Chapitre 7 - Le tumulte grondant dans les ombres, partie 3
Miriadariba, Tierraroja (5e étage de la Tour)
19 juillet 3202, début d'après midi
Les soleils étaient encore hauts dans le ciel lorsque Raijū décida qu'il était temps de mettre les voiles. Les Despérados avaient offerts à leurs sauveurs deux étranges montures semblables à de grosses autruches - l'une au plumage brun et l'autre beige - pourvues de cornes de bouc et équipées d'une selle.
Fasciné, Matsuba se mit à caresser la tête de l'intriguant animal, qui se frotta contre sa main avec plaisir.
« Elles sont incroyables ! » S'amusa le jeune homme, ravi. « Comment elles s'appellent ? »
« Aboth et Costtello. » Répondit Amarok, enthousiaste. « Ce sont des struthiques. Ces oiseaux ne volent pas, mais peuvent courir à plus de soixante mille-par-heure. Elles sont fidèles et très pratiques pour se déplacer. »
Tout autour, les autres rebelles vaquaient à leurs occupations, démontant les tentes et rassemblant les stocks de nourriture.
« Hmpf. » Fit Raijū, les bras croisés sur la poitrine, l'air indifférent. « Ça fait environ quatre-vingt-quinze kilomètres par heure. Intéressant. J'avais entendu dire que ces grosses dindes couraient vit...eh ?! »
Sa struthique venait de lui donner un petit coup de bec à l'arrière du crâne, la prenant par surprise. Les traits de la kitsune se crispèrent.
« Saleté de poulet... je vais te bouffer tout cru. » Gronda-t-elle en saisissant la bête par le cou.
« La violence n'est pas le meilleure moyen de convaincre Costtello de vous écouter... soit dit en passant, nous n'en avons que deux à vous prêter. » Intervint Nashoba, la mine pincée, adossé à un totem quelques mètres plus loin.
« Euh... et je tiens accessoirement beaucoup à elle, aussi. » Fit timidement la sœur de ce dernier.
Furieuse, Raijū fusilla l'animal du regard. Celui-ci le lui rendit bien. Mais finalement, l'ascensionniste lâcha prise en poussant un grognement.
Un peu plus loin, Matsuba - qui continuait de caresser la tête à plumes et à cornes de sa struthique - éclata de rire. Intriguée, Amarok vint le rejoindre pour donner une carotte à l'oiseau, un sourire aux lèvres.
« C'est drôle, c'est la première fois que je vois Aboth faire confiance aussi vite à un étranger. Surtout un humain. D'habitude, elle ne se laisse pas approcher. »
Le jeune homme haussa les épaules, amusé.
« Je m'entend bien avec les animaux depuis tout petit. » Sourit-il, nostalgique. « J'ai toujours demandé à avoir un chat mais la vieille ne voulait pas, elle disait qu'il aurait foutu des poils partout. Alors je me suis occupé de tous ceux qui erraient dans le quartier. »
« C'est euh... quoi, un chat ? »
« Un chat ? C'est... »
« On a assez perdu de temps en bêtises, allons-y. » L'interrompit Raijū en se hissant en selle.
Agacée, Costtello lui pinça la cuisse d'un coup de bec. Une veine battante apparut sur le tempe de la grimpeuse.
« Commence pas, ou tu finiras à la broche dès notre arrivée à destination... » Fulmina-t-elle en désignant ses propres griffes à l'animal.
La struthique releva fièrement la tête, comme si elle ignorait cette menace. Elle avait néanmoins lâché prise.
Non loin, Nashoba jetait un regard à l'horizon, songeur.
« Nous pouvons vous fournir des montures, des cartes et même des armes, si il nous en reste. » Dit-il. « C'était dans le deal que vous avez passé avec Amarok. Mais nous n'avons pas de quoi vous recharger en Leyposa, puisque nous n'en n'utilisons pas : c'est la forêt qui nous protège. Vous allez donc devoir vous ressourcer à Maldor Town. »
« C'est ce que j'avais prévu, de toute façon. » Répliqua la femme-renarde, indifférente. « Pas besoin des armes, et ma destination est Las Alba. »
« Dans ce cas, je vous conseille le train. » Grommela le condorien en désignant le trajet sur la carte qu'il lui avait remise. « Il y en a un qui relie Maldor Town à la capitale. Si vous cherchez un endroit où dormir une fois sur place, il y aura le Crossraods Hotel. Le barman qui y travaille est un ami. En cas de besoin, vous pourrez le contacter, il vous aidera si vous lui dîtes que vous venez de ma part. Avec nos moyens actuels, c'est ce que nous pouvons vous offrir de mieux. »
« Je vois... c'est déjà pas trop mal. Au moins, je pourrais plus facilement trouver un guide sur place. Au fait, il n'y aura pas de problèmes avec le prisonnier qu'on vous a laissé ? »
Son interlocuteur hocha négativement la tête.
« On s'en occupe. »
« Je vois. Bien, sur ce, adieu. »
« Attendez ! » L'interpella alors Amarok.
La grimpeuse se tourna vers la condorienne, qui vint se planter devant elle en lui tendant un objet : une sorte de pendentif en cercle où était tissé une toile semblable à celle d'une araignée. Trois plumes noirs y étaient suspendues et dansaient dans le vide au rythme de la brise.
Raijū reconnut le talisman qu'on lui avait promis.
« Ça faisait parti de notre contrat. » Affirma la semi-humaine, sûre d'elle.
« Quoi ?! » Sursauta Nashoba, qui découvrait cette information. « Tu veux lui donner le pendentif de maman ? T'es devenue folle ?! »
« Ce n'est pas grave. » Assura sa sœur en hochant négativement la tête. « Je préfère le savoir entre de bonnes mains. »
Elle se tourna de nouveau vers l'ascensionniste, qui s'était emparée de l'objet et le contemplait désormais à la lumière des soleils.
« On appelle ça un asubakatchin. » Expliqua Amarok. « Il a appartenu à notre mère. C'était une puissante shamane... je n'ai pas hérité de son affinité pour l'esprit-mère, alors je n'en ai pas besoin, et je sais que vous le traiterez avec respect. Votre travail consiste à partager aux gens l'Histoire des mondes de Babel, non ? Alors je compte sur vous pour vous documenter sur notre peuple ! »
« Hmpf ! » Grogna Nashoba, visiblement pas convaincu.
Raijū observa le collier quelques secondes, puis hocha la tête en le rangeant.
« Très bien. » Dit-elle. « Je m'en assurerai. »
Elle éperonna alors sa monture et commença alors à se diriger vers la sortie du camp, alors que tous les rebelles des environs se relevaient pour la saluer.
Matsuba allait monter en selle à son tour, lorsqu'Amarok vint lui enlacer la tête.
« Reste comme tu es et prend soin de toi, d'accord ? » Dit la condorienne en le lâchant puis en lui ébouriffant les cheveux.
Un air joyeux sur le visage, il acquiesça.
« Au revoir, Amarok. J'espère que nos chemins se recroiseront un jour. » Affirma-t-il en grimpant sur sa monture, qui lui donna un petit coup de corne affectueux sur le bras.
« Qui sait ce que l'avenir nous réserve ? » Sourit la semi-humaine en lui faisant au revoir de la main.
« Matsu ! » L'interpella alors une voix masculine.
Le jeune homme se retourna vers le chef des Desperados, qui le dévisageait avec un air indéchiffrable.
« ...au revoir. » Dit finalement ce dernier, après avoir hésité sur le choix de ses mots.
Le sourire de Matsuba s'élargit jusqu'aux oreilles. Il fit ses adieux, puis prit soin de saluer tous ceux qui agitaient leurs bras en sa direction jusqu'à être sorti du camp des rebelles.
Amarok observa sa silhouette rejoindre celle de la kitsune, avant que tous deux ne disparaissent dans la forêt. Soudain, elle sursauta.
« Dis-moi, Nash. » Fit-elle, dubitative. « Le train que tu leur a conseillé d'emprunter... n'est-ce pas celui qui transporte le convoi de prisonniers que va attaquer Shay ? »
Le chef des Despérados écarquilla les yeux.
« Ah euh... oui, c'est bien possible... » Murmura-t-il, réalisant trop tard son erreur.
Sa sœur lui donna un coup dans l'épaule.
« Qu'est ce que tu peux être stupide, quand tu t'y met ! » Gémit-elle. « J'espère qu'ils n'auront pas de problèmes... »
Nashoba se gratta l'arrière de la tête, visiblement embêté.
« Ça ira... j'imagine. Qu'est ce qui pourrait bien leur arriver, avec la renarde ? Elle est de rang C ! »
Amarok leva les yeux au ciel et s'éloigna en grommelant des paroles qui n'avaient pas l'air très élogieuses à son égard. Le condorien soupira, puis retourna à ses propres affaires. Se rendant dans le tipi central, il franchit la toile de la tente et vint trouver le seul et unique prisonnier résultant de cet assaut.
« Allez mon gars... toi et moi allons pouvoir discuter, maintenant. » Lâcha-t-il froidement.
Ligoté et bâillonné au poteau devant lui, Jared lui jeta un regard meurtrier.
***
Quelques heures plus tard, Maldor Town
Matsuba sortit de la boutique alors que les soleils entamaient leur disparition au loin, derrière les montagnes Pokipok. Désormais muni d'un poncho rouge qui s'accordait parfaitement à l'éclat écarlate de ses yeux, ainsi que d'un petit sombrero qui couvrait sa tignasse de cheveux noirs, le jeune homme se rendit dans la ruelle où l'attendait Raijū, dissimulée sous une cape. Elle ne pouvait en effet pas se montrer en plein jour : sa nature de semi-humaine lui aurait apportée des ennuis.
« J'ai trouvé des vêtements ! » Assura joyeusement le jeune homme en les lui tendant. « Pile ce que vous m'aviez demandé. »
« Bien. » Grogna la grimpeuse en s'en emparant. « Pour une fois, tu te rends utile. »
Loin d'être blessé par cette remarque, son interlocuteur l'accueilli avec un hochement de tête souriant.
« Si je continue de me montrer utile, peut-être qu'elle acceptera de me laisser l'accompagner jusqu'à ce qu'elle ait atteint son... son euh.... son objectif mystère ? »
Soudain, un détail lui revint en tête.
« Au fait, je n'y pense que maintenant mais comment ça se fait que je puisse comprendre les gens de cet étage ? On parle la même langue ? » Demanda-t-il, curieux.
« Oui. » Grogna la kitsune en retirant son haut et son pantalon.
Matsuba détourna les yeux, le visage rouge.
« Vous parlez la langue commune, qu'on appelle comme ça parce qu'on la retrouve dans plusieurs étages. » Poursuit Raijū en enfilant sa nouvelle tenue, ne prêtant pas attention à sa gêne. « C'est une curiosité sur laquelle d'autres ascensionnistes archéologues et historiens se sont penchés, mais sans réponse. »
Il hocha la tête, satisfait de cette réponse, ne rouvrant les yeux que lorsqu'elle eut fini de se changer.
« Pourquoi le pantalon asymétrique ? » La questionna-t-il alors, curieux.
En effet, le bas que portait la kitsune était taillé court au niveau de la jambe gauche - à l'image d'un short - et long au niveau de la jambe droite. Une ceinture lui enserrait la taille, mais aucun révolver n'y pendait.
« Il parait que c'est la mode. » Répondit-elle en haussant les épaules. « Et puis du moment que ça me permet de planquer ma queue... »
Matsuba esquissa un sourire, admiratif : la grimpeuse était méconnaissable.
Elle arborait une chemise mauve nouée au niveau du nombril - dont les boutons semblaient peiner à résister à la pression - qui couvrait son stigmate. Une paire de gants dissimulait à la fois la fourrure blanche de ses avant-bras et les griffes de ses mains. Elle avait par ailleurs coiffé sa tête d'un chapeau stetson pour camoufler ses oreilles de renarde. Enfin, une paire de bottes à éperons recouvraient ses pieds et ses jambes.
Déguisée ainsi, on aurait dit une parfaite humaine, sans la moindre trace de son appartenance aux canidés.
« Alors ? » Demanda le jeune homme en frappant dans ses mains, enthousiaste. « On va où, maintenant ? »
Raijū esquissa un sourire crispé.
« Tu t'emballerais pas un peu ? » Lui lança-t-elle. « N'oublie pas que dès qu'on aura atteint Las Alba, je te renverrai chez toi. »
« Je sais. » Affirma Matsuba avec un sourire impertinent. « C'est pour ça que je compte bien profiter du voyage... »
« Hpfm. T'occupes de la route, cow boy. C'est moi qui décide où on va. » Grommela-t-elle en partant vers la sortie de la ruelle.
« D'accord, je vous suis ! » S'extasia Matsuba en lui emboitant le pas.
« Ne va pas croire que je te laisserai rester avec moi. »
« Même pas le temps de faire un petit tour dans la capitale ? »
« Tu rêves. »
« Je pourrais tester l'inventaire de votre Clé de passage ? »
« Ça va pas, non ? »
« Je proposais juste... »
« Redis encore une ânerie pareille et je te pète les genoux. »
Les voix des deux compagnons d'infortune s'éloignèrent dans la ruelle alors qu'ils se dirigeaient en direction du centre-ville.
***
Deux heures plus tard, auberge Carla Dorlina
La nuit était tombée et les convives étaient nombreux à être assis aux tables rondes qui occupaient le rez-de-chaussée de l'établissement. Cow boy en vadrouilles, joueurs de poker en quête d'un moyen d'éponger leurs dettes, hommes d'affaires aux riches chapeaux melon... les lieux recelaient d'une riche variété de clientèle.
Dans un coin de la pièce, à demi-couverts par le brouhaha ambiant, une troupe de mariachis - munis de guitarron, trompette, maracas, violon et guitarra de golpe - jouaient un air aussi joyeux qu'entraînant sur lequel ils chantaient.
🎶 « En el desierto vasto, un joven va ! Con ojos rojos y mirada sin pensar ! » 🎶
« Pas un seul vendeur de cette foutue plante. » Grogna Raijū en écrasant son verre sur la table, les joues roses.
Installé face à elle, tout au fond, Matsuba esquissa un sourire gêné avant de regarder son propre verre avec appréhension. Après une seconde d'hésitation, il porta la liqueur brune translucide à ses lèvres... et se surprit à en apprécier la saveur caramélisée.
« C'est différent de la téquila. » Constata-t-il en sirotant son whisky.
🎶 « No sabe del peligro que encontrará ! Mas en su pecho, late un deseo de volar ! » 🎶
La kitsune elle, en était déjà à son cinquième verre. L'alcool ne semblait pas avoir les effets que le jeune homme connaissait sur elle, mais il ne semblait en revanche pas avoir amélioré son humeur.
« J'y crois pas... on a fait toutes les rue de cette ville ! » Gronda-t-elle en engloutissant son bourbon.
En fond, les mariachis continuaient de chanter.
🎶 « Con él viaja una vaquera sagaz ! Mitad mujer, mitad zorra en su audacia ! » 🎶
« Aucune boutique avec un stock de Leyposa ! Cette putain d'église a tout raflé ! » S'emporta Raijū, mécontente. « Il va vraiment falloir qu'on en trouve à Las Alba. Espérons que l'ami dont ce bouffon à plumes nous a parlé puisse nous indiquer un point de vente clandestin. »
« On pourrait pas en demander à Imperia ? Ou bien voler un de leurs stocks ? » Demanda Matsuba, intrigué.
🎶 « Él busca su ayuda, mas ella se desliza ! No tengo tiempo para enseñarte, con frialdad le desprecia ! » 🎶
La kitsune grogna.
« Si c'était aussi simple, tu ne penses pas que je l'aurais déjà fait ? Si ils rationnent tout le monde, pour redistribuer équitablement, c'est pour se servir au passage. Il faut une sacrée tonne de paperasse pour faire une demande, alors aucune chance qu'on en ait rapidement de manière de réglo. Et pour ce qui est d'en voler, tu ne m'as pas écouté ce matin, pendant l'attaque ? Les Messagers sont la deuxième équipe la plus importante de la Tour. Si on montre trop de puissance au 5e, ils y enverront du renfort. C'est pour ça que je n'ai pas révélé mon rang à l'autre couillon plumé. Pourquoi crois-tu que l'alliance semi-humaine se montre aussi prudente ici ? »
« L'alliance semi-humaine ? » Répéta l'autre. « C'est l'autre faction majoritaire de la Tour, c'est bien ça ? »
« C'est ça. » Approuva-t-elle. « Pour te la faire simple, les ascensionnistes de la Tour se divisent selon plusieurs factions, dont les trois principales sont la faction neutre, la faction humaine, et l'alliance semi-humaine. La première est dirigée par l'Astral Gleam - la première des six équipes qui possèdent le plus de Fragments célestes et qu'on appelle les étoiles montantes - et fait jeu à part. Les deux autres sont en guerre, avec à leur tête respectivement les Messagers du Crépuscule et Hachibunke. »
« Ceux-là, je les connais. » Affirma soudainement Matsuba.
🎶 « Forjados por el destino, juntos han de andar ! Sin saber del peligro que les va a acechar ! » 🎶
Raijū haussa un sourcil, surprise.
« Hachibunke est plus médiatisé que les Messagers, mais je t'avoue que tu me surprends. Tu lis l'Arlequin ? »
« Oui, j'ai tous les numéros ! » S'enthousiasma le jeune homme, ravi. « Mais ce n'est pas uniquement grâce à ça que j'ai entendu parler d'eux. »
Intriguée, son interlocutrice pencha la tête.
« Il se trouve que je connais l'une de leur membres. » Poursuivit-il. « Enfin... disons plutôt quelqu'un qui leur est lié. Vous vous souvenez de mon amie à la capacité de flammes ? Et bien en fait, elle appartient au clan Miyakage, celui-là même qui a fondé Hachibunke. »
La femme-renarde manqua s'étouffer avec son septième verre.
« Quoi ?! » Glapit-elle en toussant. « Il y a une Miyakage dans ce trou paumé ? Mais qu'est ce qu'elle fout là ?! »
« Je ne sais pas... » Avoua le jeune homme, indécis. « Sa famille l'a abandonné au 1er, et elle les déteste. C'est tout ce que je sais. »
Face à lui, l'ascensionniste de gratta la tête, perplexe, prenant le temps de digérer cette information surprenante.
🎶 « Sombríos complotes pondrán su colaboración a temblar ! Al final, lo que podemos recordar : En el vasto desierto, su futuro es incierto, sin parar ! » 🎶
***
Désireux d'aller profiter d'une bonne nuit de sommeil, les deux camarades d'infortune avaient payé leurs consommations avant de monter dans leur chambre, où les attendaient deux lits.
« Pourquoi l'alliance ne s'implique-t-elle pas d'avantage ici ? » Demanda soudainement Matsuba alors qu'il se changeait pour dormir, dos à la kitsune.
Celle-ci soupira, allongée dans son lit.
« En fait, ta question est loin d'être idiote... si on se réfère au contexte actuel. Dis-moi, selon toi, que se passerait-il si Hachibunke envoyait les gros bras ici ? »
Le jeune homme réfléchit quelques secondes avant de répondre.
« Les Messagers feraient de même, j'imagine ? »
« Et ça se terminerait en guerre mondiale au 5e. » Compléta Raijū en acquiesçant. « La Tour comporte soixante étages, c'est à dire cinquante-neuf potentiels champs de bataille, le dernier monde étant celui que personne n'a encore jamais trouvé. Tu imagines les ressources qu'il faudrait pour assurer un conflit sur chacun d'entre eux ? L'alliance et la faction humaine se battent déjà sur assez de fronts. Les avantages du contrôle de Tierraroja n'en valent pas la peine. »
« Alors, c'est pour ça qu'il ne font rien... » Comprit Matsuba en s'allongeant à son tour.
La pièce n'était plus éclairée que par une unique bougie. Pourtant, il parvint sans peine à distinguer les traits songeurs de la femme-renarde.
« C'était vrai jusqu'à un certain point... » Dit-elle. « L'autre camp restait en retrait tant qu'il existait encore des limites. Néanmoins, avec l'aggravation de la politique impériale ici ces derniers mois et l'extermination de la population semi-humaine, je ne serais pas surprise que l'alliance décide finalement d'intervenir d'une manière ou d'une autre. Mais ils ont intérêt à être prudent, car ça peut vite dégénérer. Ils n'enverront donc surement qu'une petite équipe, histoire de redresser l'équilibre... sans doute des ascensionnistes affiliés de rang C ou D. Peut-être Oakarmed, ou les Medjaÿs. Quoique, j'ai entendu dire qu'ils avaient du pain sur le planche à Maahzad, en ce moment... »
« Les terres de sable... » Murmura Matsuba, plongé dans ses souvenirs de lecture de l'Arlequin. « Vous y êtes déjà allée ? »
« Le 39e ? » S'étonna Raijū. « Bien sûr. C'est là que j'ai fait mes études en fac, après l'obtention de mon permis d'ascensionniste. »
« Génial ! Vous pouvez m'en parler ?! » S'enthousiasma le jeune homme en s'asseyant brusquement dans son lit, avide d'en savoir plus.
« Il y règne une chaleur encore pire qu'ici. » Raconta la kitsune. « Le soleil n'y est pas aussi brûlant, mais la sécheresse qu'il provoque est pire encore. À Maahzad, l'eau a plus de valeur que l'or. Pourtant, c'est une chouette région, leurs pyramides sont magnifiques. »
Pendant plus d'une heure, tous deux échangèrent sur divers sujets. Matsuba lui raconta une partie de son enfance, son admiration pour Gleam et les ascensionnistes en général, et son rêve de trouver le Sky Keep. La grimpeuse elle, resta prudente mais lui parla quelques peu de son travail, sans trop rentrer dans les détails.
Lorsqu'il finit par sombrer dans le sommeil, Raijū se mit à observer la lune, qui brillait haute dans le ciel nocturne.
« Il est un peu con sur les bords, mais ce n'est pas un mauvais garçon. » Songea-t-elle, un demi-sourire s'immisçant malgré elle sur son visage.
Elle observa alors la fourrure qui recouvrait ses avant-bras et son sourire disparu. Son poil était hérissé.
« Encore cette sensation... ça ne me quitte pas depuis notre arrivée. »
Le bruit du vent, seul son audible à cette heure, ramena son attention vers l'extérieur.
« J'ai l'impression d'être plongée dans une mer d'eau glacée... Il s'est passé quelque chose depuis ma dernière venue ici. J'ignore ce que c'est, mais ça perturbe tout l'étage. »
Préoccupée, l'ascensionniste finit par fermer les yeux en laissant le sommeil la gagner à son tour, non sans être prête à se réveiller rapidement si besoin.
Dehors, le vent continuait de souffler.
Sky Keep ARC 2 - Chapitre 7, partie 3 : FIN
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top