Chapitre 17 - Accalmie, partie 3

Las Alba, Tierraroja (5e étage de la Tour)

22 juillet 3202

« Du coup... que va-t-il m'arriver ? »

Matsuba posait la question, mais il paraissait résigné, comme si il en connaissait déjà la réponse.

« Quand le shahanshah avait le contrôle cette nuit, j'ai entendu dame Raijū dire que les Admins voudraient ma mort pour avoir avalé le Sceau. Et j'ignore ce qui est vraiment arrivé à Lara Maufrey, mais vu que sa disparition est en lien avec ces artéfacts...  »

Jìng croisa les bras sur sa poitrine, l'air pincé. D'un mouvement vif, elle sortit une nouvelle brique de thé glacé.

Sluuuuuuuurp.

« C'est un fait : si les Admins apprennent ce qu'il t'es arrivé, tu es un homme mort. »

Ses craintes confirmées, Matsuba serra les lèvres alors que des fourmis envahissaient ses intestins. La mine basse, il tremblait des épaules.

« Fort heureusement pour toi... Tchaka m'a informé que la renarde semblait avoir une autre idée en tête.  »

Matsuba tourna un regard plein d'espoir vers la kitsune, qui avait sorti un sac en toile de sa Clé de passage. Elle y plongea ses griffes et en extirpa une petite statuette représentant une homme masqué.

« L'effigie de l'Huexolotl. » Expliqua-t-elle calmement. « J'ai récupéré cette relique dans un temple nagarien au 21e, peu avant mon arrivée à Greenland. Cette figure peut imiter n'importe quel objet si les conditions sont réunies, à savoir une proximité de moins d'un mètre de l'original, et une masse similaire à la sienne. Il ne peut cependant copier que l'apparence : si la cible est un artéfact, il ne peut pas reproduire sa capacité. Par ailleurs, il n'imite son matériau qu'en surface. Pourtant, il est impossible de distinguer les deux simplement par l'observation. Or, je mise sur mon instinct que les Admins n'étudient pas les Sceaux. Ils les craignent, et je pense plutôt qu'ils les cloitrent à l'abris des regards. »

Jìng fit la grimace.

« Le plan est donc de leur refiler un faux artéfact. Si ça vient de l'un des Dix Doigts, ils n'y jetteront pas forcément un œil et ils le mettront avec les autres sans trop regarder. Du moins, il faut espérer. C'est risqué, mais ça peut marcher. »

Raijū haussa un sourcil.

« Tu te montres plutôt coopérative. » Remarqua-t-elle, étonnée. « Toi qui est habituellement si à cheval sur les règles, tu es prête à m'aider à tromper tes employeurs ? »

« Rien à voir avec toi, j'y trouve simplement mon intérêt. » Rétorqua son interlocutrice sans détailler d'avantage.

La femme-renarde se contenta d'un haussement d'épaule.

« Bah, peu importe. Allez, essayons ! Viens te mettre à côté de la statuette, Matsu. Ah, et il me faut aussi le coffret qui contenait l'artéfact. »

Le garçon approcha alors que la Régulatrice déposait l'objet demandé sur la table. Les éléments réunis, la capacité de l'effigie de l'Huexolotl s'activa.

Matsuba écarquilla alors les yeux, émerveillé.

« Wow... qu'est ce que c'est beau ! »

La kitsune haussa un sourcil en se tournant vers lui.

« De quoi ? » Fit-elle, déconcertée.

« Cette lumière... »

Raijū lui adressa un regard stupéfait, interrompant son geste.

« Qu'est ce que j'ai dit ? » Demanda-t-il, craignant d'avoir lâché quelque chose de stupide.

« Depuis quand est ce que tu peux voir les auras, toi ? »

***

Pendant ce temps...

Adossé au mur proche de l'entrée, Soren et Charcoal attendaient patiemment, observant le vent chaud balayer le sol poussiéreux de Las Alba. Quelques virevoltants roulaient par-ci par-là sous les soleils jumeaux.

« Vous prenez un bain de lumière ? »

Tournant la tête pour voir celui les avait interpellé, le nanti esquissa un sourire en reconnaissant Shayton. Accompagné de son petit frère Nashoba, le condorien vint les rejoindre et se plaça à côté du marchand et de sa servante.

« Avez-vous pu faire vos adieux en bonne et due forme ? » Demanda doucement le Dioptase,  son sourire se fanant au profit d'un air compatissant.

Le grimpeur soupira.

« Ça a été dur... mais oui. On est tous passé la voir, dans le grand entrepôt où ils ont disposé les corps. »

Les larmes montèrent au yeux du capitaine alors qu'il étouffait un sanglot.

« Ils avaient mis des rideaux pour que les proches de chacun aient un peu d'intimité... une bonne initiative. Ouep. Au moins, elle sera partie en étant bien entourée... »

Ces paroles sonnaient plus comme une tentative de se rassurer que comme une réelle conviction, mais Soren ne le releva pas, se contentant de poser une main chaleureuse sur l'épaule du semi-humaine.

« Merci... pour votre aide. » Finit par balbutier le condorien avec un hoquet.

« Vos remerciements me touchent, mais il n'y en a nul besoin. Il s'agissait surtout de bénéfices pour moi-même. »

Le nanti remarqua alors le regard dubitatif que lui lançait Nashoba.

« Vous m'en voulez toujours de ne pas m'être plus impliqué dans la dernière bataille ? » Lui demanda-t-il avec un sourire peiné.

« Non, je me questionnais simplement : si aider Imperia plutôt que nous avait été dans votre intérêt... »

« ...je l'aurais fait sans hésiter. » Confirma le nanti sans exprimer la moindre gêne. « N'y voyez pas de rancœur personnelle, je n'ai de haine envers personne. Je souhaite simplement faire le plus de profit possible, c'est le souhait de tout mon être. Fort heureusement, nos buts respectifs convergeaient, alors autant s'en réjouir et ne pas trop penser à ce qu'auraient étés les choses si le contexte avait été différent. On refait trop facilement le monde avec des suppositions. »

« L'argent a donc tant de valeur que ça, pour vous...? » Murmura Nashoba en serrant les poings, qui ne parvenait pas à comprendre.

« Ce n'est pas tant la possession de l'argent qui me transcende... c'est son obtention ! » Répliqua le Dioptase en ouvrant grand les bras vers le ciel.

Sous les yeux étonnés des deux semi-humains, une profonde béatitude s'inscrivit sur son visage alors qu'il se mettait à initier quelques pas de danses sous les soleils.

« Investiguer ! Étudier ! Investir ! Parier ! Tout miser ! Faire pencher la balance en sa faveur en déplaçant les bons pions au bon moment et au bon endroit...! Et pour finir, engranger ! Danser de satisfaction sous une pluie d'or ! C'est ça, mon credo ! »

Il tourna un regard euphorique vers les deux condoriens, qui eurent du mal à réprimer un mouvement de recul.

« Une telle froideur au fond de l'iris... digne d'un véritable requin. » Songea Shayton.

« Si c'est l'évolution de votre monde qui vous inquiète, ne vous en faîtes pas : j'ai racheté à Imperia l'intégralité de ses stocks de Leyposa. » Fit le nanti, un sourire aux lèvres. « Je vais en fournir gratuitement à votre armée pour vous aider à reconquérir l'ouest. Qui plus est, cela incitera peut-être les habitants de l'autre secteur à fuir pour venir se réfugier ici... et enfin, quand l'étage sera réunifié sous la bannière de votre nouveau gouvernement et que les humains et les semi-humains vivront à nouveau en paix, j'installerai le nouveau marché et je pourrai alors lentement faire grimper les prix. »

« Et comme vous aurez à la fois la reconnaissance des gens et le monopole de la Leyposa, vous allez vous faire une véritable montagne de blé. » Comprit Shayton avec une grimace. « Je vous savais intelligent, mais vous êtes tout bonnement terrifiant. »

« Les affaires sont les affaires, fufu. »

***

Pendant ce temps...

« Voilà qui est intriguant. » Fit Jìng une fois le Sceau dupliqué. « Il semblerait que le shahanshah t'ait fait don - involontairement selon moi - d'un petit cadeau. »

« Qu'est ce que ça veut dire ? » Demanda Matsuba, perdu.

La Régulatrice se tourna vers Raijū, qui observait le jeune homme avec une mine songeuse.

« Matsu... » Fit cette dernière. « J'imagine que tu as déjà remarqué que les porteurs de stigmates étaient plus forts que les sans-pouvoirs ? »

« Oui... » Murmura-t-il, la mine basse, en se remémorant ses innombrables tentatives infructueuses de battre Shizuka en duel.

« Je ne te parle pas seulement de l'avantage que leur offre leur capacité innée » Poursuivit la kitsune en secouant la tête. « Mais d'une meilleure agilité, d'une meilleure force, d'une meilleure endurance... d'un corps qui, à entrainement et à musculature égal, semble pourtant être supérieur en tout point. » 

Matsuba ouvrit la bouche, mais avant qu'il n'ait pu parler, la femme-renarde tendit la main devant elle. Une sorte de lueur d'un rose pâle émergea alors de sa peau pour venir englober tout son avant-bras : on aurait dit un mixte entre un liquide et de la lumière, comme une bulle rayonnante aux contours flous.

« Ça a plein de noms, mais moi j'appelle ça le Sei. » Expliqua Raijū. « En kazéen, ça signifie l'esprit. On désigne par ce terme une forme d'énergie qui alimente les êtres vivants de la Tour, du plus puissant des monstres au moindre brin d'herbe du trou paumé où tu habites. »

« Alors c'est un peu comme... l'âme ? » Demanda le garçon, incertain.

« Non. » Répondit aussitôt la grimpeuse. « Ce n'est pas quelque chose qui habite notre corps, c'est une partie de notre corps. On ne peut pas vivre sans Sei. Simplement, si il circule chez tout le monde, tout le monde ne peut pas le percevoir ni le maîtriser. C'est là qu'interviennent les stigmates. Ce ne sont pas de simples marques, ce sont des portes : un moyen d'accès aux flux de Sei et à leur contrôle. »

Elle désigna sa tête.

« Chez les anthropomorphes, la source principale du Sei se trouve au cœur du cerveau, dans le système limbique. Les porteurs de stigmate débloquent cette source avant l'âge de cinq ans - la plupart de manière inconsciente - et utilisent par la suite leur Sei de manière instinctive, sans même savoir de quoi il s'agit. Le flux déferle dans leur corps et décuple ainsi leurs capacités physiques. »

Levant sa main toujours imprégnée d'aura à hauteur de son visage, elle l'abattit brutalement sur la table qui éclata en morceaux sous l'impact.

« Putain, il y en a partout ! » Aboya Jìng en fond. « Tu aurais pu au moins choisir un objet plus petit pour ta démonstration, espèce de bulldozer ambulant ! »

« Lorsque le flux d'énergie émerge du corps, on appelle ça l'aura. » L'ignora Raijū en poursuivant ses explications. « Seuls ceux qui ont débloqué leur Sei peuvent la voir. »

Elle plissa les yeux.

« Mais chez les hétéromorphes, c'est différent : ils n'ont pas besoin de stigmate pour accéder à leur Sei. Ils peuvent le manier dès leur naissance. Et visiblement, le shahanshah t'a aussi offert cette... possibilité. »

« Alors ça veut dire que j'ai... une capacité ? » Articula Matsuba d'une voix blanche.

« Je n'en sais rien. » Avoua la kitsune. « Les capacités découlent certes du Sei, et il semblerait que le monstre en toi ai débloqué le tien, mais j'ignore si tu possèdes toi-même une capacité innée étant donné que tu n'as pas de stigmate. Personne n'a jamais été dans cette situation à ma connaissance, alors je ne peux pas te répondre. Mais tu peux désormais certainement déployer ton aura, c'est un fait. »

« Ça complique un peu les choses... » Murmura Jìng, soucieuse. « Autant te prévenir, si jamais tu te montre capable d'utiliser le Sei et des capacités sans stigmate, tu seras considéré comme un monstre. Et un humain transformé en hétéromorphe, ce sera difficile à cacher aux Admins. Heureusement, ils ne connaissent pour l'instant pas ton existence et ne savent pas que tu te trouvais ici lors des récents évènements, sans quoi ils auraient fait le lien rapidement. »

Sortant de ses réflexions, elle haussa soudainement un sourcil.

« Que t'arrive-t-il ? » Demanda-t-elle en fixant le garçon avec étonnement.

« Et l'voilà qui se remet à chialer... » Soupira Raijū, exaspérée.

« C'est rien, pardon. » S'excusa Matsuba avec un sourire, en essuyant ses larmes. « Pour être honnête, qu'importe ce qu'il adviendra avec les Admins, je... je ne regretterai rien. Pour tout dire, je me sens... complet. C'est comme si toute la frustration que j'ai accumulé depuis mes onze ans s'étaient dispersée. »

« Tu vis plutôt bien le fait d'être devenu un tératomorphe. » Remarqua la Régulatrice, légèrement surprise.

« Si c'est un prix à payer pour pouvoir poursuivre mon rêve, alors soit. Je l'accepte. » 

Raijū elle, ne dit rien et se contenta d'observer le jeune homme en silence. Puis soudainement, elle se tourna vers Jìng.

« Bon, maintenant qu'on a réglé le problème du Sceau, tu pourrais partir ? Allez zou, du balais ! »

« Je rêve ou tu essayes de me mettre à la porte ? » Rechigna son interlocutrice en plissant le nez.

La femme-renarde fronça les sourcils.

« C'est exactement ça, ma poule. Pourrais-tu débarrasser le plancher, s'il-te-plaît ? »

Elle lui désigna la sortie d'un geste élégant, comme l'aurait fait un portier d'hôtel. La Régulatrice soupira mais se leva pour partir, n'ayant ni l'envie ni le temps pour se bagarrer.

« J'avais fini de toute façon. Je vais rentrer à Cosmopolis faire mon rapport et placer le faux-sceau en sécurité, en espérant que la supercherie ne soit pas démasquée. »

Elle allait ouvrir la porte pour partir, lorsqu'elle s'interrompit.

« Au fait, rien à voir mais il faut que je t'informe d'un prochain évènement qui promet d'être historique, et pour lequel ton expertise m'intéresse. » Lança-t-elle à Raijū.

« Un évènement historique...? » Répéta celle-ci, dubitative.

« C'est le moins qu'on puisse dire. » Développa Jìng, imperturbable. « Il y a deux semaines, nous autres Dix doigts avons enfin débusqué et arrêté un membre de Nirvāna. »

Ce fut presque imperceptible, mais l'atmosphère de la pièce changea furtivement.

Surpris, Matsuba crut entrevoir la fourrure de Raijū se hérisser, et ses doigts se crisper. Mais un clignement de paupière plus tard, il ne restait rien de ce petit tressaillement.

Intrigué, le jeune homme fixa tour à tour les deux femmes, ne comprenant absolument pas de quoi elles parlaient. Ce nom ne lui évoquait strictement rien.

« Et alors...? » Lâcha finalement la kitsune, tendue. « Les Clandestins c'est TON rayon, pas le mien. À moins que vous ne souhaitiez dédier un musée au Lotus d'or ? »

Jìng leva les yeux au ciel.

« J'ai besoin de toi pour ça. » Annonça-t-elle en plaçant son smartphone sous le nez de la kitsune.

Matsuba se tordit le cou pour essayer de voir ce qui occupait l'écran. Il ne parvint qu'à apercevoir une vague forme pyramidal sombre, posée sur un coussin rouge. Silencieuse, Raijū examina la photo avec attention.

« Cette relique était en possession de la femme en question. Elle refuse de dire quoique ce soit, alors on ignore de quoi il s'agit. »

La kitsune continua d'observer l'écran pendant encore quelques secondes, pensive.

« Ça ressemble à une pyramide Maahz. Les Conservateurs en pensent quoi ? »

Jìng secoua négativement la tête avec lenteur.

« Ça semble venir de Maahzad, en effet. Mais ils ne savent pas à quoi ça sert. Ils n'osent pas trop le trifouiller, de peur qu'il s'agisse d'une arme et qu'ils l'activent involontairement. Tu pourras y jeter un œil, si tu passes au 38e ? » 

« Je te promet rien. » Argua la kitsune, songeuse. « Mais j'essayerai. »

« Merci. »

***

Lorsque Raijū et Matsuba sortirent du bâtiment, la chaleur des soleils jumeaux les accueillit avec brusquerie, dévorant leur peau de multiples aiguillons torrides. Fort heureusement, ils avaient pris soin de rappliquer un peu de Leyposa sur leur derme avant de quitter leur abris.

Immédiatement, les deux compères aperçurent le groupe qui les attendait non loin et ils s'empressèrent de les rejoindre.

« Ah, voilà les attendus ! » S'exclama Soren en les voyant approcher. « La Régulatrice est repartie ? »

« Cette intello est pas du genre à s'attarder, même pour tes fossettes, beau gosse. » Rétorqua Raijū avec un ricanement. « Elle a récupéré le Masque de Fer, mais il faut encore qu'elle aille récupérer le lion de Fô que l'autre démon a introduit ici sans autorisation. »

« Tu as pu sortir ? » Se réjouit Matsuba en apercevant Amarok, assise dans un fauteuil roulant.

« Oui ! C'est mieux que rien en attendant les prothèses. » Fit la concernée avec un sourire.

Natherod posa une patte réconfortante sur son épaule, qu'elle s'empressa de venir serrer avec gratitude.

« Je suis content de te revoir en vie, petit. » Déclara alors Shayton en s'avançant pour venir lui donner une accolade.

Matsuba s'attrista en voyant la serre manquante du condorien.

« Moi aussi, je suis heureux de vous retrouver. Même si j'aurais aimé que cela n'ai pas nécessité tant de sacrifices... je suis désolé pour votre amie, monsieur Shayton. »

Le condorien lui frotta affectueusement les cheveux.

« Ce sera dur, mais on va faire de notre mieux pour continuer sans elle... on lui doit bien ça. Au fait, je tenais à te remercier. Non seulement pour ta participation à notre opération, mais aussi pour le soutien que tu as apporté à Mirriadariba. Nash m'a raconté ce qu'il s'était passé lors de l'attaque des impériaux. Sans toi, j'aurais aussi perdu ma fratrie, cette semaine. »

Profondément reconnaissant, le capitaine des West's Spirit retira son chapeau et s'inclina avec respect.

« Merci également, dame kitsune. » Enchaîna-t-il en s'adressant à Raijū.

« Pas d'quoi. » Répondit sobrement la grimpeuse. « J'y ai gagné au change. »

Elle donna un rapide coup d'œil à Amarok, qui lui sourit en retour.

« Par contre, j'ai une question... c'est qui, elle ? »

Tout le monde se tourna en direction de celle qu'elle avait pointé du pouce : une rangiferienne - semi-humaine caribou - à la peau et aux cheveux sombres, qui assistait jusqu'alors à la conversation sans rien dire. Son visage était marqué par de nombreux tatouages colorées, et elle agrippait des mains un long sceptre en bois sur lequel était accroché des plumes.

« M-Moi...? » Saursauta-t-elle. « Je... je m'appelle Wabo... Enfin Wabognie, mais tout le monde m'appelle Wabo. »

« Vous êtes une shamane, n'est-ce pas ? » Fit Matsuba, curieux.

« T-Tout à fait ! » Répondit-elle, les joues rougies par le fait d'être soudainement devenue le centre de l'attention. « Je suis la première à avoir été libéré, alors j'ai pris la tête des shamanes encore en vie... mais euh, ça devrait sans doute changer à l'avenir, je manque encore d'expérience... A-Ah d'ailleurs, j'ai un message à vous transmettre à tous. »

Elle respira un grand coup, puis s'inclina comme Shayton un peu plus tôt.

« L'esprit-mère Yaa'áhályáni vous adresse ses remerciements pour vos actions. Vous avez mis fin à la malédiction qui avait envahie notre monde, et vous y avez instauré les prémices d'une future paix durable. Elle vous en est reconnaissante. »

« L'esprit... euh... quoi ? » Bredouilla Soren, déconcerté.

« C'est la divinité ancestrale de notre étage. » Expliqua gentiment Amarok. « Son culte est quelque peu tombé dans l'oubli, mais elle continue de communiquer avec les shamanes par le biais des rêves. »

« Nous n'avons fait qu'écouter notre devoir envers notre peuple. » Avoua Shayton en se grattant le front de sa serre restante, penaud. « Mais puisque la Gitche Manitou en personne tient à nous rendre honneur, alors nous acceptons humblement ses remerciements. »

« Oh, ça me fait penser ! » Fit soudainement Matsuba en claquant des doigts.

Il se tourna vers Fyrklöver, enthousiaste.

« Vous avez ma part du contrat ? »

Raijū haussa un sourcil.

« C'est vrai qu'il avait demandé sa propre récompense, lorsqu'on a conclu notre accord. » Se remémora-t-elle. « Qu'est ce qu'il est allé chercher, encore ? »

« Mais naturellement. » Approuva le Dioptase.

Sous les yeux étonnés des autres membres du groupe, le nanti sortit de sa Clé des plumes d'un mauve éclatant, des bois semblables à ceux d'un cerf, une bobine de fil blanc, et une dizaine de griffes nacrées.

« Parfait ! » S'excita Matsuba en se saisissant de son butin.

« C'est quoi, ce bouzin ? » Fit Raijū d'un air suspicieux.

« De quoi me fabriquer un asubakatchin, comme celui qui pend au collier qu'Amarok vous a donné après que vous ayez aidé son camp. Vous pourrez me le confectionner, Wabo ? »

« O-Oh oui, bien sûr ! » Approuva la shamane, confuse, en s'emparant des matériaux qu'il lui tendait.

« Tu voulais un souvenir ? » Ironisa la femme-renarde.

« Mieux que ça. » Sourit Matsuba. « N'oubliez pas que mon rêve a toujours été de trouver le Sky Keep, alors j'ai appris à faire attention à ce que je vois et à ce que j'entend... notamment ce que vous dîtes. »

Fermant un instant les yeux, il se mit à réciter :

« Il nait du chasseur, mais dès ton entrée ici, il est devenu ta proie. Privé de ses membres, il attend sa réunion avec lui-même, cet écran qui retient tout ce qu'on craint. Son nom que tu cherches tant signifiait tamiseurs des chevaux nocturnes en des temps anciens. »

Il se tourna vers la kitsune.

« J'ai discuté des asubakatchin avec Amarok, après notre victoire à Miriadarriba. On les appelle aussi les attrape-rêves. Ce sont des écrans qui retiennent nos cauchemars, des pièges à rêves, donc des outils de chasseur. Mais pour les fabriquer, il faut les réunir en les assemblant à partir de matériaux de monstres, alors il faut trouver des proies. Il m'a alors suffi de consulter le carnet que vous m'aviez prêté dans le train pour déterminer quels monstres étaient nécessaires à sa conception. »

Alors que la kitsune et les autres membres du groupe laissaient éclater leur surprise en écarquillant les yeux - tous sauf Soren, qui avait deviné le but de cette récompense - il énuméra sur ses doigts.

« Un arceau en bois de wendigo, une toile en fil de tégénaire géante des canyons, des griffes de panthère d'eau, et des plumes d'oiseau-tonnerre. Ainsi, à moins que je ne me trompe... »

Un large sourire étira ses lèvres alors qu'il posait fièrement les poings sur ses hanches.

« ...je viens de dénicher mon tout premier Fragment céleste ! »

Sky Keep ARC 2 - Chapitre 17, partie 3 : FIN

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