Chapitre 14: Une vie imposée
Je ne changeai pas ma position, même si je savais qu'Alex était capable de tirer. Mais Paul affichait cet air moqueur qui me mettait hors de moi. Il souriait de toutes ses dents et sortait parfois sa langue. Mes mains tremblaient. Il méritait vraiment d'être achevé.
- Alex, ne me forcez pas à vous tuer! maugréai-je.
- Écoute moi petit! Tu risques de faire une énorme bêtise. Lâche cette arme!
D'où je faisais le gentil moi? Je n'ai qu'à posséder l'autre!
Je baissai l'arme en faisant mine de perdre l'équilibre. Je savais que mon corps s'écroulerait une fois que je l'aurais quitté. Je me concentrai sur Paul avant d'entrer dans son corps. Je sentais son sang chaud circuler. Son rythme cardiaque était régulier. J'ouvris les yeux avant de découvrir le vieillard tentant de réveiller mon corps. Il était apeuré et tenait vraiment à ce qu'on m'aide. Une idée me traversa alors la tête. Je n'avais pas besoin de me salir les mains de la sorte voyons! Devant la bonté du vieil homme, je ne pouvais pas me permettre d'agir de manière irréfléchie. Je devais humilier Paul comme il a failli le faire avec moi.
- J'ai faim! dis-je à son encontre.
Tout le monde se tourna vers lui, avec les yeux ronds. Je m'approchai des pigeons en souriant malicieusement. Je retirai les balles présentes sur chaque pigeons avant de les manger tout cru.
- Paul, qu'est-ce qui te prend? s'écria son collègue, dégoûté.
- Mmh c'est bon!! déclarai-je la bouche pleine.
Pour le ridiculiser encore plus, je marchais à quatre pattes et saisissais les pigeons avec ses dents, sans me servir de ses mains. En même temps, je lui en avais cassée une, donc, ce serait une perte de temps de les utiliser.
Une fois que je finis tous les pigeons, ou presque: j'avais choisi de lui laisser un pigeon à moitié croqué dans la main, je quittai son corps pour regagner le mien.
Je me réveillai en sursaut, en faisant mine de ne pas savoir où j'étais. Le vieillard me frotta les cheveux, les larmes aux yeux, en répétant :
- Je croyais que tu étais mort mon garçon.
Je lui souris en guise de réponse et me contentai de voir la scène. Paul avait récupéré ses esprits. Il regarda autour de lui et constata que des balles étaient éparpillées sur le sol. Il fixa, pendant quelques secondes, sa main qui portait l'oiseau croqué. Il se rendit compte de ce qu'il avait fait, ou plutôt, ce que je lui avais fait faire.
- Non... Je, bredouilla-t-il.
Il fut soudainement pris de nausées. Il vomit son "déjeuner", en ne supportant pas la douleur qui s'imposait dans ses entrailles. La foule émit des cris de dégoût. Ils se replièrent en pinçant leur nez, étant donné l'odeur nauséabondes qui se dégageait. Ils n'hésitèrent pas à prendre des vidéos et des photos. Paul ne pouvait pas réagir contre eux, il n'arrivait pas à bouger.
Je me relevai, le sourire aux lèvres.
- Et dire que c'est ce qu'il voulait faire subir à ce pauvre homme! Lui-même l'a fait pour compatir. Enfin je crois...
- Ferme-la!! hurla-t-il.
Je me bouchai le nez.
- Ouuuuuh ça pue! Bon je vous laisse messieurs, heureux d'avoir fait votre connaissance.
Je raccompagnai le vieil homme en laissant Alex se débrouiller avec son collègue. La petite fille nous avait tout de suite rejoint.
- Grand-père!!! Tu vas bien?
- Oui ma petite Lorie. Je vais très bien!
Elle se tourna ensuite vers moi et me fixa longuement avant de sourire.
- Tu peux te baisser s'il te plait, j'ai envie de te dire un secret!
Je fronçai les sourcils, intrigué, mais je me pliai à sa demande. Elle fit mine de vouloir chuchoter à mon oreille, à la place, elle déposa ses lèvres sur ma joue et murmura un "merci" quand même audible. Je me redressai surpris, tandis qu'elle partit se cacher derrière son grand père, en lui attrapant son pantalon. Elle était très petite de taille à vrai dire.
- Lorie, qu'est-ce qui t'a pris? demanda l'homme en riant.
- Je voulais le remercier de t'avoir aidé et d'être entré dans le corps du méchant policier pour le faire manger les pigeons...
Je me stoppai net. Elle m'avait vu. Comment?
- Excuse la, elle dit des choses absurdes.
- Mais c'est vrai papi!!! Pourquoi personne ne me croit? bouda-t-elle.
Elle lâcha son grand père et recula de quelques pas.
- Pourquoi tu ne me crois pas!?
Plus elle reculait, plus elle se rapprochait de la route.
- Lorie, je te crois...
- Tu mens!!
Elle recula encore d'un pas.
- Lorie! Je te crois! répéta son grand père apeuré.
- Je sais que tu mens!
L'enfant trébucha sur la route. Elle se retrouva allongée. Le temps qu'elle mettrait pour se relever ne pouvait pas suffire pour éviter la voiture qui fonçait à toute allure sur elle. Le ralenti s'imposa alors.
- Que décides-tu de faire? me demanda la voix grave. Si tu la sauves, tu prouves qu'elle a raison. Et en même temps, tu dévoiles tes capacités. Si tu la laisses, tu perds une chance de savoir ce qu'elle est. Peut-être qu'elle pourrait t'éclairer sur certaines choses. Alors? Quel est ton choix?
- Je ne vis pas pour me cacher, mais pour chercher une raison à mon existence. Savoir qu'une fille a des capacités hors normes pourrait m'aider d'une façon ou d'une autre.
- Je ne dis pas que ton choix est mauvais, juste qu'il comporte des risques.
Je courus vers Lorie et la portai. Je la ramenai sur le trottoir en marchant, tellement que tout était au ralenti.
- Loriiiiie! hurla le grand-père avant de la voir dans mes bras juste à côté de lui. Lorie!?
- Je confirme ce que tu as dit petite, déclarai-je. Je l'ai forcé à manger.
La fille me fixa de ses yeux ronds, avant d'esquisser un sourire.
- Alors c'est vrai! dit-elle épanouie. Je ne suis pas folle.
***
Je dévisageai l'enfant qui était assise juste en face de moi. Elle avait pour mauvaise habitude de balancer ses pieds. Pourtant, je ne m'en étais pas soucier à ce moment-là. À vrai dire, j'étais plutôt concentré sur son récit.
- Je m'appelle Lorie, et j'ai cinq ans et demi.
- Depuis quand tu vois ces choses?
- Je pense que c'est mon troisième jour à l'école, quand j'étais en petite section.
- Tu sais ce que tu as fait pour voir ça?
- J'ai touché une boite noire qui était dans le bac des jouets. Comme il y avait un trou, j'ai regardé à l'intérieur. Une voix m'a parlé mais je comprenais rien du tout. Puis j'ai regardé mes copines et la boîte a disparu!
Son grand père, qui était parti au sanitaire, revint s'assoir à notre table, attendant avec nous notre commande. Il avait insisté pour que je vienne manger avec eux, étant donné que je les avais sauvés tous les deux.
- Je peux avoir ton nom? demanda celui-ci.
- Excusez moi, je ne me suis pas présenté! Je suis Skyser Hern. Enchanté.
- Moi c'est Michel! se présenta-t-il. Je suis très reconnaissant pour ce que tu as fait.
- Ce n'est rien. Je suis autant reconnaissant envers vous. C'est la première fois qu'on m'accepte malgré ce que je suis.
-
Et qu'est-ce que tu es?
- Je pensais être un démon, avouai-je. Mais on m'a dit qu'à l'origine j'étais humain.
- Serais-tu l'une des expériences de cette maudite société, chuchota-t-il anxieux.
- Ça ne peut pas être possible, j'ai vécu plus de cent ans.
Lorie écarquilla les yeux.
- Mais t'es pas vieux pourtant!
- J'avoue, renchérit Michel. On dirait que tu as dix-huit ans.
- Je sais, et je trouve cela dérangeant.
Un silence pesant s'abattit alors. Je regardai la vitre avant d'apercevoir le père qui était en train de nous fixer. Curieux de connaître leur relation je finis par poser une question. Michel me dévisagea en restant muet.
- Si ça ne dépendait que de moi, je l'aurais déjà tué!
- Papiii! répliqua l'enfant attristée.
- C'est la vérité ma fille. Cet homme n'est qu'un monstre qui a profité de la maladie de sa mère pour la vendre à cette société répugnante!
L'enfant baissa la tête.
- Mais j'en ai besoin! Eux, ils me croient quand je leur dis ce que je vois!
- Non, je te crois à présent!
- Mais Lorie, ils font quoi dans cette société? demandai-je intrigué.
- Je dois leur donner des informations concernant ce que je vois. Ils me donnent une pâtée bizarre et amère pour renforcer ma vue.
- Quoi d'autres?
- On m'interdit de fréquenter les enfants de mon âge. J'ai failli tuer quelqu'un sous la colère.
- Oh je vois, mais pourquoi?
- C'est la voix qui m'avait dit de faire ça. Et j'ai obéis.
À voir son expression, elle s'en voulait.
- Pourquoi tu lui obéis?
- Parce que je n'ai pas le choix...
La serveuse arriva avec nos assiettes. Une fois déposée sur la table à côté de nos couverts, je ressentis une étrange sensation de mal être. Non seulement j'étais observé, mais en plus je me sentais en danger. Je fis tomber malencontreusement ma serviette. Je me penchai pour la ramasser et restai figé... Un couteau s'était ancré dans le dossier de mon siège en cuir, juste au dessus de mon dos.
- Lorie!! SKYSER!! s'écria Michel.
Je me mis à quatre pattes, avant de croiser le regard froid de la blonde. Aucun doute, elle venait d'essayer de me tuer...
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