ait entendu ce que je lui dit.
- Quoi ? T'es où ?
Le bruit des coups de pied de Sebastian contre la porte cesse brusquement, et un silence lourd s'installe. Mon cœur continue de battre la chamade, chaque pulsation résonne sous ma peau. Je tends l'oreille, écoutant attentivement le moindre son dans l'appartement.
Puis, je l'entends : un bruit sourd, un coup de pied rageur contre le sol, suivi d'un cri dans lequel il hurle mon nom et me demande de sortir. La colère dans sa voix est palpable, mais ce qui est encore plus terrifiant, c'est qu'il commence à s'éloigner.
- À l'appart, aide moi.
Je me concentre intensément sur les bruits environnants, mes sens accrus par la peur. Chaque son, même le plus léger, est un indice précieux dans cette situation critique. J'entends le parquet craquer sous des pas lourds, le bruit des objets déplacés, et maintenant, un silence soudain qui m'angoisse encore plus.
Sebastian est toujours là, quelque part dans l'appartement, et je dois essayer de localiser sa position pour mieux anticiper ses mouvements. Le bruit de ses pas s'éloigne un moment, puis se rapproche de nouveau, faisant le tour des pièces. Je tends l'oreille pour capter le moindre signe, cherchant à déterminer s'il est dans la pièce voisine ou s'il fouille ailleurs.
- Qu'est-ce qui se passe ?
J'entends une porte s'ouvrir quelque part dans l'appartement, mais je ne parviens pas à situer immédiatement où il se trouve. Puis, ses pas résonnent. Mon estomac se noue lorsque je les entends, que je réalise qu'il entre dans notre chambre.
Chambre, qui donne directement sur le dressing où je suis cachée.
- Appelle la police.
Ma voix tremble alors que je raccroche précipitamment. Je glisse le téléphone dans la poche intérieure de ma veste, essayant de dissimuler la peur qui me paralyse. Mais la réalité me frappe : Sebastian est là, dans le dressing, à quelques mètres de moi.
Il avance, la bouteille de vin à la main, ses yeux noirs de rage.
- Attends, Sebastian... je... on peut discuter, balbutié-je, mes mains levées devant moi dans une tentative désespérée de le raisonner, comme si ce simple geste pouvait l'arrêter.
Je recule lentement, chaque muscle tendu à l'extrême, alors qu'il continue de s'approcher.
- On peut discuter, je... je ne sais pas ce que tu veux...
Mais mes mots se perdent dans le vide. D'un geste brutal, Sebastian s'arrête soudainement, sa rage éclate comme un orage. La bouteille de vin vole à travers la pièce, projetée avec une force terrifiante. Je me baisse instinctivement, me recroquevillant au sol. Le verre explose contre l'armoire derrière moi, éclats et liquide pourpre s'éparpillant autour de moi. Quelques éclats de verre m'égratignent, mais l'adrénaline fait taire la douleur. Je me redresse, tremblante, mon regard s'attardant sur la moquette qui s'imprègne du vin, avant de revenir à Sebastian, plus menaçant que jamais.
Les larmes montent, ma vision devient floue. Je lutte pour rester concentrée, mais la panique me submerge.
- Dis-moi ce que tu veux, je... je peux trouver une solution...
Ma voix se brise. Chaque mot est un supplice, la peur me serre la gorge. Je suis perdue, piégée dans ce cauchemar dont je ne sais comment m'échapper. Tout semble irréel, déformé par la terreur. Et dans un coin de mon esprit, je me demande désespérément si Ruggero a compris mon appel, s'il sait ce qui se passe ici.
- Sebastian... s'il te plaît, dis-moi ce que tu veux... on peut te donner de l'argent... si c'est ça...
Son rire glacial résonne dans la pièce, déchirant le silence. Je ne vois presque plus rien, les larmes brouillent ma vue, et la terreur est si intense que je sens le monde vaciller autour de moi.
- C'est la vie de Ruggero que je veux.
Mon dos heurte violemment les portes derrière moi, celles que j'avais verrouillées plus tôt, me retenant dans un espace devenu une cage. Sebastian s'avance, plus furieux que jamais.
- C'est moi qui aurais dû être à sa place ! Tu comprends ça ? hurle-t-il, sa voix brisée par la haine.
- Je n'ai plus rien, Karol... À cause de vous.
Il se rapproche encore, et je suis collée contre le bois des portes, son ombre menaçante m'engloutissant. Ses mains s'élèvent vers mon visage, glaciales, et je sens la peur m'étrangler avant même que ses doigts ne se referment autour de mon cou.
- Je veux sa vie. Et je te veux toi.
Ses mains se serrent brutalement autour de ma gorge, et en un instant, je bascule trois ans en arrière, revivant l'enfer de l'une de nos disputes passées. Son emprise est ferme, implacable, et même si ma vision est déjà brouillée par les larmes, je perçois la lueur de satisfaction qui brille dans ses yeux.
L'air me manque, mes jambes fléchissent, et je sens que je vais m'écrouler. Une part de moi veut céder, sombrer dans l'inconscience pour échapper à cet enfer. Mais une autre part, plus forte, plus désespérée, sait que si je m'évanouis maintenant, tout sera fini.
Je lutte pour rester consciente, mes yeux s'ouvrent et se ferment lentement, la voix de Sebastian devient un écho lointain dans mes oreilles. Il hurle quelque chose, mais les mots se perdent dans le brouillard qui envahit mon esprit. Je me débats intérieurement, cherchant désespérément un moyen de m'en sortir.
Avec ce qu'il me reste de force, mes mains glissent le long du bois de la porte, cherchant frénétiquement les poignées. Mes doigts rencontrent enfin le verrou, et d'un geste désespéré, je parviens à ouvrir les portes. La surprise fige Sebastian un instant, et je profite de ce moment pour me laisser tomber en arrière, échappant à son emprise.
Je me relève d'un bond, titubante, et je cours. Je ne vois presque rien, mes yeux embués et la panique aveuglant mes pas. Ma gorge brûle, je tousse violemment, presque prête à vomir, mais je continue. Je dois continuer. Ma vie en dépend.
Je traverse le couloir en trébuchant, heurtant les murs, mes sanglots se mêlant à mes cris désespérés. Peut-être que quelqu'un, quelque part, m'entendra. Derrière moi, je l'entends, Sebastian me poursuit, ses pas lourds et implacables.
J'atteins la porte d'entrée, mes mains tremblantes trouvent la clé. Je me retourne, juste à temps pour voir Sebastian trébucher sur mes sacs éparpillés au sol. C'est ma chance. Je tourne la clé, la porte s'ouvre enfin, et je tombe en arrière, épuisée, vidée de toute énergie.
- Mettez vos mains en évidence !
Je n'ai pas le temps de comprendre grand-chose. En un instant, une dizaine d'hommes armés envahissent l'appartement, braquant leurs armes sur Sebastian. La scène est floue, irréelle, comme un film qui se déroule sous mes yeux. Trois d'entre eux s'avancent vers moi, leurs mouvements rapides et coordonnés. Ils me saisissent doucement mais fermement, m'entraînant hors de la pièce. Je crois qu'ils essaient de me parler, leurs lèvres bougent, mais je n'entends plus rien. Tout est devenu étouffé, lointain, comme si je me trouvais sous l'eau.
Les cris résonnent derrière moi, échos d'une violence que je ne peux plus supporter. Des allées et venues s'agitent dans le couloir, et je me sens comme un spectateur impuissant, figée dans ce cauchemar éveillé. Ma vision se brouille, le monde vacille, mais je perçois vaguement une main se refermer sur mon bras, me guidant avec précaution.
— Mademoiselle, vous vous sentez bien ?
Les mots me parviennent, distants, presque irréels. Je hoche la tête sans vraiment comprendre, mes pensées embrouillées par la peur et l'épuisement.
- Les pompiers viennent d'arriver, continue une autre voix, plus proche cette fois. Tout va bien se passer, vous allez pouvoir vous reposer.
Je crois qu'on me guide vers l'ascenseur. Les minutes s'effacent, je me laisse porter, avançant sans vraiment savoir où je vais. Les hommes qui m'escortent continuent de parler, leurs voix sont calmes, tentant de m'apaiser, mais je n'arrive pas à saisir le sens de leurs paroles. Les talkies-walkies crépitent de directives et de codes, leurs bips sonores se mêlant à la cacophonie de mes pensées.
Enfin, les portes de l'ascenseur s'ouvrent et je me retrouve dans le hall de l'immeuble. La scène qui m'attend à l'extérieur est surréaliste : des dizaines de personnes s'agitent, les gyrophares des voitures de police et des camions de pompiers projettent des éclats de lumière bleue et rouge sur les murs, un ballet de lumières aveuglantes et de bruits assourdissants.
Lorsque nous franchissons les portes, mon regard se fixe sur une silhouette familière, immobile devant l'un des camions garés en travers de la route. C'est Ruggero. Sa présence brise quelque chose en moi. Les larmes que j'avais réussi à contenir explosent soudainement, et les policiers m'autorisent à le rejoindre. Je n'attends pas une seconde de plus.
Je cours vers lui, mes jambes faibles mais déterminées, et m'écroule dans ses bras. Sa chaleur, sa force, c'est tout ce dont j'avais besoin. Il me serre contre lui, son étreinte protectrice, presque désespérée.
- Ça va ? Tu vas bien ? me demande-t-il, sa voix tremblant d'inquiétude.
Il attrape mon visage entre ses mains, scrutant chaque recoin de ma peau, cherchant des blessures invisibles. Ses yeux me questionnent, cherchant des réponses que je n'ai pas la force de formuler.
- Il t'a fait quelque chose ? Karol, tu es blessée...
Je secoue la tête doucement, mais les mots ne viennent pas. Je suis en vie, c'est tout ce que je sais. Les douleurs, les égratignures, tout est anesthésié par le choc. Je veux parler, lui dire que tout ira bien, que je suis là, mais ma gorge est nouée, les mots restent coincés.
- Ça va aller, me dit-il doucement, sa voix se voulant rassurante. Tout va bien se passer maintenant.
Une voix féminine s'élève derrière moi. Une pompier s'approche, son sourire bienveillant, une couverture de survie dans les mains.
- Mademoiselle Sevilla ? Les pompiers vont vous examiner, vous avez quelques plaies.
Je sens la couverture enroulée autour de mes épaules, le froid du métal contrastant avec la chaleur des bras de Ruggero. Son regard ne me quitte pas, il me tient toujours, comme s'il avait peur que je disparaisse si jamais il lâchait prise.
Prochaine étape : parler. Parler de tout ce qu'il vient de se passer.
~~
alors, ce chapitre ??
qui avait imaginé ça ? 🤭
n'hésitez pas à voter & commenter :)
bisous !
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