Chapitre 3 - Tache grise, partie 1

Une main d'or cherchant à attraper les Cieux.

Étrangement, c'était la première impression qui avait traversé l'esprit embrumé de Matsuba, dès lors qu'il avait à demi ouvert les yeux. En fait, il n'aurait pas pu trouver meilleure analogie.

Perché au milieu des gigantesques nuages blancs, le jeune homme aurait dû se mettre à chuter... pourtant, il n'en était rien : il flottait.

Il flottait dans cette mer laiteuse et immaculée, tel un explorateur.


Un explorateur d'un jardin d'ivoire laissé intact de toute forme de souillure.


Et face à lui, s'élevait le bras du redoutable, destrier des mondes et tabernacle de l'omniscience.

« On dirait... un chêne... »

 L'arbre était d'une immensité fabuleuse, plus haut encore que ne l'était le soleil dans le ciel. Son tronc d'or pur transfixait l'azur éclatant comme une lance électrique, et ses rameaux s'étalaient en artères de la voute célestes, à l'image d'une main s'apprêtant à se saisir des cumulus.

Pétrifié et ébahi, Matsuba devint alors un observateur.


Un observateur de tout ce qui définissait, de tout ce qui composait et de tout ce qui guidait.


À chaque seconde, c'était des milliers d'informations qui déferlaient dans son cerveau, telle une marée de fourmis affamées de souvenirs dévalant les couloirs synaptiques de leur colonie nerveuse. Il avait l'impression de voir et d'entendre toute chose, comme si il s'était affranchi de l'existence et était devenu le vide interstitiel contingent à tout forme de matière.

« Octachore... strates... destruction... confluence... destin... »

L'afflux continuait encore et encore, immense vague déferlant sur un esprit en stase.

« Connaissances... symétrie... mémoire... cycle... éclosion... camouflage... dispersion... ascendance... calcul... »

Submergé, Matsuba se sentit perdre connaissance.

Il commença à sombrer à l'instant où l'azur du ciel s'ouvrait en deux - juste au dessus de l'arbre d'or - dévoilant un monde stratosphérique empli de plumes et de flammes, d'où l'observait un œil doré et omniscient.

« M... » Le reconnut le jeune homme, malgré la faiblesse de son esprit.

Il plongea alors dans l'inconscience.

***

Pebblerock, Tierraroja (5e étage de la Tour)

18 juillet 3202, début d'après midi

Matsuba se réveilla en sursaut, se relevant d'un seul coup comme si un courant électrique venait de parcourir son corps.

« Ah ! »

Prenant une grande inspiration, il retrouva l'air d'un seul coup et eut l'impression de recouvrer la vie. Haletant, couvert de sueurs et le cœur battant à cent à l'heure, il chercha aussitôt à s'orienter, tournant la tête à droite et à gauche.

« Quel est... cet endroit ?! »

Déboussolé, le jeune homme observa avec stupéfaction le nouveau paysage qui s'ouvrait à ses yeux. Plus aucune trace de la verdure émeraude des plaines greenlandaises : il se trouvait à présent perché sur une surface rocheuse et poussiéreuse à la teinte ocre. Tout autour, cette terrasse semblait délimité par une falaise abrupte.

Il aperçut alors à l'horizon des montagnes plus hautes que toutes celles qu'il n'avait jamais connu.

« Il y a même de la... neige ? À leur sommet ? Vraiment ? »

« Où... où est-ce qu'on est ? » Murmura-t-il, émerveillé.

« Qu'est ce que..?! » Sursauta alors une voix.

Surpris, Matsuba se tourna vers la kitsune, qui s'était retournée vers lui et le dévisageait maintenant avec effarement.

« D-Désolé ! » S'excusa-t-il aussitôt après avoir croisé les iris mauves de la grimpeuse. « J-Je... je vous ai touché et... »

« E-Espèce d'abruti !! » S'étrangla Raijū en le saisissant par le col, le soulevant de terre.

« Urgh ! » Gémit Matsuba en s'agitant, suffoquant sous la pression.

« Mais qu'est ce que tu as fait, pauvre crétin ?! » Glapit la femme-renarde, une teinte de panique dans la voix.

Voyant que le jeune homme virait au rouge, elle poussa un cri de rage avant de l'expédier brusquement sur le sol. 

S'écrasant durement dans la poussière, Matsuba se mit à tousser, reprenant son souffle pour la seconde fois.

« J-Je... je ne voulais pas... » Bredouilla-t-il.

Mais percevant le mépris et l'animosité qui dansaient au fond des yeux de son interlocutrice, il sentit ses forces l'abandonner et échoua à articuler le reste de sa pitoyable excuse.

« Ce mécanisme est conçu pour une seule personne ! » Hurla la kitsune en brandissant son espèce de montre devant lui.

Désemparé, Matsuba lorgna l'objet en respectant un silence coupable.

« Je... » Commença-t-il, penaud.

« On aurait pu être démembrés ! » L'interrompit l'ascensionniste, hors d'elle. « Atterrir dans les profondeurs d'un lac gelé du 16e étage ! On aurait même pu ouvrir une brèche entre deux étages et condamner tous ceux qui y vivent ! »

Frappé par le désastre qu'il avait failli provoquer, le jeune homme se tétanisa avant de se recroqueviller, honteux.

« Je... je ne savais pas... » Bafouilla-t-il en sentant sa gorge se gonfler.

« Tu ne savais pas, ou tu t'en fichais ?! » Cracha la kitsune, les oreilles rabattues sur le crâne. « Tout ce qui t'intéresse, c'est ton objectif stupide ! »

Elle se rapprocha de lui et se saisit de son visage, le transperçant du regard.

« Tu voulais une réponse ? Et bien ouvre grand tes oreilles ! » Aboya-t-elle. « C'est IM-PO-SSI-BLE ! »

Matsuba hoqueta.

Ces quatre syllabes s'étaient enfoncés comme des pieux dans son cœur.

« Les sans-pouvoirs naissent faibles et le restent à jamais, c'est comme ça. » Reprit froidement Raijū, marquant un point final à la conservation. « Et c'est pas en provoquant des catastrophes que tu vas y changer quoique ce soit. »

La mine du jeune homme s'assombrit alors que ses épaules s'affaissaient.

« Je... je sais. » Se contenta-t-il de murmurer, déprimé.

« Tch ! »

Visiblement agitée, la femme-renarde le repoussa et fit les cent pas - sa queue blanche fouettant l'air - avant de s'éloigner rapidement. 

« Il y a un autre truc qui cloche. » Comprit Matsuba en constatant son indéniable nervosité.

Priant pour n'avoir rien commis d'irréparable, il la suivit d'un pas timide jusqu'au bord du précipice. C'est alors qu'il écarquilla les yeux : il venait enfin de prendre conscience du lieu sur lequel il se trouvait : un rocher.

Un énorme rocher perché à plus de deux cents mètres d'altitude.

N'ayant jamais été de nature vertigineuse, il se permit de se pencher pour mieux voir et constata alors que la terrasse de pierre ocre sur laquelle il se tenait reposait sur une colonne bien plus mince.

« On est en équilibre ? » Sursauta-t-il, ébahi.

Restant un instant coi face à ce miracle naturel, le jeune homme releva finalement la tête pour laisser ses yeux parcourir le vaste horizon.

En contrebas s'étendait une vallée où siégeait une forêt d'un vert bien plus sombre que celle qui se trouvait près de chez lui. Les arbres y étaient plus espacés, plus hauts, et de forme bien plus droite. Un fleuve serpentait parmi eux. Et au loin, les montagnes qu'il avait entrevu à son arrivée se dressaient fièrement, telle une grande muraille ceinturant ce monde.

« C'est magnifique...! » S'émerveilla-t-il.

L'espace d'un instant, tous les problèmes qu'il venait de créer s'envolèrent de son esprit comme une volée de papillons, ne laissant plus derrière eux que l'ébahissement intense provoquée par ce paysage inconnu ne demandant qu'à être exploré.

Même ainsi dépourvu de plumes, l'oisillon ne put s'empêcher d'essayer de déployer ses ailes.

Laissant le vent épouser sa silhouette et décoiffer ses cheveux, Matsuba écarta les bras et les tendit vers le ciel alors qu'un sourire ravi s'étirait sur son visage. Il se sentait bête, à étreindre la brise de la sorte, mais il se sentait...

Oh oui, qu'est ce qu'il se sentait...!

« Libre ! » Eut-il envi de hurler.

Chassant l'envie qui montait en lui de pousser un cri d'enthousiasme, le jeune homme préféra laisser ses sens profiter de l'air frais de ce monde nouveau qu'il découvrait. 

« Je suis dans un autre étage...! » Songea-t-il, ému.

Levant la tête, il aperçut deux oiseaux planer en cercle à quelques centaines de mètres au dessus de lui. Cherchant dans sa mémoire, il retrouva leur nom, qu'il avait lu dans une vieille édition de l'Arlequin.

« Des vautours... »

Son sourire s'accentua. Des animaux qui lui étaient inconnus... Sa bonne humeur était telle qu'il se sentait prêt à les saluer bêtement de la main, comme si il attendait une réponse.

« Hahahaha... »

Matsuba ferma les yeux, savourant la sensation de fraîcheur lui fouettant le visage.

« HAHAHAHA ! »

« C'est... génial ! » Rugit-il en les rouvrant, ne pouvant résister d'avantage.

« Alors c'est donc bien ça, ma raison d'être... »

Il n'avait jamais douté, mais cette fois-ci, sa conviction était certaine : l'ascension était la seule et unique chose à laquelle il consacrerait sa vie et son âme. En une minute, il avait l'impression d'avoir redécouvert le sens même de l'existence.

« Un jour... j'attendrai le Sky Keep ! » Jura-t-il une fois de plus.

C'est alors que, le nez toujours en l'air, il s'aperçût de quelque chose.

« I-Il y a deux soleils ! » Sursauta-t-il, stupéfait.

En effet, c'était bien un deuxième astre un tantinet plus petit qui brillait aux côtés du premier. Brûlant le ciel comme deux frères incandescents, ils apportaient une luminosité exceptionnelle à tout le paysage.

« D'ailleurs, qu'est ce qu'il fait chaud ici... » Constata Matsuba en épongeant son front de la main.

Soudainement, une main le saisit par l'avant-bras et le tira violemment vers l'arrière.

« Eh..?! »

Tournant la tête, il s'aperçut alors que Raijū, le visage toujours crispé, l'avait embarqué de force en direction d'une étrange plante. Dépourvue de feuilles, celle-ci ne semblait posséder que de grosses tiges vertes et épaisses parsemées de piques transparentes. Imposante et recourbée, elle formait comme un petit préau sur la terrasse rocheuse.

Jetant le jeune homme à ses pieds, la kitsune se retourna ensuite pour de nouveau fixer l'horizon, les bras croisés sur la poitrine. Elle tapait du pied, visiblement anxieuse.

« Elle m'a juste amené ici...? » S'étonna le jeune homme. « Mais pourquoi ? » 

Intrigué, il se tourna vers la plante. Peut-être était-ce pour elle ?

Amusé par son apparence, il tendit l'index vers l'une de ses piques... et retira son doigt sitôt qu'il l'eu touché.

« Aïe ! » Couina-t-il, surpris. « C'est quoi ce truc ? »

« Un cactus. » Répondit froidement Raijū sans même lui jeter un regard.

Étonné qu'elle lui ait répondu, il l'observa avec curiosité avant de sourire de nouveau.

« Incroyable... et on est où, ici ? » La questionna-t-il en se relevant, avide d'en savoir plus.

Les muscles de la grimpeuse se tendirent. Matsuba se raidit, craignant d'en avoir un peu trop demandé, et pria pour qu'elle ne l'envoie pas voltiger comme elle l'avait fait à Greenland.

« On est au 5e... » Grinça Raijū entre ses dents. « J'ai besoin de réfléchir. Alors maintenant, la ferme. »

Mi-rassuré, mi-inquiet, le jeune homme déglutit, et se mit à attendre. Finalement, après plusieurs minutes, il baissa la tête.

« Je suis désolé. » Répéta-t-il, sincère.

La kitsune émit un petit son méprisant.

« Ça, tu peux l'être ! » Ricana-t-elle, sarcastique.

Elle se tourna vers lui, le dévisageant avec un mélange d'agacement et de dédain. Puis, elle ressortit son espèce de montre à gousset de sa poche et la désigna de l'index.

« Ça s'appelle une Clé de Passage. » Expliqua-t-elle avec amertume. « Chaque ascensionniste en reçoit une après son admission à l'examen d'entrée. Il faut en posséder une pour être autorisé à voyager entre les étages. »

Elle plissa les yeux et serra les dents.

« En d'autres termes... »

« ...les voyages à plusieurs ne sont pas autorisé. » Déduisit Matsuba, mortifié.

Il avait l'impression d'avoir reçu un sceau d'eau glacé sur le visage. Même si il n'était plus sous les soleils, il se mit à transpirer.

« Ils le détecteront, crois-moi. » Grinça l'ascensionniste avec un sourire crispé. « Et des Régulateurs vont venir nous demander quelques explications. »

Alors que le jeune homme sentait un creux se former dans son estomac, son interlocutrice serra brusquement le poing et donna un grand coup dans le cactus, arrachant une branche qui alla s'écraser au loin.

« Et merde ! » Cracha-t-elle, tendue. « Je préparais ça depuis des mois, et il t'a fallu cinq secondes pour tout gâcher ! Merde, merde, merde ! »

Sa colère refaisant surface, Raijū se mit à marteler le sol du pied, faisant trembler la structure rocheuse.

« C-Comment peut-elle avoir autant de force ? » S'inquiéta Matsuba en sentant la plateforme vibrer en dessous de lui. 

Lorsqu'elle s'arrêta enfin, il poussa un soupir de soulagement. Mais voyant qu'elle tournait alors brusquement la tête vers lui, il retint son souffle. 

« J-Je peux peut-être vous aider à réparer ma bêtise...? » Proposa-t-il timidement.

La kitsune éclata d'un rire froid et sans joie.

« Comme si c'était possible ! Pourquoi crois-tu que je me sois fait chier à débarquer dans ce coin paumé ? Pour ramasser les pâquerettes ? »

« C-Comment ça...? » Fit-il, ne comprenant pas où elle voulait en venir.

S'approchant d'un pas rageur, Raijū lui désigna le cadrant de sa Clé de passage.

« Les aiguilles ! La grande pour désigner l'étage, la petite pour désigner un point de téléportation ! Si j'ai choisi de ne pas apparaître en ville ou dans un siège de la Guilde, c'est justement pour rester discrète, abruti ! Je ne voulais surtout pas que les Régulateurs soient au courant de mon arrivée ici ! » 

Anéanti par cette information, le jeune homme lui présenta un air accablé. La grimpeuse elle, lui adressa un regard meurtrier.

« Si jamais je me retrouve sur la liste des clandestins par ta faute, je vais te tuer. » Gronda-t-elle, les iris contractées.

Sentant qu'elle était sincère, Matsuba recula d'un pas, effrayé, et bascula en arrière, se retrouvant au sol.


Les clandestins.

Les grimpeurs de l'ombre, ceux qui transgressaient les règles.

Dès son commencement cinquante années plus tôt, l'ascension avait établi un code, un livre d'obligations et de droits mis en places par les Administrateurs de la Guilde.

Ce livre avait pour nom Lex Ascensus Codex.

Quant à ceux qui enfreignaient ces règles... ils étaient appelés les clandestins. Et si la Guilde n'avait que faire des occupations de ses membres dans les différents étages de la Tour, il y avait une chose qu'elle ne tolérait absolument pas : c'était ceux qui refusaient de se plier à son code. Les Régulateurs existaient pour s'assurer que ceux qui pensaient pouvoir se le permettre soient jugés à Cosmopolis, et finissent par en payer le prix.

« Je... je suis dés... » Commença Matsuba.

« Arrête de répéter ça en boucle, tu me gonfles. » Le coupa la grimpeuse, les oreilles rabattues sur le crâne.

Le jeune homme se tu aussitôt, attendant qu'elle ouvre de nouveau la parole. La femme-renarde s'approcha pour planter son regard sans le sien.

« Écoute-moi attentivement... je ne peux pas te renvoyer dans ton trou paumé sans passer par un siège de la Guilde. Or, le projet que tu as ruiné avec ta connerie est le plus ambitieux et le plus important que j'ai préparé depuis la fondation de mon équipe, donc je compte quand même tenter le coup, quand bien même il y a de fortes chances qu'on soit d'ores et déjà tous les deux condamnés. Alors tu vas me faire le plaisir de me suivre sans l'ouvrir en faisant tout ce que je dis, sinon je te brise le cou et j'abandonne ton corps ici. Est-ce que j'ai été claire ? »

« L-Limpide... » Balbutia le jeune homme en se relevant comme il le pu.

« Bien. Alors en route. » Grogna la kitsune.

***

Pendant ce temps, à quelques kilomètres au sud de Maldor Town

« Tu penses qu'on a nos chances ? »

Shayton se tourna vers Natherod, qui avait posé la question. Il le dévisagea avec gravité durant quelques minutes, puis soupira.

« Je... je ne sais pas. » Répondit-il finalement en s'épongeant le front.

« Je persiste à dire que ce n'est pas une très bonne idée... » Grimaça Kaya, visiblement contrariée.

« C'est la seule chose qu'on puisse faire pour l'instant. » Trancha le capitaine.

Les deux autres membres de West's Spirit échangèrent un regard.

« Et si... on demandait de l'aide ? » Fit soudainement le latranien.

Ses compagnons tournèrent un regard étonné vers lui.

« À qui ? » Demanda Shayton en fronçant les sourcils.

« Ben... ton frère est peut-être encore dans les monts Pokipok. » Fit Nahterod en haussant les épaules.

Kaya écarquilla les yeux.

« Ce n'est pas une mauvaise idée. » Approuva-t-elle. « Le connaissant, je doute qu'il se soit laissé faire. »

Shayton maintint son silence, pesant le pour et le contre.

« Allez, boss... » Insista son compagnon latranien. « On a aucune chances seuls, et Frank est déjà retourné en ville. Il ne pourra pas nous aider. Et on a peut-être une chance de retrouver ton frangin... »

Finalement, le capitaine hocha la tête, convaincu.

« Bien, je vais vous suivre sur ce coup. »

Son regard bifurqua sur le journal posé sur un rocher à quelques mètres de là. La photo noir et blanc d'une locomotive à vapeur y figurait.

« Ils ont raison. Attaquer ce convoi... c'est du suicide seuls. »

Le condorien leva un regard impuissant vers le ciel.

« Frangin... je prie pour que tu sois en vie. »

Les trois semi-humains humains rassemblèrent leurs affaires, et prirent la route qu'ils avaient choisi d'emprunter, bien décidés à tenter le tout pour le tout.

Sky Keep ARC 2 - Chapitre 3, partie 1 : FIN

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top