Chapitre 4 - Desperados, partie 2

Forêt de Maimi-Wuki, Tierraroja (5e étage de la Tour)

18 juillet 3202, au crépuscule

« Holy sheep... Ça, c'est du champ d'bataille. » Siffla une voix amusée.

Arbres arrachés, rocher en miettes, cratères fumants... un cow boy était accroupi non loin de ce terrain marqué des cicatrices d'un combat récent. Ses cheveux étaient d'un blond terne, et ses yeux d'un bleu froid.

« T'as vu ça, Joe ? » Lança-t-il à son collègue.

Celui-ci, beaucoup plus massif, et dont les cheveux étaient aussi noirs que sa barbe au poil dru, se contenta d'émettre un grognement.

« Jared ! » S'exclamèrent plusieurs voix. « On a trouvé quelque chose ! »

C'était le reste de leur groupe. Tous portaient un veston rembourré de laine au dos brodé du même emblème : un buste de squelette portant une robe et un chapeau, qui croisait deux revolver sur sa poitrine.

« Qu'est ce qu'il y a ? » S'impatienta Jared.

« On a trouvé un parjurien blessé, probablement par la bête. » 

Haussant un sourcil, le cow-boy les suivit jusqu'au pied d'un arbre, où un latranien au pelage gris clair couvert de blessures sanguinolentes avait été attaché. Il lui manquait une jambe et un œil.

« Eh bien, mon ami. » S'amusa Jared en s'accroupissant à sa hauteur. « Ç'est décidément pas ta journée. Votre bestiole avait l'air féroce... mais j'en connais qui ont loupé leur dressage, huhu. »

Le semi-humain lui jeta un regard de pure haine.

« Je doute de pouvoir convaincre... un esprit aussi étriqué... » Grogna-t-il, le souffle court. « Mais ni moi... ni les miens... n'avons invoqué... ce monstre. »

« Hum... j'imagine que ta culpabilité se réjouit de trouver refuge dans les mensonges. » Sourit tristement le cow-boy en se grattant le crâne sous son chapeau. « En admettant que vous autres parjuriens puissiez en ressentir, bien sûr. »

Voyant que le latranien ne lui répondait pas, se contenant de le fixer avec froideur, Jared se releva, toujours souriant.

« Vous semblez avoir du mal à piger que l'humanité ne se laissera pas détruire par vos combines à la noix. »

« C'est dans la nature des parjuriens de se fourvoyer dans la tromperie. » Intervint une voix. « Mais leurs calomnies n'auront point raison de nous. »

Tous se tournèrent vers celui qui avait parlé. Fier d'une tunique de soie blanche sur lequel était exhibé un couronne de laurier d'or, l'individu avait les cheveux bruns et bien coiffés. Derrière lui se tenaient deux bonne-sœurs également vêtues de blanc, au visage camouflé sous un châle.

« N'ayez crainte. » Argua-t-il en ouvrant amicalement les bras. « La frêle humanité saura triompher du mal jusqu'à atteindre sa juste place promise : celle de guide au sein d'une Tour débarrassée des monstres impurs qui la souillent. »

Tout autour, une série de cris approbateurs se répandit parmi les hommes. Jared approuva d'un signe de tête.

« Puisse le Roi du ciel vous bénir, frère Marchus. » Lâcha-t-il. « C'est tout à votre honneur d'nous donner un coup de main pour cette traque. »

L'ecclésiastique se para d'une expression rayonnante.

« Ne reniez pas votre talent et votre dévouement. » Apprécia-t-il fièrement. « C'est grâce aux membres de Calamity Jane que nous avons pratiquement réussi à épurer cet étage des parjuriens qui y grouillaient en nombre. »

« Vos compliments me vont droit au cœur. » Ricana Jared. « Mais je n'aurais p'têt pas aussi bien bossé si votre patron n'avait pas eu la main aussi généreuse. »

« Sa sainteté l'archevêque Tiberius sait récompenser à leur juste valeur les fiers défenseurs de l'humanité. »

Le cow-boy hocha la tête, puis se pencha à nouveau près du prisonnier.

« Bon... revenons à nos vaches, mon ami. Tu fais parti de ceux qui se font appeler les Desperados, n'est ce pas ? Que dirais-tu d'un marché ? Tu me dis où sont cachés tes potes et je m'assurerai de te trouver une jolie place pour un voyage dans un autre étage. Tu pourrais refaire ta vie parmi les monstres que les tiens aiment tant et nous, nous pourrions enfin exterminer le dernier groupe de rebelles qui terrorise la région. »

Pour toute réponse, le semi-humain lui cracha au visage, provoquant une vague de protestation et de colère parmi les autres membres de Calamity Jane.

« C'comme ça qu'tu traites la généreuse proposition de Jared ?! »

« Enfoiré ! Même quand on vous tend la main, vous trouvez le moyen de vous abandonner à la haine ! »

« Quelle honte ! Dire que Jared se montrait miséricordieux... »

Jared poussa un profond soupir, puis se releva en s'essuyant le visage.

« J'aurais essayé, au moins. » Rigola-t-il en haussant les épaules. « Joe ? »

Son ami émit un grognement tout en s'approchant d'un pas lourd. Au fur et à mesure qu'il avançait, son ombre se mit à surplomber le prisonnier.

« Mon frère aussi aime discuter. » Affirma Jared, amusé. « Simplement, il ne le fait pas avec les mots. »

Alors que la respiration du semi-humain s'accélérait, il vint planter son regard dans le sien. Toute sympathie s'en était allé : il n'y régnait plus que froideur.

« Où, combien et quelles armes ? » Siffla-t-il d'une voix sinistre.

Joe fit craquer ses jointures alors que le prisonnier baissait la tête, résigné à ce qui allait lui arriver.

***

Miriadariba, Tierraroja (5e étage de la Tour)

Le nuit était tombée au sein de la forêt de Maimi-Wuki. Pourtant, dans un petit coin reculé de la vallée, une petite tache de lumière persistait, invisible depuis les hauteurs.

Cette tache de lumière... était Miriadariba, le camp des desperados. Ici bas, une centaine de petits tipis dissimulés dans la végétation étaient cerclés par une muraille de piques.

Lorsque Nashoba - condorien de vingt-cinq ans aux plumes d'un bleu sombre - en passa les portes à la tête des membres de l'expédition, nombreux furent ceux à venir accueillir son retour. Leporiens, buffaliens, crotaliens, latraniens... ce lieu mêlait toutes les espèces semi-humaines possibles que regroupait le 5e étage.

La plupart n'étaient que des civils : hommes, femmes et enfants qui ne disposaient d'aucune force de combat. Mais ce camp avait justement été construit pour accueillir et protéger tous ceux qui souhaitaient échapper à l'horreur envahissant Tierraroja ces dernières années.

« Monsieur Nash ! Vous avez chassé le wendigo ?? »

Le condorien s'approcha de la petite leporienne et lui ébouriffa les cheveux.

« Le monstre est mort, ma grande. Il ne nous fera pas de mal. »

« Le mort-vivant est mort ?! » S'exclamèrent plusieurs voix.

« Alors c'est vrai, vous avez réussi ?! »

« Mon imbécile a mari n'a pas été blessé ? J'espère qu'il ne vous a pas causé d'ennuis ? »

Nashoba esquissa un sourire gêné face à la question de la crotalienne qui s'était avancée vers lui, les mains sur les hanches.

« Euh... »

« J-Je suis là mimine... sous tes yeux ! » Protesta un buffalien en émergeant des membres de l'expédition.

« Hpfm. C'est pas demain la veille que je s'rais tranquille, alors. » Grogna son épouse en croisant les bras, les yeux au ciel.

Elle se mit à pointer Nashoba du doigt.

« Vous auriez pu l'utiliser comme appât ! » Lança-t-elle. « Avez tous les gâteaux au miel qu'il s'enfile après le repas, j'suis certaine que l'bestiau aurait eu l'ventre garni pour des semaines. »

Une vague de rires retentit dans la foule, alors que son mari rougissait jusqu'aux oreilles. La crotalienne vint néanmoins l'enlacer, utilisant aussi bien ses bras que sa queue de serpent pour l'étreindre.

« Encore heureux qu'tu sois indemne, que j'ai pas à changer des pansements tous les deux jours, comme la dernière fois ! C'est encore un collègue qui t'as sauvé les miches ? »

« M-Mais non mimine... je t'assures... »

Alors que d'autres rires émergeaient parmi les spectateurs, d'autres se tournèrent à nouveau vers Nashoba.

« Alors, nous sommes en sécurité ? »

« Et Calamity Jane ? Vous avez croisé des patrouilles ? »

« Et Falcom ? Il est vraiment mort ? »

Les interrogations pleuvaient de toutes parts. Débordé, le chef du camp esquissa un sourire gêné.

« Je répondrai à vos interrogations en temps et en heure. Pour l'instant, nous avons tous besoins de repos... »

« Nash ! » Cria soudainement une voix féminine.

Tous se tournèrent vers la condorienne au plumage jaune qui venait de d'émerger d'un tipi, le souffle court à cause de la précipitation.

« Amarok... » Murmura Nashoba.

Elle se rua alors sur lui et vint l'étreindre si fort qu'il en tomba au sol.

« Me refais jamais un coup pareil ! » Aboya-t-elle. « Si tu repars dans la précipitation sans moi, je t'étrangle ! »

« On en a déjà discuté, frangine. » Protesta l'autre en lui rendant son étreinte. « Il est hors de question que tu t'aventures hors du camp. Tu es trop importante ici. »

« Je suis majeure et libre de prendre mes propres décisions. Vous avez aussi besoin de soins, lors des excursions ! »

« Certes, mais on peut se débrouiller en attendant de revenir. Ta sécurité prime. »

Amarok allait protester d'avantage lorsqu'elle aperçut les corps inconscients transportés par les montures des membres de l'expédition.

« C'est...? »

« Un prisonnier et une inconnue. » Dit Nashoba. « On les a trouvé près des cendres du wendigo. J'ignore si ils l'ont tué ou si ils lui ont simplement échappé et que quelqu'un d'autre s'est chargé du boulot, mais le résultat est là. »

Des murmures se propagèrent parmi les semi-humains, qui s'approchèrent des deux corps que l'on avait déposé par terre.

« C'est une latranienne ? Pourquoi est ce qu'elle est toute blanche ? » Demanda un enfant crotalien en touchant du bout du doigt l'une des oreilles de Raijū. « Elle est albinos ? »

« Ils portent des vêtements bizarres... » Fit un autre en les détaillant.

« Et ça, c'est quoi ? » Fit un leporien en ramassant la grosse monstre à gousset qui dépassait de la poche de la femme-renarde.

« Eh ! Repose ça ! » Lui intima Nashoba.

Le semi-humain lui obéit et lâcha l'ustensile .

« Nash, ce sont... » Commença Amarok, troublée.

« Je sais, on doit les interroger pour en savoir plus. » L'interrompit son grand frère dans un souffle. « Mais ni ici, ni maintenant. On verra demain. Pour l'instant, allons discuter dans le tipi central. »

Mais la condorienne l'ignora, s'avançant vers le jeune homme et la kitsune. Elle les examina d'un rapide coup d'œil.

« Ils leur faut des soins... et rapidement. » Évalua-t-elle. « Lui surtout. »

« Va pour elle, mais le garçon peut bien creuver. » Gronda farouchement Nashoba. « C'est un humain. »

À ces mots, il y a un mouvement de recul parmi les membres du camp. Tous regardaient à présent le prisonnier ligoté avec horreur.

« U-Un humain ?! »

« Il faut l'achever avant son réveil ! »

« Oui ! Qui sait si il n'a pas un moyen de prévenir ses potes ?! »

« Il ferait pareil si on était à sa place ! »

Nashoba ouvrit la bouche pour ramener l'ordre, mais sa sœur le devança.

« On exécute pas les prisonniers, ici. » Grogna-t-elle. « Nous allons les soigner tous les deux et garder l'humain sous surveillance. Nous avons la situation en main, alors allez tous vous coucher. L'angoisse des derniers évènements nous a tous bien éreinté. »

Personne n'osa contester ses paroles, et bien que quelques regards méfiants furent jetés au prisonnier, les semi-humains repartirent vers leur tipi respectif.

Dès que lui et Amarok furent seuls, Nashoba se tourna vers sa sœur.

« Il est hors de question qu'on gâche tes compétences pour aider ce sale... » Entama-t-il, les traits crispés.

« Nash, ce n'est pas un sujet à discussion. » Lui répondit froidement la condorienne, le regard sévère.

Pendant une minute, ils se dévisagèrent avec animosité... puis Nashoba rendit les armes.

« Très bien ! » Grogna-t-il. « Mais uniquement le strict nécessaire. Et il restera ligoté tout du long. »

« Oui, grand chef. » Fit Amarok en levant les yeux au ciel.

Elle se tourna vers les deux corps et se retroussa les manches : elle avait du pain sur la planche.

***

Le lendemain matin...

Raijū émergea du sommeil alors que le soleil n'était même pas encore levé dans le ciel. Aussitôt, elle bondit sur ses pieds.

Constatant qu'elle se trouvait à l'intérieur d'une tente de forme conique, elle ramassa ses affaires et enfila ses vêtements - soigneusement pliés dans un coin - et sortit en trombe.

Elle se trouvait au sein d'une sorte de campement regroupant plusieurs tentes similaires à celle dont elle sortait. L'une d'elles, plus imposante que les autres, semblait occuper le centre de ce village improvisé. Tout autour des lieux, une barricade de piques empêchait les intrus d'entrer.

« Un camp semi-humain...? »

Peu de gens étaient déjà levés à cette heure, mais elle repéra néanmoins un buffalien en patrouille de garde. Avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche, elle lui bondit dessus et le souleva par les bretelles.

« Où est le gamin ?! » Brailla-t-elle en le secouant férocement.

Elle s'était exprimé en usant de la langue local, mais la perplexité semblait avoir lié la langue du semi-humain. Comprenant qu'elle n'arriverait à rien avec lui, la kitsune changea de méthode.

Elle ferma les yeux, et une sorte de vent invisible vint caresser ses cheveux, sous le regard indécis du buffalien, qui ne comprenait rien à ce qu'il se passait.

 Il ne put jamais l'interpeller, car la grimpeuse sembla brusquement revenir à elle et s'en alla au pas de course.

***

« Q-Qu'est-ce donc que cette chose...? » Murmura Amarok, stupéfaite.

Face à elle se tenait une curiosité. Rectangulaire et plat, l'objet comportait une surface plane semblable à de la glace enchâssée dans un cadran métallique.

Prudente, la condorienne tendit doucement le bout de sa serre et l'apposa délicatement sur la partie vitrée. Cela eu pour conséquence de l'illuminer de toute part, la faisant reculer. Mais curieuse, elle se pencha à nouveau.

« I-Il y a des gens prisonniers à l'intérieur ! » Constata-t-elle alors, stupéfaite, en voyant les visages souriants affichés sur l'écran.

Puis, elle fronça les sourcils.

Non, quelque chose clochait. Aucun d'eux ne bougeait, et l'un était le portrait craché de l'humain qu'elle avait soigné hier soir.

« Comme sur une peinture. » Murmura la guérisseuse, interdite.

« C'est mon téléphone... » Prononça alors une voix faible, la faisant sursauter.

Elle se retourna vers la cage qui reposait au fond du tipi. À l'intérieur, le prisonnier était parvenu à se redresser.

« Oh, tu es réveillé... j'ai pris la liberté de demander quelque chose de plus confortable que des liens. » Sourit la condorienne en désignant la cage.

« Que m'est-il arrivé...? » Grimaça-t-il en s'asseyant. « Où suis-je ? Et où est... »

Mais soudain, quelqu'un fit irruption dans la tente : une femme-renarde au pelage d'un blanc immaculée.

« Et les gardes ?! » S'étonna la soigneuse, stupéfaite.

« D-Dame Raijū ! » S'écria Matsuba, heureux de la voir saine et sauve.

Celle-ci s'approcha de la cage. Amarok ouvrit la bouche, mais elle se tu en voyant la kitsune saisir deux barreaux et se mettre à tirer dessus. Aussitôt, les veines de ses avant-bras se dilatèrent, alors qu'un mystérieux courant d'air venait faire danser sa fourrure.

Sous les regards émerveillés de la guérisseuse et du prisonnier, les tiges d'acier - pourtant épaisses de cinq centimètres de diamètre - se tordirent comme du beurre, ouvrant un passage où la grimpeuse s'enfila avec grâce.

Haletante, Raijū se planta devant Matsuba, qu'elle se mit à détailler de la tête aux pieds.

« Tes blessures... » Commença-t-elle.

« Ont été soignées... » Fit le jeune homme en observant ses bras et son torse bandés. « Même mes fractures ont disparus. C'est un miracle...! »

Assistant discrètement à la conversation, Amarok rougit et hocha frénétiquement la tête tout en se désignant du doigt, un petit sourire aux lèvres.

« C'est grâce à moi ! »

De son côté, la kitsune regarda encore un peu le jeune homme, puis...

CLAC !

...lui colla une gifle.

Les yeux écarquillés, Matsuba sentit sa joue se remplir de chaleur. Amarok elle, avait apposé le bout des doigts sur sa bouche, surprise.

« Espèce d'imbécile. » Siffla l'ascensionniste, mécontente. « Est ce que tout ça n'est qu'un jeu pour toi ? Estimes-tu que la Tour est sans dangers ? »

« N-Non... » Bredouilla Matsuba, honteux.

« Penses-tu pouvoir faire face à ces dangers ? »

« Non... » Répéta le jeune homme, mortifié.

Raijū marqua un silence.

« Pourtant, tu es parti explorer comme un imbécile, prenant le risque de mourir, mais aussi celui de nous faire repérer. »

Matsuba baissa la tête.

« Je sais... » Murmura-t-il faiblement. « J'ai déjà renoncé, ne vous en faites pas. »

« Hpfm. »

La femme-renarde le surplomba du regard encore quelques instants, puis soupira.

« Je suis navré que vous ayez été blessée par ma faute. » S'excusa-t-il alors en s'agenouillant de manière à poser le front au sol.

« Je n'ai pas été blessée. » Répliqua-t-elle en levant les yeux au ciel. « Et arrêtes de te vautrer par terre. »

« Pas été blessée ? » S'étonna-t-il en se relevant. « Mais vous vous êtes évanouie ! »

« Simplement à cause du <Toucher négatif>. Mon corps lui, n'avait rien. »

Le jeune homme pencha la tête, perdu. Elle comprit qu'il ignorait de quoi elle parlait et soupira de nouveau.

« Que sais-tu des monstres, Matsuba ? »

« Eh bien... qu'ils naissent tous pourvus d'une capacité à la naissance sans porter de stigmate, et qu'ils sont dangereux et agressifs. »

« Incomplet. » Jugea froidement la kitsune, le faisant tressaillir. « Tu ne sais même pas comment on les classe ? »

Matsuba secoua négativement la tête.

« Le principe repose sur les capacités. » Grommela-t-elle. « Vois-tu, lorsqu'un anthropomorphe acquiert un stigmate, il se voit conféré une capacité spirituelle innée, qui est unique. Il lui est alors possible, au cours de sa vie et de ses entrainements, d'acquérir des capacités dîtes communes à partir de celle-ci. Par exemple, quand tu me déblatais ta vie sur le trajet hier, tu as mentionné que ta copine avait une capacité de flammes... »

« Alors, elle m'écoutait ?! » Sursauta-t-il.

« Ça peut paraître idiot, mais comment expliques-tu que ton amie ne se brûle pas ? »

Il haussa un sourcil, car il ne s'était jamais posé la question.

« Et bien tout simplement parce qu'au cours de sa vie, elle a dû acquérir malgré elle <Résistance au feu> pour se protéger de son pouvoir. » L'éclaira la grimpeuse.

« Ooh... »

Oui, c'était parfaitement logique. Mais il ne voyait pas où la femme-renarde voulait en venir.

« Chez les monstres, c'est l'inverse. » Poursuivit-elle. « Ils naissent avec des capacités communes et en obtiennent de plus en plus rares et fortes à force d'évolution. On les trie donc en fonction de leurs capacités de départ. Le wendigo que j'ai abattu... »

« Alors c'est vraiment vous qui avez tué ce monstre ?! » Intervint Amarok, impressionnée, faisant sursauter les deux interlocuteurs.

Ils se tournèrent vers la semi-humaine, qui devint aussi rouge qu'une écrevisse.

« T'es qui, toi ? » Grogna Raijū.

« Euh... p-personne. N-Ne faites pas attention à moi... » Bafouilla la condorienne, intimidée.

« Il vaut mieux que j'aille chercher Nash. La suite de cette conversation pourrait l'intéresser... »

Elle s'inclina alors timidement puis sortit du tipi, laissant Matsuba et Raijū reprendre là où ils en étaient.

« C'était un mort-vivant. » Reprit la kitsune. « Ce terme désigne tous les monstres qui sont dotés de <Toucher négatif> et de <Puisse la vie à jamais s'éteindre>. »

« <Puisse la vie à jamais s'éteindre> ? » Répéta Matsuba, éberlué.

« C'est une capacité qui leur confère une haine inépuisable à l'encontre de tout ce qui est vivant, ainsi qu'une immunité totale au froid, aux poisons et aux malédictions. » Expliqua l'ascensionniste. « En revanche, elle les rend sensibles aux flammes et aux capacités sacrées. Quant au fameux <Toucher négatif>, c'est une capacité passive, autrement dit activée en permanence, qui pompe l'énergie des être vivants par contact physique. »

Les mains sur les hanches, elle prit la pose, le visage empli de fierté.

« Hpmf. En gros, les attaques de ce lourdeau étaient trop faibles pour me blesser, mais elles m'ont généreusement incité à faire une petite sieste. »

Puis, son visage se pinça.

« Mais la présence d'un tel monstre ici est anormale. Normalement, ils apparaissent loin au nord, quand des extracteurs de charbon se retrouvent coincés dans une mine et finissent par recourir au cannibalisme... »

Matsuba fronça les sourcils.

« Il pourrait s'être déplacé ? » Proposa-t-il.

« Sans qu'on l'ait vu ? » Fit-elle en haussant un sourcil. « Les Messagers ont apporté leur lot de stupidités avec eux, mais on ne peut leur retirer le mérite de chasser efficacement les hétéromorphes. À moins que... »

« ...que ce soit eux qui l'aient menés jusqu'ici pour mieux nous détruire. » Acheva une voix en provenance de l'entrée.

Tous deux se retournèrent vivement. Flanqué d'Amarok, un semi-humain avait pénétré le tipi. Grand et musclé, il avait les bras, le bassin et l'arrière du crâne recouverts de plumes bleu canard. Les serres croisées sur la poitrine, il les toisait avec froideur.

« Arrête, Nash...! » Souffla la soigneuse en tentant désespérément de le retenir par le bras. « Je te dis que t'es à côté de la plaque ! »

Mais Nashoba fit la sourde oreille. Il s'empara du fusil qui reposait dans son dos et le pointa sur Matsuba.

« J'ai des questions à vous poser, et vous aller me faire le plaisir d'y répondre. »

***

L'aube commençait doucement à teinter le ciel de clarté, même si le soleil n'avait pas encore commencé à se lever à l'horizon.

La troupe d'hommes de Calamity Jane attendait silencieusement dans les bois, dissimulée entre les arbres. Perché sur une branche, Jared observait le rassemblement de tipis cerclés de piques situé en contrebas à l'aide d'une paire de jumelles.

« Jared ! » L'interpella une voix. « C'est bon, on a encerclé le camp ! »

« Parfait... » Sourit le cow-boy. « Frère Marchus ? »

Quelques mètres plus bas, le prêtre hocha la tête.

« Lançons l'assaut. » Approuva-t-il.

Sky Keep ARC 2 - Chapitre 4, partie 2 : FIN

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