Chapitre 2: Missed Smile - Izuku
Je fixe les masses sombres que constituent les meubles de ma chambre, devenus monstrueux dans l'obscurité nocturne.
Je me sens observé, sans vraiment pouvoir expliquer comment ou pourquoi. J'ai cette sensation en permanence, mais elle ne devient vraiment étrange que la nuit. C'est vrai, le jour il peut y avoir des passants partout, chose qui n'est pas le cas dans ma chambre.
"Pas vrai ?" Je murmure, heureux, à l'ombre immobile de ma chaise de bureau.
Vous ne me répondrez pas, n'est-ce pas ? Je souris et récupère mes écouteurs à tâtons, lassé du calme de la nuit. Il me reste encore une heure pour m'amuser avant le lever du soleil, et je ne sais pas trop quoi en faire. Je n'ai pas envie de m'atteler aux devoirs des jours suivants: je suis trop fatigué pour réfléchir correctement.
Je dodeline de la tête, au rythme de la voix de Marina, en souriant. À peine ai-je le temps de fermer les yeux pour me rendormir, qu'une sonnerie m'en empêche, aimablement.
Je sors de mon lit, les paupières peu légères, et pars vers la salle de bain pour me préparer, joyeusement.
Dîtes, si Izuku Midoriya arrête de vous mentir, juste pour une journée, vous lui pardonnerez ?
Mes cernes me semblent sans fin dans la glace, et j'ai une grosse brûlure dans la nuque. Je suis aussi un peu cramé sur le haut du front, mais je devrais réussir à cacher ça avec mes cheveux. Si je peux au moins remercier Katchan pour une chose, c'est de me blesser là où je pourrai encore dissimuler les marques. J'aimerais croire que c'est intentionnel.
Mon uniforme en place, je me dirige vers la cuisine. Maman n'est pas levée. Il est encore tôt pour un jour de congé, je ne veux pas la réveiller. Elle a besoin de sommeil. Je me contente de lui laisser un petit déjeuner et un mot, puis sors de la maison.
À cette heure-ci il ne passe dehors que les fêtards qui rentrent trop tard ou les salariés qui commencent trop tôt. Et les collégiens qui ne veulent pas croiser leur ami d'enfance. Je presse le pas.
L'école vient tout juste d'ouvrir, quand j'en passe le portail. Je le passe toujours avant tout le monde, quand je ne me fais pas intercepter par quelques explosions. La foule d'élèves arrivants m'avale, ou plutôt je saute dans son gosier ouvert. Ce sont les endroits solitaires qui m'ont dénoncé, la dernière fois.
La marée m'emporte dans un sens puis dans l'autre jusqu'à la sonnerie, qui m'amène à la salle de classe. Le professeur nous ouvre, nous entrons, Katchan m'aperçoit trop tard pour faire quoi que ce soit.
Ce matin au moins, mes blessures cicatriseront un peu.
Le cours commence. Puis passe. Puis se finit. Prendre des notes, ne pas s'endormir, ignorer les boulettes de papier et remarques blessantes. C'est toujours la même rengaine de toutes façons. Je sais que je suis un peu trop sensible, je ne suis pas encore vraiment digne de devenir un héros si je reste comme ça. Mais aujourd'hui rester éveillé est bien assez compliqué, alors il ne faut pas trop m'en demander.
Après la mâtinée, la pause-repas est le plus compliqué. Rester au collège, manger et éviter mes amis en même temps c'est impossible. Et m'incruster dans un groupe qui ne veut pas de moi encore plus. Je m'empare de mon panier-repas et tente de me faufiler dans un coin ni trop solitaire ni trop agité. Mais une main attrape mon col et me retient.
- Oï Deku !
Ses cheveux blonds cendrés coiffés par un pétard de première classe, mon ami d'enfance me sourit. Un peu en retrait, placés comme les deux gardes du corps dont Katchan n'a jamais eu besoin, ses acolytes ricanent. Je jette un œil inquiet alentour, mais comme d'habitude nous sommes devenus invisibles aux regards extérieurs.
- Katchan écoute, je suis désolée...
Une tarte claque sur ma joue, faisant se lever les yeux d'une des filles du couloir, qui retourne pourtant à sa conversation.
« Je t'ai pas dit de causer le nerd.
- Désol-
- Arrête de t'excuser comme ça, c'est pathétique. Tu es pathétique. »
Il crache à mes pieds et sourit.
« Et les êtres pathétiques comme toi, les déchets inutiles de notre société, tu sais comment ils devraient finir ? »
Katchan articule chaque syllabe du dernier mot, comme si j'étais incapable même de comprendre ma langue maternelle.
« In-ci-né-ré. »
Et avec quelques explosions il m'éloigne des professeurs, jusqu'aux cours suivants.
Lorsque je repasse la porte de la salle de classe, mon uniforme est brûlé par endroit et mes cheveux sentent un peu le cramé. Mais bon ce n'est rien de trop voyant. Je suppose, encore une fois, que le professeur n'a pas des lunettes à sa vue. Peut-être n'a-t-il pas de quoi s'en payer. De toutes façons c'est mieux ainsi: si ce qu'il faisait se savait, ça détruirait l'avenir de Katchan.
Le professeur commente nos souhaits d'orientation pour l'année prochaine. Filière héroïque pour la plupart d'entre nous. Katchan est félicité pour son choix d'orientation audacieux: UA. Alors que je prie secrètement pour qu'il ne révèle pas le mien, il ajoute que je postule moi aussi pour ce lycée. Je sens l'humeur fulminante de mon ami derrière moi. J'espère survivre jusqu'à ce soir...
Puis la même routine que le matin se répète, jusqu'à l'heure des clubs. J'essaie vainement de trouver un groupe qui accepte de m'accueillir, mais comme bons sujets qu'ils sont ils méprisent l'ennemi du roi Katchan. Je m'y suis plus ou moins habitué.
Je retourne dans la salle de classe, pour y être tranquille. Malheureusement, c'est un refuge déjà anticipé par mon ami. Je baisse mon regard vers le sol, terrifié, pendant qu'il commence son intimidation.
Dommage qu'il n'existe pas de club de victimes, je pourrais en être le président.
Aujourd'hui comme tous les autres, m'excuser ne suffit pas. Les coups tombent comme sonnent les coups de tambour du club de musique, juste en-dessous. C'est qu'on serait presque en rythme. Je sers contre moi mon carnet numéro 13, en priant pour que ça s'arrête.
"T'es faible et inutile, et tu penses vraiment entrer à UA ?"
Après encore quelques blessures, Katchan s'arrête. Je me relève et n'ait pas le temps de m'excuser de nouveau qu'il me prend mon carnet des mains pour le feuilleter. Puisqu'il n'y voit pas d'intérêt, il le jette par la fenêtre, avant de me lancer une dernière pique.
« Jette toi du toit et prie pour avoir un alter dans une autre vie. »
Puis sonne enfin l'heure de partir et je récupère mon carnet dans un étang. Je m'avance vers le portail, en remettant en ordre mon uniforme et mes cheveux. Qu'aurait-il fait si je m'étais vraiment jeté ? Aurait-il même pu devenir un héros, avec mon cadavre sur sa route ?
Même si j'évitais le chemin le plus court depuis plusieurs semaines, je ne peux pas me permettre de perdre plus de temps. Pas de tunnel aujourd'hui ! Je me glisse dans les rues, le cœur battant.
Ce soir sera un grand soir, puisqu'il sera là.
Essoufflé, j'arrive à mon appartement et en pousse la porte.
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