tw : mention de mort + quelqu'un est forcé∙e à manger dans ce chapitre (faites pas ça, ça peut provoquer des TCA. Je vous mets un post en com' là dessus si ça vous intéresse ->)

rappel que "adelphe" est le mot neutre pour frère/soeur

à la fois où j'ai écrit un chapitre de Noël pendant les vacances d'été.

𝟸𝟻 ᴅéᴄᴇᴍʙʀᴇ 𝟷𝟾𝟿𝟽

La maison de Bathilda n'est pas beaucoup moins glaciale que l'extérieur, peu importe le nombre de buches dans la cheminée ou de couvertures sur les épaules. Quelques poutres menacent de s'écraser sous le poids de la neige et on ne voit plus rien par les fenêtres tant le givre s'y fige. 

Gellert s'en fiche pas mal. Le froid, là d'où il vient, c'est le quotidien. Alors, qu'on grelotte sous une boule de neige, ça a des allures pathétiques. Il en profite pour passer ses journées dehors, préférant quand c'est désert. 

Les commerçant∙es ont sortit leurs modestes décorations de Noël et ont tenté d'en tapisser les vitrines. On trouve quelque crèches, des illustrations de Saint Nicolas par des artistes improvisés... rien de bien impressionnant par rapport au monde sorcier ou même aux grandes villes moldu∙es.

Mais Noël aussi, Gellert s'en fiche pas mal. 

Il glisse ses mains dans ses poches, s'intéresse au cimetière, seul endroit qu'il n'a pas encore exploré - pour cause de se trouver si près de l'église. 

Il n'est pas entré dans l'église non plus, mais ce n'était pas dans ses intentions. La religion et la magie s'entendent moins bien qu'on pourrait le croire. À Durmstrang, certains aimaient raconter leurs histoires de famille les plus sanglantes. Ça avait été très enrichissant en matière de torture, particulièrement de la part des hommes envers n'importe quelle personne suspectée de sorcellerie. 

Du bout de son gant, il pousse la neige qui gît sur les tombes pour y lire les épitaphes. Iels ne se sont pas foulé∙es, pense-t-il. "À mon père", "à notre gendre", "à mon amour"... rien qui résume l'existence d'une personne. (Oh, ça va, il peut bien juger, iels sont mort∙es de toute façon !) 

Mais d'un coup sec, il s'arrête. Un symbole bien connu, révélé sous les flocons, lui tape dans l'oeil. Cercle encadré d'un triangle et celé d'un trait vertical en dessous du nom de Peverell. 

Ignotus Peverell ! Avec les livres qu'il a lu sur le sujet, difficile de ne pas connaitre son nom. Le troisième frère. Gellert ne savait pas, en revanche, que l'un de ceux ayant inspiré le Conte des Trois Frères était enterré à Godric's Hollow. Un souffle de joie forme de la buée devant son visage. Si la tombe d'Ignotus Peverell est ici, alors la cape d'invisibilité n'est pas loin ! Si ce n'est pas un signe ! Il a été envoyé dans le village où l'un des trois frères à vécu ! Ce genre de miracle lui ferait bien croire en Dieu. Il doit creuser cette piste. 

Il passe au travers du fantôme d'une mariée en longeant l'église, eurk. Il s'en serait indigné s'il n'était pas si optimiste, tout d'un coup.

Il traverse le coeur du village, déterminé à rejoindre les grimoires qui trainent sous son lit... Mais voilà qu'il percute quelqu'un et fait tomber bon nombre de fioles qui se brisent sur le trottoir. 

La personne ne soupire pas, ne se penche même pas pour tout ramasser, trop occupé à capter le regard de Gellert. C'est alors qu'il le reconnait.

Si ça ce n'est pas un signe...

« Je suis désolé !

Il sort sa baguette, s'apprête à murmurer un sortilège de réparation mais l'autre garçon l'arrête immédiatement. 

- C'est illégal, tu n'es pas majeur ! s'exclame Albus Dumbledore.

- Ha oui, c'est vrai. »

Ils se regardèrent un moment. L'un et l'autre puis ce qui reste de la fiole. Un sort ressoude les lambeaux de verre et fait voler la potion jusqu'à la main de Gellert, qui la tend à son interlocuteur.

« .. Mais personne ne dira rien. Je suis sûr qu'iels ne s'en rendront même pas compte. Je suis même pas d'ici. 

Dumbledore fit un sourire reconnaissant en récupérant la potion.

- Merci beaucoup. 

- Qu'est-ce que tu fais là ? 

- Je vis ici, répond-t-il.

- Moi aussi.

- J'ai cru comprendre, oui. On ne parle plus que de toi. Mon frère a déjà eu le temps de te détester. 

- Ton frère ? demande Gellert, confus. 

- Tu ne vois pas ? Tu l'as croisé à l'épicerie d'autre jour, parait-il. Il s'appelle Aberforth. 

- C'est ton frère ?! s'exclama Gellert, certain d'avoir bien entendu mais ayant du mal à y croire. 

- Moi aussi, j'ai parfois du mal à y croire. »

« Tu n'as pas un∙e autre adelphe, qui te ressemble plus ? 

Il ne posait pas ce genre de question sur les autres, habituellement. Mais pour Dumbledore c'était un peu différent, il voulait tout savoir de lui. Il fut gêné de voir un silence s'installer. 

- C'est compliqué... »

« Et toi ? 

Ça, aussi, c'est compliqué. 

- Disons que toute ma famille est morte. Répond Gellert riant du manque de tact avec lequel il l'annonce.

- Oh, Merlin, je suis vraiment désolé ! s'écrie l'autre garçon, qui lui, horrifié, ne rit pas du tout. Toutes mes condoléances.

- Merci. Mais ça va, ça fait longtemps. »

Dumbledore considère la fiole qu'il a gardé dans sa main, un filtre doré tourbillonne à l'intérieur. 

« C'est pour ma petite soeur, avoue-t-il finalement. Elle est...très malade. »

Gellert hoche la tête et les deux jeunes hommes semblent d'accord pour interpréter cela comme la fin de leurs conversation. 

« Albus ! » interpelle Gellert alors que ce dernier s'apprête à reprendre le chemin de sa maison. 

Il se retourne, l'étranger se rendant alors compte qu'il n'a rien a dire, qu'il voulait seulement rester avec lui un peu plus longtemps. Il improvise :

« Joyeux Noël. 

- Merci beaucoup, toi aussi. »

❇︎

Pas vraiment ce qu'on peut appeler un "joyeux Noël". Kendra Dumbledore a dépensé ses maigres économies dans de la viande que personne n'a envie de manger mais que tout le monde mange car c'est ce qu'on doit manger pour Noël. 

Dans les journaux, à l'approche des fêtes de fin d'année, on voit ça tout le temps : les familles riches qui fêtent Noël avec de la viande, un grand sapin et de nouveaux jouets de bois vernis pour les enfants et des habits du dimanche immaculés pour se rendre à la messe. La messe étant exclue pour une famille de sorcier∙es ayant l'excuse d'une enfant malade à s'occuper à la maison et toutes les autres dépenses étant bien au-delà du réel, il ne reste que la viande. 

Et le silence. 

Albus et Aberforth mangent sans rien dire. Pas de disputes pour Noël !

Ariana refuse de manger, garde les yeux sur la nourriture et la pousse du bout de sa fourchette. Quand elle s'en rend compte, sa mère se penche vers elle, rabat l'une de ses mèches derrière son oreille et lui dit :

« Ma chérie, qu'est-ce qui ne va pas ? Tu n'aimes pas ça ? »

Elle secoue la tête en réponse, regarde sa mère, les larmes aux yeux. 

« Tu sais, nous avons de la chance de pouvoir manger ce repas de soir. Il y a des enfants qui meurent de faim dans les rues de Londres. »

Aberforth s'approche à son tour. Albus se met à l'écart. De là où il est il peut voir le tableau de la mère et du frère encerclant la jeune fille dans un cadre faussement heureux. Il se dit qu'il aurait dut rester à Poudlard, puis se souvient qu'il est supposé être là pour sa famille. 

C'est bientôt la rentrée. Bientôt. 

« Tu dois manger pour avoir des forces, ma chérie. Tu peux manger trois bouchées, pour me faire plaisir ? »

« Maman a travaillé vraiment dur pour nous payer le repas de ce soir, rappelle Aberforth, ce serait méchant de ne pas manger. Ses efforts n'auraient servis à rien. »

Albus à de la peine pour sa petite soeur. Peut-être qu'il ne devrait pas ? Après tout il ne connait rien à la façon dont on élève un∙e enfant. Mais depuis toujours on force Ariana à manger et ça n'apporte qu'un seul result...

Le verre d'eau en face d'elle se brise et elle plaque ses mains sur ses oreilles alors que ses larmes commencent à couler. 

Albus s'en va avant d'en voir plus, il sait que de toute façon il ne pourra rien faire. 

Il entends des larmes jusqu'à tard dans la nuit, puis du calme, puis les pensés de son frère à son égard qui lui reproche d'être parti, de ne même pas avoir essayé. Mais il retourne bientôt à Poudlard, alors ça n'a pas d'importance.