Est-ce que c'est censé faire aussi mal de respirer, quand on est mort ? Je ne crois pas. Tout est noir autour de moi, et je me sens vide, pourtant, je me demande pourquoi on me laisse le droit de me rendre compte que j'ai tout perdu. J'ai l'impression que mon corps repose sur une centaines de bouts de verre, qui s'amusent à bouger sous mon dos, mais je suis incapable de bouger. Les ténèbres qui m'entourent n'ont rien de reposantes, comme lorsqu'on dort, puisque je suis capable de me dire que je suis morte, et qu'en plus de ça, je dois être en enfer, pour en avoir conscience. Je ressens tout à l'intérieur, et si la mort arrache les entrailles de mon âme à grands coups de griffes, le pire est de penser à tout ce que j'ai laissé derrière moi. Je sais que j'ai promis à Bellamy que ce serait tout ou rien, mais me voilà en train de pleurer intérieurement pour avoir ne serait-ce qu'un signe qu'il est toujours vivant. Clarke a dû s'en sortir. Octavia aussi. Et Jasper. Et Raven. Ils vivront sans moi, et j'espère que ce ne sera pas un fardeau pour eux. Mais Bellamy. Lui ais-je assez dit la teneur des sentiments que j'avais pour lui ? Notre chemin a été difficile à tracer, mais nous l'avons fait.

Quelque chose passe sur mon visage, c'est comme une plume qui me caresse la joue. Serait-ce un signe ? Si je suis actuellement allongée en enfer, serait-ce un signe des cieux ? Peut-être répondent-il à mon appel silencieux ?

Je sais que je devrais être soulagée, de penser que Bellamy est vivant, mais la douleur vive qui ronge la coquille vide qui me sert de corps manque de me faire mourir une deuxième fois, si cela est possible. Plus jamais je ne pourrai tenter de déchiffrer ses yeux sombres. Plus jamais je n'aurai l'occasion de passer mes mains dans ses cheveux d'ébènes et de me délecter de leur odeur, l'odeur de nos bois. Plus jamais je ne pourrai enfouir ma tête dans son cou et sentir palpiter ses veines contre ma joue.

Cette fois, je peux clairement percevoir les larmes couler sur mes joues et descendre jusque dans mon cou. C'est comme des lames qui strient ma peau. Les sanglots font trembler mon corps, et la douleur qui me vrille l'estomac ne fait que grandir un peu plus à l'idée d'être présente jusqu'à la fin des temps.

Ne pleure pas.

Une voix lointaine martèle mon crâne, mais elle est reconnaissable entre milles. Est-ce que je suis en train de rêver ? Impossible, l'enfer n'offre pas de telles chances. De nouveau, je sens cette douce caresse sur mon visage, et elle essuie mes larmes.

Tout ou rien, répète la voix, cette fois à mon oreille. Et je peux sentir quelque chose de nouveau, comme s'il n'y avait pas que mon corps dans le néant de ces ténèbres. C'est comme si l'air brassait l'herbe à mes pieds, comme si le soleil perçait au travers des nuages et des branches des arbres pour venir réchauffer ma main. C'est comme les cheveux de Bellamy qui chatouillent mes yeux lorsque j'ai le visage caché dans son cou. C'est comme l'odeur de nos bois, de notre forêt, témoin de ces moments où nous courrions en parfaite harmonie tous les deux.

Et soudain, comme lorsqu'on voit le jour pour la première fois, l'air me frappe de plein fouet, cherchant à s'engouffrer dans ma gorge avec force, et mes yeux s'ouvrent en grand, surpris et pressés de découvrir le monde.

Je me redresse brutalement, alors que mes yeux papillonnent, assaillis par la lumière. Une main se plaque dans mon dos pour me soutenir tandis que je respire en prenant de grandes inspirations, au risque de me déchirer les poumons. Une main sur mon cœur, je le sens battre à toute vitesse. Et alors que je me retourne, distinguant à peine où je me trouve, je vois le visage de Bellamy changer distinctement. Il passe de la crainte la plus profonde au soulagement. Et tout ce que je trouve à faire, c'est fondre en larme.

Je ne suis pas morte, je ne suis pas morte, je répète comme une mauvaise chanson en cachant mon visage ruisselant de larmes derrière mes mains.

Les bras de Bellamy m'entourent alors précautionneusement. Non, tu es avec moi, murmure-t-il comme une prière. Je le sens trembler contre moi, et je comprends qu'il craque lui aussi. Je m'accroche alors à ses bras, les yeux clos, espérant que le flot de larmes se tarissent de cette manière.

Au final, si je n'ai rien perdu, il me reste tout.

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