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« C'est avec lui que t'étais tout ce temps, alors ?
Albus redresse la tête de son grimoire et oublie la ligne qu'il envisageait de souligner à propos de la baguette la plus puissante de toutes.
Se rendant compte qu'il est tordu en deux sur son lit, il se redresse avant de s'autoriser enfin à regarder Elphias. Celui-ci vient sortir de plus de quinze minutes de silence et quelque jours de froideur entre eux. Il se tient debout, dans le dortoir vide, devant le lit d'Albus alors qu'il regarde ce dernier dans les yeux. Il n'est pas en colère, seulement confus.
- Oui.
- Et pourquoi tu ne me l'as pas juste dit ?
J'avais peur que tu saches et que tu me regarde comme iels nous regardaient quand on est arrivés ici et qu'on étaient des parias. Tu es le seul - avec Gellert - à ne m'avoir jamais regardé comme ça.
- Je ne voulais pas que tu te fasses des idées sur moi.
- Des idées ? Quelles idées ?
- Tu sais très bien quelles idées ! soupire Albus en faisant mine de porter de nouveau de l'intérêt à son livre.
- Non, contredit son ami, je ne sais pas !
- Que je suis le genre de garçon qui va retrouver d'autres garçons, la nuit. »
Comme Elphias ne comprends pas, il éclaircit, ravi que tout les autres membres du dortoir soient depuis toujours de gros fêtards rentrant à des heures aberrantes et que personne d'autre ne puissent entendre cette conversation.
On voit le déclic se produire dans les yeux du jeune homme.
- Hein ?! Mais pourquoi est-ce que je penserai une chose pareille ? »
Le temps que met l'autre à réfléchir laisse un silence lourd qui pique l'attention d'Elphias.
« Attends... est-ce que c'est le cas ? »
« Albus... ?
- Je dois aller rendre ce livre. »
❇︎
À l'heure indiquée - c'est-à-dire en début d'après-midi- un groupe d'étudiant∙es de toutes années et maisons confondues patiente devant le panneau qui annonce la défense d'entrer dans la forêt interdite. Une Serdaigle qui doit être en cinquième année boude à coté d'un autre Serdaigle avec qui on l'a sans doute surprise. Deux fillettes d'environ douze ans font un jeu de main en chantonnant à mi-voix. Lloyd et Gillis se sont installé∙es le plus loin possible l'un∙e de l'autre, même si on devine à leurs yeux au beurre noir qu'ils ont été collés ensemble. Gellert, la paume de sa main écarté face à lui, murmure une formule sans sortir sa baguette. Au moment où Albus le rejoint, une flamme s'y matérialise enfin, attirant brièvement l'attention de tout le monde qui se dissipe vite. Albus n'ose pas parler tant le frottement des feuilles d'arbres semble fort dans le silence.
Il aimerait pourtant rapporter la discussion qu'il a eu avec Elphias à Gellert. Il ne sait pas s'il oserait, mais il aimerait partager ça avec lui. En fait il aimerait tout partager avec lui... mais ça il ne pourrait pas le dire qu'ils soient seuls ou entourés d'un million de personne.
Carpet finit par débarquer, un énorme manteau sur le dos. Il demande aux élèves de le suivre alors qu'il franchit la limite imposée par le panneau. Le groupe suit et, très vite, iels s'enfoncent dans la forêt.
Les chemins étant rarement visités, ils sont peu praticables et on doit parfois de tordre pour franchir deux arbres ou écarter des branches si l'on a une destination précise en vue. Gellert se fait la réflexion que la forêt à l'air plus chaotique en pleins jour, car, contrairement à ce qu'on pourrait penser, la lumière du jour ne lui apporte pas d'atmosphère chaleureuse. Le ciel blanc sert seulement de décor lointain à des monstres à l'écorce tordue. Mais cela ne repousse pas le jeune homme, en fait, l'idée que ce bois ai comme une identité propre le fait l'aimer encore plus.
En débouchant enfin dans une clairière, Carpet sort de nul-part des sacs de toile qu'il distribue aux élèves :
« Vous ramasserez toutes les fleurs de moly, d'asphodèle ou tout les dictames que vous trouverez. Nous avons besoin de potion wiggenweld (il maintient le regard des deux filles de deuxième année sur ces derniers mots.) Répartissez-vous comme bon vous semble, je n'en ai rien à faire, soyez seulement de retour dans deux heures et criez très fort si vous tomber dans un filet du diable. »
« Très rassurant, comme toujours, vos profs. » Ironise Gellert tandis qu'Albus ramasse le sac et suit son camarade vers l'intérieur de la masse d'arbres.
L'asphodèle et le moly sont deux fleurs blanches qu'ils sauront identifier, mais ils n'ont pas la moindre idée de comment différencier le dictame de n'importe quelle fougère. Ils déambulent sans rien dire un moment avant que les plantes ne les préoccupent plus assez pour que le silence ne soit pas gênant.
« Tu as déjà...
Albus veut s'interrompre aussitôt, mais Gellert s'est déjà retourné vers lui pour écouter la suite.
... été en couple ?
- Ça dépend de la définition que tu donnes à ce mot. répond l'autre garçon, impassible.
- Deux personnes qui éprouvent un amour romantique réciproque...?
- Dans ce cas, non. Pas vraiment. Celleux que j'ai aimé m'ont rarement aimé en retour et celleux que j'ai fréquenté n'ont jamais éveillé∙e des sentiments assez forts. Faux croire qu'on ne peut pas tout avoir. »
Cette façon pessimiste de voir les choses ne rassure pas Albus. Il va tomber amoureux de nombreux garçons qui n'aimeront pas les garçons ou qui ne le trouveront pas à son goût au cours de sa vie... Celui qui se tient juste devant lui, par exemple, ne le verra peut-être jamais comme il le voit. Et rien que d'y penser lui fait mal au coeur.
« Et toi ? finit par retourner Gellert en fronçant les sourcils devant une nouvelle fleur blanche. Je te vois bien en amoureux transi. Fou de sa bien aimée.
- C'est une niphredil, précise Albus en désignant la plante avant de reprendre pour son ami : Je suis souvent transi d'amour pour des personnes qui ne le remarque pas. Parfois ils ne savent même pas que j'existe.
- Pourquoi tu ne le leurs fait pas remarquer ?
- J'essaye, parfois.
- Ça marche ?
- Non. Je pense que je ne suis pas leurs genre, pour la plupart. rit faussement Albus, qui réalise qu'il a tout avoué, même s'il ne sait pas si Gellert l'a compris.
- Et quand tu sais que tu es leurs genre ?
- Oh, ça n'est arrivé qu'une seule fois. Et je ne sais même pas si j'étais le genre qu'il aimait dans ce genre...
- Qu'est-ce que tu as fait ? demande le jeune homme l'air indifférent mais qui se surprend toujours à poser autant de questions lorsqu'il s'agit d'Albus.
- J'ai attendu qu'il vienne vers moi. Oh, trouvé ! (il cueille deux moly et les serre dans sa main.)
- Il l'a fait ?
- Non.
- Et je suppose que tu attends toujours.
- Je suppose. Mais ça fait seulement six mois, que j'attends. Ça va. » rit Albus avec sarcasme.
Gellert songe qu'il pourrait lui donner le signe dont il manque, car il a bien comprit qu'il était le concerné. Il pourrait briser le mètre qui les sépare, l'embrasser et changer leurs vie à tout les deux en leurs faisant vivre un premier amour romantique réciproque, comme il dit. Il s'apprête à le faire, d'ailleurs, durant le temps que dure leurs échange de regards... mais alors qu'il sont assez proches pour se prendre la main, un craquement de branche les alerte et les fait s'éloigner.
Lloyd et Gillis surgissent de l'ombre en faisant semblant de se disputer le sac, mais les deux autres ont bien compris qu'ils ont entendu plus qu'ils ne devraient.
« Salut les gars, lance Gillis. On retourne à la clairière ? Vous avez trouvé des trucs ?
- Quelque uns. » répond froidement Gellert en emboitant le pas aux deux autres.
Le quatuor improvisé fait un bout de chemin dans une ambiance inconfortable.
« Pourquoi vous-vous êtes mis∙es ensemble, si vous vous détester ? demande finalement Albus par politesse.
- Je ne voulais pas rater l'occasion de le voir se faire attaquer par un filet du diable. Et puis c'était ça, les deux gamines, le couple de pervers ou vous deux. Alors le prenez pas mal, mais c'était la meilleure option. Je voulais pas interrompre vos trucs. Encore une fois. »
Albus senti comme son coeur se geler sur place.
« Arrête ça, connard. Jure juste que tu ne dira rien de ce que tu as entendu. défendit Gellert en pointant sa baguette sur Lloyd et en se stoppant.
- Ça va, il dira rien. affirma Gillis en arrachant le bois de la main de celui qui menaçait son ennemi.
- Nous on s'en fou, hein, que vous baisiez des mecs. Votre secret est bien gardé ! »
Cela ne rassure ni Gellert qui aurait de nouveau menacé les Serpentards de sa baguette si celle-ci n'avait pas été en leurs possession, ni Albus qui s'exaspère que son amour ne soit réduit qu'à une préférence sexuelle. Il n'a même pas pensé à celui qu'il aime de cette manière, il n'en a même pas envie, il veut être avec Gellert avant tout, faire des trucs de ce type avec lui ça viendra après ou ça ne viendra pas. Aucune importance.
Par ailleurs, ils sont tout deux anxieux à l'idée de savoir leurs secret gardé par des personnes qui aiment autant se faire remarquer. S'iels disent quoi que ce soit au mauvais endroit ou au mauvais moment, ils se retrouveront tout les deux renvoyés de l'école voir expédiés à Azkaban.
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