81.
Karol
Assise sur un banc, en bas de l'immeuble haussmannien de Ruggero, je tripote nerveusement mes doigts. Je ne sais pas s'il va décider de descendre, si mon message a été assez convaincant pour qu'il veuille au moins me parler ou si attendre ici ne me mènera à rien.
Au fond, j'espère qu'il descende, au moins quelques secondes. Qu'il m'accorde un instant, et que je puisse mieux lui expliquer. Ou alors peut-être que c'est trop tard, que j'ai raté ma chance, et qu'il est déjà en train de tourner la page.
Ça fait à peu près une demi heure que je me torture l'esprit avec ces vagues de questions sans réponses, ayant l'espoir de le voir apparaître à chaque fois que quelqu'un ouvre la porte.
Finalement, lorsqu'elle s'ouvre pour la cinquième fois, je tourne de nouveau la tête en espérant que ça soit lui. Et enfin, sa silhouette se dessine entre les rayons du soleil.
Il s'avance alors, puis s'assoit à côté de moi dans le silence.
- Alors, c'est ici qu'on va régler nos problèmes cette fois ? me dit-il.
- Il n'y a pas d'océan à Paris alors il fallait bien qu'on ait un autre endroit pour ça.
Il sourit doucement, puis se replace en se recoiffant.
- Je suis désolée que tu ai cru que j'en avais rien à faire de toi, ou de tout ce que tu m'avais dit je commence.
Je marque une pause, durant laquelle il me laisse trouver mes mots sans broncher.
- C'est juste que...tout ça me fait peur. Je ne sais pas comment le gérer, si je dois foncer la tête la première ou si au contraire je dois me protéger.
- Personne ne le sais ça, et si ça dure un peu, nous deux, dans un ou deux ans, tu ne sauras pas non plus si tu peux continuer sans avoir peur d'être blessée ou si tu dois t'arrêter là. C'est toi qui m'a dit que l'amour était un risque à prendre, que c'était normal que ça fasse flipper et qu'il fallait parfois lâcher prise.
Je me souviens, comme j'essayais de lui faire comprendre que ces peurs et ces craintes vis à vis de l'amour étaient normales et qu'on les ressentait tous un peu au fond de nous. Seulement, je crois que mes peurs et mes craintes se sont multipliées depuis le lycée, et qu'il m'est plus difficile de lâcher prise.
- Ça va sûrement paraître égoïste continue-t-il. Mais tu ne peux pas tirer un trait sur notre histoire parce que tu as peur, alors qu'il y a un an en arrière tu m'as apprit à les apprivoiser. Je pourrais le faire moi aussi, je pourrais t'aider, c'est mon rôle de te rassurer et de te prouver que nous deux ça peut fonctionner. Il faut juste que tu me fasses un peu confiance.
- Je te fais confiance.
- Mais tes peurs bouffent la confiance que tu as réussi à retrouver.
Je passe mes mains sur mon visage en soupirant.
- J'en sais rien, certainement.
- Je ne serais pas là si au fond de moi je n'avais la conviction que ça puisse fonctionner. Je ne pourrais pas te l'expliquer, mais je ne serais pas là à te courir après depuis des mois si je sentais qu'il n'y avait rien.
- Depuis des mois ?
Il redirige son regard vers moi, et un rictus amusé affine ses lèvres avant qu'il ne détourne le regard.
- Oui, depuis des mois tu peux te moquer.
Je me mets à sourire face à sa gêne. Ruggero n'est que très rarement dans cet état la, il est souvent assez sûr de lui et le regard des autres l'importe que très peu.
- Je me moque pas, je trouve ça mignon.
Je m'esclaffe de rire en le voyant essayer de dissimuler son visage.
- J'arrête de me moquer de toi c'est bon dis-je en passant ma main sur sa nuque.
En laissant toujours ma main sur sa peau, je pose ma tête sur son épaule, comme si c'était une habitude, et nos regards se perdent sur les voitures qui traversent devant nous.
- Est-ce que tu m'as aidé parce que c'était un moyen pour toi de te rapprocher de moi ? je lui demande doucement les yeux rivés vers la route.
- Non, je l'ai fait parce que tu en avais besoin et que ça me tenait à cœur de le faire. Je ne me serais jamais permis de profiter d'une situation pareille pour me rapprocher de toi.
- Merci, d'avoir été là.
- C'est normal, Sevilla.
- J'ai l'impression de vivre un remake de l'année dernière dis-je en riant. On a jamais été très fort pour ça j'illustre mes paroles en nous désignant du doigt.
- Ouais, c'est vrai dit-il en soufflant un rire à son tour.
- J'espère qu'il n'y aura pas un remake de cette scène l'année prochaine je dis en me redressant.
Il tourne la tête vers moi et je fais de même. Il me regarde, puis ses yeux s'arrêtent un instant sur mes lèvres avant de remonter.
- Il n'y en aura plus jamais, je te le promets.
Je me mets alors à sourire face à lui, ses lèvres s'étirent à son tour puis elles ne mettent pas longtemps avant de venir s'écraser doucement sur les miennes. Comme pour celer un pacte silencieux, et commencer notre nouvelle histoire.
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