6.

Ruggero

Depuis que je me suis réveillé, je suis plongé dans mon carnet de chansons. Ma guitare trône sur mon lit, à côté de mon médiator et de quelques feuilles froissées. J'ai abandonné ce carnet pendant un long moment, je dirais six mois voire un an. Lorsque je suis partie rejoindre ma mère en Italie, l'envie m'a repris. Retourner là bas à réveillé chez moi, un rêve d'enfant que j'avais enterré. J'ai écris quelques textes pendant mon séjour, et c'est la première fois depuis que je suis arrivé dans cet appartement que je le ressors. Je crois que j'en avais besoin. Ça me détend, et me fait passer le temps.

Mon téléphone vibre contre le bois de ma guitare. Je n'y prête pas attention la première fois. Je continue de griffonner des petites phrases sur le papier, et à trouver un tempo. Il vibre une seconde fois, puis une troisième presque instantanément. Cette fois je tourne la tête, retourne mon portable et le prends enfin dans ma main.

**

Agustin
Ça vous dit de sortir un peu ?

Michael
Franchement, je me tâte à faire une sieste

Agustin
À 11h du matin Mick ?

Michael
Il n'est jamais trop tôt pour dormir

Agustin
Pour sortir non plus

Agustin
Faites pas vos rabat-joie, je vais vous dépoussiérer un peu

Michael
On sort où ? Et avec qui génie ?

Agustin
Vous, Jorge si il veut venir, Valentina et Caro

Michael
Moi ça me va

Ruggero
Wow attendez on part où ?

Agustin
Ah t'es vivant mec !

Agustin
Rejoignez moi au champs de mars

Agustin
Ah ben non, Caro préfère le sacré coeur

Agustin
Dans vingt minutes

Agustin
Le dernier en retard me paye une glace

Michael
C'est une blague ?

Agustin
Pas du tout ☺️

Ruggero
Je suis à peine habillé t'abuse !

Agustin
À de suite les gars !

Michael
Lui aussi y faut le pousser du quai la prochaine fois

Agustin
❤️❤️❤️

**

Je soupire. Je crois que mon écriture va devoir attendre, il faut que je m'habille.
J'enfile rapidement un sweat à capuche pour accompagner mon jean noir, et une paire de baskets avant d'attraper les clefs de mon appartement et de claquer la porte derrière moi. Je me précipite vers le métro, situé à quelques pas de chez moi et rejoins le quai en peu de temps. Plusieurs personnes l'attende aussi, je me place à côté d'eux. Le stress commence doucement à monter en moi. Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour réfléchir à cette sortie entre le moment où Agustin nous l'a annoncé et celui où je suis partie de chez moi. Mais maintenant je me souviens d'un détail de l'un de ses messages : « Il y aura Valentina et Caro ». Je ne sais pas vraiment comment ces "retrouvailles" peuvent se passer. Je n'ai plus donné de nouvelles à qui que se soit mise à part mes deux meilleurs amis quand je suis partie pour l'Italie, ça a été un grand silence radio de ma part. Je ne sais pas si elles m'en veulent, je suppose que ça ne sera pas comme avant, qu'on ne pourra pas entamer une discussion comme si rien ne c'était passé, mais je n'arrive pas à savoir dans quel état d'esprit les filles se trouvent vis à vis de moi.

Les freins du métro résonnent dans le quai. Les portes s'ouvrent, laissant quelques passagers descendre. Je m'engouffre à mon tour à l'intérieur, puis il redémarre.
Il s'arrête à destination, une quinzaine de minutes plus tard. Je sors, puis remonte dans la rue Steinkerke et me dirige vers le le quartier de Montmartre. Les grandes marches du Sacré coeur me font bientôt face, après quelques minutes, je les aperçois tous les trois aux pieds des escaliers.

- Eh rugge t'es le premier ! Tu me payeras pas ma glace ! s'écrit Agustin.

Je ris face à sa réaction. J'arrive à leur hauteur, fais une poignée de main à mon meilleur ami puis m'avance, hésitant, vers Carolina pour lui faire la bise. Les deux acceptent, sans pour autant m'adresser un mot et je viens me replacer à côté du brun. Je me gratte la nuque. Est-ce que j'engage la conversation avec les filles ? Est-ce que je reste là à rien dire, en attendant que les deux retardataires arrivent ? Finalement, c'est Agus qui me sauve en continuant de déblatérer sur tout et rien.

- Mec dis moi le sincèrement.

Je fronce les sourcils, en me tournant un peu vers lui.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? demandais-je surpris de son ton soudainement devenu sérieux.

- Est-ce que tu trouves que ma chemise me va bien ?

- Sérieusement Agus ?

- Oui ! T'es mon meilleur pote, regarde moi dans les yeux et dis moi ce que tu penses de cette chemise.

Je crois qu'Agustin me surprendra toujours. Et c'est d'ailleurs certainement pour ce côté complètement perché de lui que nous sommes devenus meilleurs amis, je suppose.

- Ben elle te va bien dis-je en haussant les épaules.

- Voilà ! Tu vois que mes goûts ne sont pas merdiques chérie dit-il en se tournant vers la brune.

Carolina se tape le front. Je me mets à rire, accompagné de Valentina qui depuis le début était un peu plus en retrait. Nos regards se croisent, et on s'adresse mutuellement un petit sourire. Ça me détend un peu, je me dis que même si ça ne sera pas simple, j'arriverai certainement à retrouver tout le monde au fur et à mesure. Avec quelques difficultés, certes, mais ça viendra.

- C'est Jorge qui paye la glace. C'est à cause de lui qu'on est en retard, j'en ai rien à faire !

La voix de Michael résonne dans notre dos. On se retourne tous, les deux amis sont essoufflés et presque transpirants, à croire qu'ils ont tous les deux courus un marathon.

- Mais vous êtes venus en courant ou quoi ? demande Valentina.

- Presque ! Il m'a fait descendre au mauvais quai, on a dû continuer en trottinette électrique et il m'a arrêté trop tôt, on a du marcher jusqu'ici se lamente-t-il.

Jorge lève les yeux au ciel. Michael pouvait parfois se montrer assez dramatique dans ses discours.

- On s'est arrêté à trois mètres de là Mick t'abuse rétorque son coloc'.

- Ces trois mètres étaient de trop Jorge continu-t-il sur un ton toujours théâtral.

On rit face à ces deux personnages, avant d'enfin partir en direction d'un stand de glace. Nos commandes passées, on commence à manger tranquillement, sous les plaintes incessantes de Mick qui voudrait s'assoir. D'ici on a une vue plongeante sur Paris, il y a énormément de touristes ou d'étudiants étrangers et malgré le mois de septembre, la capitale est plongée sous un grand soleil encore estival.

- Ça vous dit d'aller visiter le sacré coeur ? demande Carolina enjouée.

- Non !! s'écrit Michael Je veux juste m'assoir moi !

J'aperçois Jorge lever les yeux au ciel, tandis que je me retiens de rire face à son visage décomposé.

- Moi je veux bien dit-il en réponse à Caro.

- Je reste ici, je l'ai déjà vu dis-je.

- Moi aussi, je l'ai déjà visité répond Valentina.

- Moi je vais acheter à boire. J'ai soif avec vos conneries rétorque Mick.

- Bon, on vous laisse ici et on vous rejoint dès qu'on ressort ! nous annonce Caro avant de tirer son copain et Jorge par le bras.

Nos trois amis disparaissent à travers les nombreux passants, nous laissant seuls face au immenses escaliers.

- Vous voulez rien à boire ? nous demande le brun .

- Non c'est bon merci.

- Et Valu ?

Je me retourne vers elle. La blonde contemple le paysage qui s'offre à elle en prenant des dizaines de photos, n'ayant pas du tout prêté attention à notre petite discussion.

- Valentina, tu veux quelque chose à boire ? je lui demande.

Elle tourne la tête vers moi en fronçant les sourcils.

- Non, merci.

Michael ne mis pas plus de temps avant de tourner les talons et de s'enfuir chercher quelque chose pour s'hydrater. Valentina quant à elle, reste face à moi avec son air d'incompréhension.

- Depuis quand tu m'appelles Valentina ?

Je hausse les épaules. Je crois que c'est même la première fois que j'utilise son prénom entier, mais la situation fait que je ne sais pas vraiment si je peux continuer à l'appeler par son surnom habituel.

- Je sais pas, je dois t'appeler Valu ?

- Oui, enfin je crois.

Un petit rire m'échappe face à notre hésitation. On ne sait pas vraiment comment se comporter elle et moi, on se connaît depuis un moment mais il ne nous est jamais arrivé de ne plus se parler. Puis il faut se le dire, cette situation n'est pas anodine.

- Je crois qu'on a des choses à se dire, non ? lui dis-je.

- Oui, je pense aussi.

Elle s'avance doucement vers les marches face à nous, avant de s'y assoir, et d'un geste de main elle m'indique la place à côté d'elle. Je m'y installe à mon tour, les bras sur les genoux, et je décide de commencer le premier.

- Je suis désolé d'être partie sans explication, et d'être réapparu à Paris comme si de rien n'était.

- Pourquoi tu nous as rien dit ? On était là pour ça Ruggero.

- Je sais, mais y'a certaine chose qu'on n'arrive pas à contrôler. Je ne me sentais pas bien, j'avais juste envie de partir sans qu'il y ait qui que se soit pour m'en dissuader. J'avais besoin de souffler, alors je suis partie. Je me suis dis que ça serait mieux pour tout le monde de toute façon.

- Je comprends, si c'est ce dont tu avais besoin.

- Je ne voulais pas m'éloigner de vous ou que vous vous sentiez mis de côté, c'était juste un choix personnel.

Elle hoche la tête d'un air compréhensif. Même si Valentina peut se montrer rancunière, elle comprend aussi beaucoup les gens qui l'entourent. Je sais qu'elle peut se mettre à ma place, et j'ose espérer qu'elle me connaisse assez pour savoir que mon départ ne partait pas d'un mauvais sentiment.

- Mais la prochaine fois parle nous en, ça sert à ça les amis. Arrête de toujours vouloir régler tes problèmes tout seul, même si tu étais en tort, je sais que tu as aussi souffert de cette situation.

Valentina ne sait pas vraiment ce qu'il s'est passé ce soir là. J'ai raconté ma version à Agustin et Michael, quand je les ai rejoint le soir où tout c'est finit, ce sont les seuls au courant. Je leur ai demandé de ne pas en parler, parce que j'avais envie de ne plus y penser, d'oublier tout ça. Je me suis dis que partir en Italie me ferait du bien, et qu'en arrivant à Paris tout serait plus simple, mais je me suis complètement trompé. La réalité m'est tombée dessus à la seconde où j'ai mis un pied dans la capitale. Pourtant c'était prévoyant, tout me relie à elle d'une manière ou d'une autre, j'ai simplement repoussé ce moment jusqu'à ce que tout n'explose. Une seconde fois.

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