45. Juicy booty, sol et montagnes russes


NDA : heyyyy mes magnifiques iguanes, je vous retrouve en ce dimanche soir de merde pour vous poster un chapitre et peut-être vous motiver pour demain!

le chapitre prend place juste après le dernier :)

ENJOY!

GABRIEL.

Gabriel était débraillé, il le savait.

Il avait attendu que son érection redescende et il avait essayé d'arranger ses boucles, mais ses lèvres étaient encore rougies et gonflées et ses yeux brillaient de luxure. Trisha était venue toquer à sa porte cinq minutes auparavant pour l'informer que le petit-déjeuner était servi et Gabriel ne voulait pas que son retard commence à être suspicieux.

Lorsqu'il sortit de la chambre d'Oly, il fut accueilli par la douce odeur de pains grillés et de café.

-Je meurs de faim, disait Oly, assis sur l'une des chaises hautes de l'îlot central. Oh, salut, Garfield ! Bien dormi ?

Oly était un extraterrestre. Peu importe depuis combien de temps on le connaissait, il saluait tout le monde de la même manière, avec son enthousiasme et sa joie de vivre légendaire. Peu importe la gueule de bois qui martelait ses tempes, il semblait toujours aussi joyeux et plein de vie. Peu importe l'hématome sur sa joue et sa lèvre inférieure fendue, il transpirait l'énergie. C'était presque contagieux.

Presque.

Gabriel grogna, encore frustré et mal réveillé.

Oly gloussa, un énorme sourire jouait sur ses lèvres.

Il était un extraterrestre, il n'y avait pas d'autre explication.

-On dirait que quelqu'un n'est pas du matin ! rit-il.

Ou que quelqu'un a été interrompu juste avant un orgasme, ne fut pas entendu, mais Gabriel le pensa très fort.

-Crois-moi, tant qu'il a pas eu son café, n'essaye même pas de l'approcher. Sinon, il mord.

Gabriel se tourna vers l'origine de la voix. Zedd était en train de fermer la grande baie-vitrée derrière lui, sûrement parce qu'il venait de finir sa cigarette matinale. Ses cheveux étaient encore mouillés, tombant sur son front comme une cascade obscure. Lorsque le regard de Gabriel descendit le long de son corps, il remarqua que Zedd portait un simple t-shirt noir et un jogging rose fuchsia.

Rose. Fuchsia.

Zedd. Dans du rose fuchsia.

Il était serré sur ses longues jambes musclées et beaucoup trop court, découvrant presque la moitié de ses tibias où un duvet de poils sombres était visible entre ses chaussettes et le jogging. Gabriel fronça les sourcils, mais il riait un peu, confus par la tenue de Zedd.

-Intéressant choix vestimentaire, commenta-t-il.

Zedd leva les yeux au ciel alors qu'Oly se mettait à rire.

-Le chat d'Oliver a pissé sur mon jean pendant la nuit, marmonna Zedd. Trisha m'a prêté son jogging.

Oly rit encore plus fort.

-C'est même pas le pire dans l'histoire ! s'exclama Oly en regardant Gabriel, ses yeux baignants presque dans des larmes de rire. Montre-nous ton cul, Zi !

De nouveau, Zedd leva les yeux au ciel.

Lentement, il se retrouna.

Un rire incontrôlé échappa les lèvres de Gabriel lorsque Zedd releva juste assez son t-shirt pour découvrir les écritures pailletées du jogging qui épousaient la forme arrondie de ses fesses.

-Juicy Booty ?

-Oh, ferme-là, grommela Zedd.

-De la publicité mensongère moi je dis, commenta Trisha en posant un pot de confiture et un autre de Nutella sur la petite table à manger.

Oly glissa de sa chaise pour aller s'asseoir à table avec Trisha.

-Avec son boule de latino ? rétorqua Oly. Il a un meilleur cul que toi.

-Pardon ? s'exclama Trisha. Moi je fais des squats, lui il mange des tacos. Crois-moi, ce jogging était fait pour moi, pas pour ce flemmard.

-C'est pas parce que c'est un gros lard que son cul n'est pas exceptionnel. Tu l'as déjà vu en maillot ? Pendant deux secondes, je me suis dit que je devrais aller voir cette fille hyper bonne et lui demander son numéro, puis elle s'est retournée et en fait c'était Zedd.

-Euh - vous êtes au courant que je suis là ou pas ? annonça Zedd en faisant un petit signe de main.

Ses deux meilleurs amis l'ignorèrent royalement.

-Et quand je suis de dos, tu trouves pas que j'ai l'air d'une fille hyper bonne ? répliqua Trisha.

-T'as pas les mêmes courbes que Zedd, c'est pas la même chose. T'as vu ses cuisses ? Beyoncé voudrait les mêmes. Elles gigotent quand il danse.

-Je suis juste là ! s'exclama Zedd.

Trisha ne sembla même pas l'entendre.

-Il twerk comme un pied ! Moi au moins je sais me servir de mon cul !

Oly explosa de rire.

-Mets-le à quatre pattes et il te vendra du rêve.

-Oh mon Dieu, je suis invisible ou quoi ? continuait encore Zedd, les yeux écarquillés, l'air désespéré.

-C'est lui qui met les gens à quatre pattes, pas l'inverse, sourit malicieusement Trisha.

-Seulement pour vénérer ses déesses : Fesse Droite et Fesse Gauche, rétorqua Oly.

-Arrête, on sait tous que Zedd a les fesses poilues, rit Trisha.

-Tu me vois ou je deviens dingue ? lança Zedd à l'intention de Gabriel. Est-ce que quelqu'un sur cette planète m'entend ?

Gabriel avait un peu mal au ventre à force de rire et il ne pouvait faire autre chose que suivre l'échange comme s'il était au cinéma.

-Oh, c'est bon, on t'a entendu, Zedd ! lui répondit enfin Oly en lui lançant un regard au-dessus de son épaule. Laisse les adultes débattre !

Il se tourna vers Trisha.

-Donc tu vas me dire que tes fesses, elles sont pas poilues ?

Zedd se laissa tomber sur l'une des chaises en soupirant, visiblement exaspéré. Il semblait grommeler dans sa barbe, mais Gabriel était trop loin de lui pour entendre ce qu'il disait.

-Tu n'as pas besoin de savoir si mes fesses sont poilues ou pas ! s'exclama Trisha, dramatiquement offusquée. L'important, c'est que Zedd est une planche à pain qui n'est pas assez souple pour se raser les fesses et un fessier poilu n'est pas attirant. Alors crois-moi, Oly, il est celui qui met les gens à quatre pattes.

-Mais qu'est-ce que tu en sais ? rétorqua Oly. Tu n'as jamais couché avec lui ! Si ça se faut, tu serais super excitée par son cul poilu !

-Tu n'as jamais couché avec lui non plus ! Tu n'en sais pas plus que moi !

L'espace d'un instant, Oly et Trisha se regardèrent dans le silence. Une idée sembla leur venir au même moment et avant que Gabriel n'ait pu finir de rire, les deux acolytes se tournèrent vers lui avec des sourires beaucoup trop malicieux.

Gabriel s'arrêta de rire en un quart de seconde.

-On souhaiterait l'avis d'un expert, commença Trisha.

-Ouais, personne n'a vu Zedd nu plus que toi, ajouta Oly.

Gabriel écarquilla les yeux en rougissant furieusement. Mortifié, il lança un regard à Zedd, mais l'hispanique était juste en train de se prendre la tête entre les mains en répétant « pourquoi moi ? »

Autant dire qu'il n'était pas d'une grande aide.

-Hum - je - je sais pas, répondit Gabriel, mort de honte.

-Est-ce que tu trouves que les fesses de Zedd sont vraiment poilues ? demanda Oly comme s'il demandait s'il pouvait avoir le sel.

Gabriel rougit encore plus.

S'il devait être honnête, les fesses de Zedd étaient réellement la perfection incarnée. Mais ça, il ne le dirait probablement jamais.

-Oh mon Dieu, vous êtes trop étranges dans cette maison !

La voix provenait du couloir. Gabriel, Trisha, Oly et Zedd se tournèrent en même temps vers Cassy qui venait d'apparaître. Elle semblait misérable. Ses cheveux n'étaient qu'une cascade de boucles emmêlées, mouillés par endroits, frisés par d'autres. Elle portait un t-shirt gris sur lequel il y avait une étrange tache en forme de quille et l'une de ses chaussettes était à l'envers.

Son visage était pâle. De longues cernes glissaient sur ses pommettes, aussi creuses que ses joues. Ses sourcils étaient froncés et ses yeux baignaient dans un mélange de douleur et de sommeil.

-Ah, on a réveillé la bête, souffla Oly.

Il avait peut-être voulu être discret, mais Cassy l'entendit. Elle lui montra son majeur.

-C'est pas ma faute si certains digèrent moins bien l'alcool que d'autres, marmonna-t-elle.

-C'est pas ma faute si certains boivent plus que d'autres, rétorqua Oly en haussant les sourcils.

Cassy leva la main et entrouvrit les lèvres, comme si elle s'apprêtait à répondre quelque chose qui clouerait le bec d'Oly. Elle sembla abdiquer en baissant la main dans un soupir.

-Je suis trop fatigué pour ça, grommela Cassy en se retournant.

Elle commença à s'éloigner dans le couloir.

-Je retourne me coucher.

Avant qu'elle ne disparaisse complètement, sa voix rebondit contre les murs une dernière fois.

-Et peut-être vomir.

La porte claqua et les quatre jeunes adultes restants s'échangèrent un regard intrigué.

Puis ils explosèrent de rire.

Il était vrai que Trisha et Oly étaient plutôt étranges, mais tout le monde l'était plus ou moins dans cette maison et Gabriel ne voudrait être nul par autre qu'ici, avec une tornade rousse au tempérament de feu, un grand blondinet un peu naïf, une belle anglaise qui ne supportait pas l'alcool et-

Et un mystérieux hispanique aux penchants illégaux, mais avec un sourire qui faisait vibrer son coeur. Un ancien délinquant qui jouait les durs, mais qui était doux et aimant. Un beau jeune homme qui en avait déjà vu trop, mais que Gabriel voulait aimer jusqu'à la fin de ses jours.

Gabriel baignait dans une atmosphère légère et familiale lorsqu'il vint s'installer à table avec Trisha, Oly et Zedd après que leurs éclats de rires soient redescendus. Ils commencèrent à tartiner leurs toasts et se servir du café. Gabriel regarda Zedd étaler une énorme cuillère de beurre de cacahuète sur une tartine en se léchant les lèvres.

-Je tiens à dire que c'est pas parce que Cassy nous as interrompus que j'ai pas remarqué que tu n'as toujours pas répondu à ma question, mon p'tit Garfield, lança Oly, l'air innocent de l'autre côté de la table.

Il croqua son toast alors qu'un éclair de malice passait dans ses prunelles.

-Hein ? paniqua Gabriel.

-Est-ce que Zedd a un bon cul ou pas ? rit Oly.

Gabriel ouvrit la bouche, pris de court, un peu comme un poisson hors de l'eau.

-Merde, Oly, oui j'ai un bon cul ! s'exclama soudainement Zedd. Gabriel l'adore et il le pelotait quand on couchait ensemble, c'est bon pour toi ?

Il se tourna vers Trisha avant même que quelqu'un réponde.

-Et crois-moi, Trish, je bouge mon boule comme un Dieu !

Il était aussi possible que Gabriel ait ingéré des drogues hallucinogènes et était en plein trip dans la Maison de la Folie. C'était sûrement le scénario le plus probable, ces gens n'étaient pas réels.

S'ils l'étaient, alors Gabriel devrait songer à revoir ses goûts en amitié.




















Gabriel était tombé.

Il avait voulu s'asseoir sur le canapé, mais il était tombé.

Il regardait le plafond en prétendant ne pas souffrir.

Gabriel était tombé.

Il ferma les yeux et prit une grande inspiration, mais son corps tremblait.

Tout s'était passé trop vite, Gabriel n'avait pas eu le temps de réagir. Il prétendait souvent qu'être en fauteuil n'affectait pas son autonomie ou son indépendance, mais Gabriel mentait. Chaque fois qu'il devait se déplacer quelque part, c'était toute une aventure pour lui. Il n'y avait pas des ascenseurs ou des rampes partout, ses bras lui faisaient mal lorsque le trajet devenait trop long ou trop dur, s'allonger dans son lit pouvait lui prendre quinze minutes entières.

S'asseoir sur un canapé était un mécanisme inconscient pour tout être humain. Localiser le canapé, plier les genoux, s'installer confortablement.

Gabriel avait un milliard de taches supplémentaires. Se placer à côté du canapé, bloquer ses roues, user la force de ses bras pour se redresser, réussir à stabiliser une main sur le canapé, déplacer son poids, faire en sorte que ses jambes ne le fassent pas glisser, ne pas se coincer ou se cogner contre le fauteuil.

Là, en l'occurrence, Gabriel n'avait pas réussi à stabiliser une main sur le canapé. Il avait glissé et avant qu'il ne puisse comprendre ce qu'il se passait, sa tête avait rencontré la surface dure de son parquet et son dos avait encaissé le choc contre son tapis.

Gabriel était encore allongé sur le dos, entre son canapé et sa table basse, en fixant le plafond. Il savait qu'il allait être seul chez lui pour encore quelques heures, Joseph et David étaient partis faire quelques courses de Noël, alors il se complaisait dans sa honte.

Chaque fois qu'il tombait de cette manière, Gabriel fermait les yeux et la chute qui l'avait fait atterrir dans un fauteuil rejouait encore et encore derrière ses paupières closes.

Il se revoyait, allongé sur la glace, les bras engourdis, mais aucune sensation dans les jambes. Il se souvenait s'être redressé avec une dizaine de visages au-dessus de lui, mais aucun ne semblait familier. Il les regardait, les écoutait, mais rien n'avait de sens.

Gabriel ! Gabriel ! Tu m'entends ?

Un marteau piqueur semblait marteler ses tempes et il était tout étourdi, le monde tanguait autour de lui. Il regardait ses jambes, essayait de les faire bouger, mais même ses orteils restaient immobiles dans ses patins.

Gabriel ! Qu'est-ce qui se passe ?

Il avait pratiqué le patin à glace pendant assez longtemps pour connaître la sensation des membres engourdis par le froid, mais là, ses jambes n'étaient même pas engourdies. Il ne les sentait plus.

Plus. Du tout.

Gabriel se rappelait avoir saisi sa cuisse droite, plantant ses ongles jusqu'à ce que - rien. Il n'avait même pas mal. Il la secouait désespérément, mais sa jambe se contentait juste de gigoter mollement.

Il l'avait su à ce moment-là. Il ne se l'était pas avoué et avait continué de tâter ses jambes à la recherche de sensations, mais il avait toujours su qu'il ne serait plus jamais capable de marcher à nouveau.

Le parquet, dur et froid sous Gabriel, lui rappelait la glace sur laquelle il était tombé la première fois. Il fermait les yeux et il entendait la voix lointaine de ses coéquipiers et les sirènes d'ambulance.

Une larme chaude et brûlante dévala sa joue alors qu'il soulevait juste assez la tête pour la cogner contre le sol. Il recommença plusieurs fois, juste parce qu'il se détestait.

Pourquoi t'es un incapable comme ça ? Relève-toi, putain ! Relève-toi ! T'as l'air débile allongé sur le sol comme ça !

-Merde, jura Gabriel et sa poitrine trembla avec tous les sanglots qu'il gardait enfoui.

T'es stupide, idiot, incapable. Je te déteste.

Il enfonça ses ongles dans sa cuisse parce qu'il voulait avoir mal, mais il savait que même s'il saignait, il ne le sentirait pas.

Débile, débile, débile !

Gabriel détestait dépendre de son entourage. Il détestait être différent et il détestait le fait qu'il ne pouvait pas faire les mêmes choses que les autres.

Il détestait encore plus le fait que la seule personne qui l'ait un jour fait sentir normal était désormais son ami, qui était en couple avec un beau châtain à fossettes.

Gabriel couvrit son visage avec ses mains, peut-être parce qu'il ne voulait pas que son plafond voit qu'il était faible et qu'il pleurait pour des raisons stupides.

Stupide, stupide, stupide.

Gabriel se cogna une dernière fois le crâne contre le parquet.

Au même moment, il entendit quelqu'un toquer à la porte.

Gabriel leva juste assez la tête pour jeter un oeil à sa porte d'entrée.

-C'est qui ? s'exclama-t-il.

Un raclement de gorge, puis-

-Hum - Zedd.

Gabriel se figea.

Zedd ? Que faisait-il ici ?

-Je peux entrer ? demanda-t-il.

La panique gagna Gabriel et il sentit son coeur battre plus fort encore dans sa poitrine.

-Non !

Le rire de Zedd traversa les murs.

-Pourquoi pas ?

-Parce que j'ai dit non !

Un silence suivit sa réponse et l'espace d'un instant, il se demanda si Zedd était parti.

-Ça ne va pas ?

Gabriel ferma les yeux en prenant une inspiration tremblante.

-S'il te plaît, Zedd, ce n'est pas le moment.

Il pinça ses lèvres en espérant que Zedd l'ait entendu parce qu'il n'était pas sûr de pouvoir parler à nouveau.

Un ou deux moments passèrent dans le silence. Gabriel essayait de ne pas pleurer, entouré d'une brume d'incertitudes. Lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir brusquement, il sursauta un peu, mais il n'ouvrit toujours pas les yeux. Il se contenta juste de les fermer plus fort encore.

-Gabriel ! s'exclama Zedd et il semblait un peu essoufflé. Qu'est-ce que tu fais par terre ?

-Le parquet est tellement plus confortable que le canapé, répondit ironiquement Gabriel.

Il soupira.

-Je suis tombé, idiot.

Gabriel entendit Zedd se déplacer dans l'appartement. Les planches de bois vibraient à chacun de ses pas. Gabriel ouvrit les yeux juste à temps pour voir Zedd baisser la tête au-dessus de lui. Il semblait gigantesque, peut-être un peu effrayant.

Puis il sourit et tout à coup, il n'était rien d'autre qu'une énorme peluche.

-Un coup de main ? proposa-t-il en sortant l'une de ses mains de sa poche.

Gabriel prit une petite inspiration en fermant les yeux de nouveau. Une lointaine odeur de pluie et de boue flotta jusqu'à ses narines, Zedd devait avoir marché sous la pluie. Si Gabriel se concentrait encore plus, il pouvait même sentir les vagues effluves de cigarettes, de transpiration et de déodorant.

-Non, répondit-il, plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.

Il entendit Zedd renfiler, puis ses lourdes bottes claquèrent contre le parquet. Gabriel garda les yeux résolument fermés, comme s'il pouvait échapper à la réalité en s'enfermant dans l'obscurité.

Zedd bougeait autour de lui, mais Gabriel n'avait aucune idée de ce qu'il faisait. Lorsque Gabriel entendit les pieds de sa table basse glisser sur le tapis, puis Zedd lâcher un soupir, il fronça les sourcils.

-D'accord, finit par souffler Zedd et sa voix était trop près de l'oreille de Gabriel.

Le bouclé ouvrit les yeux et tourna la tête.

Zedd s'était allongé sur le sol, juste à côté de lui. Il regardait le plafond alors que les ombres ondulaient sur sa peau bronzée, sa mâchoire tranchante sous les derniers rayons du soleil. Ses mèches sombres étaient rangées sous un bonnet troué à quelques endroits et il n'avait pas enlevé sa veste en cuir. Des perles d'eau glissait sur le matériel.

-Tu sais que je ne t'ai pas autorisé à entrer, rétorqua Gabriel en tournant la tête vers le plafond. Techniquement, je pourrais appeler la police.

Zedd ne répondit rien. Il fit claquer son chew-gum contre son palet et lâcha un soupir. Gabriel le vit tourner la tête de sa vision périphérique, mais il ne voulait pas rencontrer son regard.

Il ne voulait pas être faible.

-Tu m'évites, murmura Zedd.

-Je ne t'évite pas !

Il l'évitait carrément.

Une semaine était passée depuis la soirée de Noël chez Nate.

Ou plutôt, une semaine était passée depuis que Zedd s'était glissé dans le lit avec Gabriel et qu'ils avaient - joué aux cartes.

Une semaine et Gabriel avait réussi à éviter toutes les interactions qui auraient pu inclure Zedd. Chaque fois qu'Oly, Trisha ou n'importe qui d'autre l'avait invité à faire quelque chose, Gabriel avait décliné, prétendant être malade ou avoir trop de travail ou encore devoir faire sa lessive - alors que tout le monde savait que Gabriel ne savait même pas faire la lessive.

Zedd lui avait envoyé quelques messages également, mais Gabriel n'y avait juste pas répondu. Pas parce qu'il ne le voulait pas, mais parce que tout était trop confus dans sa tête. Gabriel réfléchissait trop tout le temps, son cerveau en était presque complètement grillé.

-Ne me mens pas, Gabriel.

La voix de Zedd était distante, presque froide.

Gabriel ferma les yeux de nouveau - parce que oui, il était un enfant de trois ans qui se cachait du grand méchant loup en fermant les yeux.

-S'il te plaît, ce n'est vraiment pas le moment, chuchota Gabriel en couvrant son visage avec ses mains.

Un silence s'étira sur plusieurs secondes. Gabriel entendit Zedd bouger à côté de lui, puis plus rien.

Mais c'était - réconfortant. La respiration calme et stable de Zedd le maintenait sur terre, comme un ancrage invisible qui le retenait de plonger dans ses pensées les plus sombres.

-Tu veux en parler ? demanda Zedd.

-Non.

-D'accord, répondit Zedd et il se racla la gorge. Pourquoi ?

Gabriel prit une grande inspiration.

-Tu sais très bien pourquoi, Zedd.

-Parce que ça me concerne ?

L'estomac de Gabriel se noua douloureusement et il réprima une nouvelle vague de sanglots en hochant doucement la tête. Heureusement que son visage était caché par ses mains.

-D'accord, chuchota Zedd.

Gabriel pleura silencieusement à côté de lui et son corps entier avait mal de ne pas pouvoir se blottir contre Zedd.

-Prétends que je suis quelqu'un d'autre, proposa l'hispanique.

Gabriel fronça les sourcils en reniflant doucement.

-Pourquoi je ferais ça ?

-Parce que tu as vraiment l'air d'avoir besoin de parler à quelqu'un et - je suis là.

Gabriel découvrit lentement son visage.

-Ferme les yeux et imagine que je suis ton psy.

Zedd détourna le regard vers le plafond à nouveau.

L'espace de quelques instants, Gabriel et Zedd restèrent silencieusement allongés l'un à côté de l'autre, regardants les coups de pinceaux qui animaient le plafond blanc. Gabriel reniflait de temps à autre et il se sentait stupide et un peu dégoutant, Zedd devait penser qu'il était tout sauf sexy. Pourtant, Zedd restait là, à ses côtés, même si Gabriel ne disait rien.

C'était réconfortant. Gabriel ne savait pas vraiment comment le décrire autrement.

-J'ai envie de - j'en ai juste marre d'être dans ce stupide fauteuil, bafouilla Gabriel.

Ses doigts s'entortillèrent dans son t-shirt et prit une petite inspiration tremblante.

-Je ne suis pas attirant, continua-t-il, la douleur étreignant son coeur. Ça m'a pris des années à accepter l'idée que j'allais jamais sortir de ce fauteuil. Et ça m'a pris encore plus de temps à apprendre à l'aimer, mais je n'arrive toujours pas à m'aimer moi.

Il renifla de nouveau et baissa les yeux, regardant les vieilles bottes noirs de Zedd à côté de ses chaussettes bleues à pois rouges. Gabriel aimerait avoir des chaussures usées aussi, mais tout ce qu'il avait, c'étaient les mêmes pairs de Vans depuis deux ans, toujours aussi neuves puisqu'elles n'avaient jamais eu l'occasion de fouler le sol.

Gabriel ferma les yeux.

-C'est difficile de trouver quelqu'un sexy et attirant quand il est dans un stupide fauteuil. Quand j'essaye de porter des trucs un peu plus - osés, j'ai juste l'air ridicule. On dirait que j'essaye d'être sexy, mais que je suis juste un gosse de sept ans qui est tombé dans les fringues de sa mère.

Il rit, mais c'était pour se moquer de lui-même.

-Mes jambes sont affreusement maigres. Elles sont osseuses et anguleuses et juste - pas attirantes du tout. J'ai des hanches asymétriques et - j'en sais rien, je ne suis juste pas attirant. Ou même sexy.

Gabriel humecta ses lèvres et battit lentement des paupières en levant les yeux vers le plafond.

-J'ai rencontré un garçon qui m'a dit que j'étais beau, ajouta-t-il, calme, serein.

Zedd ne bougea pas à côté de lui.

-Je ne l'ai pas cru, chuchota Gabriel.

Il ferma les yeux.

-Je crois qu'il ne m'aime plus. Je l'ai vu embrasser un autre gars dans la rue il y a un peu plus d'une semaine. Un beau châtain avec des fossettes adorables.

Gabriel entendit Zedd bouger, mais la pénombre le forçait à se perdre dans ses sentiments.

-J'aurais dû le croire, continua-t-il et sa voix n'était plus qu'un murmure. J'aurais dû le croire quand il me disait qu'il m'aimait, mais je l'ai repoussé parce que je pensais qu'il mentait. C'est stupide, n'est-ce pas ?

Il savait qu'il n'obtiendrait pas de réponse.

-Je suis stupide, souffla Gabriel. Mes préjugés ont dépassé ma pensée.

-Je pense que ce garçon-là te dirais que tu aurais dû l'appeler pour lui dire tout ça. Ou juste répondre à ses appels.

Gabriel ouvrit les yeux et se tourna vers Zedd. L'hispanique regardait le plafond, aucune émotion ne transparaissait sur son visage. Le seul changement que Gabriel remarqua était la main de Zedd qui s'était considérablement rapprochée de la sienne depuis le début de leur échange. Désormais, leurs petit-doigts n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre sur le tapis beige de Gabriel.

-J'avais trop honte, répondit Gabriel.

Il déglutit bruyamment.

-Crois-moi, tu n'étais pas le seul, rétorqua Zedd et le coeur de Gabriel se serra un peu.

Zedd avait fait l'effort d'admettre ses torts quand lui ne l'avait pas fait et Gabriel se sentait misérable.

Machinalement, ses doigts remontèrent contre son poitrail jusqu'à saisir le pendentif en forme de soleil qui reposait sur son sternum. Il le serra fort au creux de sa paume.

-Tu penses que ce que j'ai fait est pardonnable ?

La voix de Gabriel paraissait minuscule, mais ses yeux étaient plein d'espoir.

Il regarda la mâchoire de Zedd se tendre et se détendre alors qu'il réfléchissait silencieusement. Ses cils ridiculement longs brossèrent ses pommettes lorsqu'il humecta ses lèvres.

-Je pense que ce tu as fait est pardonnable, répondit Zedd. Si j'étais ton psy, je te dirais que tu devrais juste t'excuser et expliquer que tu regrettes et ne penses pas ces propos. Je te dirais de répéter tout ce que tu m'as dit là.

Zedd déglutit bruyamment en fermant les yeux.

-Si j'étais le garçon a qui tu as fait du mal, je-

Il humecta ses lèvres une dernière fois.

-Je te dirais que tu es déjà pardonné.

Gabriel entrouvrit les lèvres et s'apprêta à répondre, mais Zedd le devança.

-Je te dirais aussi que ton fauteuil n'est pas stupide et que tu devrais être fier de toi à la place de tout le temps te critiquer, continua-t-il, les yeux toujours fermés. Je te dirais que oui, tu es stupide, mais seulement parce que tu crois qu'être différent est une mauvaise chose, Gabriel. Tu n'es pas juste différent, tu es unique.

Zedd ouvrit les yeux, mais ne les ancra pas dans ceux de Gabriel.

-Tu es - tu es toi, tu es une tornade de boucles, de gros mots, de feutres noirs, de rires, de shampoing à la vanille, de sarcasme, de - merde, j'en sais rien, tu es juste Gabriel et c'est déjà super important.

Gabriel avait l'impression de se liquéfier sur le parquet. Son corps semblait vide et mou sur le sol, la seule chose qu'il sentait était l'amour qui battait dans tous ses os, dans sa gorge, dans ses tempes, au bout de ses doigts, le long de sa colonne vertébrale et à la racine de ses cheveux.

-Je te dirais aussi que ce gars aux cheveux châtain n'était rien d'autre que mon psy et que si tu avais répondu la première fois que je t'ai appelé, je me serais donné à toi.

Gabriel retint sa respiration, ou peut-être qu'il essayait de ne pas respirer parce qu'il ne voulait pas pleurer. La voix de Zedd était tintée de douleur et il était si vulnérable, mais à la fois si fort et Gabriel savait que personne d'autre que lui n'avait le droit de voir Zedd comme ça.

Tout le monde connaissait Zedd dans trois états : lorsqu'il était normal, toujours charmant et amusant; quand il était défoncé, téméraire et détendu; et lorsqu'il était en colère, froid et violent.

Mais Gabriel connaissait le Zedd vulnérable.

Il connaissait le Zedd qui offrait son coeur. Il connaissait le Zedd qui souffrait, celui qui était fragile et triste. Il connaissait le Zedd qui parlait de ses sentiments, celui qui était doux et amoureux. Il connaissait le Zedd qui souriait lentement, celui qui avait des ridules aux coins des yeux et qui ne se montrait jamais devant les autres, seulement quelques fois avec Gabriel.

-Il m'a dit qu'il voulait qu'on soit amis, souffla Gabriel. Comment est-ce qu'il aurait pu me donner son coeur alors qu'il ne veut plus de moi ?

Zedd se mordilla le coin de la lèvre inférieure un instant.

-Je pense que-

Il se racla la gorge, il semblait encore chercher ses mots.

-Peut-être qu'il a encore besoin de temps, chuchota-t-il.

Sa voix était basse, se faufilant dans l'air électrique qui se déplaçait entre Zedd et Gabriel.

-Tu l'as laissé mariner pendant près d'un mois et je pense que tu ne réalises pas à quel point il a souffert.

Gabriel vit Zedd enfoncer ses ongles dans ses paumes alors qu'il fermait les yeux. Ses narines se dilatèrent et Gabriel savait qu'il était responsable de la douleur qui devait courir dans chacune des veines de Zedd.

Lentement, Gabriel glissa sa main sur le tapis jusqu'à saisir celle de Zedd. Au seul contact des doigts de Gabriel contre ses phalanges, Zedd se détendit et ouvrit sa main. Il laissa celle de Gabriel se glisser contre sa paume et naturellement, leurs doigts s'entremêlèrent.

Gabriel avait l'impression que respirer était désormais plus facile et alors qu'il levait les yeux vers le visage de Zedd, il remarqua que ses traits s'étaient adoucis. Il semblait moins tendu, peut-être même paisible. Ses sourcils n'étaient plus froncés et il avait encore les yeux fermés.

Gabriel déglutit et Zedd serra ses doigts plus fort.

-Je suis désolé, souffla Gabriel.

Zedd secoua la tête.

-Ne t'excuse pas. Il est autant en tort que toi.

-Il ne l'est pas. Il a toujours été parfait.

-Il n'aurait pas dû te mentir, Gabriel. Il n'aurait pas dû penser que tu ne comprendrais pas ce qu'il se passait dans sa tête.

-Ça ne change rien, je n'aurais pas dû le quitter.

Zedd ouvrit les yeux et les ancra dans les siens.

-Tu regrettes de l'avoir fait ? chuchota-t-il.

Gabriel se pinça les lèvres et haussa une épaule.

-Je ne sais pas, souffla-t-il. J'ai juste - j'ai paniqué. Je l'ai quitté avant qu'il le fasse et-

-Tu penses qu'il allait te quitter ? le coupa Zedd.

Le bouclé détourna le regard alors qu'une boule ne cessait de grossir dans sa gorge.

-Honnêtement ? Oui.

-Pourquoi tu dis ça ?

-Parce que regarde-toi, Zedd ! s'exclama Gabriel en se tournant vers lui. Et regarde-moi !

La mâchoire de Zedd se contracta, mais Gabriel savait qu'il n'était pas en colère contre lui.

-Je te regarde et je ne vois aucun problème, Gabriel. Arrête ça.

Gabriel prit une inspiration tremblante et contempla Zedd un instant.

-Tu penses qu'un jour tu revoudras de moi ?

Il n'était même pas sûr que Zedd l'ait entendu tant sa voix était basse, mais l'hispanique lâcha un soupir et ses yeux se tintèrent d'une étrange lueur de nostalgie.

-Je ne sais pas, chuchota Zedd.

Et le coeur de Gabriel se brisa si violemment dans sa poitrine que sa respiration fut bloquée un instant par tous les sanglots qui se précipitèrent dans sa gorge.

Son estomac se noua et il ferma les yeux en détourant le regard pour que Zedd ne le voit pas pleurer.

Je ne sais pas.

Gabriel pressa une main sur sa bouche pour étouffer un sanglot, mais ses épaules tremblèrent contre le parquet et tout d'un coup, il n'était rien d'autre qu'un bordel de boucles emmêlées et de larmes chaudes qui dévalaient ses joues et son cou.

-Je suis-

-Ne dis rien, bafouilla Gabriel.

Son coeur cognait si fort dans sa poitrine que c'était presque comme s'il voulait en sortir. Gabriel aurait bien voulu s'en débarrasser si ça voulait dire qu'il ne ressentirait plus jamais la douleur qui étreignait sa poitrine, s'étendait jusqu'à son estomac et le nouait violemment, courrait dans ses os jusqu'à la pointe de ses orteils, glissait dans ses épaules jusqu'à ce qu'elles en tremblent, et formait une boule de sanglots dans sa gorge.

-Juste - tiens-moi la main un instant.

-D'accord, chuchota Zedd.

Il se laissa faire lorsque Gabriel porta leurs mains liées à son visage. Il pressa les phalanges de Zedd contre son nez, embrassant le dos de sa main et inhalant les effluves de cigarettes qui planaient encore sur ses doigts.

Gabriel savait que Zedd le regardait, mais il s'en fichait. C'était sûrement la dernière fois qu'il avait le droit d'être aussi faible à côté de Zedd et il allait en profiter jusqu'à ce que son corps déborde de Zedd.

C'était probablement déjà le cas, mais Gabriel savait aussi que ce ne serait jamais assez pour combler le vide qui creusera sa poitrine lorsque Zedd s'en irait et qu'ils deviendraient officiellement amis.

Les doigts de Gabriel glissèrent contre la paume de Zedd jusqu'à ce qu'il rencontre le relief de petites cicatrices. Il ouvrit les yeux et retourna la main de Zedd dans les siennes.

Sa paume était complètement meurtrie. Une longue ligne striait le creux de sa main, elle avait un peu une forme de vague. Gabriel pouvait deviner l'empreinte de ses ongles, mais les cicatrices semblaient tellement profondes qu'il se demandait à quel point Zedd les enfonçait dans sa chair.

Bien sûr, Gabriel avait déjà remarqué que Zedd avait tendance à serrer les poings pour canaliser sa colère, mais il ne savait pas que c'était à ce point-là.

Les cicatrices étaient encore fraîches, un peu gonflées. Gabriel passa son pouce dessus et Zedd se tendit.

-Pourquoi tu te fais ça ? chuchota Gabriel.

Zedd se racla la gorge.

-Je ne sais pas. Ce n'est rien d'important.

Il retira sa main de celles de Gabriel et la rangea dans sa poche.

Le toucher de Zedd manquait déjà à Gabriel, la chaleur de ses doigts entre les siens.

-Tu devrais aller voir un médecin avant que ça ne s'infecte ou-

-Je t'ai dit que ce n'était rien d'important, Gabriel.

La mâchoire de Zedd semblait contractée, Gabriel ne voulait pas l'énerver.

-Je suis juste inquiet pour toi.

-Tu n'es pas mon père alors arrête.

-Pourquoi est-ce que-

-Arrête de poser des questions, Gabriel ! s'agaça Zedd. Ça ne te concerne pas.

-D'accord, murmura Gabriel.

Il renifla, mais son souffle tremblait un peu, et il ferma les yeux de nouveau.

Tu n'as pas mal, tu n'as pas mal.

Mais il avait mal partout.

Zedd n'allait probablement jamais se remettre avec lui et Zedd se mutilait littéralement les paumes et Zedd était froid et distant et Zedd était-

Zedd était tout ce que Gabriel voulait, tout ce que Gabriel avait toujours voulu, et il était là, juste à côté de lui. Pourtant, leurs coeurs étaient à des milliers de kilomètres l'un de l'autre.

Gabriel voulait que Zedd parte parce qu'il voulait juste se blottir dans son lit et pleurer jusqu'à la fin des temps, mais il ne voulait pas non plus que Zedd s'en aille et le laisse seul. Gabriel savait qu'au moment où Zedd partirait, il lui disait au revoir pour toujours. Adieu.

Tout était trop, mais rien n'était assez, et la seule chose dont Gabriel avait réellement besoin n'était plus possible : se blottir contre Zedd jusqu'à ce qu'ils soient pressés dans le même espace, dans leur propre bulle hors du temps, et oublier tout le reste. Il voulait se concentrer sur les battements de coeur lents et stables de Zedd, sur son souffle chaud contre son cou, sur les mots doux qu'il lui chuchotait à l'oreille.

À la place, il devait se contentait d'un parquet froid et d'un plafond qui ne parlait pas.

-Excuse-moi, Gabriel, murmura soudainement Zedd.

Sa voix était tout près de Gabriel. Il ouvrit les yeux et Zedd s'était rapproché de lui. Ses grands yeux dorés étaient sincères et brillants sous les derniers rayons du soleil. Gabriel voulait qu'il soit encore plus près.

-Je ne voulais pas m'énerver, excuse-moi, ajouta Zedd, plus bas encore que la première fois. Parfois, je ne sais juste pas contrôler ma colère autrement.

-Tu n'as pas d'autres moyens de te calmer ?

Zedd soupira et baissa les yeux un instant.

-Avant, je-

Il humecta ses lèvres et battit des paupières une fois. Ça semblait presque douloureux à dire.

-Ferme les yeux et prétends que je suis ton psy ? proposa Gabriel.

Pour la première fois, Zedd gloussa un peu. Gabriel sentit une douce chaleur se propager dans sa poitrine.

-Ok, murmura Zedd et il fermait les yeux.

Gabriel aurait voulu détourner le regard, mais il ne pouvait pas. Il pourrait regarder Zedd pendant des heures, juste parce qu'il était majestueux.

-Avant, je pensais à - à mon petit-copain. Enfin, c'est mon ex-petit-copain. Il est le seul qui arrivait à ne pas me faire complètement perdre les pédales. Il me-

Zedd noya ses dents sa lèvre inférieure.

-Il me faisait garder les pieds sur Terre. Je ne sais pas, il me - calmait. Sa présence me détendait. Il était un peu comme mon ancrage.

Mon ancrage.

Gabriel souriait parce que c'était adorable, mais son coeur souffrait parce que ce ne serait plus jamais la même chose.

-Pourquoi est-ce que tu ne continues pas de penser à lui pour te calmer ?

-Parce que chaque fois que je pense à lui, je le vois avec quelqu'un d'autre.

Les narines de Zedd se dilatèrent de nouveau et Gabriel le vit serrer les poings dans ses poches.

-Zedd, arrête ça, souffla Gabriel en tirant sur son bras.

Zedd fronça les sourcils et garda ses mains résolument fermées.

-Tu sais que je n'ai pas - qu'il n'a pas couché avec Blake.

Instantanément, Zedd se détendit un peu.

-Il y a déjà pensé ?

-Pourquoi est-ce que ça t'intéresse autant ?

-Parce que.

Gabriel lâcha son bras.

-Zedd, réponds-moi.

Lorsque Zedd ouvrit les yeux, des flammes de colère s'étaient déjà mises à danser dans ses prunelles.

-J'ai posé ma question en premier, rétorqua-t-il.

Ils se défièrent du regard pendant au moins une minute, avant que Gabriel ne capitule et détourne les yeux vers le plafond.

-Je te déteste, souffla-t-il.

-Pourquoi ? demanda Zedd.

-Parce que je comprends rien à ce que tu veux ! s'exclama Gabriel. Parce que tu me branles dans le lit d'Oly, mais tu veux être mon ami, mais tu ne veux pas que je couche avec Blake, mais tu ne sais pas non plus si un jour tu revoudras de moi. C'est incompréhensible, Zedd ! Incompréhensible !

Le coeur de Gabriel battait trop vite. Être avec Zedd, c'était un peu comme être sur les montagnes russes des émotions.

-Je ne sais pas ce que tu attends de moi.

Zedd resta silencieux un instant. Il détourna le regard vers le plafond également, comme s'il lui fallait quelques instants pour réfléchir à sa réponse.

-Je n'attends rien de toi, Gabriel, finit-il par répondre, calme et stoïque. Je sais que ça ne marchera jamais entre nous, mais c'est encore-

Zedd se pinça les lèvres.

-C'est encore dur de te dire au revoir.

-Tu n'as pas à le faire.

-Tu ne comprends pas, rétorqua Zedd en secouant la tête. Être amis est ce qu'il y a de mieux pour nous.

-On est tous les deux par terre en train de jouer au psychologue, t'es sûr que c'est ce qu'il y a de mieux ? On est juste encore plus mal quand on est loin l'un de l'autre et-

-Mais ça ne change rien ! s'exclama Zedd en ancrant son regard dans celui de Gabriel.

Il semblait désespéré.

-C'est trop - on se fait trop de mal. On s'aime, mais on se fait du mal et - putain, Gabriel, je sais que je ne trouverais jamais quelqu'un comme toi, mais je ne peux pas rester dans une relation où on ne fait que se détruire.

Gabriel savait qu'il avait raison, mais il ne voulait pas vraiment se l'avouer et rester dans le déni semblait être une bonne idée pour le moment.

-Mais pourquoi est-ce que ça ne t'énerve pas ? hurla-t-il, désespéré. Pourquoi n'es-tu pas en colère ?

-Je le suis, Gabriel !

-Alors montre-le, putain ! Montre-moi que ça te touche ! 

Les narines de Zedd se dilatèrent alors que Gabriel se transformait en une loque humaine sur le sol, un tas de larmes et de douleur.

-Je n'ai pas besoin de pleurer pour te montrer que ça me fait mal. Tu sais déjà combien ça me fait mal.

-Mais on dirait que tu t'en fous ! On dirait que ça ne t'atteint pas !

-C'est en train de m'atteindre et je t'assure que tu n'as pas envie de voir ça, rétorqua Zedd en détournant le regard.

Il était en colère.

-Pourquoi est-ce que tu ne pleures pas ? demanda Gabriel.

Sûrement parce que tu pleures assez pour vous deux, crétin.

Il n'avait littéralement plus rien à perdre et il préférait que Zedd s'énerve sur lui plutôt qu'il soit cet inconnu froid et distant.

Zedd ferma les yeux un instant, comme s'il cherchait à se détendre. Lorsqu'il les rouvrit et les planta dans ceux de Gabriel, ils étaient plein de douleur.

-Parce que je ne sais plus comment pleurer, Gabriel. Je crois que j'ai juste - perdu mes larmes.

Sa voix était basse et un peu tremblante. Il n'était pas en colère, il souffrait.

-Est-ce que tu aimerais pleurer ? chuchota Gabriel.

-Parfois, oui, répondit sincèrement Zedd. Je me dis que ça me permettrait peut-être de me vider de certaines choses, mais après-

Il se mordilla le coin de la lèvre inférieure un instant.

-Après je me dis que j'ai passé tellement de temps à pleurer pour ma mère que je n'ai pas envie de retomber là-dedans. J'ai peur que si je commence, je ne m'arrête plus.

Gabriel ne s'était pas attendu à tout ça. Sa respiration était bloquée quelque part à l'arrière de sa gorge alors qu'il réalisait une fois de plus à quel point Zedd était brisé, complètement cassé. C'était un petit garçon perdu qui criait à l'aide sans qu'on ne le comprenne, qui se cachait derrière des airs de prédateurs féroces et sauvages, alors qu'il était lui-même la proie de ses peurs.

Pleurer était pourtant quelque chose de banal pour tout être humain, mais Zedd se l'interdisait. Il se privait d'un moyen naturel d'évacuer certaines émotions. À la place, il les mettait dans la colère et mutilait ses paumes.

Gabriel se sentait complètement impuissant. Il s'apprêta à dire quelque chose lorsque Zedd se racla la gorge.

-Hum - ouais, pardon, c'était stupide, déblatéra-t-il, comme s'il venait de sortir de sa transe.

Un rire nerveux échappa sa poitrine alors qu'il fuyait le regard de Gabriel.

-Où est-ce qu'on en était ?

Gabriel avait su que Zedd allait finir par détourner le sujet à un moment ou à un autre, il avait simplement espéré que Zedd se confie un peu plus à lui. Il savait aussi que ça ne servirait à rien d'essayer de pousser Zedd à se confier encore parce qu'il finirait juste par le mettre en colère et pleurer encore plus.

À la place, il se pinça les lèvres et lui demanda la seule chose dont il avait vraiment envie pour le moment.

-Est-ce que tu peux me prendre dans tes bras ? chuchota-t-il, au bord des larmes. Juste deux minutes.

Zedd planta son regard dans le sien et resta silencieux un instant, comme s'il pesait le pour et le contre. Il semblait savoir que c'était une très mauvaise idée aussi, mais lorsqu'il lâcha un soupir et ouvrit les bras, Gabriel ne perdit pas un seul instant pour se blottir contre lui.

Son nez s'écrasa contre la poitrine de Zedd et les sanglots débordèrent de ses lèvres.

Zedd entoura ses bras autour de lui et le serra. Fort.

Ses doigts se frayèrent un chemin jusqu'aux boucles de Gabriel et il commença lentement à les caresser, son menton s'appuyant contre le haut de son crâne, alors que la petite silhouette de Gabriel tremblait dans ses bras.

Gabriel se sentait à la maison. C'était réconfortant, mais ça le détruisait aussi, et il n'était qu'un bordel ambulant qui sanglotait et s'accrochait à Zedd comme si sa vie en dépendait. C'était peut-être le cas après tout.

Les minutes passèrent, mais l'étreinte demeura toujours aussi serrée. Zedd était encore allongé sur le dos, passant délicatement ses doigts dans les boucles de Gabriel, alors que Gabriel avait toujours les yeux fermés, le nez enfoncé dans l'étoffe douce du pull de Zedd. Il sentait la drogue, la pluie et l'assouplissant. Des traces de Cologne planait encore sur la laine, mais l'odeur de Zedd dominait tout. Une odeur musquée, un mélange de transpiration et d'homme et de cigarettes. C'était l'odeur préférée de Gabriel.

-Je pense que je vais m'endormir, chuchota-t-il, sa voix un peu étouffée.

Il entendit Zedd glousser.

-Ok.

Et c'était - facile.

La respiration de Gabriel se ralentit doucement. Pleurer le fatiguait toujours et il avait un peu mal à la tête à force de renifler. Ses pensées n'étaient qu'un bordel de pourquoi ? comment ? hein ? et Gabriel avait juste envie de tout éteindre.

Il se sentait toujours calme quand il était contre Zedd.

Parce que Zedd était son ancrage.

-Je t'aimerais toujours, Gaby, souffla Zedd contre son oreille.

Gabriel enfonça ses doigts dans la taille de Zedd et garda le visage enfoui dans son pull.

-Ok.

Zedd ne dit rien.

Quelques minutes plus tard, le soleil disparut derrière les hauteurs californiennes et Gabriel commença à s'endormir contre la poitrine de Zedd, bercé par les battements de son coeur et le doux souffle de Zedd dans ses oreilles.

Juste avant de tomber dans les bras de Morphée, Gabriel entendit la voix de Zedd briser le silence une dernière fois.

-Je t'aime toujours.



















Gabriel se réveilla à trois heures du matin, le jour suivant. Il était allongé dans ses draps, dans son lit. Il fronça les sourcils et se redressa, remarquant que son fauteuil avait lui aussi été ramené dans sa chambre.

Il se frotta les yeux et gémit en s'appuyant sur ses coudes.

-Zedd ? appela-t-il.

Mais son appartement était silencieux.

Gabriel ne put empêcher la déception de gagner son coeur et s'étendre jusque dans ses os.

Gabriel s'apprêta à tomber sur son coussin et peut-être pleurer un peu, lorsqu'il remarqua un petit papier posé sur ses draps.

« Je pourrais te dire un milliard de choses, mais la seule qui me vient à l'esprit est : the most beautiful thing about you is the way you smile in slow motion. S'il te plaît, ne l'oublie jamais. -Z »

Gabriel tomba sur son coussin et pleura un peu, mais il y avait les mots de Zedd pressés contre sa poitrine et le souvenir de son corps contre le sien qui jouait dans son esprit.

-Je t'aime toujours aussi, souffla-t-il.

Mais Zedd n'était plus là pour l'entendre.













NDA : bon... au moins ils s'aiment encore?

(j'avoue j'essaye de me rassurer comme je peux)

en vrai je suis un peu désolé parce que déjà les dimanches soirs c'est déprimant parce qu'on a cours le lendemain, mais en plus je vous ponds 7000 mots de douleur et de pleurs et de cris et de Zedd qui dit des trucs méchants, bien joué Noam!

bref, j'espère quand même qu'il vous a plu! si c'est le cas, n'hésitez pas à voter et commenter, ça me ferait super plaisir!

juste par curiosité, vous pensez qu'ils vont se remettre comment ensemble? (svp répondez je veux toutes vos meilleures théories pour la suite, même les plus folles 👀)

soyez fiers de vous, c'est une semaine de plus qui s'achève et que vous avez traversé brillamment! je vous envoie tout mon courage pour la prochaine :)

écoute ton corps & diabolo menthe, N. ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top