30.
Karol
Parfois, il m'arrive de rêver que mon père est revenu la nuit. Que son vol est enfin fini, et je m'autorise même a imaginer qu'il nous annonce qu'il ne partira plus. Je vois ma mère sourire, je le prends dans mes bras, et il a l'air heureux. Puis je me réveille, descends dans la cuisine, et me rends compte que ce n'est pas le cas.
Après notre dispute de l'autre jour, j'ai eu une discussion avec lui. Il s'est excusé de ne pas être souvent là, qu'il ferait de son mieux pour arranger ça, il m'a ensuite embrassé le front, prise dans ses bras et j'ai vite oublié tout ça. Mon père et moi sommes comme les cinq doigts de la main, on se ressemble beaucoup, et même s'ils nous arrivent de nous disputer ça ne dure jamais longtemps. Or, son absence créer souvent un grand vide à la maison, des jours un peu plus que d'autres.
- Bonjour maman.
Elle relève la tête de son portable et m'adresse un demi sourire. Apparemment ce n'est pas facile pour tous le monde aujourd'hui, malgré son sourire, je vois bien qu'elle n'est pas au mieux de sa forme.
- Bonjour ma puce, ça va ?
J'acquiesce simplement parce que je n'ai pas envie de lui mentir en lui disant que tout va bien, mais je n'ai pas envie de lui parler de papa non plus.
- Je ne pourrais pas t'emmener ce matin, je pars dans quelques minutes.
- C'est pas grave, je ferais le chemin avec Jules.
Je rempli une tasse d'eau chaude et laisse infuser un sachet de thé, lorsque ma mère se retourne.
- Qui est ce Jules ? me demande-t-elle curieuse.
- C'est un garçon qui a emménagé il y a pas longtemps, il habite vraiment pas loin de chez nous.
- Mmh, et ben on pourra l'inviter à la maison avec ses parents.
- Euh, oui pourquoi pas. Je lui demanderais.
Je récupère ma tasse, prends quelques biscuits et commence à remonter à l'étage.
- Je vais me préparer, bonne journée maman dis-je en lui faisant un bisou sur la joue.
- Bonne journée ma chérie.
J'attrape ma veste et cours pour sortir de chez moi. Je n'ai pas le numéro de Jules, alors j'espère juste le croiser sur le chemin comme la dernière fois. Je parcours quelques mètres, et le vois au loin tourner à l'angle de rue qui nous sépare.
- Jules !
Il se retourne et s'arrête, avant de me sourire.
- Salut Karol, comment tu vas ?
- Ça va merci, je peux faire le trajet avec toi ?
- Oui bien sûr.
C'est comme ça que nous commençons ce trajet jusqu'au lycée, en discutant de tout et de rien. J'ai appris qu'il parlait l'anglais couramment grâce à tous les pays dans lesquels il a déménagé plus jeune, il est passionné d'art et de voyage et semble avoir une famille vraiment soudée.
Nous arrivons à l'entrée du lycée, on entre toujours en discutant dans le hall jusqu'aux casiers.
- D'ailleurs, ma mère voulait vous invitez tes parents et toi à venir manger un de ces quatre si ça te dis.
- Ouais ça peut être cool, j'en parlerais à mes parents.
Il ouvre son casier et je fais de même, j'y range quelques affaires et en prends d'autres.
- J'y vais K', on se voit tout à l'heure me dit-il en souriant avant de fermer son casier.
- À tout à l'heure Ju' !
Je dépose un livre, remets la anse de mon sac sur mon épaule et ferme la porte de mon casier.
- Salut beauté.
Je me fige à l'entente de cette voix. Je ferme mon cadenas et mets quelques secondes à totalement me tourner face à lui.
- Salut Sebastian.
- Appelle moi Seb ma belle, je te l'ai déjà dit.
J'acquiesce sans trop de conviction. Il s'approche de moi, et je suis de moins en moins à l'aise. Il met son bras sur mon casier, au dessus de ma tête le mettant en position de force en quelque sorte.
- C'était qui ce mec ?
- Quel mec ?
- Celui qui vient de partir dit-il en désignant Jules du menton.
Je ne sais pas si je dois mentir ou non. Je ne sais pas si je dois dire que c'est un ami à moi, ou éviter totalement ce sujet.
J'hausse simplement les épaules.
- Personne, il me demandait des renseignements il est nouveau au lycée.
Soudainement, il vient plaquer son poing sur la porte métallique des casiers et je sursaute, complètement surprise par ce geste.
- Tu mens Karol !
Son attitude, sa voix, son regard me font peur. J'ai envie de m'enfuir, de courir très loin d'ici de retrouver quelqu'un d'autre, d'être en sécurité quelque part où il n'ira jamais.
- Qui était ce mec ?
Il a approché son visage du mien pour capter mon regard, et son ton pourtant chuchoté semble être toujours aussi dur qu'il y a quelques secondes.
- Je...personne...c'était
La lueur qui est passée dans son regard lorsque j'ai bégayé une phrase m'a terrifié. Une main s'est plaquée contre son front, et l'a fait reculé pour me laisser de nouveau un espace vital.
- Qu'est-ce qui t'arrive Villalobos ?
Je respire enfin, lorsque la voix de Ruggero retentit à mes côtés. Il lui fait face, les mains dans les poches de son pantalon.
- Rien, je posais une question à Karol.
- Aussi près de son visage ?
Bizarrement, Sebastian semble décontenancé devant Ruggero. Il bafouille, puis cherche une explication avant de lui répondre.
- Qu'est-ce que ça peut te faire que je sois aussi proche de son visage ? dit-il en essayant de changer de sujet.
- J'ai pas envie que tu contamine le visage de ma copine tu vois.
Je fronce les sourcils. Sa copine ? Sebastian passe soudainement son regard de Ruggero à moi, surpris, et légèrement en colère. J'ai déjà dit à Rugge de ne pas faire semblant, que je ne préférais pas m'aventurer sur ce terrain là, que je ne voulais pas lui apporter d'autres problèmes.
- De ta quoi ? demande-t-il pas sur de ce qu'il avait entendu.
- Ma copine Villalobos, tu es sourd ?
- Non. Mais depuis quand vous êtes ensemble ?
- Ça, ça ne regarde que nous je crois.
Ruggero lui adresse un dernier sourire, et m'amène avec lui plus loin en passant sa main au creux de mon dos. Je jette un dernier regard derrière nous, pour être sure que Sebastian ne nous ait pas suivi, et me détache de lui en lui faisant face un air d'incompréhension.
- Pourquoi tu lui as dit ça ? Je t'ai dit qu'on le ferait pas, c'est trop risqué puis j'ai pas envie de t'attirer plus d'ennuis.
- C'est juste le temps de trouver une solution K', tant qu'il y croit ça le maintiendra un peu à l'écart.
Je fronce une nouvelle fois les sourcils, et croise mes bras sur ma poitrine.
- Comment tu peux en être aussi sur ?
- Fais moi confiance, le plus important c'est qu'il ne vienne plus te voir, c'est chose faite.
Je reste un instant silencieuse. Je ne sais pas si cette solution est la meilleure, peut-être qu'elle nous servira à gagner un peu de temps, mais rien de définitif c'est sûr et certain.
- Alors tu acceptes l'idée de Valu ?
Il hoche la tête.
- Je crois bien oui.
- Merci, tu n'étais pas obligé dis-je en souriant.
Il affiche une grimace, tout en souriant à son tour.
- Cette conversation devient trop sérieuse Sevilla.
Je ris après sa réflexion. Malgré la conversation sérieuse d'hier soir, ce n'est pas vraiment dans notre nature d'être comme ça tout le temps. Ça n'illustre pas notre relation à lui et moi.
- Je vais en cours, je n'ai pas envie de te déstabiliser encore plus Pasquarelli.
Je lui souris et lui fais un clin d'œil avant de m'éclipser dans les couloirs vers la salle de cours.
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