Chapitre 15 - Déchaînement, partie 4

TREIZE ANS PLUS TÔT (printemps 3189)

Forêt de Maimi-Wuki, Tierraroja (5e étage de la Tour)

« Alors, t'entends ce qu'ils disent ? » Murmura une voix.

Dissimulée dans la végétation, une jeune condorienne au plumage jaune passait sa tête au dessus des fourrées, tentant d'entrevoir quelque chose au loin sans se faire voir.

« Nan. Ils sont trop loin pour ma portée. »

Celle qui avait répondu était une jeune leporienne au pelage brun. Les yeux fermés, elle semblait concentrée, ses longues oreilles s'agitant dans tous les sens.

« Franchement, ça rime à quoi, tout ce cirque ? » Soupira-t-elle finalement en rouvrant les yeux. « Si t'as un truc à lui dire, va le voir directement. »

« Q-Qu'est ce que tu racontes ?! » S'exclama son amie, les joues roses. « Ça n'a rien à voir, on est là parce que mon frère a dit qu'ils avaient quelque chose d'important à faire et qu'il n'a pas voulu cracher le morceau. Je connais Shay quand il est comme ça : il cache un truc fun. »

Amarok Nayoteeka - seize ans - était en pleine activité d'espionnage. Et sa compère Kaya Novaja - dix-sept ans - était sa complice.

« Si tu le dis. » Grogna cette dernière, pas convaincue. « En attendant, soit on se rapproche, soit on se barre. Parce que j'en ai vraiment ma claque de ces foutues branches qui n'arrêtent pas de me piquer le... »

« Vous foutez quoi, planquées comme ça ?! »

Les deux semi-humaines sursautèrent et se retournèrent vers celui qui les avait interpellé. Là, entre deux arbres, se dressait fièrement un jeune condorien au regard sévère.

« Nash ! » S'exclama Amarok, paniquée. « Qu'est ce que tu fous là ?! Maman va te tuer ! »

Le sourcil de Nashoba Nayoteeka - douze ans - se dressa sur son visage tandis que celui-ci adoptait un air sarcastique.

« C'est sûr que pour toi, elle ne va rien dire. » Ironisa-t-il.

« Je suis plus grande que toi ! Et puis comment est ce que t'as su qu'on était là, d'abord ? »

Le garçon sortit de sa poche un petit carnet.

« J'ai senti que tu préparais un truc louche quand je t'ai vu partir avec Kaya, alors j'ai regardé dans ton journal intime ce que t'avais prévu de faire aujourd'hui. »

« Je rêve ?! » S'écria sa sœur en s'emparant du carnet d'un geste brusque. « T'as encore fouillé dans mes affaires ?! Je...! »

« Vous êtes venus espionner Natherod, c'est ça ? » L'ignora son benjamin en s'adressant à Kaya.

« Ouep. » Approuva la fille-lièvre. « Elle en pince pour lui. »

« P-Pas du tout ! On est venus observer ce que Shay et Natherod avaient prévu de faire aujourd'hui ! » Répliqua la concernée, dont le visage avait viré au cramoisie.

« Ahem... »

Les trois semi-humains hoquetèrent, surpris par cette nouvelle voix bien plus grave. En se retournant, ils virent qu'un condorien au plumage blanc et noir les observaient sévèrement, les bras croisés sur la poitrine.

« Oh salut, frangin... » Sifflota Amarok en essayant de prendre un air naturel. « Alors t'es dans le coin ? On passait par là, nous aussi. C'est fou comme le hasard fait bien les choses, parfois, haha... » 

Shayton Nayoteeka - vingt et un ans - poussa un profond soupire en secouant la tête. Son regard vert - où brillait un éclat sévère - se posa sur les trois plus jeune, qui rentrèrent la tête dans les épaules.

« Sérieusement, qu'est ce que vous foutez là ? » Grogna-t-il à l'intention de sa sœur. « Je t'avais dit que c'était dangereux. T'es pas sérieuse ? En plus, t'as pris Nash avec toi ! Maman va nous étrangler ! »

« Mais j'ai rien pris du tout ! » S'énerva Amarok en pointant son benjamin du doigt. « C'est cette petite tipule qui...! »

« Hey. » Lança une nouvelle voix. « Wow, y en a du monde... »

Un latranien aux oreilles beiges venait d'émerger de la forêt. Une cigarette à la bouche, il avait un air calme et serein.

« Ah, s-salut, Natherod... » Se calma Amarok en se tortillant les mains. « D-Désolée de vous déranger, Shay et toi... »

Derrière elle, Kaya et Nashoba levèrent les yeux au ciel. De son côté, Natherod Comancha - dix-sept ans - se contenta de hausser les épaules.

« C'pas tant que vous nous dérangez. C'est que pour vous, ça peut-être dangereux. » Répondit-il calmement.

« A-Ah bon...? »

Amarok remarqua alors que les deux garçons tenaient une carabine dans les mains.

« Vous chassez ? » S'étonna-t-elle.

« Yep. » Confirma Natherod avec un petit sourire qui la fit rougir un peu plus. « Et pas une vulgaire biche. »

« On traque un azeban adulte de plus de six-cent kilos qui traine dans la région depuis une semaine. » Énonça fièrement son coéquipier en bombant le torse. « C'est une mission pour les porteurs de stigmate, comme nous ! »

 « Eh, j'ai une capacité, moi aussi ! » Protesta Kaya.

« Dîtes. » Intervint Nashoba d'un voix inquiète, attirant l'attention sur lui. « Quand vous parlez d'azeban, vous parlez de celui-ci ? »

Écarquillant les yeux, les membres du petit groupe se tournèrent vers la direction qu'il indiquait du doigt. À une cinquantaine de mètres de là, une bestiole à quatre pattes les observaient avec férocité. Doté d'un pelage gris et noir - particulièrement sombre autour des yeux - et d'une queue rayée, le monstre faisait bien dans les trois mètres d'envergure.

Les griffes qui terminaient ses pattes sombres étaient aussi longues que des couteaux.

La bête se cabra, feula, et chargea dans leur direction.

« Putain de merde ! » S'exclama Shayton alors que les trois plus jeunes poussaient un cri de frayeur.

« Shay ! Il faut qu'on fasse quelque chose ! » S'écria Natherod, les traits crispés.

Paniqué, le condorien activa maladroitement sa capacité en tirant une balle sur le monstre. Malheureusement, le projectile ricocha sur la fourrure, trop épaisse et résistante.

« Merde ! Faut se tirer ! »

La consigne ne fut pas répétée deux fois : tous prirent la fuite.

« Il nous rattrape ! » Hurla Nashoba.

« Il faut qu'on le sème ! » Cria Kaya.

Mais plus ils avançaient, plus la bête avançait aussi.

Finalement, alors qu'une patte griffue était sur le point de s'emparer de Shayton, quelque chose fila dans les airs. Atterrissant depuis la branche d'un arbre, une silhouette apparut entre les semi-humains, levant le bras en l'air.

Un claquement sec retentit alors, suivi du rugissement de douleur de l'azeban. Le membre de la bête tomba sur le sol... loin d'elle. Feulant de rage, la bestiole fit néanmoins demi-tour pour s'enfuir dans les bois sans demander son reste.

Haletant, le petit groupe se tourna vers la personne qui les avait secouru. D'une stature imposante, l'homme avait une chevelure orange saumonée, portait un attirail de cow boy et une paire de lunettes de soleil.

« Goat damn... » Jura-t-il. « On dirait que je tombe à pic. »

Il se tourna vers la petite équipe, qui le dévisageait avec stupéfaction.

« Howdy, les p'tits guys ! Mon nom est Buffalo Bill... vous connaitriez pas un endroit où j'pourrais crècher cette nuit ? »

***

TREIZE ANS PLUS TARD... (de retour le 21 juillet 3202)

Las Alba

En tête de la petite troupe des Despérados - qui avait pressé le pas au point de courir depuis qu'ils avaient aperçu ces inquiétants nuages dans le ciel - Nashoba fut le premier à émerger sur la petite place.

Il hoqueta, surpris, et fit signe à ses hommes de s'arrêter.

Ils n'étaient pas encore arrivés, mais ils venaient de tomber sur un véritable théâtre de désolation. Des cadavres étaient étalés sur le sol ici et là, baignant dans leur sang, les mains encore crispées sur leur arme. Les bâtiments étaient couverts d'impacts, et peu de vitres étaient encore intactes. Il n'y avait pratiquement plus âme qui vive : la ligne de front avait continué d'avancer vers la cathédrale.

En fait, il ne subsistait plus qu'une seule personne en ces lieux.

Dans un recoin à l'écart, un latranien était recroquevillé, berçant doucement un corps dans ses bras. Reconnaissant cette silhouette entre mille, Nashoba s'approcha doucement, le visage frappé par la consternation.

« Je ne peux pas avoir vu... je crois... je dois me tromper... c'est sûrement ça... »

Le condorien s'avança lentement. Son pas était lourd et sa peau prise de chair de poule, comme si il marchait au fond d'un lac gelé.

« Natherod... » Murmura-t-il, arrivé à hauteur de la silhouette.

Sans vraiment qu'il ne s'en rende compte, les jambes du chef des Despérados vacillèrent et cessèrent de supporter son poids. Il tomba à genoux, ébranlé jusqu'au fond de son âme.


C'était impossible. Impensable. Le corps que tenait son ami ne pouvait être celui de Kaya. Quand bien même il s'agissait du sien, il allait forcément se relever d'une minute à l'autre.


Pendant la première minute, ses yeux refusèrent d'observer autre chose que la main inerte de la leporienne, attendant le moment où celle-ci s'animerait de nouveau. Mais elle restait blafarde et immuable. Puis finalement, son regard bifurqua lentement sur son visage. Il était doux et paisible, mais il en manquait la moitié.

En l'espace de quelques secondes, l'esprit de Nashoba fut envahi par des milliers de souvenirs radieux.

Des souvenirs de l'époque où lui, son frère, sa sœur et leur deux amis n'étaient qu'une bande d'amis insouciants et arrogants, des souvenirs de leurs disputes, de leurs repas, de leurs parties de jeu, de leurs voyages, de leurs vacances, de leurs instants quotidiens.

Il ne sentit même pas son front racler le sol. Il ne perçut même pas ses mains s'accrocher désespérément à la terre, comme si elles espéraient rattraper ces souvenirs lointains. Il ne vit même pas Amarok enlacer Natherod, s'agripper fermement à lui, le bercer avec douceur, le visage baigné de larmes.

« AaaaaAAH ! »

Il était dur de croire que quelqu'un ait pu émettre un tel son : on aurait dit celui d'un animal. Les trois semi-humains tournèrent lentement la tête. Quelques mètres plus loin, Carl - qui s'était libéré lorsqu'Amarok l'avait inconsciemment lâchée quelques secondes plus tôt - secouait avec vigueur le corps d'un homme à la peau sombre et aux vêtements souillés de sang, qui ne bougeait plus. Aussi blanc qu'un linge, les trais déformées par le désespoir, il hurlait en espérant peut-être le réveiller, mais sans succès.

Les autres Despérados observaient la scène sans savoir quoi faire, l'âme en peine.

Nashoba resta silencieux, et Amarok continua de se cramponner à Natherod. Finalement, ce fut le bruit d'un déclic mécanique qui les sortit de la torpeur. Ils se rendirent alors compte qu'une carabine était braquée dans leur direction.

Les lèvres tremblantes, le front couvert de sueur, l'œil rouge et incertain : l'adjoint du shérif semblait avoir perdu l'esprit.

« C-Carl... » Articula Amarok, le visage encore plein de larmes, d'un ton qu'elle espérait apaisant.

« F-Fermez la ! » S'étrangla l'adjoint, secoué de spasmes. « Je.... je l'avais... je vous l'a-avais demandé ! Je d-devais le retrouver...! Si je n'a-avais...! Si n-nous...! »

D'un geste, la condorienne apaisa les rebelles de son clan, qui avaient levées leurs armes en direction du pauvre homme.

« Je... je sais que vous n'avez pas envi de faire ça, Carl. » Hoqueta-t-elle entre deux sanglots. « Je sais qu'une paix est toujours possible ! »

« Vous parlez de p-paix ?! Vous ne savez rien de moi ! » Hurla son interlocuteur comme si il voulait se déchirer les cordes vocales. « Le s-seul qui me connaissait, c'était lui ! »

De la main, il avait désigné le corps qu'il berçait un peu plus tôt. 

« C-C'est lui qui m-m'a tiré de la rue ! C'était... c'était comme mon p-père... Lui c-croyait en  la paix... et il a été... a-abattu... comme un chien... »

« Il œuvrait pour la cohabitation ! C'est vous qui nous l'avez dit, Carl ! Il n'aurait pas souhaité de morts supplémentaires ce soir ! »

Le regard de Carl perdit peu à peu en intensité, à mesure que le chagrin s'y glissait. Désemparé, l'adjoint baissa sa carabine, puis la lâcha complètement, s'abandonnant à une lourde plainte sonore. Se prenant la tête entre les mains, il pleura en silence.

La tête basse, Amarok ferma les yeux un instant, affligée.

Tout était allé si rapidement... Elle avait pourtant déjà connu la mort de camarades, mais celle de son amie d'enfance lui infligeait une douleur comme elle n'en avait jamais plus ressenti depuis la mort de sa mère.

« Amarok !! » S'écria soudainement la voix de son frère.

Esquissant un sursaut, la condorienne rouvrit les yeux, constatant qu'une ombre s'était étendue sur une partie de la place.

Un bruit sourd fit trembler le sol alors qu'une immense silhouette envahissait son champ de vision. Perplexe, Amarok se sentit basculer en arrière sans comprendre pourquoi. Les yeux désormais rivés vers le ciel - où grondaient des nuages inquiétants, les même que ceux qu'ils avaient aperçu au loin tout à l'heure - elle entrevit une plume violette voltiger devant elle.

Son dos entra alors brusquement en contact avec le sol, lui coupant le souffle avec violence. La condorienne roula par terre sur plusieurs mètres avant de s'immobiliser.

Levant faiblement la tête, elle vit trois choses. Premièrement, elle vit qu'un immense rapace aux ailes parsemées d'éclairs avait atterrit au milieu de la place. Deuxièmement, elle vit Carl tomber lui aussi. À deux endroits différents. Puis troisièmement, elle vit...

« Ah, je vois. »

Ses deux jambes reposaient un peu plus loin, au milieu d'une flaque vermillon.

« Regardez-moi ça... » Grinça une voix ennuyée, alors qu'elle fermait doucement les yeux. « Ça grouille de partout, il est vraiment temps de faire le ménage. Pourriez-vous éviter de me faire courir et vous laisser tuer sans résister ? Je suis pas d'humeur, là. »

Amarok sombra dans l'inconscience.

***

Devant la cathédrale Santa Luminus

« Oh, nous débutons déjà ? Fort bien. Dans ce cas, permettez-moi d'ouvrir le bal ! »

Sekhemkarê ne pouvait pas se permettre de laisser à son adversaire le temps d'agir. Sur sa jambe, le petit stigmate en forme de croix Ânkh s'illumina.

<Cardinal Canope - forme du gardien de l'est, Douamoutef> apparut derrière lui : immense buste d'or paré d'un collier pectoral, sa tête était celle d'un chacal. Ses deux paires de bras s'écartèrent dans un mouvement fluide et ample, poings fermés.

Une à une, les quatre mains s'ouvrirent, dévoilant chacune un bâtonnet. Trois noirs, un blanc.

« Parfait...! »

Les jambes boostées par sa compétence, le lupulellien bondit en avant. Le forme <Douamoutef> de sa capacité lui accordait des bonus de déplacement instantané en fonction d'un tir de dé maahz. Trois dés - bâtonnets - noirs sur quatre lui offraient un très bon avantage en terme de vitesse.

Par ailleurs, il possédait un équipement de qualité pour un grimpeur de son niveau : les lames jumelles Cynomákhaires, deux dagues météoriques imprégnées de la capacité <Taillade>. Des artéfacts de rang C qui lui permettaient de passer au travers des armures de pacificateurs.

Le medjaÿ était ainsi doté d'un élan de joute et d'une force de tranche considérables : son attaque était comparable à la charge d'une tronçonneuse accrochée à une voiture lancée à cent trente kilomètres heures.


Pourtant...


Sekhemkarê sentit l'air quitter ses poumons alors que son élan était stoppé net. Sa nuque manqua de peu se briser tant l'impact fut violent.

« Quelle hâte ! Ma foi, je dois reconnaître que vous m'offrez une prestation digne d'un ballet aérien. Je note néanmoins qu'il vous manque encore un soupçon de grâce et de délicatesse. Sachez que le regard d'une lady est particulièrement sensible à ces subtilités. »

Incrédule, l'homme-chacal jeta un regard effaré à la vampire, qui lui adressa en retour un sourire candide. Tremblant sous l'effort, il usa de toutes ses forces mais ne bougea pas d'un millimètre : il était bloqué dans son mouvement, comme pris dans un piège à ours.

Une expression de pure incrédulité étincela dans ses yeux alors que ceux-ci bifurquaient lentement vers ses armes. Les dagues d'or s'étaient immobilisées à quelque centimètres de la gorge de la demoiselle, freinées par quelque chose. Il ouvrit la bouche dans un cri silencieux, incapable d'exprimer ce qu'il ressentait avec un son.


La mort-vivante avait arrêté ses lames en les pinçant entre l'index et le majeur de ses deux mains respectives.


Ne parvenant tout simplement pas à accepter à ce qu'il voyait, le grimpeur tenta cette fois-ci non pas de pousser, mais de retirer ses armes avec vigueur. En vain : elles étaient comme cimentées dans les griffes de cette horreur de la nature, impossible de les retirer.

« S-Sale monstre...! » Souffla-t-il, le visage crispé par le désespoir.

Finalement, la réalité le rattrapa : cette chose avait arrêté son attaque avec une facilité déconcertante. Les entrailles de Sekhmekarê se tordirent tandis que son visage perdait toute couleur.

Combattre impliquait forcément une confrontation d'ego : lors d'un affrontement, les adversaires se battaient aussi bien sur le plan physique que sur le plan psychologique. Or, le lupulellien ne sentait soudainement plus aucun espoir de vaincre au fond de lui.

« Brisé en une attaque... » Réalisa-t-il avec un sourire fade, les yeux imprégnés d'horreur. « Alors c'est tout ce que je valais ? »

Il n'était plus un fier guerrier de l'alliance semi-humaine. Il était un petit garçon sans défense, face à un véritable monstre.

Voyant un éclat disparaitre dans les yeux de sa proie, la vampire élargit son sourire, dévoilant quelques unes de ses petites dents fines et pointues comme des aiguilles à seringue.

« En aurions-nous déjà fini ? Peut-on à présent débuter la partie de cache-cache ? » Susurra-t-elle.

Quelques-unes de ses langues tentaculeuses virent caresser les joues du semi-humain, mais celui secoua la tête et fit volte-face en la repoussant d'une main.

La peur avait englouti le petit garçon.

Les larmes aux yeux, Sekhemkarê prit la fuite sans demander son reste. Usant de nouveau de sa compétence, il donna forme à <Cardinal Canope - forme de la sentinelle de l'Ouest, Kébehsénouf>, et une pyramide à base carrée se manifesta au dessus de lui. D'innombrables bouches y figuraient : celles-ci s'ouvrirent en dévoilant une dentition humaine, et crachèrent non pas des langues mais de long bandages poussiéreux qui virent s'agripper aux bâtiment face à lui, lui permettant de se propulser dans les airs.

« Cours lapin, cours... » Chantonna la vampire loin derrière lui, amusée. « Bang, bang, bang, fait le fusil du chasseur... »

Elle écrasa son talon sur le sol, et une ombre s'étendit sous ses pied. Une dizaine de chauve-sourires, rats et insectes aux yeux rouges en émergèrent comme une marée déferlante, partant aussitôt dans la rue où avait disparu leur cible.

Satisfaite, la mort-vivante siffla et une silhouette émergea brusquement des décombres avant de la rejoindre.

« Va chercher. » Lui ordonna-t-elle après lui avoir caressé la tête.

Néféret - qui attendait jusqu'alors sans un mot, le regard dans le vide - hocha la tête puis se lança elle-aussi à la poursuite du fuyard.

***

Qu'est ce qui était en train de se passer ?

Excellente question. Nashoba avait perdu la notion du temps : ses yeux fixaient un point inexistant, et il attendait sans rien faire.

Un peu plus loin, Natherod avait miraculeusement éloigné Amarok à l'aide de sa capacité. Malgré la panique, il avait serré deux garrots autour des moignons de la condorienne, l'empêchant de se vider de son sang.

Sa sœur avait été gravement blessée, il aurait dû réagir. Pourtant, Nashoba ne bougeait pas.

Qui plus est, d'autres oiseaux avaient rejoint le premier : moins gros mais très nombreux, ils s'étaient mis à s'attaquer à ses Desperados, qui fuyaient maintenant dans tous les sens en essayant désespérément d'abattre les monstres qui les poursuivaient. Pourtant, Nashoba ne bougeait pas.


Il était tétanisé.


Devant lui, le grand oiseau qui avait tué Carl et atrophié sa sœur se redressa. La silhouette qui était sur son dos - un genre de petit homme aux griffes sombres et aux ailes de mouche - penchait la tête en l'observant, comme si il était étonné par sa réaction.

Finalement, il esquissa un geste dans sa direction, et sa monture s'anima. L'oiseau-tonnerre s'avança vers lui sans qu'il n'esquisse un geste pour fuir.

Mais alors que les serres fondaient sur lui, le chef des Despérados se sentit soudainement soulevé dans les airs. Un bruit sourd retentit, la patte du monstre s'étant abattue à l'endroit où il se trouvait quelques secondes plus tôt.

Émettant un grondement agacé, l'oiseau-tonnerre bifurqua vers celui qui venait de lui ravir sa proie.

« S-Shay... » Murmura Nashoba en reconnaissant son frère.

« La fête est finie. » Dit celui-ci en fixant le démon et sa bête.

Un grondement se fit entendre. Nashoba en chercha la provenance et tomba sur un genre de véhicule qui lui rappela la bicyclette sur laquelle il jouait étant petit, mais en bien plus imposante.

La moto - objet dont il ignorait en réalité le nom - s'écrasa dans un bâtiment, sa conductrice ayant bondi de la selle pour s'élancer dans les airs.

SCHBAM !

L'oiseau-tonnerre perdit l'équilibre : son bec avait claqué, refermé de force par l'uppercut qui venait de le frapper à la mâchoire.

« C'est malpoli, de partir sans dire au revoir ! » Grogna Raijū en atterrissant avec souplesse.

Face à elle, Crispin fit de même, se laissant tomber de sa monture - qui reprenait doucement ses esprits.

« Encore toi... » Siffla le démon avec écœurement.

« J'en ai pas encore fini avec toi, salopard. »

Sky Keep ARC 2 - Chapitre 15, partie 4 : FIN

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top