1.
On ouvre ma cellule. Je m'attends à voir un des gardes m'apporter mon repas, mais à la place, une tête blonde apparaît dans l'embrasure de la porte.
Elle paraît sonnée, et le garde derrière est obligé de la pousser sans ménagement pour la faire rentrer. Il referme la porte derrière lui sans plus d'explication.
Je me suis levée instinctivement et je la dévisage sans gêne.
"T'es qui ?" je lui demande sur un ton froid. Ça va faire plus de quatre ans que je suis enfermée à l'isolement, alors ma sociabilité m'a désertée depuis longtemps.
Elle me scrute un instant, méfiante, puis elle va s'asseoir sur mon lit avec désinvolture. Je remarque alors dans ses mains une couverture, seul bien qu'il nous ait autorisé de posséder dans nos cellules. "Clarke Griffin, et toi ?" Sa voix est disante, ses yeux sont rouges, elle paraît fatiguée.
"Iso." lui dis-je, toujours sur la défensive. "Pourquoi t'es là ?" j'enchaîne en continuant de la dévisager, comme si j'essayais de trouver les réponses à mes questions sur elle.
Elle garde son regard fixé sur ses mains alors que ses doigts se tendent et se détendent inlassablement, presque machinalement. "Pour des secrets." Je ne comprends pas trop ce qu'elle veut me dire, et je fronce les sourcils. D'un geste de la main, j'englobe sa silhouette typique de privilégiés sur l'Arche. "Je ne sais pas si tu connais le principe de l'isolement, mais le but n'est pas d'avoir de la compagnie."
Elle lève les yeux vers moi et me regarde au travers des mèches blondes de ses cheveux, un petit sourire moqueur sur les lèvres. "Eh bien c'est pourtant clair, aucune de nous deux ne risquent de sortir vivante d'ici." Un élan de colère déforme les traits de mon visage après ses paroles, mais il disparaît bien vite une fois que je compris où elle voulait en venir.
Les personnes de moins de dix-huit ans ayant commis un crime sont enfermées jusqu'à leur majorité, date à laquelle ils sont jugés et punis en conséquence. Je savais très bien que la faute m'ayant conduite dans cette cellule risquait de me coûter la peine maximale, mais j'avais encore un espoir. Qui vient de partir en fumée. Il en est de même pour elle et ses secrets apparemment.
Je vais m'accouder contre le mur et croise les bras sur ma poitrine. "Je vois, ils se fichent bien de ce que l'on peut se raconter l'une à l'autre..." je murmure plus pour moi-même. Elle hoche la tête pour confirmer mes propos.
Elle paraît résignée, à quoi ? Je ne sais pas, sûrement à mourir. Je ne m'étais jamais posée la question, mais je me rends bien compte que la date de mon 'jugement' approche, il ne me reste que quelques mois.
|…|
Je me souviens parfaitement de cette année qu'on a passée ensemble. Ironiquement ou non, le passage devant le juge devait se faire à la même date pour Clarke et moi.
Nous passions notre temps à nous parler de nos passions, de nos anciennes vies ou plutôt de ce que je me souvenais, pour ma part. Elle pouvait me parler pendant des heures de la façon dont on devait bander un blessé ou même recoudre une plaie. Elle m'a tellement bassiné avec ça que je suis presque sûr que je suis capable de le faire moi-même les yeux fermés alors que je n'ai jamais vu une plaie de ma vie.
Elle gardait toujours un visage concerné mais déçu aussi, déçu à l'idée de ne plus pouvoir mettre à profit ce savoir, de perdre ces connaissances et de les laisser flotter dans l'espace. Elle me raconta même pourquoi elle avait été placée ici, à l'isolement. Alors je fis de même, je lui confiais le peu qu'il me restait de ma vie d'avant, lorsque j'étais encore libre.
Elle ne parut pas horrifiée de savoir ce que j'avais fait, et elle me pardonna mon crime, bien que je sois encore incapable de me le pardonner à moi-même. Il arrivait des nuits où mes hurlements résonnaient sans cesse entre les murs de notre cellule, des cris de douleur attisés par mes cauchemars de sang, de souffrance et de supplice. Et Clarke me berçait sans se plaindre.
Et lorsqu'elle pleurait la mort de son père, je faisais de mon mieux pour la soutenir, malgré ma déficience en ce qui concerne les relations humaines.
Oh oui je me souviens parfaitement de ce temps là, comme si c'était l'unique temps de ma vie.
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