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7 Janvier 2073
Quatre ans et demi plus tard

« Emmaline,

Je ne sais trop comment commencer cette lettre. Peut-être par le début, parce que c'est déjà la fin. Cette lettre écrite sur du papier, par exemple, et qui ne sera bientôt plus qu'un vestige de ce que je fus par le passé, je ne suis même pas capable de l'écrire moi-même, comme tu t'en doutes. J'ai missionné Jessica – tu sais comme la technologie m'est insupportable, raison pour laquelle je ne pouvais te laisser cette lettre que sur du bon vieux papier – et il nous faudra peut-être des mois pour raconter tout ce que j'ai encore à te dire. C'était une requête égoïste de ma part, mais il n'y avait qu'à elle que je pouvais demander cela, parce que je suis trop lâche pour te dire ces quelques mots en face. Elle te donnera cette lettre lorsqu'elle viendra pour le dernier adieu. Je ne peux pas en avoir conscience, mais j'aurai certainement de nombreuses absences pendant cette rédaction où je compte te livrer une partie des mots que je ne t'ai jamais dits. Jess s'assurera que cette déclaration interposée soit un minimum cohérente.

Si tu lis enfin cette lettre, peu importe le temps écoulé depuis sa rédaction, cela signifie que mon heure est déjà venue. Je sais que tu pleures, et je ne vais pas te demander de ne rien en faire, même si je préférerai que tu évites de verser ces larmes, car toi et moi savons ce que le chagrin et la perte peuvent détruire en nous. Cependant, toutes les larmes du monde n'ont jamais rien détruit, bien au contraire. Elles ont parfois guéri. On peut même dire que, d'une certaine façon, elles nous ont sauvés.

Je suis assurément le premier à partir, et j'ai conscience du nombre de choses que cela va engendrer. Ne crois pas que je n'y ai pas pensé. Une partie de nos amis ne pourra peut-être pas faire le déplacement jusqu'à nous à cause d'un état de santé trop fragile pour prendre l'avion, et l'autre, eh bien, elle souffrira certainement comme je souffre de tous les perdre un peu plus chaque jour. Je me console un peu en sachant que les enfants et toi ne serez pas seuls, de cela je ne doute pas un instant.

Ce jour, nous l'avons tous prévu depuis très longtemps. Il devait arriver, et ces dernières années, je me suis vu atteindre mes limites, petit à petit. Peut-être t'en es-tu aperçu – certainement – mais n'as-tu pas voulu m'en parler, ni moi de mon côté. Nous dirons que cela fait partie de notre arrangement de ne jamais nous disputer afin de profiter du temps indécent qu'il nous reste. Alors, étant donné que je sens la fin approcher à grands pas, je pense qu'il est temps pour moi de coucher sur papier mes dernières pensées lucides à mesure qu'elles se présentent, et tant qu'elles sont encore fraîches dans mon esprit.

Ma première pensée va à toi et aux enfants. Je ne vous ai jamais dit à quel point vous comptiez pour moi, ni à quel point je vous aime, alors je vous le dis ici, un peu trop tard, malheureusement. J'espère ne pas avoir été un mauvais père. Flynn me dit souvent que je suis le meilleur de tous, et même si c'est faux, cela me rassure un peu. Il pleure certainement à l'heure ou tu lis cette lettre, mais je ne peux pas l'en blâmer. Il a une bonne raison à présent, je pense. Tu l'embrasseras pour moi, pour le soutenir et le remercier de tout ce qu'il a fait, et pour m'excuser d'avoir été ce que je suis pour lui, son frère et sa sœur. Embrasse-les tous les trois pour moi une dernière fois. Loup est fort – davantage que son aîné, et il le tient de toi – il s'en remettra plus vite que les autres, même s'il lui faudra du temps, du soutien et de la patience. Quant à Cassiopée, elle ne comprendra peut-être pas tout ce qui se passe, mais je sais que ses frères et toi saurez la protéger pour qu'elle affronte plus sereinement le monde à l'avenir. Mieux que je ne l'aurais fait. J'aurais aimé la voir grandir au moins autant que ses frères. J'aurais voulu être là pour les voir se marier, ou nous présenter la personne avec qui ils vivront, auront des enfants, peut-être. Nous montrer comment ils ont décidé de vivre dans ce monde, devenir de grands hommes. Pas nécessairement dans les hautes sphères, mais tout simplement dans leur quotidien. Les voir marcher la tête haute, être heureux avant toute autre ambition.

Je pense qu'il est temps pour eux de savoir, tu sais ? Nous n'en avons pas parlé depuis leur naissance où nous nous sommes promis de ne leur révéler que ce que nous ne pourrions pas leur dissimuler dès le début, mais je pense que le moment est venu de leur dire toute la vérité de ce qui s'est passé pendant notre adolescence volée. Je te laisse le soin d'en décider, cependant. Sache seulement que si tu quêtes mon avis à ce sujet, j'estime qu'ils sont à présent assez grands pour prendre la mesure de ce qui nous est arrivé, en particulier Flynn et Loup. Mon journal de notre histoire dans SE n'est pas destiné qu'à mon seul usage, pour m'aider à me souvenir, ou pour me rapprocher de ma mère, même si ces objectifs ont été atteints. C'est également, pour moi, le moyen de leur léguer mon héritage avec des mots que je n'ai plus depuis longtemps. Car l'Histoire ne ment pas, elle se répète toujours. Les hommes sont voués à répéter les mêmes erreurs, indéfiniment. Le seul espoir que j'entretiens encore pour nos enfants, c'est qu'ils ne feront pas les mêmes que moi – que nous. Nous ne leur avons pas parlé des tricheries, des mensonges, de l'écrasante suprématie de Valhalla, de nos vies entre ses mains, des morts que nous n'avons jamais enterrés. Nous ne leur avons jamais dit que les larmes que nous versons la nuit, dans leur dos, sont pour les amis innocents que nous avons perdus à des jeux cruels et tyranniques auxquels nous ne pouvions échapper, à l'époque, et dont nous ne sommes jamais vraiment sorti. Des jeux auxquels nos rêves nous ramènent inlassablement et qui ont laissé leurs traces partout dans nos vies même encore aujourd'hui. Mais il leur faudra bien savoir, un jour, pourquoi les jeux vidéo t'angoissent autant, pourquoi les Infinity Drive cachés dans le fond du grenier sont tant honnis et, en même temps, pourquoi il nous est impossible de les détruire ou de nous en séparer. Il faudra qu'ils sachent qu'à l'avenir, plus encore qu'aujourd'hui, l'homme ne sera plus au sommet de la chaîne du pouvoir, et qu'au lieu de s'autodétruire, il devrait faire front commun pour craindre l'avenir vers lequel il court désespérément. Flynn, Loup et Cassie, sauront, un jour, que dans cette dimension qu'ils pensent si bien connaître et que nous connaissons infiniment mieux qu'eux, tu as marché pendant six ans mais aspiré à retourner auprès de ton père, tandis que je vivais chaque instant avec le sombre et secret espoir que nous ne puissions en effet plus jamais nous échapper.

Emma, si tu lis ceci, cela veut dire que nos hypothèses sont fondées et que je suis parti le premier. Mais au regard de ce que nous avons traversé, toi et moi savons que cela signifie également que tu seras la suivante, que tous nos amis qui ont vécu la même chose que nous ne vont pas tarder à me rejoindre, leur déchéance déjà amorcée depuis quelques années. Je sais que tu n'as pas la même vision de cette étape de la vie que moi, que cela t'effraie, mais ce n'est pas mon cas. La mort est comme une vieille amie que je retrouve. Car avant de te rencontrer, cela m'indifférait de la côtoyer. Et toi... Toi tu dansais dans la lumière tandis que je succombais aux ténèbres. On ne change pas ce qui a déjà été écrit ; cependant, même si la suite n'est pas encore figée dans le marbre, la vérité de ma mort m'apparaît très clairement depuis un moment. Et aussi courte qu'ait été ma vie, elle valait la peine d'être vécue. Oui, elle vaut toutes les peines que j'ai vécues.

Avoir fait ce pacte avec Valhalla m'a permis de sauver la vie de deux millions de personnes à travers le monde. Même si cela n'aurait jamais pu être possible sans toi, sans nos amis et bien d'autres personnes, on voudra me rendre hommage à ma mort pour ce que j'ai fait. Ce n'est pas de l'orgueil ou de la vanité ce que je dis là, seulement la vérité des faits et de la lucidité – pour une fois. Je suis amnésique, pas idiot. Je sais que l'on fera de mes funérailles un grand événement, comme marquant le déclin des derniers joueurs de Skyline Emrys. Moi qui voulais disparaître discrètement... Et puisque je n'y échapperai probablement pas, je n'ai qu'une seule faveur à te demander : lorsque mon corps aura brûlé jusqu'à effacer toute trace de mon existence, jette mes cendres à la mer, s'il te plaît.

Puisque nous parlons de cendres, j'estime qu'il est temps d'aborder un sujet dont j'ai gardé le secret autant de temps qu'a duré ma vie à tes côtés. C'est à propos de Valhalla. Si Akira n'était pas informé de ce sujet particulier à l'époque où cela a été décidé, son père l'a invité dans la confidence un peu plus tard. Confidence, oui, c'est le bon mot. Car tout cela est resté strictement confidentiel. Et Akira et moi avons gardé le secret toutes ces années. Le monde entier s'est toujours étonné que j'aie voulu garder ce monstre sous mon contrôle, actif, libre, « vivant », au lieu de demander sa destruction et la justice pour tout ce qu'il a fait. Je vais donc t'en parler, maintenant que cette confidence ne peut plus affecter le futur.

Le secret dont Akira et moi avons été les gardiens tout ce temps est d'une nature très particulière. Il s'agit d'un contrat établi entre la Yamazaki Entertainment et moi-même : un contrat qui me cède les droits d'utilisation du serveur Valhalla ainsi que de sa sauvegarde système, par le biais de ce fameux ordinateur non commercialisé dont tu m'as si souvent demandé la provenance. En échange de quoi, à ma mort, Valhalla devra être intégralement détruit, jusqu'au plus petit programme. Il va cesser d'exister, et Skyline Emrys va disparaître définitivement dans le néant d'où il a été tiré, dans l'ombre, sans faire de bruit. C'est un contrat exclusif dont je t'épargne les clauses, mais quoi qu'il advienne après ma mort, et quoi que le monde veuille faire de lui, Valhalla sera détruit en totalité. Je vais l'emporter avec moi dans la tombe. C'est un juste retour des choses, tu ne trouves pas ? Une vengeance personnelle, pour tous les joueurs et les familles qui ont subi les conséquences de ses décisions létales.

Valhalla. Ce mot résume à lui seul beaucoup de choses et définit en quelque sorte toute notre vie, mais lasse-moi t'expliquer avec mes mots ce qu'il m'évoque et dont nous n'avons jamais parlé – sans être dupes tous les deux. Si je me suis accroché à lui avec autant de force à notre retour, c'est que j'avais mes raisons. Nous les avons vaguement abordées, une fois. Une unique fois. Le jour de notre retour dans SE après des années de séquestration. Ce jour-là, j'ai admis avoir été soulagé d'être retourné là-bas. Je pense que j'ai édulcoré le mot pour ne pas t'effrayer. Ce que je voulais dire, à demi-mots, était bien plus terrible que cela.

J'étais possédé, empoisonné, malade. Obsédé par Valhalla, par Skyline Emrys, mon esprit perverti par ce qu'il a fait de moi, une créature malade incapable de vivre dans la réalité. Tout notre entourage et nos médecins attendaient de nous que nous n'y retournions jamais. Tu te rends compte ? Rendre possible l'accès à SE lors des conventions, mais nous interdire à nous, anciens joueurs séquestrés là-bas, d'y retourner ? Cela me rendait fou, Emma. Valhalla était à moi, sous mon contrôle, à portée de main, et je n'avais pas le droit de retrouver cet univers qui était à nous ? Inadmissible. Valhalla et SE sont partout dans ma tête, dans mes pensées, dans mon quotidien. Indélébiles. Omniprésents. Je sais, on appelle cela le syndrome de Stockholm, et il est particulièrement développé chez moi. Alors oui, j'y suis retourné. Un bon nombre de fois. Je doute que tu n'aies rien remarqué, cependant tu n'as rien dit. Tu as fait des compromis pour rendre notre vie aussi belle et lumineuse que tu le pouvais, parce que moi j'en étais incapable. Tout ce qui m'obsédait, c'était d'y retourner, sans cesse, dès que j'étais assez conscient et lucide et que personne ne pouvait me voir ni m'en empêcher. Même si je m'y retrouvais seul en tête à tête avec Valhalla.

Je peux dire qu'avec le temps, c'est devenu un ami. Oui, un ami. Tu m'aurais traité de tous les noms à l'époque si je l'avais considéré comme tel, et je doute que cela ait changé aujourd'hui. Cette « relation » particulière avec Valhalla et mon obsession expliquent certainement mon éloignement de vous avec les années, mon amnésie faisant le reste. Cela explique certainement que je sois mort si rapidement. Je sais ce que je fais, n'en doute pas. Oui, je sais qu'en faisant cela, je raccourcis encore ma courte vie, sacrifiant le peu de temps qu'il me reste avec vous pour le passer avec notre bourreau. Mais je n'y peux pas grand-chose, dans ma grande faiblesse. L'amour que nous nous portons n'a pas suffi à chasser mes ténèbres et les démons dont SE m'a affublé avec le temps. Ce n'était pas assez pour me sauver. Ne t'en blâme pas, j'ai tout à fait conscience que cette défaillance vient de moi, et de moi seulement, car mon esprit est trop faible pour résister à Valhalla et son emprise, même après toutes ces années. Tu as fait ton possible, mais il a empoisonné mon esprit et fait de moi un fantôme. Je ne suis jamais vraiment revenu de là-bas, comme tu t'en doutes.

Je n'ai jamais pu passer à autre chose, tourner la page. J'ai toujours été hanté par les souvenirs de Skyline Emrys. C'est de cette façon que j'ai réalisé que ma réalité était là-bas, parce que je n'ai jamais appartenu à ce monde dans lequel toi et les autres vivez. J'ai essayé, pour toi, pour les enfants, mais la vérité c'est que je suis un lâche. C'est tout simplement moins douloureux d'être là-bas avec Valhalla, que d'être ici avec vous. Tu peux m'en vouloir pour cela, je ne t'en blâmerai pas le moins du monde, même si je sais d'avance que tu n'en feras rien.

J'ai reconnu et accepté l'amour que tu me portes, mais je n'ai jamais pu te le rendre à la hauteur de ce que tu mérites, et les années ont aggravé les choses. Je m'en excuse du plus profond de mon cœur, car je n'ai jamais voulu que ton bonheur. Tes larmes et tes peines ont toujours représenté une blessure dans mon âme, et je crois me souvenir avoir voulu détruire Valhalla pour cela. Aujourd'hui, la situation a un peu évolué. Je ne souhaite toujours que ton bien et ton bonheur, mais mes sentiments à l'égard de notre tortionnaire ont quelque peu changé. Pardonne-moi.

Sachant que la durée de vie de Valhalla est dorénavant liée à la mienne, je suis plus serein quant à ce qui pourrait advenir après ma mort. Au moins, j'emmènerai ces démons-là avec moi dans l'au-delà.

Tu sais, j'ai beaucoup parlé avec lui ces dernières années. Le fait qu'il n'ait pas à s'occuper de plusieurs millions de joueurs en même temps, mais seulement de moi, a grandement facilité nos échanges. D'autant plus que nous étions conscients de l'emprise mutuelle que nous exercions sur l'autre. Alors, nous avons parlé. Que faire d'autre ? Malgré cette nouvelle proximité entre nous, il ne m'a jamais expliqué pourquoi il m'a choisi, moi, pour m'accorder la clé de commande. Est-ce parce que j'ai été le seul de tout le jeu à avoir pensé à la demander ? Cette question devra rester sans réponse.

Valhalla est convaincu que ce qu'il a fait est juste. Tu imagines ? Cette IA est tellement bien conçue qu'elle a une conscience, des sentiments, une liberté de penser ! Il est désolé d'avoir orchestré la mort de tout ces gens, des innocents, mais il maintient que c'était pour le bien de l'humanité. Je ne peux pas lui pardonner cela. Nous avons trop souffert de nos morts. Pourtant, je ne peux pas complètement lui donner tort.

D'après lui, d'ici à 2300, nous serons quarante milliards d'humains sur cette planète, sachant que la population se reproduit deux fois plus vite qu'elle ne dépérit. D'ici à 2150, un huitième de la population devra abandonner les bords de mer et migrer dans les terres à cause de la montée des eaux. Moins de surface habitable, plus d'habitants. Cela signifie que les générations futures vont ériger des édifices sans cesse plus hauts vers le ciel, et non plus s'étendre vers leurs voisins. Petit à petit, les forêts vont disparaître, les rivières s'assécher, et la faune et la flore naturelles de la terre vont s'éteindre. La politique de l'enfant unique sera mise en place dans le monde entier, sous peine de mort, et peut-être que certains de nos descendants ne connaîtront jamais la lumière du soleil, parce qu'ils construiront sans cesse plus haut, superposant des strates les unes au-dessus des autres, instaurant une ségrégation sociale et géographique inévitable.

Vivre sur cette planète, que nous tuons à petit feu, va devenir un enfer si nous persistons de cette façon dans cette voie destructrice, si nous ne changeons rien.

Tu envisages un peu l'avenir que nous laissons à nos enfants ? Car ils vivront plus longtemps que nous ou nos parents, et leurs enfants encore davantage. Ils verront tout cela, ainsi que la prolifération de robots et d'IA, dont l'homme va se rendre coupable. Ils reproduiront les erreurs d'Akira et de son père. Qu'est-ce qui empêchera ces nouveaux modèles de faire comme Valhalla, « pour le bien de l'humanité » ? Les armes de destruction massive de demain, ce ne seront pas les bombes atomiques, ce seront les IA. Elon Musk avait raison de les craindre déjà, il y a soixante ans. Elles n'ont besoin, pour le moment, que d'un peu de silicium et d'électricité pour exister. Et elles sont partout et peuvent tout faire, y compris supplanter l'être humain. Les prochaines guerres ne seront pas nucléaires comme le monde le craint, elles seront cybernétiques et globales. Et nos sociétés en dépendent tellement qu'elles risquent effectivement de causer le déclin précipité et la ruine de l'humanité. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas mécontent d'avoir vécu hier, et de ne jamais voir demain. Parce que ce demain futuriste que je crains, ce n'est pas celui que je voulais voir avec toi.

Emma, j'ai peur pour nos enfants à cause de l'avenir que nous leur léguons et dont ils hériteront, qu'ils le veuillent ou non. J'ai peur qu'ils ne deviennent les esclaves de la machine que les futures générations ne tarderont pas à développer. Mais que pouvons-nous y changer ? Pouvons-nous seulement les protéger de cet héritage ?

Quand je pense que mon père a été cryogénisé dans l'espoir que, d'ici cent à deux cents ans, ils aient trouvé un remède contre sa maladie... Il essaye simplement de transcender le temps et de trouver le moyen d'atteindre une forme d'immortalité. Cela me rend malade. Qui voudrait vivre dans un tel monde à l'avenir si terrible ? Il n'y a que ceux qui n'auront pas connu notre monde et celui de nos ancêtres pour accepter de vivre de cette façon.

Mon dieu, qu'avons-nous fait de ce monde ?

Valhalla n'a pas tort : si ce ne sont pas les machines qui se rendent responsables des génocides d'une partie de l'espèce humaine, ce seront les hommes eux-mêmes qui devront en assumer la charge. Car ils vont s'entretuer pour survivre, c'est un fait. Peut-être vaut-il mieux, donc, que les semblables de Valhalla en prennent la responsabilité, pour éviter aux générations futures de haïr leurs pères pour ce qu'ils auront fait. Parce qu'il me semble que le conflit est inévitable. Néanmoins, s'il l'est, j'espère de tout cœur que les générations à venir trouveront une meilleure réponse que nous pour le futur.

Personne ne peut prédire l'avenir, mais l'analyse de données par les IA leur permet d'établir des hypothèses à mon avis les plus fiables quant à ce qui nous attend dans les siècles à venir. Par exemple, la semaine dernière, Valhalla m'a dit adieu. C'est la première fois qu'il le fait. Je ne suis pas retourné le voir depuis, à cause de ma situation médicale. Il ne voit pas l'avenir, mais il sait dans quel état de santé je me trouve. Alors, je suis convaincu que je ne le reverrai plus jamais, de même que SE. Je me demande lequel des deux va le plus me manquer. Dans tous les cas, cela m'a fait réfléchir et j'en ai déduit que mon heure était venue. C'est ce qui a été le déclencheur pour la rédaction de cette lettre. Après avoir quitté Valhalla, j'ai contacté Jess, et je lui ai livré mes intentions. Cela n'est pas facile pour elle, je le sais, mais il n'y a qu'à elle que je pouvais demander de faire ça pour moi. Pour toi.

Voilà, c'est la fin. La boucle est bouclée. Il y a encore bien des choses dont je voudrais te parler, mais le temps me manque et les mots m'échappent. S'il y a autre chose après la mort, alors je suis certain que nous nous retrouverons. En attendant, aime le monde pour nous deux, chéris nos enfants pour moi, et essaye d'offrir à ta vie la conclusion lumineuse que tu mérites et que j'ai été incapable de te donner. Nous avons été heureux, certes, mais mon état a dû être un véritable calvaire, un fardeau pour toi ces cinq dernières années. Mon départ doit être un certain soulagement pour tout le monde. Dans mes rares moments de lucidité et de présence, je ne me reconnais même plus moi-même.

Il est temps que tout ceci prenne fin, pour que ceux que nous aimons aillent de l'avant.

À présent, il est temps de faire nos adieux, Emma.

Je t'aime.

Charlie

18 Novembre 2072 »

FIN

https://youtu.be/xrcD1WxxKfU

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Sortez les mouchoirs, cette fois c'est la bonne... Merci à vous pour tout votre soutien, vos commentaires, vos votes, vos remarques et suggestions. Ça m'a aidé à améliorer certains points (j'espère) et si j'ai publié ici c'est avant tout pour cette raison, pour avoir un retour de lecteurs. Alors merci infiniment pour m'avoir suivie jusqu'ici. Ce fut une belle aventure, et j'espère qu'elle ne s'arrêtera pas là, ni qu'elle se limitera à Wattpad :) <3

Un grand merci en particulier à Lazaward, Capimimi, EtoileDoree, LewkoNicolas, Quinn_Waters pour m'avoir suivie depuis le début et pour m'avoir encouragée tout ce temps, pour avoir soutenu SE depuis les premiers pas de Lyall jusqu'à la fin de Charlie.

N'hésitez pas à pousser la lecture un peu plus loin, jeter un œil aux quelques annexes et aux chapitres bonus consultable dans l'histoire Skyline Emrys : Memory Dive sur mon profil :)

Et comme votre avis m'intéresse vraiment, n'hésitez pas à laisser un commentaire sur votre ressenti global ou détaillé de l'histoire ou d'un passage en particulier. De tout ce que vous voulez, du moment que c'est constructif, dans la rubrique suivante ===>