Chapitre cinq
Je me préparai comme à mon habitude, avec un mauvais pressentiment pour la journée. J'en avais souvent, c'était sûrement mon manque d'optimisme qui me poussait à y croire alors qu'il n'en était rien. J'haussai les épaules et continuai à brosser mes cheveux tout en soutenant mon propre regard dans mon reflet. C'était bizarre de se regarder sourire. Je souriais depuis que j'avais rencontré HoSeok, aujourd'hui ça fait maintenant un mois que l'on se connaît. Le temps passe vite, mais je n'en perd pas une miette avec lui. Les choses m'ont l'air plus simples qu'avant, j'accorde un peu plus d'importance à ce qui m'entoure au lieu de me focaliser sur ce qui se passe dans mon corps et dans ma tête. Bien sûr, je ne fais pas attention aux regards qui peuvent troubler ma personne, je ne fais attention qu'à HoSeok. Parce que la façon dont il pose son regard sur moi est particulière, pleins de bons sentiments. Si je pouvais autoriser une seule personne à me regarder, ce serait bien lui.
Je quittai mon appartement sans oublier de faire la porte puis descendis les escaliers pour me rendre sur le parking et rejoindre ma voiture. J'avais toujours ce mauvais pressentiment, comme si c'était un boulet attaché à mon mollet, c'était très désagréable. Retomberai-je en dépression ? Non, ce n'est pas possible, tout va bien. Pour une fois que tout va bien, en plus. J'ai réappris à sourire, j'ai réappris à rire ; j'ai même repris goût à la nourriture, à force d'être gavée par les petits soins de HoSeok. Même avec un fast-food on était contents ! Je devais le remercier comme il se doit, mais je ne savais pas trop comment. J'avais beau scruter son appartement dans les moindres détails pour trouver quelque chose qu'il n'avait pas et qui lui tiendrait à cœur, je ne trouvais pas. Cette recherche fructueuse me rappelait que maintenant, chaque soir à tour de rôle, l'un de nous deux venait chez l'autre.
-Bonjour tout le monde !
-Bonjour Angèle.
Je m'arrêtai un instant, au milieu du café. Ouh la la, ce n'est pas dans leurs habitudes de ne pas me regarder quand j'arrive. Je me demande bien ce qui se passe. J'allai revêtir ma tenue de travail et tout en liant le nœud dans mon dos, je rejoignis mon poste derrière le bar. Je commençai d'abord à nettoyer puis préparai les machines et la vaisselle qui allait être utilisée aujourd'hui. J'entendis quelqu'un s'asseoir derrière moi en soupirant, sûrement un client encore fatigué ce matin. Je me retournai avec un beau sourire, mais l'effaçai très vite quand je vis que c'était mon patron. Il glissa une enveloppe jusqu'à moi, le regard triste, et murmura :
-Je suis désolé.
Puis quitta le bar en rejoignant l'étage, où se trouvait son bureau. Je posai le torchon sur le bar, apercevant au passage le regard des autres employés. Ils avaient l'air désolé. J'ouvrai précautionneusement l'enveloppe et retirai un papier accompagné d'un chèque portant une coquette somme, correspondant au double de mon salaire mensuel. Je lus alors la lettre :
"Angèle,
Tu as travaillé dur dans mon établissement et tu t'es métamorphosée depuis un moment maintenant. Malheureusement, les temps sont durs et j'ai dû licencier quelques-uns de mes employés. Tu en fais partie, je suis désolé. J'espère que ça ira pour la suite. Courage."
Le papier glissa de mes doigts fébriles, je portai les mains à ma bouche pour étouffer un sanglot. Je défis lentement mon tablier et le posai sur le bar, puis je pris l'enveloppe contenant le chèque et allai chercher mes affaires avant de sortir du café. Je montai dans ma voiture et éclatai en sanglots. Qu'est-ce que j'allais faire maintenant ? J'avais perdu mon boulot, j'avais perdu mon petit quotidien. Mais surtout... qu'est-ce que HoSeok allait dire ? Il allait me trouver bête, car il y avait sûrement une raison pourquoi j'étais dans les personnes qui ont été virées. Je ne suis donc bonne à rien.
Arrivée près de mon immeuble, je regardai mon reflet horrible dans le rétroviseur qui pourtant souriait ce matin-même. J'essuyai les larmes qui coulaient encore puis descendis de la voiture. Je m'engouffrai dans l'immeuble en gardant la tête baissée, puis rejoignis mon appartement. Je glissai la clef dans la serrure et au moment où j'entendis la porte de HoSeok s'ouvrir, je me dépêchai de rentrer. Je ne voulais pas le voir, et il ne fallait pas qu'il me voit dans cette état. Je n'aime pas inquiéter mes proches, ni les embêter avec mes problèmes. Alors je choisis de me terrer dans le silence jusqu'à ce que je trouve un autre travail et que je sois digne de me présenter à HoSeok.
-Angèle, est-ce que tout va bien ? Tu n'es pas malade, j'espère ?
Malade. Oui, c'est la solution.
-Je ne me sentais pas bien, je suis rentrée. J'ai un jour de... non, plusieurs jours de repos.
-Est-ce que je peux entrer ?
-Non, je ne suis vraiment pas bien. Et... pas belle à voir.
-Je m'en fous, je veux prendre soin de toi. Ouvre.
-Non, HoSeok.
Je portai une main à ma bouche. Ma voix avait trahi mon état, il avait dû entendre que je pleurais. Il toqua à la porte doucement, les coups résonnant dans mon dos. Mais jamais je ne lui ouvrirai, jamais. Je ne voulais pas me présenter à lui dans cet état, cet état de tristesse et de honte. Je m'étais jurée il y a quelques années que jamais plus personne ne verrait ce côté faible de moi. La faible Angèle doit rester secrète, cachée aux yeux de tous. Elle doit être dissimulée au plus profond de mon petit être... fragile. Je n'étais qu'une fragile.
J'explosai en sanglots en m'éloignant de l'entrée, poussant HoSeok au point culminant de l'inquiétude. Il tambourinait à présent sur la porte, qui était comme l'obstacle infranchissable de mon cœur qui cachait auparavant ma faiblesse. Cet barrière matérielle autant que métaphysique ne sera jamais franchi. Mais il fallut qu'il la brise, comme si cela n'était qu'une vulgaire paroi de verre. Je l'entendis courir jusqu'à moi, recroquevillée dans le canapé du salon.
-Angèle !! Qu'est-ce qui se passe ?!
Il se jeta sur moi et me recueillit dans ses bras, comme la première fois qu'il l'avait fait. Je redoublai de tristesse, j'avais l'impression de ne pas mériter cette attention. Il commença à me bercer, empêchant tant bien que mal d'autres larmes couler le long de mes joues. Il ne pourra pas les empêcher, jamais personne n'a réussi.
Mais je me portais doucement à croire qu'il le pouvait. Parce que j'étais tellement meurtrie par toute cette peine que la simple présence de HoSeok me rassurait. C'était la lumière dans le noir, c'était le réconfort tant voulu.
C'était l'espoir dans ma vie perdue.
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