52.

Karol

Je sors de la douche, enroulée dans une serviette de bain, je traverse le salon à pas de souris pour ne pas réveiller Ruggero qui dort sur le canapé. Je cherche ma pince à cheveux, ça fait déjà quelques jours que je la cherche mais cette fois j'en ai vraiment besoin. Je regarde sous les coussins, sur la table basse, et enfin sur le piano. Il y a une tonne de choses sur cet instrument, Ruggero passe le plus clair de son temps assis ici. Je me permet de fouiller sans vraiment regarder tous ces papiers, ça ne me regarde pas et je ne veux pas lui manquer de respect.
Finalement, je trouve bien ma pince, posée sur un carnet noir. Un petit écriteau en lettre dorée attire mon attention au bas de ce livre : "La musica è un'arte che si suona con il cuore". Une irrésistible envie de l'ouvrir me prend. J'hésite, durant un long moment. Je sais que ce n'est pas bien, ce carnet est sûrement à lui et je n'ai pas le droit de regarder ce qu'il y a à l'intérieur. Mais l'envie me démange. Je jette un coup d'œil vers lui, il semble dormir à point fermé. Si je l'ouvre, juste une demie seconde, il ne le remarquera pas ? Je soupire silencieusement, ma curiosité me tuera un jour. Je me retourne une seconde fois vers le piano, attrape le carnet posé dessus, puis l'ouvre.

La première page est presque vierge, juste quelques mots sans contexte s'y balade, mais le titre de la seconde attise ma curiosité. « No te voy a fallar » mes yeux descendent un peu plus bas sur la page, et je m'attarde sur chaque mot. Je tourne la troisième, puis la quatrième page, abasourdie parce que je peux lire. Ce carnet renferme des tas de compositions, des pages sont vierges ou semblent pour certaines avoir été déchirées. D'autres contiennent des idées, ou de simples phrases, ou alors une chanson toute entière. J'ignorais qu'il écrivait, et aussi bien que ça. Je sais qu'il sait jouer de plusieurs instruments, dont sa guitare qu'il ne se sépare jamais, mais tout ce travail est incroyable.
Encore envoûtée par ma curiosité et ma trouvaille, la voix de Ruggero me fit sursauter.

- Karol ? Qu'est-ce que tu fais ? me demande-t-il la voix rauque et toute endormie.

Je me retourne vers lui, le sourire aux lèvres et enjouée par ma découverte. C'est plus fort que moi, je veux lui en parler, lui faire part de mes impressions, que tout ça est magnifique et qu'il devrait en faire quelque chose.

- Pourquoi tu ne m'avais jamais parlé de ce carnet ? C'est incroyable tout ce qu'il y a dedans !

Pendant un court instant, il semble scruté le petit livre que je tiens entre les doigts. Ses yeux s'écarquillent, et la mine endormie qu'il affichait il y a quelques secondes se transforme en panique. Il saute du canapé et s'approche rapidement de moi, avant de m'enlever son carnet des mains.

- Ça fait combien de temps que tu regardes ça ? me demande-t-il.

Je hausse les épaules, un peu déconcertée.

- Euh...pas longtemps je cherchais ma pince et..

- Karol je t'ai déjà dis que ta curiosité était ton plus grand défaut.

Il referme le carnet, puis commence à s'en aller vers les chambres.

- Oui ben en attendant j'ai bien fait d'écouter ma curiosité, parce que pour une fois c'était intéressant dis-je derrière son dos.

Il s'arrête, puis se tourne une nouvelle fois vers moi.

- Tu as lu jusqu'à qu'elle page ? me demande-t-il.

- La cinquième dis-je hésitante.

Il me regarde, comme s'il savait que je mentais.

- Bon peut-être la sept ou la huitième...j'avoue et il lève les yeux au ciel. Mais je t'assure que tu as un vrai talent pour l'écriture ! dis-je en m'avançant vers lui.

Il me regarde m'approcher, du haut de ses grands yeux marrons.

- Sérieusement ! Toutes ces compositions sont incroyables, tu devrais penser à en faire quelque chose continuais-je.

- J'écris juste ce qui me passe par la tête, aucunes de toutes ces compositions n'est assez parfaite pour en faire quoi que se soit.

Je trouve ça dommage qu'il dénigre un travail aussi beau que ça. Je fais la moue et il se met à rire. Je relève la tête vers lui, en le questionnant.

- Toi tu sais ce que tu devrais penser à faire ? me dit-il.

- Non, quoi ?

- T'habiller. À moins que tu veuilles passer la soirée comme ça rit-il.

Il tourne alors enfin les talons, après m'avoir détaillé de la tête au pied, me laissant seule sur le parquet du salon. Je reviens à la réalité, récupère ma pince et attache mes cheveux mouillés, avant de passer mes deux mains sur mes joues brûlantes. Je savais que j'aurais dû enfiler mon pyjama avant de sortir de la salle de bain.

**

J'ai fini par enfiler un jogging et un t-shirt en guise de pyjama, puis je me suis séchée les cheveux et suis revenue dans le salon. Ruggero s'est à nouveau installé sur le canapé, la tête plongée sur son téléphone. Je jette un coup d'œil au piano, son carnet à disparu, je me mords la joue un peu déçue qu'il me l'ait enlevé des mains tout à l'heure.
Je me dirige finalement vers lui, et m'assois à ses côtés. Il regarde une série, et ne me porte pas vraiment d'attention. Mais des milliers de questions s'entrechoquent dans mon esprit. Je veux en savoir plus sur ce que contient ce carnet, pourquoi il ne veut pas que je le lise ? Et pourquoi il ne veut pas partager les compositions qui s'y trouvent.

- Rugg' ?

- Mmh ?

Son regard est toujours dirigé vers l'écran face à nous. J'hésite à lui en parler, peut-être que si il a caché ce carnet c'est qu'il ne veut pas en parler ? Mais en même temps, mes questions me démangent. Je soupire intérieurement, il a raison, ma curiosité est vraiment mon pire défaut.

- Tu peux m'en dire plus sur ton carnet ? j'ose tout de même hésitante.

Il soupire, puis croise ses bras contre son torse.

- Non Karol.

- Juste sur une chanson alors ?

- Non plus me dit-il.

Je soupire de désespoir en m'enfonçant dans le canapé. Je n'ai pas l'habitude de renoncer aussi facilement, et encore moins avec lui, il le sait.

- Tu ne me fais pas confiance ? je demande soudainement.

- Ça n'a rien à voir Karol me répond-il doucement.

- Mais alors tu peux m'en parler ? S'il te plaît Rugge allé ! dis-je en me tournant vers lui en le suppliant.

Il soupire une seconde fois, il se redresse, met sa série sur pause et il tourne sa tête vers moi.

- Tu ne vas pas me lâcher tant que je ne t'aurais rien dit hein ?

Je hoche la tête de droite à gauche avec un regard de chien battu, il se met à sourire.

- Ces chansons appartiennent toutes à un passage de ma vie. Les premières, je les ai écrites début lycée. Je n'écris pas toujours là dedans, mais ces derniers temps l'envie m'a repris.

- Qu'est-ce qui t'as donné envie de reprendre ?

Il hausse les épaules.

- Quand j'étais en Italie j'ai eu besoin d'écrire. Ça m'a permis d'extérioriser certaines choses.

- Et, pourquoi tu ne veux pas les montrer à quelqu'un ? Tu as vraiment du talent, je suis persuadée que tu pourrais faire quelque chose de ces textes.

- Ils sont trop personnels, quand je te dis que chacun d'eux appartiennent à un passage de ma vie, je parle des plus difficiles comme des plus heureux. Je parle de tout...même de toi.

Je suis surprise par son aveu. Je suis hypnotisée par son regard, sa façon de me regarder, mais je baisse la tête.

- Tu as écris des chansons sur moi ? je demande plus timide qu'avant.

Un ange passe. Je ne relève pas la tête pour autant, je reste concentrée sur mes doigts. Puis je le sens bouger un peu, et son souffle s'abattre contre ma joue.

- La curiosité est un vilain défaut je te l'ai déjà dit me souffle-t-il.

Il se lève ensuite, et je relève à mon tour la tête. Il ne manque pas de culot.

- Mais c'est toi qui a amené le sujet ! lui dis-je.

Je l'entends rire en se dirigeant vers la cuisine.

- Tu veux manger quoi ce soir ? me crie-t-il en esquivant le sujet.

J'attrape un coussin en fronçant les sourcils. Je déteste quand il fait ça.

- Ça sert à rien de bouder Karol ! crie-t-il une nouvelle fois à travers l'appartement.

Je plisse les yeux. Comment il sait ?

- T'es pas marrant Ruggero !

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