46.

Karol

J'arrive devant le lycée, accompagnée de Jules comme la plupart des matins maintenant. On aperçoit notre groupe d'amis et on s'avance vers eux en souriant.

- Salut ! dit-il le premier.

Après les salutations habituelles, on commence une nouvelle discussion qui par vite en débat, très loin du sujet de départ. Je ne participe pas vraiment à la conversation, je regarde simplement les garçons rire aux éclats et les filles rouler des yeux à chacune de leurs blagues nulles. Mais malgré toute cette euphorie, j'aperçois Ruggero à côté de moi, rester assez à l'écart. Il a les mains dans les poches, les yeux rivés vers le sol et l'air absent. Alors je m'approche un peu plus de lui, et lui donne un petit coup d'épaule pour le faire réagir. Il lève lentement le regard vers moi.

- Ça va ? je lui demande l'air perplexe.

Il hoche simplement la tête en m'adressant un petit sourire.
Ruggero est définitivement très nul pour mentir. Après avoir passé sa main dans ses cheveux, il les fourrent une nouvelle fois dans ses poches et fait face à nos amis pour écouter leur conversation. Le visage neutre.

Je tapote le bras de Ruggero et lui demande avec un mouvement de menton si on peut aller plus loin, avant qu'il accepte et que l'on s'éloigne.

- T'es sûr que tout va bien ? je demande.

Il hausse les épaules et fronce les sourcils face à ma question soudaine.

- Ben oui, pourquoi tu me demandes ça ?

- Parce que ça n'a pas l'air.

- Non, ça va je t'assure je vais très bien dit-il en croisant ses bras contre son torse.

- Rugge, on avait dit plus de secrets.

Il soupire, passe une seconde fois sa main dans ses cheveux et fini par me parler.

- J'ai eu un repas de famille ce week-end qui s'est mal passé. Mes parents veulent que je choisisse chez qui habiter une fois qu'ils auront divorcé.

Il prend une petite bouffée d'air et continue :

- Sauf qu'aucun des deux ne veut rester à Buenos Aires.

Je le regarde un instant sans rien dire. Mon coeur se met à me piquer à travers ma cage thoracique, je déglutis, et un tas de questions se bousculent dans ma tête. Je ne suis pas sure de bien comprendre.

- Quoi..? j'arrive à articuler.

- Ma mère veut retourner vivre en Italie, mon père à New York, et le divorce est bientôt terminé..

- Attends Rugg', ça veut dire que tu vas déménager ?

Il acquiesce. Je suis pétrifiée à l'idée qu'il parte, ça me fait mal. J'aurais définitivement un goût d'inachevé avec lui, on se reparle à peine et on devait repartir sur de bonnes bases. Puis voilà qu'il m'annonce qu'il va devoir partir à l'autre bout du monde. Je n'étais pas préparée à ça, mon coeur l'était encore moins. J'ai l'impression d'être dans un mauvais rêve, et que je m'apprête à me réveiller d'une minute à l'autre.

- Et tes études ? L'université à Paris ? Tu..tu vas faire comment ?

- Je sais pas, je suppose que je terminerai le lycée là bas et pour l'université...je n'irai pas à Paris.

J'ai l'impression que ses paroles sont fausses, et que c'est simplement le fruit de mon imagination.

- Tu en as parlé aux garçons ?

- Non pas encore, je comptais le faire tout à l'heure.

La sonnerie retentit nous indiquant le début des cours. Alors il m'adresse un demi sourire, et tourne les talons me laissant abasourdie devant le portail.

**

- Et tu lui as dit quoi ?

- Je lui ai parlé de ses études je prends ma tête entre mes mains ça m'a surprise, j'avais trop de questions et au lieu de lui demander comment il allait ou lui dire que je ne voulais pas qu'il parte je lui parle de ça ! Donnez moi un cerveau sérieusement, je suis bête.

- C'est pas grave K', tu ne savais pas comment réagir. Tu lui expliqueras dit Valentina.

Je relève la tête, et plante mon regard dans celui de Michael.

- Il vous en a parlé ?

Il fait la grimace et acquiesce.

- Il nous a dit qu'il pensait que ça te ferait quelque chose. Enfin, il ne s'attendait pas à cette réaction de ta part même si vous êtes plutôt en froid ces temps-ci...

Je soupire tristement. Je culpabilise. Qu'est-ce qu'il a dû penser.

- Vas le voir. Vous ne vous dites jamais rien, dis lui que tu es triste qu'il parte. Avoues lui ce que tu nous a avoué à l'instant, arrêtez avec votre fierté c'est peut-être les derniers moments que vous vous apprêtez à vivre ensemble. Profitez.

- Il a raison. Je pense qu'il a besoin que tu sois là pour lui dans cette épreuve me dit Carolina en me donnant un petit coup d'épaule en souriant.

- Vous avez raison. J'y vais.

Je me lève de la table en bois du parc, les salue, marche en sens inverse et commence à taper un message.

**

Karol
Rejoins moi à notre endroit s'il te plaît

Karol
C'est important, bisous

**

Je prends le chemin vers les hauteurs, et arrive assez rapidement à notre spot habituel.

Je tourne en rond depuis une bonnes dizaines de minutes en me triturant les mains nerveusement. Ils ont raison, on se cache sans arrêt derrière notre fierté en sachant pertinemment qu'on compte mutuellement l'un pour l'autre. Je ne veux pas qu'il parte en ayant comme dernier souvenir de moi, quelqu'un qui n'était pas attristé par son départ.

Je le vois arriver après un petit moment à attendre. Il s'avance vers moi et je me précipite dans sa direction.

- Tu voulais me parler ? dit-il en arrivant à ma hauteur.

- Je suis désolée pour tout à l'heure, j'ai été surprise par ce que tu m'as dit alors je savais pas comment réagir, et je sais que c'est pas la réaction à laquelle tu t'attendais j'ai eu une discussion avec Mick tout à l'heure. Et puis avec ce qui s'est passé entre nous ces derniers temps, j'ai pris conscience que ça me ferait vraiment du mal que tu parte même si je suis toujours en colère contre toi et que parfois tu peux vraiment être un petit con. Mais je veux te soutenir, je ne sais pas ce qui m'a prit de te demander ce que tu allais faire de tes études c'était stupide j'aurais du...

- Attends Karol, arrête toi.

J'arrête de parler à la seconde où il me le demande sans me rendre compte que j'avais déblatérer des phrases à toute vitesse sans réel sens.

- J'ai rien compris à ce que tu m'as dit, reprends plus calmement.

Je prends une bouffée d'air, et reprends mes esprits.

- J'ai pas envie que tu partes dis-je d'une traite.

Je vois son visage s'adoucir.

- Je sais que c'est pas possible, que tes parents sont bien décidés à partir mais...j'ai pas envie de te voir t'en aller...

Je baisse la tête sur mes mains, d'un air triste. Le dire à haute voix me fait prendre conscience de la réalité de la situation. Ruggero va partir. Définitivement.

- Eh ?

Il me caresse le bras pour me faire relever la tête.

- Tu te débrouilleras sans moi, je n'en doute pas.

La douceur de sa voix me fait encore plus mal. Je ne me débrouillerai pas sans lui, ça ne sera jamais pareil. J'ai beau lui en vouloir, je m'y suis faite à l'avoir sur le dos tous les jours, à l'entendre se moquer de moi et à être là quand j'en avais le plus besoin.

Je me mords la lèvre en faisant une grimace, et je m'approche de lui pour le prendre dans mes bras. Lorsque ma tête se pose sur son torse, il enroule ses bras autour de mon bassin.

- Tu as été la meilleure coéquipière du monde me chuchote-t-il.

Une larme salée roule sur ma joue à l'entente de cette phrase. Elle sonne comme un adieu, et je crois que je ne suis pas prête à lui dire au revoir.

- Sers moi encore un peu plus fort s'il te plaît...

Il raffermit son emprise dès la seconde où mes mots ont franchis la barrière de ma bouche, et je savoure silencieusement cet instant, parce que je prends conscience que ça sera certainement le dernier.

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