20.

Karol

Mon réveil sonne. Il est six heures trente. J'ai du mal à ouvrir les yeux, je retire ma couette et me lève, les cheveux en pagaille. Je déteste le matin.
Je fais un tour dans ma salle de bain pour me passer de l'eau sur le visage, puis descends dans le salon. Je me frotte les yeux, j'attrape un bol, une cuillère, mon paquet de céréales et me rends dans le salon où j'aperçois mon père.

- Bonjour papa.

Je dépose mon bol sur la table, et tire la chaise avant de m'assoir.

- Je t'avais dit quoi Karol ?

Je fronce les sourcils face à mon bol de lait.

- De quoi tu parles ? je lui demande confuse.

- Qu'est-ce que je t'avais dit concernant les castings ?

Intriguée, je me retourne vers lui. Il se tient près du comptoir, sur lequel est posé mon ordinateur ouvert. Il a du tomber sur mes recherches d'hier concernant des castings pour des films. Depuis petite je leur fait part de mon souhait de devenir actrice. C'est pour cette raison que j'ai décidé de prendre option théâtre. Mon père a toujours pensé que cette lubie me passerait avec le temps, ça n'a jamais été le cas. Depuis quelques temps maintenant, je fais des recherches pour passer des castings. J'aimerai lui prouver que ce n'est pas juste pour m'amuser, que c'est réellement quelque chose qui me tient à cœur. Mais il est contre tout ça.

- J'ai juste regardé comme ça, j'ai envoyé aucune candidature je réponds finalement.

Je me retourne face à mon déjeuner. Je ne suis pas d'humeur à parler de ça avec mon père dès le matin. Je connais sa position, je sais qu'il est têtu et qu'à part une dispute, cette discussion ne mènera nulle part.

- Et tu as intérêt à en envoyer aucune. Tu connais mon avis sur ce genre de métier Karol, et je n'ai pas envie de retrouver ma fille là dedans me dit-il fermement.

- C'est quand même mon avenir papa, tu ne vas pas pouvoir décider pour moi.

- On à déjà eu cette discussion, je pensais que tu avais compris. Je ne peux pas décider pour toi mais tu es encore jeune, et je suis ton père alors j'ai le droit de te donner mon avis.

Ça en est en peu trop pour moi. Je connais son opinion par coeur, il me le rabâche chaque jour de mon existence. Il a le droit de me donner son avis, pas de m'influencer ou de m'interdire de faire quelque chose de mon avenir. Je me retourne vers lui une seconde fois.

- Tu aurais le droit si ton métier était un exemple. Tu n'es jamais à la maison papa, je ne suis même pas sure que tu m'ai vu une seule fois exercer dans le domaine du théâtre et quand tu es là, la seule chose que tu trouves à me dire c'est de renoncer à mes rêves ? On ne t'as jamais demandé une chose pareille maman et moi, pourtant c'est pas l'envie qui nous manque.

Je récupère mon bol et me lève finalement de ma chaise, furieuse et triste. Je n'aime pas me disputer avec lui. Fut un temps, nous étions comme les dix doigts de la main tous les deux. Mon père a toujours été mon meilleur ami, jusqu'au jour où il a décidé de changer de post. Depuis ça, on s'est un peu éloigné. Il n'est presque jamais à la maison, et quand il revient, il préfère me protéger de tout au lieu de rattraper le temps perdu.

J'essuie d'un revers de main mes joues qui commençaient à devenir humides, je dépose mon bol à moitié plein dans l'évier, et monte en quatrième vitesse à l'étage pour me préparer.

**

Je claque la porte de mon casier et tombe presque nez à nez avec Ruggero. Je lève les yeux au ciel. Je n'ai pas envie d'avoir une discussion avec lui, et encore moins avec la matinée mouvementée que je viens de passer. Sans un mot, je commence à partir vers ma salle de classe. Depuis hier je n'adresse plus vraiment la parole à Ruggero. Après lui avoir proposé de m'accompagner au gala de ma mère en théâtre, il a essayé de me parler à la sortie des cours, mais je me suis enfuie avant qu'il ait eu le temps de me rattraper. Sa réaction m'a tendue. J'ai vraiment eu l'impression qu'il acceptait ma demande par dépit, comme si rester avec moi était un calvaire. Je comprends, il avait d'autres plans, mais il y a des façons de réagir, et cette fois j'ai vraiment eu l'impression que je le dérangeais plus qu'autre chose.

- Sevilla tu comptes me parler un jour ?

Il emboîte mon pas, et commence à marcher à côté de moi en espérant avoir une réponse.

- Tu as très mal choisi ton jour pour venir me parler Ruggero.

- Ah oui et je peux savoir pourquoi ?

Je gonfle les joues et souffle, lui faisant comprendre que je n'ai aucune envie de lui apporter plus de détails.

- J'ai pas envie de te parler Ruggero. Tu devrais aller en cours.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Ce n'est pas ton jour ? Tu as croisé Cindy qui t'as parlé de tes joues ? rit-il.

Je m'arrête au milieu du couloir, et me tourne vers lui le regard noir.

- Ça te tuerais d'être sérieux une fois dans ta vie ? Je n'ai pas envie de parler avec toi et c'était justement pour éviter ce genre de discussion !

Je le laisse en plan au milieu des autres élèves, intrigués par mon haussement de voix. La sonnerie retentit, et je rejoins rapidement ma salle de classe sans me retourner vers lui.

**

Ruggero

Je me dirige vers le hall, espérant y trouver quelqu'un qui sache où je peux trouver Karol. Il est bientôt treize heures, et je ne l'ai pas aperçu une fois depuis notre conversation plutôt tumultueuse de ce matin. Je m'en veux un peu d'avoir réagi de cette façon hier, quand elle m'a demandé de l'accompagner à ce gala. Peut-être que je l'ai blessé, et même si je ne sais pas pour qu'elle raison elle était aussi énervée ce matin, j'aimerais avoir une discussion avec elle.

Plus loin, j'aperçois Carolina se diriger vers la bibliothèque. Peut-être qu'elle pourra m'aiguiller.

- Caro !

Celle-ci se retourne accompagnée d'Ana et Chiara.

- Tu n'aurais pas vu Karol ? je lui demande en arrivant à sa hauteur.

- Si elle est aux toilettes, elle a fait une crise d'angoisse, elle m'a demandé de la laisser seule.

Une crise d'angoisse ? J'ignorais que Karol en faisait, et bizarrement je me surprends à m'inquiéter un peu pour elle. Je les remercie, puis me dirige vers les toilettes des filles. J'hésite un peu avant d'ouvrir la porte, je sais que c'est interdit, et puis si elle a demandé à Carolina de la laisser seule ce n'est certainement pas pour me voir arriver quelques minutes plus tard. Je me gratte la nuque, nerveux, mais après cinq petites minutes à hésiter, je me dis que c'est pour la bonne cause alors j'entre.
La pièce est vide, elle est assise contre le mur en face de la porte, à côté des éviers, les yeux dans le vide. Je m'approche, et me laisse glisser à côté d'elle le long du mur, mes mains viennent prendre place sur mes genoux dans le silence.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? je demande doucement.

Elle ne répond pas de suite.
Je laisse tomber ma tête contre le mur, en attendant patiemment qu'elle veuille répondre.

- C'est Sebastian.

Elle a une toute petite voix, et sa réponse est à peine audible. Je lui laisse le temps de répondre à son rythme, sans vouloir la brusquer.

- Il m'a renvoyé des millions de messages, j'ai eu peur.

Un ange passe. Je laisse sa phrase en suspend en attendant qu'elle finisse.

- Et je me suis disputée avec mon père.

Des larmes silencieuses viennent prendre place sur ses joues déjà mouillées, elle semble encore avoir des difficultés à respirer.

- Respire Karol, doucement lui dis-je.

Je lui mime une respiration régulière et elle m'imite.

- Mon portable n'a pas arrêté de sonner pendant le cours. Il ne s'est pas arrêté de m'envoyer des messages Rugge.

Elle commence doucement à pleurer, je la vois complètement paniquée et désemparée. Elle se redresse un peu, et tente tant bien que mal de retrouver une respiration normale sans grands résultats.

- Qu'est-ce qu'il te disait dans ces messages ?

Elle retire son téléphone de sa poche, le déverrouille et me le tend.

**

Sebastian
On pourra se rejoindre en sortant des cours ?

Sebastian
J'aimerais qu'on parle et que tu m'expliques pour qu'elle raison tu étais avec Pasquarelli la dernière fois

Sebastian
Je vous ai encore vu ce matin.

Sebastian
J'aime pas ça et tu le sais.

Sebastian
Je t'attendrai devant le lycée de tout façon

Sebastian
À tout à l'heure ma belle

**


- Je sortirai avec toi du lycée, les garçons et moi on pourra te raccompagner si tu veux.

- Je ne veux pas vous déranger puis tu n'as sûrement pas envie de rester avec moi en dehors des cours.

Sa phrase sonne étrangement comme un reproche.

- Pourquoi ? je demande en fronçant les sourcils.

Un petit silence s'abat sur la pièce. Elle se triture les doigts, et hésite à me parler. Puis finalement, après quelques secondes, elle finit par m'avouer :

- J'ai juste l'impression que ma présence te dérange plus qu'autre chose.

- D'où tu sors ça ? je demande confus.

Je dois admettre que j'ai un caractère compliqué, que parfois on a du mal à me suivre et que ce que je laisse paraître n'a pas l'air très jovial. Mais je n'ai jamais dit ou essayer de lui faire comprendre une chose pareille. Du moins je crois.

- Hier, quand je t'ai demandé de m'accompagner au gala, tu n'avais pas vraiment l'air enchanté d'accepter. Dis le moi si ça te dérange tant que ça de passer une journée avec moi, ça m'évitera de perdre mon temps à te demander la prochaine fois.

- Je voulais pas que tu le prennes comme ça. J'avais juste prévu autre chose mais...

- Mais quoi ? me demande-t-elle.

Je triture mes bagues. Je n'aime définitivement pas dire ce que je pense, j'ai l'impression de m'apprêter à lui dévoiler l'une de mes faiblesses.

- Passer une journée avec toi est loin d'être quelque chose qui me dérange beaucoup.

Je fixe toujours la porte devant moi, la tête en arrière. Je la vois me regarder du coin de l'œil, puis apercevoir ce qui s'apparente le plus à un sourire au coin des lèvres.

- Ah oui ? Je ne te pensais pas comme ça Pasquarelli.

Elle me donne un petit coup d'épaule, la voix taquine. Je lève les yeux au ciel, le sourire en coin à mon tour. Je déteste quand elle se moque de moi de cette façon.

- Ne t'y habitue pas trop Sevilla.

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