Chapitre 1
①
À chaque jour sa dose de défis et de dangers
💛💙
– Jeune homme... Jeune homme, réveillez-vous !
Ma main se pose pour la première fois sur son bras. Je n'hésite pas, mais je le tapote de manière expérimentale avec la pensée que je n'aimerais pas qu'on me touche pendant mon sommeil. Jusqu'ici, j'ai toujours évité de le faire. Simple question de respect. Mais aujourd'hui, il ne me laisse plus le choix. Il n'aura qu'à se plaindre lorsqu'il aura ouvert un œil, s'il n'est pas content.
– Oh ! Vous m'entendez ?
Trois secondes passent sans qu'il ne bouge ou ne grogne. Je conclus qu'il ne m'entends pas. Ou peut-être fait-il semblant de ne pas m'entendre. Le doute me fait passer de l'agacement à la colère. Elle me monte au nez encore plus vite que du wasabi et se déverse sur ma patience comme une coulée de lave brûlant tout sur son passage. Au bord de l'éruption, je me mets à le tapoter plus fort et hausse la voix :
– Allo ! la Belle au Dois Dormant, ici vendeur de matelas qui aimerait bien bosser en paix !
Autant pisser dans un violon. Je pourrais jouer des percussions sur son biceps qu'il ne réagirait toujours pas. Je me demande comment font les gens pour dormir aussi profondément. Moi, le simple battement d'ailes d'une mouche suffit à me réveiller. C'est pénible.
Derrière moi, quelqu'un se rapproche. On me mâchouille dans l'oreille et des miettes me tombent dessus.
– J'y crois pas ! Il pionce encore là ?
Avec une mine de dégoût, j'époussette mon uniforme de travail puis me tourne vers mon collègue, les yeux incendiaires.
– Ça te fait rire ? C'est la troisième fois qu'il vient cette semaine !
Yoongi hausse les épaules et enfourne un autre Daim dans sa bouche déjà pleine. On pourrait se faire des tartines rien qu'avec sa salive tellement elle est saturée de chocolat. Cette pensée me colle un reflux.
– C'est plutôt marrant, je dois avouer, dit-il, amusé.
Moi, ça ne m'amuse pas du tout. Mais alors, pas du tout ! Déjà, parce que je n'ai pas que ça à faire de déloger un pauvre type qui prend le magasin pour une salle de sieste alors que j'ai de vrais clients qui m'attendent pour investir. Ensuite, parce que ça commence à bien faire, les lessives.
– Tu veux pas manger correctement, pour une fois ? je râle en voyant une nouvelle miette s'écraser sur ma chemise rayée jaune et bleu.
Au lieu de répondre, Yoongi tire de sa poche un chocolat et le tend sous mon nez.
– T'en veux un ?
– Non, Yoon, je n'en veux pas ! Je veux juste que ce gars...
– Chhht, me souffle-t-il, un doigt sur les lèvres. Tu risquerais de le réveiller...
Il désigne du menton le parasite et c'est le retour du wasabi. Cette fois-ci, il est combiné à de la moutarde extra-forte et des piments oiseau. Je serre les poings. Je crois que mon corps s'est mis à trembler. Si personne ne me retient, je vais finir par assassiner des innocents. On ne voudrait pas ça.
Je ferme les yeux et prends une longue inspiration pour me calmer...
Et c'est en suédois que je commence à l'insulter.
⊷
Parfois, je me demande pourquoi j'ai accepté ce job. En y réfléchissant bien, ce n'est pas comme si j'avais eu le choix. Je sortais tout juste du lycée et mes parents me mettaient la pression pour que je quitte la maison. C'est sur que trois marmots à nourrir ça coûte cher, alors s'ils pouvaient se débarrasser au moins du plus vieux, ils n'allaient pas s'en priver.
En vérité, l'idée de prendre mon indépendance ne m'a pas rebuté plus que ça. Au contraire. Indépendance voulait dire plus personne pour me surveiller, plus de frère et de sœur pour me déranger, et plus de lave-vaisselle à ranger. Mon emploi du temps et mon ménage, ce serait enfin à moi de le gérer. Ô, liberté !
Ce que je n'avais pas envisagé, cependant, c'est qu'il n'y avait pas que l'emploi du temps et le ménage à gérer mais également les finances. Et que ça, c'était beaucoup moins sympa. Car dans indépendance il y a aussi budget. Et Dieu sait combien la vie peut coûter bonbon.
J'ai rapidement dû songer à ce que j'allais bien pouvoir faire et à comment j'allais gagner mon blé, moi qui n'avais qu'un pauvre diplôme sans grandes qualités. Il était clair que ce n'était pas mon CV qui m'aiderait.
En épluchant les sites d'annonces, j'ai vu défiler de nombreuses fois mes pires cauchemars ; pet-sitter, baby-sitter, mamies-sitter (c'est dingue comme de nos jours tout se garde)... C'était inconcevable que je m'embarque là-dedans. Je déteste les chiens, je ne supporte pas les enfants et les vieux me donnent de l'urticaire. J'étais donc bien avancé. Le temps de quelques jours, j'ai pensé à mettre mon corps sur le marché, mais j'ai fini par me dire que ce n'était pas spécialement une bonne idée.
Il ne me restait plus que l'option du commerce. Vendeur. Mais vendeur de quoi ? Je n'allais pas me mettre au point de croix ni à dealer des dolipranes. Je n'avais pas non plus envie de terminer en caisse de supermarché, avec les pots de yaourts et les briques de lait percés qui vous coulent sur les doigts.
C'est là que j'ai atterri sur cette offre d'emploi, et que je me suis dit : pourquoi pas ?
J'allais être vendeur.
Vendeur chez IKEA.
Quelle erreur, croyez-moi. Je ne pensais pas regretter autant les premiers mois.
N'ayant aucune compétence dans le commerce, J'ai commencé avec les tâches ingrates avant de débuter ma formation au rayon literie. Au départ, on m'envoyait faire la plonge à la cafétéria, ou aux stocks pour aider. C'est dans ce dernier endroit que j'ai fait la rencontre de Namjoon. Un gars très sympa, mais qui a de nombreuses fois manqué de m'éborgner avec toutes sortes d'objets. Cartons de bureaux, chaises, tournevis... Mes orteils n'ont pas oublié le sofa qui a failli les amputer.
Après une petite période là-bas, je suis monté d'un étage. Au sens propre. Au revoir les stocks, bonjour les enfants ! C'est ainsi que remettre une montagne de peluches dans leurs bacs et refaire la présentation des chambres d'exposition après le passage de gosses turbulents est devenu mon quotidien. Ç'aurait pu être pire, c'est vrai... si je n'étais pas devenu la cible de ces moitiés d'humain. Un sacré traumatisme, on ne va pas se le cacher.
Quand j'en ai eu marre de me prendre des dauphins mutants et d'autres sortes d'animaux indéfinissables en pleine figure, j'ai supplié mon patron de me changer de secteur. Entre la chemise de travail affreuse et les kilomètres parcourus dans le labyrinthe que représente ce magasin, il me devait bien ça. À mon grand soulagement, il a cédé à ma demande et m'a, dans un premier temps, mis au rayon cuisines et salles à manger pour pour que je me fasse la main avec la clientèle. Seokjin a beaucoup participé à mon intégration. Grâce à lui, j'en connais un paquet sur la qualité de nos produits ainsi que sur leur adaptation au kama-sutra.
Par exemple, de ce que j'ai retenu, notre table à manger Vedbo est super esthétique et surtout longue, ce qui est très pratique pour s'allonger dessus. Mais ses pieds raffinés ne permettent pas de supporter un poids trop important, ils la rendent fragile. Mieux vaut donc ne pas monter à deux dessus et se contenter de faire l'angle-droit. En ce qui concerne notre table gigogne Fridnäs, en revanche, on peut se permettre plus d'acrobaties grâce à sa structure à étages multiples. Pourquoi pas une petite charrue des temps modernes ?
Le mieux, selon Seokjin, c'est ce qui se trouve du côté des cuisines modulaires. Nos plans de travail sont si massifs qu'ils offrent d'innombrables possibilités. Levrette, andromaque, cheval à bascule, brouette... Nul besoin de faire gaffe, on peut se faire cuisiner à toutes les sauces, se faire retourner comme une crêpe ou sauter comme une pomme de terre sans avoir peur de salir ou de détruire (ses arguments, pas les miens).
Alors effectivement, tout ça est très enrichissant niveau culture générale, mais pas très pertinent dans la vente. Et si Seokjin, lui, arrive on ne sait comment à faire son chiffre chaque semaine, j'ai souvent manqué de faire l'objet de plaintes pour harcèlement sexuel. Heureusement, mon boss a très vite compris que je n'étais pas fait pour les cuisines.
C'est enfin qu'il m'a mis dans les chambres et que j'ai suivi mon apprentissage des matelas. Je suis super calé sur le sujet, maintenant. Matelas à ressorts, en mousse, en latex, à mémoire de forme... Sans oublier les dimensions qu'IKEA a bien pensé à rendre singulières afin qu'on ne puisse se fournir en sommier que chez eux. Les petits malins.
Pour être honnête, je dois dire que travailler dans ce rayon n'est pas si horrible que ça. Ça doit faire plus d'un an que j'y suis, ce n'est pas trop risqué et je m'entends vraiment bien avec Yoongi (et lui ne me bassine pas avec le kama-sutra).
Yoongi, ça fait deux ans et demi qu'il bosse là, ce qui fait de lui un prince dans ce grand royaume suédois. Peu de gens arrivent à rester autant de temps. Mais lui, il se sent bien chez les Nordiques. Y a des Daims.
Perso, je préfère les hot-dogs de la cafétéria. Je les trouve même meilleurs depuis que Hoseok est là. Ce mec, il est ultra sympa. Mais attention ! Il est vraiment maniaque. Alors gare à celui qui viendrait lui chiper ses parts de tarte au chocolat-caramel durant les pauses ou qui foutrait le bordel dans ses fourneaux (coucou Yoongi).
En fait, IKEA, c'est un peu comme une grande famille. Ou comme un remake de Koh-Lanta. À chaque jour sa dose de défis et de dangers. Au début, c'est marrant. Surtout pour les challengers comme moi.
Jusqu'à ce que l'on tombe sur une épreuve de bien trop grande taille...
– Encore ? Mais c'est pas possible ! Jeune homme, on se réveille !
...une épreuve qui ne porte pas de nom mais qui, on le sait, nous voue à un terrible échec.
..‿︵‿..︵ʚɞ
Hej ! Bienvenue chez IKEA, l'endroit où l'absurde est roi.
Ne me demandez pas ce qui s'est passé dans ma tête pendant l'écriture de cette histoire, je n'en sais strictement rien haha.
Comme je l'ai dit dans ma NDA, je ne sais pas trop à quel rythme les chapitres sortiront. Nous verrons ça en temps et en heure. Pour l'instant, je vous laisse avec cet avant-goût de ce qui vous attend. En espérant que vous apprécierez votre aventure chez les Nordiques autant que moi ! ;)
N'hésitez pas à commenter et à liker les chapitres, c'est toujours très motivant pour l'auteur ♡
À bientôt mes petits daims !
Astëlya
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