Chapitre 14 - Merry Christmas everybody!

« L'homme est le plus cruel de tous les animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motif que le plaisir » - Mark Twain.

Le samedi matin, transportant un carton chargé de décorations, Toby se dirigeait vers l'énorme sapin que le Rosewood High dressait chaque année pour les fêtes de Noël. Il avait décidé de donner un coup de main à ceux qui s'étaient portés volontaires pour le décorer, essayant tant bien que mal de se changer les idées. Il faut dire que c'est l'un des moments de l'année préféré des élèves : à chaque Noël, - en plus de tout ce qu'apporte cette fête – ils avaient la possibilité de déposer chacun un objet quelconque, un souvenir, une photo, qui seraient plus tard accroché ou posés au pied du sapin.

Il déposa la boite et scruta le sapin. A peine avaient-ils commencé leur tâche que celui-ci se retrouvait déjà bien rempli : une multitude de petites guirlandes de toutes les couleurs, paillettes, flocons, étoiles... Il restait encore un grand nombre de décorations à ajouter, mais déjà, l'arbre commençait à ressembler à ce qui était convenu.

- Quelqu'un a vu Anna ? demanda un garçon en regardant autour de lui.

Toby soupira et retourna dans la salle de classe inoccupée où était disposé le dernier carton de souvenirs. Il aurait aimé que sa famille fête encore ce genre d'événements. Malheureusement, depuis des années, les liens qu'étaient censés garder les membres d'une famille proches sont pratiquement inexistants dans la sienne. Lui, sa mère et sa sœur cadette ont à présent l'habitude de vivre chacun de son côté, passant à côté des moments précieux.

Il ferma la porte et s'assit sur une chaise face au tableau, comme s'il était sur le point d'assister à un cours très intéressant.

- Ben.. Qu'est-ce que tu fiches ? Les cours te manquent à ce point ? lança une voix féminine.

La porte s'était ouverte à la volée et Katherine se tenait sur le seuil en observant Toby.

- On ne t'a jamais appris à frapper à la porte avant d'entrer ? la gronda-t-il en se levant.

- Non... Alors j'ai inventé un nouveau concept : j'entre, puis... (elle lui donna un coup de poing dans le bras) je frappe !

Toby fronça le nez.

- Je trouve ça original.

Katherine acquiesça de la tête, puis désigna la boite de décorations.

- Tu comptes revenir nous aider ou tu veux continuer à déprimer tout seul ici ?

Il sourit.

- Je veux bien revenir... Si tu acceptes de me laisser t'emmener quelque part demain.

- « Quelque part » ? répéta-t-elle. Umm, c'est bien mystérieux ton truc.

- Est-ce que je risque d'être tabassé si je te dis que j'ai l'intention de passer un peu de temps avec toi ?

- Non, tu ne le risque pas... Tu vas l'être tout de suite !

Elle brandit un rouleau de papier-cadeau et fit mine de le frapper à la tête. Il lui agrippa le bras.

- Alors ?

Katherine croisa les bras sur sa poitrine.

- D'accord... (elle plissa les yeux) mais ça reste entre toi et moi, ok ?

- Donc... Tu pense que cette chaise n'est pas digne de confiance ? plaisanta-t-il.

- Non. Elle me parait même très suspecte.

Ils s'apprêtaient à ressortir quand Morgane apparut sur le seuil.

- Coucou ? fit-elle doucement.

Ils la saluèrent.

- Comme il y a le truc des souvenirs, j'ai pensé qu'on pourrait déposer quelque chose, nous aussi. Qu'est-ce que vous en dites ?

Elle tendit à ses amis une photo. Le cliché les représentait : Morgane se tenait au milieu, bien droite, avec sur le visage, un masque de Jigsaw. Katherine était à sa gauche croisant les bras et tirant la langue à l'objectif d'un air boudeur. Toby, quant à lui, était à sa droite. Il avait un chapeau en forme de bateau en papier sur la tête, levait les bras en l'air, poings fermés comme en signe victorieux et affichait un grand sourire.

- On a l'air de gros débiles.

- Et fiers de l'être !

Ils prirent chacun un des derniers objets de décoration et s'en allèrent.

Deux heures après, les élèves se mirent tous devant leur chef-d'œuvre et le contemplèrent avec émerveillement : ils avaient – pour une fois – trouvé le moyen de lui donner un côté magique. Plusieurs jeunes se tapèrent victorieusement dans la main tandis que d'autres commentaient le résultat.

La plupart avaient souhaité laisser un souvenir, si bien que sur le sapin étaient accrochées plusieurs photos, et les autres, pour éviter une surcharge, étaient déposées au pied et tout autour de l'arbre au près des paquets cadeaux.

Katherine aperçut la photo d'elle et ses amis, et elle se tourna machinalement vers Toby, puis chercha Morgane du regard. Celle-ci était debout juste devant Amanda, Lucy et Elena. Ce tableau lui paraissait un peu bizarre : Emma n'était pas là. Elle n'était plus là. Et si Elena décidait d'éliminer Morgane aussi ? Katherine ferma les yeux pour chasser cette idée de son esprit, mais un souvenir vint s'imposer à lui : Elena enfermée dans son sous-sol. C'était un plan qu'ils avaient trouvé à la va-vite : effrayer Elena et lui montrer qu'ils étaient les seuls maîtres du jeu. Pour la libérer, ils avaient ouvert la porte et s'étaient cachés sur chaque côté de celle-ci. Comme ils s'y attendaient, Elena sortit en courant et Toby l'attrapa par derrière en lui bandant les yeux à l'aide d'un foulard. Elena tenta de crier tandis qu'ils la faisaient tourner sur elle-même pour qu'elle ne puisse pas s'orienter. Ils l'avaient conduite jusqu'à mi-chemin du lycée – dans un autre quartier – et l'avaient laissée là. Plus tard, Elena fut assaillie de questions par ses amies, notamment pourquoi elle avait les même vêtements que le jour précédent (Elle ne mettait jamais la même tenue deux jours de suite), pourquoi elle avait des bleus un peu partout sur son corps, et pourquoi elle n'avait pas répondu à leurs appels. Mais elles s'arrêtèrent dès qu'elle leur ordonna de cesser de poser des questions.

Revenant à la réalité, elle remarqua l'air perplexe de Toby. Puis elle se rendit compte que quelques élèves examinaient un paquet cadeau en particulier, étant penchés au-dessus et le qualifiant de « bizarre ».

- Ce paquet n'était pas là, chuchota Toby.

C'était exact : Katherine n'avait pas aperçu ce paquet cadeau, et à en juger l'expression des autres élèves, eux non plus ne savaient pas ce qu'il faisait là.

À ce moment là, un garçon de seconde se mit face à ses camarades avec une feuille à la main qu'il avait trouvée sur le paquet en question.

- « Vengeance is in my heart, death in my hand, blood and revenge are hammering in my head" récita-t-il en fronçant les sourcils. Ce n'est pas du Shakespeare, ça?

- Si, c'est une citation issue de la pièce "Titus Andronicus", l'une des premières tragédies que William Shakespeare a écrit, confirma une fille passionnée de théâtre à la connaissance de tous.

- Euh, attendez, il y a une suite. « Qui que tu sois, cher ennemi, n'oublie pas que nous sommes plusieurs à jouer à ce jeu. Et tant que le gagnant n'a pas été désigné, les joueurs ont tous les mêmes chances de remporter la victoire. Bien sûr, tous les coups sont permis. Ce petit cadeau en est la preuve indéniable... »

Un petit silence s'installa. Katherine se demanda la signification de ce message, en méditant les mots qu'avait lu le garçon.

Nous sommes plusieurs à jouer à ce jeu... Tous les coups sont permis.

Et puis, ça a fait tilt dans la tête de Katherine. Elle se retourna vivement vers Toby d'un air alerté. Celui-ci lui jeta un regard interrogateur. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais elle fut interrompue par les protestations des autres élèves.

- On ne devrait pas l'ouvrir, dit une fille après qu'un de ses camarades se mit à déballer le cadeau.

- Pourquoi pas ?

- On ne sait pas à qui il est adressé. On n'a pas le droit d'y toucher.

- Le mot n'est même pas signé, et il ne désigne personne en particulier, contra le garçon. Il a peut-être été mis là exprès pour qu'on l'ouvre ensemble, qui sait ?

- Moi je dis qu'on peut l'ouvrir, intervint une petite brune.

- Oui, moi aussi. Qui est avec nous ?

- Moi ! s'écrièrent plusieurs personnes en même temps en levant la main.

Le garçon parut satisfait et commença à déchirer le papier cadeau tandis que la fille, elle, partit s'adosser au mur du fond de la salle en levant les yeux au ciel. Katherine se cacha instinctivement derrière Toby.

Et c'est à ce moment-là qu'ils la virent. Le paquet était étrangement grand. Et le papier à peine déchiré révélait... Une tête. La peau avait une couleur bleuâtre. Des cheveux blonds emmêlés dépassaient. Des yeux bleus sans vie étaient grands ouverts et fixaient le plafond.

Les élèves constatèrent avec effroi de qui il s'agissait.

Ce visage... C'était Anna.

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