Chapitre 8
⑧
Mieux te connaître
💛💙
Jungkook n'est pas le seul à bugger, c'est la réflexion que je me fais quand je réalise que c'est la troisième fois que je porte ma tasse à ma bouche alors qu'elle est vide. Un virus a dû s'immiscer dans sa mise-à-jour et m'a contaminé, je ne vois que cette explication-là. Un cheval de Troie.
Ça doit faire bien un quart d'heure qu'on est ici, lui et moi, et nous ne nous sommes pas adressé un mot, à part quelques futilités quand on s'est retrouvés.
– Ça fait longtemps que tu attends ?
– Non, ça va. Tu veux boire quoi ?
– Un café, et toi ?
– Pareil.
C'est Jungkook qui est arrivé le premier. Quand je l'ai vu, il somnolait debout, adossé au mur qui longe le café, comme s'il était là depuis trop longtemps mais qu'il n'osait pas prendre place en terrasse avant d'être certain que je vienne. Avait-il craint que je lui pose un lapin, alors que je suis celui qui a lancé l'invitation la veille ?
Je n'ai rien dit de mes soupçons devant lui, déjà parce que je ne voulais pas le gêner, ensuite parce que je ne voulais pas me gêner. Je me suis contenté de le rejoindre avec un sourire forcé destiné à cacher mon stress.
J'ai angoissé toute la nuit. J'ai même regretté de lui avoir proposé ce café et maudis Yoongi de m'avoir poussé à le faire. Je n'avais absolument aucune idée de quel sujet j'allais pouvoir aborder avec Jungkook, surtout qu'aujourd'hui est mon jour de congé et que je suis toujours moins brillant le week-end à cause de la fatigue accumulée la semaine.
Pour tout dire, j'ai carrément passé une heure devant mon armoire à me demander quoi mettre. Comment étais-je censé m'habiller pour un rendez-vous avec un parasite que j'ai éperdument essayé de chasser et avec qui j'essaye soudainement de copiner ? D'ordinaire, je ne me pose pas la question : le dimanche, c'est tee-shirt oversize et calbut. Je ne pouvais définitivement pas me pointer dans la rue en calbut... Alors j'ai mis un short pour me couvrir les fesses. Et des claquettes pour pas marcher pieds nus (ce n'est pas très civilisé sinon).
En somme, ma tenue n'est pas franchement des plus attrayantes, on dirait que je vais faire mes courses. Mais il fait chaud, et beau, et je suis en week-end, alors le confort prime avant tout le reste. Jungkook, lui, ne semble pas s'être beaucoup pris la tête. Il est comme d'habitude : un pantalon noir, une chemise noire et de jolies chaussures noires.
Maintenant que j'y pense, il est toujours très chic. Même pour taper des siestes chez IKEA. On dirait presque un uniforme de travail tant il porte la même chose à chaque visite. Peut-être que j'ai dû le voir une fois emmitouflé dans un gros sweat et un jogging si large qu'il lui mangeait la taille, mais c'est tout.
– Tu reprends quelque chose ?
Je quitte mes pensées et réalise qu'il me fixe. Il attend une réponse, et il me faut bien quelques secondes pour comprendre de quoi il parle.
– Ah, euh... Oui. La même chose.
Il fait signe au serveur. Peu de temps après, deux autres cafés arrivent à notre table.
Je m'empresse de boire une gorgée, tandis que Jungkook verse deux sachets entiers de sucre, comme il l'a fait avec le premier.
– C'est pour me redonner de l'énergie, m'explique-t-il en voyant mes yeux ronds. Si je manque de sucre en plus de sommeil, je peux tomber dans les pommes.
Je hoche bêtement la tête car je n'ai rien d'autre à faire et qu'aucun commentaire ne me vient. Puis je resonge à sa tenue qui ressemble à un uniforme et je prends soudain conscience que je n'ai aucune idée de ce qu'il fait dans la vie. Lui, il connaît mon travail et, d'une certaine manière, mes fréquentations. Moi, je ne connais absolument rien de lui.
– Est-ce que tu travailles ?
J'ai tout de suite envie de me frapper la langue. Ma question sonne très maladroite, presque rabaissante. Comme si le fait qu'il vienne constamment au magasin me faisait croire qu'il n'était qu'un gros flemmard qui se tourne les pouces. Je m'excuse pour mon manque de tact, alors qu'étrangement, il ne semble pas l'avoir mal pris.
Il repose délicatement sa tasse sur la table sans me lâcher du regard.
– Je suis réceptionniste de nuit dans un hôtel.
Cette réponse me surprend dans un premier temps. Puis, c'est comme si toutes les pièces venaient s'imbriquer les unes aux autres pour former une image logique et précise.
– Oh ! C'est pour ça que tu es tout le temps fatigué ? Parce que tu travailles et que tu ne dors pas la nuit ?
– Non, répond-il aussitôt.
Mes sourcils se froncent et je ne comprends plus rien. La logique m'échappe aussi vite qu'elle m'est venue.
– Je travaille la nuit parce que je ne dors pas la nuit. Pas l'inverse.
Devant mon air perdu, il ajoute :
– Je souffre d'insomnies sévères. Depuis petit...
Pendant un instant, je crois qu'il se fiche de moi. Mais en observant ses cernes marqués, je réalise que c'est sérieux. J'ai honte de l'admettre, mais j'ai toujours pensé que les insomnies étaient une excuse pour ceux qui ne voulaient pas se coucher et qui préféraient passer du temps sur leur téléphone. Ou encore, qu'elle n'arrivait que ponctuellement, les soirs où on avait beaucoup trop de choses en tête. Mais Jungkook m'explique (avec un nombre de mots réduit et de façon extrêmement factuelle) que c'est bien plus fort que ça et que ça peut durer des mois, voire des années. Pour lui, ça dure depuis toujours.
Selon son hypothèse, ça proviendrait du fait qu'il était très sujet aux cauchemars en étant enfant et qu'il a fini par développer une peur de dormir. Au départ, sa maman lui contait des histoires et le veillait jusqu'à ce qu'il tombe de fatigue. Mais ça s'est amplifié avec le temps, au point qu'il ne pouvait plus dormir autre part que dans le lit de ses parents.
En grandissant, c'est devenu plus handicapant car ces derniers ne supportaient plus de l'avoir entre eux toutes les nuits. Alors, il a trouvé des stratagèmes pour avoir moins peur, comme faire en sorte de s'assoupir dans le salon pendant que sa famille regardait la télé, ou alors se rendre chez son grand-frère qui habite un studio afin de dormir dans la même pièce que quelqu'un.
C'est quand est venu le temps de prendre son indépendance que son enfer a réellement commencé. La solitude a alimenté ses insomnies, jusqu'à impacter sa santé. Le manque d'énergie, la dépression, les carences alimentaires, Jungkook en a incroyablement souffert.
Après s'être rendu à l'évidence que gérer son travail de jour lui était devenu impossible, il a demandé à passer dans le service de nuit et a pris l'habitude de faire des siestes un peu partout dans les lieux publics : les parcs, les cafés, les halls de gare...
Puis IKEA.
En écoutant son histoire, la culpabilité me prend aux tripes et ne me lâche pas. J'ai la nausée rien qu'à me dire que durant tout ce temps, je l'ai privé des seuls moments où il pouvait se reposer. Je n'ai pensé qu'à moi, à ma tranquillité et à l'image du magasin, et par-dessus tout, je l'ai jugé sans connaître un millième de sa vie. La vérité, c'est que je juge trop facilement les gens, et c'est un défaut que je déteste chez moi.
– Je suis désolé, je murmure faiblement, car c'est tout ce dont je suis capable actuellement.
Jungkook me dévisage en silence, comme s'il cherchait sur mes traits la nature de mes excuses. Je sais qu'il comprend, je le vois dans son regard. Et pourtant, il ne m'en veut pas... et c'est moi qui ne comprends pas.
Il hausse les épaules et gratte de sa cuillère le sucre qui ne s'est pas dissous au fond de sa tasse, puis la porte à sa bouche.
– Tu ne savais pas.
Certes, je ne savais pas.
– Mais maintenant je sais. Et pour ce que ça vaut...
Je passe un coup de langue sur mes lèvres et annonce :
– Tu seras toujours le bienvenu chez IKEA.
Ma phrase est nulle, digne d'un mauvais vendeur qui a appris sa réplique par cœur. Pourtant, je vois l'impact qu'elle a sur Jungkook, et surtout sur son visage.
Ses yeux trouvent les miens.
Et pour la première fois depuis que je le connais, il me sourit.
..‿︵‿..︵ʚɞ
Kyaaaaaaa, j'adore ce chapitre !!! Pardon, je me calme. Nan mais en même temps, ils sont si pipou 😭😭
Bref, hystérie mise à part, l'heure est grave, les amis. Je n'ai plus de chapitre d'avance. Je vais donc devoir me remettre à la rédaction de Släkt, et j'ai aussi peur que hâte. J'espère avoir suffisamment d'inspiration pour continuer de publier au rythme actuel (nous le sauront bien vite).
Ceci étant, bien le bonsoir mes petits Daims.
Astëlya
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