19.

Carolina

Ça fait une dizaine de minutes que je fais les cent pas devant un banc, près du jardin du Luxembourg. Des tas de questions me viennent à l'esprit, je suis partagée entre la tristesse et la colère. Je me sens trahie. Si toute cette histoire est vraie, que cette lettre provient réellement de Ruggero, j'ai cette impression amère d'avoir vécu une histoire d'amour pendant presque un an complètement fausse.

Quelques minutes plus tard, je le vois enfin s'avancer vers moi, le sourire aux lèvres. Il arrive à ma hauteur, puis se penche pour m'embrasser. Je l'esquive en tournant simplement la tête, il me questionne du regard en fronçant les sourcils.

- Ça va pas ? me demande-t-il doucement.

- Non ça va pas.

Mon ton le surprend, je n'ai pas pour habitude de m'énerver souvent, et il sait que lorsque c'est le cas c'est qu'il y a une bonne raison.

- Assis-toi s'il te plaît, il faut que je te dise quelque chose lui dis-je d'un ton sec.

Il s'exécute, je reste debout devant lui en faisant les cent pas l'expression neutre et les sourcils froncés. Je le vois me suivre du regard, et se demander silencieusement ce qu'il peut bien m'arriver. Alors je ne le fais pas plus patienter, et je commence :

- Tu n'as rien à me dire ?

Il me regarde, puis hausse les épaules, hésitant.

- Non m'affirme-t-il.

- Tu es sur ? Même si tu cherches un peu, tu n'as rien à me dire ? insistais-je.

Il m'affirme une nouvelle fois que non, qu'il n'a rien à me dire et qu'il ne voit pas de quoi je parle.

- Karol a reçu une lettre après la remise des diplôme en juillet. C'est Ruggero qui l'a écrite.

Il fronce les sourcils, et semble encore plus confus qu'à son arrivée.

- Tu ne vois pas de laquelle je parle ?

- Non, je ne savais même pas que Rugge lui avait écrit une lettre.

Je fouille alors dans mon sac, et y sort la fameuse lettre en prenant soin de la déplier. Et la lui tend. Il la prend, dubitatif, et commence à la lire silencieusement devant moi. Arrivé à la moitié, il marque une pause, relève la tête vers moi et essaye de capter quelque chose dans mon regard. Comme pour savoir si j'avais bien lu cette lettre.
Mes yeux parlent d'eux même, il sait que je l'ai lu, et que j'ai vu ce qu'il y racontait.

- C'est vrai ? je lui demande.

Un silence tourne autour de nous.

- Ce qu'il a dit sur toi, est-ce que c'est vrai ? demandais-je une seconde fois d'un ton plus dur.

- Je ne voulais pas faire ça...commence-t-il.

Je me mets à rire nerveusement. Je ne peux pas y croire. Dites-moi que c'est une blague, je vis dans le mensonge depuis près de huit mois. J'ai l'impression que toute cette situation est un cauchemar, et je rêve de me réveiller au plus vite.

- J'avais dit aux garçons que c'était une mauvaise idée, je t'assure que je ne voulais pas se défend-il.

- Ne remets pas la faut sur les garçons, il t'ont mis le couteau sous la gorge pour que tu acceptes ? Tu n'es pas capable de prendre une décision seul avec ton âme et conscience ?!

- Si, mais je te jure que j'étais sincère !

- Tu t'es rapproché de moi pour un pari Agustin. À partir de là, même ta démarche n'était pas sincère.

Il se tait. Il est là devant moi, assis sur ce banc, cette lettre à la main, et ce regard qui me supplie de ne pas prononcer les mots qui rompra notre futur à deux pour toujours. Je passe mes mains sur mon visage, mes yeux s'humidifient inconsciemment.

- Comment tu as pu garder ça pour toi. dis-je dans un souffle.

- Tu as vue Karol et Ruggero se séparer à cause de ça, tu étais d'accord avec moi quand je te disais à quel point ce qu'il avait fait était malsain. Alors que pendant tout ce temps tu faisais la même chose !

Je ne sais pas si je suis triste, ou si j'ai juste de la peine d'avoir fait confiance à ce garçon durant des mois. Je ne le pensais pas capable de ça, encore moins de le garder aussi longtemps. Et puis si je ne l'avais pas découvert, il serait encore en train de me mentir ? Je n'arrive pas à comprendre comment il est arrivé à se regarder dans un miroir durant tout ce temps. Comme il est arrivé à m'embrasser, et à me dire des mots doux en me regardant droit dans les yeux.
Ça fait toujours mal lorsque la personne que tu aimes te fait du mal, quand elle te trahie, qu'elle te plante un couteau dans le dos au moment où tu t'y attends le moins.
Je l'aime, je l'aime de tout mon être et pourtant je n'arrive pas à me dire que ce n'est pas grand chose. Il dépose une main dans mon dos, et me colle à lui. Je me suis mise à pleurer à chaudes larmes, sans m'en apercevoir. Je le laisse faire, je le tiens même plus fort contre moi, parce que je sais que c'est la dernière fois. Et je crois qu'il l'a compris aussi, puisqu'il colle son front au mien les yeux pleins de larmes.

- Je suis désolé, si tu savais me souffle-t-il.

Je ferme les yeux, pour ne pas subir le poids de ses émotions qui lui traversent les yeux. Il m'embrasse le haut du crâne, puis petit à petit je me recule. On se regarde, je croise les bras contre ma poitrine comme pour combler le vide qu'il vient de laisser en se détachant. Il sait ce que je vais lui dire, et aucun mot de sa part ne pourra me faire changer d'avis.
J'essuie mes larmes, prends une grande inspiration et me lance une bonne fois pour toutes :

- Je veux qu'on arrête là.

Ma voix se brise, en même temps que mon coeur vole en éclat. Je crois que je n'aurai jamais pensé lui dire un jour, ça me paraît irréel. Je le vois abattu devant moi, dans le même état que le mien. Il acquiesce, les joues humides et puis il intervient une dernière fois :

- Je crois que j'ai commis la pire erreur de ma vie ce jour là souffle-t-il la voix cassée.

- Je veux juste que tu saches que je t'aime, je n'ai jamais joué avec ça. Je veux que tu sois heureuse, parce que tu le mérites.

Je lui souris faiblement. Il me regarde une dernière fois, dépose la lettre sur le banc, puis tourne les talons dans le chemin inverse.
J'ai une atroce douleur au coeur, puis un vide, un immense vide en moi. J'ai du mal à réaliser, à assimiler que tout est fini, pour de bon.

Je m'assois sur ce banc, le regard dans le vide, et mes larmes dévalent encore plus mes joues qu'auparavant.

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