8.
Karol
- Maman je sors ! je crie à travers la maison.
- D'accord fais attention, je t'aime !
Je claque la porte derrière moi après lui avoir répondu. Je dois aller en ville m'acheter une robe de cocktail pour le gala de ma mère qui a lieu dans deux semaines. J'ai demandé conseil aux filles pour savoir qu'elle couleur ou quel model conviendrait le mieux, mais je n'ai pas la moindre idée de ce que je vais pouvoir acheter. Ma mère m'a dit qu'il n'y avait pas de thème particulier, ce qui m'arrange encore moins au vu de mon indécision.
Je sais que ce gala est quelque chose qui lui tient à cœur, mais entendre ses collègues me poser des centaines de questions sur ma vie amoureuse - pour le moins déplorable - ne m'enchante pas forcément. Ils sont tous très gentils, des personnalités assez extravagantes mais ils peuvent se montrer un peu envahissants sur certains point de la vie personnelle des gens.
Je déambule encore dans les rues du centre de Buenos Aires, à la recherche d'un magasin qui pourrait faire l'affaire. Je m'arrête devant quelques vitrines pour prendre le temps de regarder les tenues déjà exposées sur les mannequins, mais rien ne m'attire forcément l'œil.
Je suis partie m'acheter un cookie dans une boutique de confiseries du coin, et je continue sans m'arrêter d'entrer dans différents magasins de la ville.
Pour la cinquième fois de l'après-midi, je ressors bredouille d'un commerce. Je regagne la rue les bras ballants, un peu déçue. Ma marche continue pendant une bonne dizaine de minutes, j'ai reçu un message de Valentina qui me conseillait une robe de couloir rouge, parce qu'elle trouve que ça va bien avec mon teint et mes cheveux mais je suis encore sure de rien.
J'arrive sur une longue avenue, où les terrasses amènent un nombre conséquent de monde. J'aime beaucoup me promener ici, c'est très vivant et lorsque le soleil surplombe Buenos Aires ça lui donne un air estival. Mes yeux balayent tous ces gens souriants, et pour la plupart heureux, mais un peu plus loin je croise le visage de Sebastian qui lorsque je pose mon regard sur lui, m'adresse un immense sourire.
Je ferme les yeux, et me demande silencieusement pourquoi j'ai tourné la tête à cet instant. Je ne reste pas longtemps immobile, la masse de personne est dense mais il ne lui faudrait pas beaucoup de temps avant de se frayer un chemin pour me rejoindre. Je tourne les talons dans le sens inverse, et remonte la rue pour gagner la grande place.
Là-bas le monde est souvent plus abondant, l'espace est dotant plus grand et je pourrais peut-être le perdre un peu plus facilement.
J'ai cette désagréable sensation de le sentir derrière moi, son regard me brûle le dos à chacun de mes pas. Je peux ressentir sa présence. Il me suit, il est bel et bien derrière moi et lorsque j'en prends conscience, un frisson me parcours la colonne vertébrale. Je n'ose pas vraiment me retourner, de peur de recroiser une nouvelle fois son regard, ou de tomber nez à nez avec lui. Mais malgré cette foule et ce bruit, je peux discerner le ton de sa voix entre celle des nombreux passants. J'ai des sueurs froides. Mon corps est crispé de haut en bas, mes mains tremblent et j'ai encore l'impression d'être prise au piège. Sa présence me met mal à l'aise, j'ai envie d'être hors de sa vue, loin de tout, loin de lui. Mais à cet instant, je n'ai nulle part où me réfugier pour lui échapper. Il est encore derrière moi et maintenant je l'entends bien m'appeler distinctement :
- Karol !
Je fais semblant de ne pas avoir entendu, et continue d'avancer le pas pressé.
J'arrive en face de la grande place et je cherche désespérément un endroit où me mettre, en vain. Il est encore trop près de moi pour me perdre du regard. Mes yeux balayent l'endroit de fond en comble, espérant y voir un visage familier mais je ne vois personne à part des milliers de touristes autour des jardins et de la fontaine. J'angoisse de me retrouver en face de lui, seule, sous son regard glaçant. La pression monte. Je panique un peu. D'un côté, j'entends ses pas se rapprocher de moi à chaque seconde, comme un bruit sourd au creux de mes oreilles. Je sens mon coeur battre un peu plus contre ma cage thoracique. Puis mes yeux qui s'activent à trouver une solution miracle de dernière minute.
Ils se posent sur quelqu'un, à quelques mètres de là. J'hésite. Je jette un rapide coup d'œil à Sebastian, et mon temps d'hésitation ne fut plus très long. Je disparaît sous son regard en un claquement de doigts. J'ai aperçu non loin de là Ruggero à côté de la grande fontaine, qui surplombe cet endroit. Je ne sais pas si je suis heureuse de le voir ou non, mais je crois que c'est la première fois que je le remercie d'être encore sur mon chemin.
- Ruggero !
Il se retourne en essayant de capter la voix qui l'avait interpellé. Je trottine vers lui, il me perçoit enfin et par instinct je lui attrape le bras, comme si il était une bouée de sauvetage.
- Ruggero aide moi s'il te plaît je lui chuchote.
Il fronce ses sourcils, donnant à son visage un air plus dur. Son regard brun est rivé sur moi, et mon stress quitte presque mon corps lorsque je croise ses pupilles.
- Karol !
Il arrive à notre hauteur, le sourire aux lèvres. Je ne lui dis rien, je reste pendue au bras de Ruggero face à lui et son expression détestable.
- Tu veux venir avec moi ma belle, je vais boire un verre ?
Ma main ressert son bras, comme pour lui demander silencieusement de répondre à ma place. Et c'est ce qu'il fait.
- Elle peut pas elle est déjà avec moi aujourd'hui répond-il.
- C'est pas à toi que j'ai posé la question répond Sebastian.
Les deux garçons me regardent, attendant une réponse de ma part.
- Je suis avec Ruggero, donc non j'ai pas envie de boire un verre avec toi.
Je sens ses yeux me fusiller sur place. Ma réponse ne lui a pas plu et lui comme moi savons qu'il n'aime pas que je prenne d'aussi grandes initiatives à son égard.
- T'es sure ? Tu peux me rejoindre après insiste-t-il.
- C'est quoi que tu comprends pas dans « elle est avec moi aujourd'hui » ?
- Et toi c'est quoi que tu comprends pas dans « c'est pas à toi que je m'adresse » ?
Ruggero semble agacé par notre interlocuteur. Il lui fait face, le menton relevé.
- Elle passe sa journée avec moi que tu le veuilles ou non c'est clair ? Donc t'es bien gentil Sebastian mais maintenant qu'elle m'a rejoint on va pouvoir aller faire un tour sans que tu nous déranges.
Sebastian le dévisage, et Ruggero ne prend pas la peine de lui laisser le temps d'en placer une. Il place son bras sur mes épaules et fait demi tour, m'amenant avec lui plus loin.
- Merci je souffle.
- Qu'est-ce qui se passe avec Seb ? demande-t-il.
Je ne sais pas si je peux lui dire, si ça ne va pas aggraver les choses. Je ne sais pas si je peux faire confiance à Ruggero au point de lui raconter ça. Peut-être qu'il va s'empresser d'aller le dire à ses potes, et qu'il prendra mon aveux à la rigolade.
- Rien ...
Il me regarde de sa hauteur, un air perplexe sur le visage.
- Tu ne peux pas me dire qu'il n'y a rien après ce que je viens de voir. Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je regarde mes pieds, puis le monde qui m'entoure. Il n'a pas l'air de vouloir se moquer de la situation, mais peut-être que pour lui ça ne sera pas grand chose.
- Je ne sais pas si je peux...
- Si tu peux me le dire ? me complète-t-il.
J'acquiesce sans trop savoir quoi dire.
- Pourquoi tu ne pourrais pas ?
- Je sais pas, j'ai pas envie que tu le cries sur tous les toits.
Il enlève son bras de mes épaules, et jette un regard derrière nous pour s'assurer que Sebastian ne nous voit plus.
- Je sais qu'on est souvent en conflit tous les deux commence-t-il.
Il a pas tord. Puis nous n'avons jamais fait d'efforts pour mieux s'entendre.
- Mais j'ai le sentiment que ce qui se passe avec Seb n'a rien à voir avec quelque chose de bien. Je peux peut-être t'aider Karol.
Je grimace un peu. Non il ne peut pas m'aider, j'en suis convaincue.
- Non, tu ne pourras pas.
- Qu'est-ce que t'en sais ? Je te promets que je ne dirais rien à personne si tu ne veux pas.
- Et comment je pourrais avoir confiance en toi ?
Il s'arrête, les deux mains fourrées dans les poches de son pantalon en toile. Puis plante son regard vers moi, un sourire en coin.
- Passe la journée avec moi, ça sera à toi de déduire si tu peux me faire confiance.
- Si tu me fais assez confiance à la fin de la journée, tu me dis ce qui se passe avec Seb conclut-il.
Je prends du temps pour lui répondre. Je ne sais pas si je peux avoir confiance en lui. On se connaît depuis un moment mais, notre relation se limite à se taquiner et a ne pas être très agréable avec l'autre. Je ne sais rien de lui, on n'a jamais vraiment eu de conversation sérieuse.
Ruggero Pasquarelli est encore un mystère pour moi.
Et pourtant, lorsque je lève la tête et que je le regarde dans les yeux. Pendant un simple instant, j'aperçois une lueur dans son regard qui me met un peu plus en confiance.
- Marché conclu je souris.
~~
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top