Chapitre 13 - Le lion dansant de Fô, partie 2

Prison Bocabierta, Tierraroja (5e étage de la Tour)

21 juillet 3202, milieu d'après-midi

Pour la cinq-cent-quarante-deuxième fois depuis qu'il avait commencé son dur labeur, Natherod asséna un coup de pioche droit et précis sur la pierre. Celle-ci se fissura instantanément.

Ascensionniste habitué au danger, le latranien avait développé au fur et à mesure de ses quelques années d'expérience une bonne musculature et une endurance convenable qui l'empêchaient d'être épuisé malgré ses efforts, là où un semi-humain - et surtout un humain - ordinaire aurait abondamment transpiré et haleté.

Une nouvelle fois, il leva sa pioche, visa avec précision et abattit son coup. Une nouvelle fois, la roche céda.

« Ce travail semble infini... » Maugréa-t-il intérieurement.

Le pénitencier Bocabierta n'était pas un établissement officiel de l'état fédéré de Tierraoja. Du point de vu administratif, il s'agissait simplement d'une entreprise privée appartenant à l'église d'Imperia.

Les pacificateurs payaient donc un impôt et des taxes, en plus de déclarer le nombre d'esclaves semi-humains que comptabilisaient leurs murs, en échange de quoi ils étaient libres d'utiliser leur structure à des fins commerciales. Bocabierta était en fait exploitée en tant que carrière : sa production de pierres brisées était utilisée pour la construction de chemins de fer. Ainsi, si l'on comptabilisait la quantité de travail imposé à chaque parjurien, la prison exportait chaque jour plusieurs tonnes de gravas à destination des chantiers ferroviaires de l'étage tout entier.

« Et ça, c'est au prix de douze heures de travail par jour pour chaque semi-humain, qui sont récompensés par une douche froide deux fois par semaine, et par deux repas journalier comportant le stricte minimum. »

L'attention de Natherod fut alors soudainement attiré par un autre prisonnier. Quelques mètres à sa gauche, un jeune crotalien peinait à tenir sa pioche en l'air. Sa stature, éreintée par l'effort répété chaque jour, tremblait comme un immeuble sur point de s'effondrer.

L'œil vide, la bouche sèche, l'homme-serpent à sonnette commença lentement à s'écrouler sur son propre poids.

Mais avant qu'il ne touche terre, un bras vint le soutenir.

« Allez, tiens bon, p'tit gars... » Grogna Natherod en le remettant debout.

Le latranien s'empara alors de la pierre qu'essayait de casser son jeune compagnon. De presque soixante centimètres d'épaisseur, elle avait à peine été entamée depuis le début de la journée, probablement car le jeune crotalien était trop épuisé par ses précédents jours de travail. Avant que celui-ci, trop étonné, n'ait eu le temps de dire quoique ce soit, Natherod l'échangea contre sa propre pierre, pratiquement terminée.

« Je me charge de celle-là. » Dit le membre de West's spirit en regagnant sa place. « Prend avec la mienne. »

« Mais, je... » Commença l'autre.

Le latranien l'ignora et se remit au travail, devant désormais rattraper le regard accumulé sur la roche avant la fin des heures de la journée.

« Quelle abnégation ! » Apprécia une voix féminine sur sa droite. « Vous semblez être quelqu'un de cœur, monsieur le coyote. »

Natherod se tourna vers sa voisine. C'était une semi-humaine aux bras et aux jambes recouverts d'une épaisse couche d'écailles rocailleuses. Le reste de sa peau était mate. Habillée du même bout de tissu que les autres pensionnaires, elle arborait des yeux d'un jaune étincelant ainsi qu'une chevelure blonde rayonnante - malgré la crasse et la sueur qui s'y étaient accumulés.

« Une dipsosaurienne ? » Supposa-t-il en ressemblant ses souvenirs concernant ces semi-iguanes du désert originaires des collines sableuses du Quapas. « Il me semblait que leurs écailles étaient plus fines, mais il existe peut-être différentes sous-espèces que je ne connais pas. »

« J'essaye de faire de mon mieux... » Répondit-il alors, embarrassé. « On est tous dans le même bateau, après tout. »

La jeune femme se contenta de lui répondre par un sourire avant de reprendre son travail.

***

Citée de Cheerook

Shayton esquiva de peu les crocs de la bête, qui se refermèrent sur un rebord de maison. Les puissantes mâchoires eurent tôt fait de réduire le petit muret en poussière.

Ayant sauté par dessus la balustrade, le condorien atterrit au sol avec souplesse et poursuivit sa course à travers les rues de la ville abandonnée.

« C'est toujours moi qui me tape le sale boulot... » Grogna-t-il intérieurement.

Il tourna discrètement la tête : le lion de fô était toujours à ses trousses, bondissant de toit en toit pour le rattraper. Les bâtiments tremblaient sous son poids.

« Il me colle vraiment au train ! » S'inquiéta le capitaine, nerveux.

N'ayant absolument pas le niveau pour affronter une telle créature seul, il se reposait uniquement sur le plan de la kitsune. Et bien évidemment, dans celui-ci, il servait d'appât.

« Il faut que je l'amène en centre ville... »

Décelant une ouverture, Shayton s'engouffra dans un grand bâtiment qui devait autrefois servir de saloon. La créature l'y suivit en poussant un rugissement, réduisant tout à néant sur le passage de ses six puissantes pattes félines.

Soudain, le condorien perçut un danger imminent. En se retournant brusquement, il s'aperçut que le lion de fô avait ouvert la gueule. Mû par un instinct protecteur, il se jeta sur le côté à la dernière minute, évitant un <Jet de flammes> qui lui roussit quelques plumes. La pierre noircit là où il s'était tenu un instant plus tôt.

« Putain, c'était moins une ! » Jura le grimpeur en se remettant debout.

Esquivant un nouveau la gueule du monstre, il partit défoncer ce qu'il restait d'une fenêtre en se jetant au travers. Déboulant dans la rue, il courut ventre à terre vers la petite place qu'il avait repéré un peu plus tôt.

Mais dès qu'il y posa les serres, la bête bondit au dessus de lui et atterrit au milieu des lieux, lui barrant le passage. Tournant sur elle-même comme si elle dansait, elle lui asséna un coup de patte magistral qui l'expédia immédiatement sur l'une des maisons qui bordaient la place. Passant violemment à travers la pierre, Shayton eut du mal à esquiver les débris qui s'effondrèrent sur lui. Il finit  néanmoins par émerger des décombres, heureusement à peu près intact grâce à la protection que lui offrait son aura.

Surprise qu'il ait survécu, la créature pencha la tête, puis poussa un nouveau rugissement.

Mais il fut interrompu lorsque que sa tête explosa soudainement. Deux sifflements retentirent dans l'air, et l'instant d'après se furent la patte avant gauche et la hanche droite qui volèrent en morceaux. Projetant des gerbes de sang partout autour de lui, le corps léonin s'effondra avec lourdeur en faisant frémir le sol.

Shayton, qui avait hoqueté sous la surprise, comprit ce qu'il s'était passé en voyant les trois lances d'acier noir figées dans le sol derrière le cadavre : on lui avait tiré dessus. Tournant la tête à l'opposé, il aperçut Raijū, debout sur une autre maison, à l'autre bout de la place.

« Vous auriez pû intervenir avant que je finisse encastré dans un bâtiment ! » Protesta le condorien en se laissant tomber en contrebas.

« Il bougeait trop. » Répondit simplement Raijū sans quitter le lion des yeux. « Reste concentré. »

Le condorien jura mais se prépara de nouveau à courir.

En effet, le corps de la bête s'était relevé, sa patte et sa hanche ayant miraculeusement repoussé.

Pour la tête, les deux grimpeurs furent témoins du phénomène : une substance semblable à de l'ivoire liquide moula les formes du crâne, qui reprit finalement forme en se solidifiant. Dès lors, les fibres musculaires s'étendirent depuis les berges du coup sectionné pour venir s'étirer sur la face, simultanément recouverts par des lambeaux de peau et de fourrure. En quelques secondes, la tête du monstre avait entièrement repoussée, et ses énormes yeux se mirent à s'agiter dans tous les sens, donnant libre cours à divers strabismes.

Lorsque ces deux billes oculaires se figèrent finalement sur lui, Shayton perçut de la colère au fond de leurs iris jaunes et rouges.

« Visiblement, il a pas aimé. » Constata-t-il, amer.

Reprenant position, le capitaine fit face au monstre, mais celui-ci ne fit pas de même : il préféra plutôt s'agiter en faisant danser des six pattes, avant de finalement sembler s'enrouler sur lui-même. On aurait dit des mouvements rituels. La crinière qui dépassait à l'arrière de son crâne en forme de masque se mit alors à rougeoyer, comme si elle s'enflammait.

Comprenant qu'il devait fuir les lieux, Shayton bondit en arrière et partit à toutes jambes. Derrière lui, la <Supernova> éclata brusquement, englobant toute la petite place dans les flammes. Lorsque le condorien regarda derrière lui, les bâtiments en ruines étaient déjà devenus cendres.

Mais il n'eut pas le temps d'admirer d'avantage le désastre : le lion de fô venait de bondir sur lui en tournant dans les airs à la manière d'une toupie. L'homme-vautour se jeta sur le côté et les longues griffes se plantèrent dans le sol pierreux, y laissant de longues traces.

Shayton sortit son revolver et tira sur la bête, mais la balle ricocha sur sa fourrure carmin.

« Merde ! » Cracha-t-il en rengainant son arme.

Il n'était pas équipé par faire face à un tel monstre : avec un si petit calibre, il n'avait aucune chance de percer le <Manteau de résistance bestial> qui augmentait les défenses naturelles de la créature.

Il aurait pu utiliser sa capacité <Impasse des duellistes>, dont le versant <Intensité croissante> augmentait la puissance des coups à chaque fois que l'on atteignait l'adversaire. Cependant, en faisant cela, le versant <Ciblage mutuel> agirait également, et empêcherait tout autre personne d'intervenir dans le combat, ce qui gênerait Raijū.

« Je n'arriverai pas à le bless... »

Mais ses pensées furent interrompus : poursuivant ses mouvements dansants, le lion gardien venait de se retourner en lui assénant un violent coup de queue. Shayton effectua un vol plané avant d'atterrir dans une maison, qui s'écroula sous l'impact.

Crachant un filet de sang, le condorien ressortit des ruines en toussant et en s'appuyant sur ce qu'il restait des murs.

Le monstre ne lui laissa pas de répit pour autant : déjà il avait bondi en tourbillonnant pour tenter de le mordre. Mais le capitaine évita une nouvelle fois l'assaut en sautant dans les airs. Effectuant un salto par dessus son agresseur, il atterrit avec une roulade et courut dans l'autre sens.

« Allez, on y es presque... » S'encouragea Shayton en serrant les dents.

Mais une vive douleur le prit à cet instant dans les bras : usant de <Fourrure perçante>, le lion dansant avait projeté sur lui des dizaines de poils durcis aussi pointus que des lames de couteaux, et qui avaient réussi à percer son aura pour pénétrer sa chaire.

« Saloperie...! »

Étouffant la douleur sourde qui martelait le haut de son corps, le condorien poursuivit sa route jusqu'à un nouvel embranchement. Mais un <Jet de flammes> lui coupa soudainement la route, le forçant à s'arrêter.

Levant les yeux, Shayton fit face au monstre.

Celui-ci adopta alors des mouvements rituels étranges : comme une nouvelle danse macabre et serpentine, le lion tournoya sur lui-même dans plusieurs sens, avant de finalement écraser fermement le sol d'une patte.

Les yeux de Shayton s'écarquillèrent alors qu'une sorte de grand bâtiment émergeait du sol derrière la bestiole. Construite en bois noir et rouge, il ressemblait aux temples que l'on trouvait à Shang Yun, le 45e étage.

« Le <Hóng sì>...! » Murmura l'homme-oiseau.

Ses muscles s'étaient crispés. Le <Hóng sì> était une capacité rare : à sa connaissance, seuls les lions dansants de Fô la possédaient. Cette structure s'apparentait à un buff, qui augmentait considérablement les facultés combattives de la créature tant que celle-ci parvenait à protéger l'entrée du temple. Le seul moyen d'y mettre un terme était de sonner le gong se trouvant au centre du bâtiment.

« Il a fallu qu'il utilise ça maintenant...! Fais chier ! » Jura Shayton.

Cette fois-ci, il devait vraiment fuir. Tant pis pour le plan.

Mais alors qu'il faisait demi-tour, un grand vacarme retentit : le temple venait de s'effondrer ! Incrédule, l'homme-vautour observa la structure tomber en morceaux. Il perçut alors un son sourd et se rendit compte que le lion s'était lui aussi affaissé : sa tête était de nouveau manquante, et son corps était percés de trous. Des lances noirs étaient figées dans le sol autour de lui.

La créature se releva en se régénérant, puis poussa un hurlement de rage qui fit trembler les murs.

Shayon vit alors Raijū bondir de maisons en maisons un peu plus loin.

« C'est prêt ! » Lui cira-t-elle. « Amène-le là où on avait convenu ! »

« D'accord ! » Répondit-il, nerveux.

Alors que la créature usait d'une nouvelle <Supernova> qui engloba les alentours, le capitaine prit la direction qui menait là où il voulait l'amener.

« Il me suit toujours ? »

Il reçut sa réponse lorsque des poils durcis par <Fourrure perçante> se plantèrent non loin de lui dans un mur. Etouffant une exclamation de surprise, il poursuivit sa route jusqu'à arriver sur une nouvelle place en bordure de la falaise. Un étrange tracé bleu faisait presque le tour du centre, n'étant pas totalement complété.

Dès que le lion l'eut suivi au milieu, Shayton hurla :

« Maintenant ! »

Raijū atterrit alors sur la place depuis les hauteurs où elle se camouflait, une sorte de grosse gomme dans la main. Usant du côté bleu, elle termina le cercle au sol.

À l'instant où le cercle fut complété, le sol qui se trouvait à l'intérieure... disparut, tout simplement. Un immense vide apparut sous les pattes du lion, la place étant suspendue au dessus du vide. Poussant un hurlement bestial, le monstre chuta en disparaissant au loin.

« O-On l'a eu... » Haleta Shayton en s'abaissant, terrassé par l'épuisement.

Raijū ne répondit pas, usant plutôt de sa bizarrerie de gomme pour refermer le trou. 

« On ne peut pas le tuer... » Lui avait dit la kitsune une demi-heure plus tôt. « Mais on peut le balancer dans le vide, là où il ne nous posera plus de problèmes. »

« Et comment on fait ça ? En l'attirant dans un piège ? »

« Exactement. »

La femme-renarde avait alors fait apparaître <Ernö>.

« <Forme Bleach>. »

L'étrange gomme était apparue.

« Encore une autre version... qu'est ce qu'il fait, celui là ? » Avait timidement demandé le condorien.

« Bleach est une gomme remanieuse. Le côté bleu fait disparaître ce qu'il encercle pendant une heure. Sinon, le côté rouge peur le faire réapparaître. »

« Donc il nous faut un zone suspendue au dessus du vide... mais comment est-ce qu'on va trouver ça ? »

« Grâce à ça : forme <Lostless>. »

<Bleach> avait alors disparue, ayant laissé place à un morceau de parchemin sur lequel se trouvait des traits grossièrement dessinés.

« Cette carte se met à jour en fonction de ce que je vois et donc, en fonction de ce que mon cerveau interprète. » Avait expliqué Raijū. « C'est imprécis pour estimer les distances, même si je m'entraîne régulièrement, mais ça peut nous permettre de trouver une zone adéquate en bordure de falaise. Je m'en chargerai pendant que tu le distrairas. »

« Évidemment... »

Ainsi était né leur piège, et ainsi avait-il fonctionné.

Se relevant tant bien que mal en retirant un à un les poils durcis qui s'étaient plantés dans son corps, Shayton s'avança de l'autre côté de la place, contemplant le vide où la créature avait disparu.

« Dîtes... j'ai une question. » Dit-il soudainement, songeur.

Raijū se tourna vers lui, attendant qu'il poursuive.

« Vous pensez que tout ce bordel, ce qui agite les oiseaux-tonnerre, ça a un lien avec votre artéfact ? »

La kitsune observa l'horizon, tendue.

« Je ne sais pas vraiment, pour être franche. Ça ne rentre pas dans les effets que je connais. Mais si je le cherche, c'est justement pour l'étudier car je ne les connais pas tous, alors tout est possible. Et vu l'importance qu'accorde la Guilde à la confiscation de ces objets, ça ne me parait pas improbable. »

Elle secoua la tête.

« Allons voir par nous même ce qu'il en est. »

Tous deux reprirent leur route en direction de la place centrale, au dessus de quelle tourbillonnaient toujours des milliers d'oiseaux-tonnerre.

***

Prison Bocabierta

Il était enfin l'heure du repas.

Après avoir déposé sa pioche dans la réserve, Natherod avait suivi le reste des prisonniers jusqu'au réfectoire qu'on lui avait présenté plus tôt dans la journée, et s'était installé à table. Mais à peine avait-il eu le temps de porter une cuillère à sa bouche qu'il sentit une giclée d'eau l'arroser dans le dos.

Surpris, il se retourna.

« M-Mon eau...! » Bafouilla un jeune latranien, son plateau en main.

Derrière lui, un garde blanc le poussa de nouveau.

« T'avais qu'à t'installer plus vite ! Allez, assied-toi, la bestiole ! »

Les oreilles rabattues sur le crâne, le semi-humain obéit et prit place à quelques tablées de là.  Voyant qu'il avait perdu plus des trois-quarts de l'unique verre d'eau distribué aux prisonniers à chaque repas, Natherod poussa un soupire avant de se lever.

Rejoignant le concerné, il se contenta de prendre ce qui lui restait à boire et de l'échanger contre son propre verre, encore plein.

« Je sais que c'est compliqué, mais essaye de rentrer dans le rang sans traîner. » Lâcha-t-il au jeune latranien, qui l'observait avec stupeur. « Sinon, les gardes blancs t'auront à l'usure. »

Et avant de lui laisser le temps de s'exprimer, Natherod fit demi-tour et regagna sa place. Il perçut néanmoins un timide « merci » prononcé dans son dos.

« Ça n'a aucune saveur... sans doute des restes broyés pour éviter un surcoût. »  Songea-t-il en fronçant du nez alors qu'il recommençait à manger.

Mais de nouveau, on l'interrompit dans son repas.

« Décidément, tu es une véritable âme charitable. »

Tournant la tête sur sa gauche, Natherod aperçut la dipsosaurienne blonde à la peau mate qu'il avait entrevu plus tôt dans l'après midi, et qui l'observait avec amusement, quelques places plus loin.

« J'essaye. » Répondit sobrement le latranien. « Comme je l'ai dit, on est tous dans le même bateau. »

« C'est une belle philosophie... tu as un nom, monsieur le coyote ? » Sourit la semi-humaine.

Le grimpeur lui jeta un regard examinateur durant quelques instants, puis soupira.

« Natherod. » Lâcha-t-il en poursuivant son repas.

« Néféret. » Se présenta alors son interlocutrice, toujours souriante.

« Ça sonne pas très local, ça... » Nota instantanément le latranien, sur ses gardes.

Il observa à nouveau la dipsosaurienne, notant des différences avec ce qu'il avait en mémoire concernant cette espèce semi-humaine. Notamment ses écailles, qui semblaient plus grosses et plus rigides.

Un doute traversa l'esprit de Natherod, alors que Néféret s'avançait pour venir se placer face à lui.

« Je mange là-bas, à l'autre bout du réfectoire, avec des amis. Viens faire un tour, si tu as besoin de compagnie. » Lui glissa-t-elle avant de partir avec son plateau.

Intrigué, le grimpeur la regarda quitter les lieux - sa queue reptilienne se balançant derrière elle - ne sachant pas si il devait la suivre ou pas. Nerveux, il finit néanmoins par se saisir de son plateau avant de se lever.  

***

« Salut. » Lui lança un semi-humain lorsqu'il vint s'asseoir dans le cercle d'amis de Néféret. « Essaye juste de parler doucement, pour ne pas que les gardes t'entendent. »

En levant le regard sur lui, Natherod hoqueta de stupeur, et ses yeux s'écarquillèrent.

« Lui...! »

Un semi-canidé à la peau noire, avec des oreilles fines et sombres montant droit vers le ciel. La plupart des pacificateurs étant en réalité des soldats recrutés localement dans les étages, ils n'avaient sans doute rien remarqué et pensaient surement avoir affaire à une espèce de latranien.

Mais Natherod - ascensionniste de métier ayant déjà voyagé à Maahzad - reconnut instantanément une espèce endémique des terres de sable. Un lupullelien, un homme-chacal.

Ses muscles se tétanisèrent alors que la chaire de poule s'emparait de son être.

« J'avais un doute, mais plus maintenant... » Songea-t-il, tendu, en regardant tour à tour Néféret et le semi-canidé. « Eux deux... ce sont des grimpeurs ! »

« Je te souhaite la bienvenu parmi nous, Natherod. » Poursuivit celui qui semblait être le chef de cette petite bande. « Tu peux m'appeler Sekh. »

« Alors l'alliance semi-humaine a bien décidé de s'impliquer dans le conflit... vu leur origine, il y a fort à parier que ces deux là fassent parti de l'équipe des Medjaÿs. Mais qu'est ce qu'ils font dans cette prison ?! Il enquêtent sur les shamanes, eux aussi ? »

L'incertitude avait complètement envahi son esprit. Pourtant, il ne laissa rien transparaître.

« Merci. » Fit-il sobrement. « Alors, vous êtes un genre de club privé ? Vous organisez des partis de poker dans le dos des soldats blancs, c'est ça ? »

Sa touche d'humour détendit un peu l'atmosphère et fit sourire le lupullelien.

« Pas tout à fait... » Fit celui-ci à mi-voix. « Je suis ici au nom de l'alliance semi-humaine. Et j'aimerais bien que tu te joignes à nous tous. »

« À vous tous ? » S'étonna le membre de West's Spirit, toujours sur le fil du rasoir. « Vous tous qui ? Et pour quoi faire ? »

Sekh esquissa un sourire carnassier.

« Je n'étais pas friand à l'idée de briefer un inconnu à la dernière minute, mais de toute façon, tu seras pris dans tout ça quoiqu'il arrive. Et puis... je sens aussi de la force en ton être, Natherod. Je pense que plus que les autres, tu nous seras d'une grande aide. »

« Un aide à quoi ? » S'inquiéta le concerné, crispé à l'idée de risquer de se mettre à dos les gardes si il était vraiment obligé de suivre ce type dans ses plans.

Le lupullelien fit craquer sa nuque, son visage étant toujours marqué par une expression féroce.

« Ce soir éclatera la plus grande révolte du peuple semi-humain de Tierraroja. » Entonna-t-il fièrement, une leur sauvage brillant dans ses verts. « La quasi totalité de la prison est déjà au courant, et des amis à moi se sont chargés de rassembler les camps de résistants qui se trouvaient aux quatre coins du 5e. D'ici quelques heures, nous reprendront la ville qui nous revient de droit... »

Sekh serra alors les poing, comme pour appuyer ses propos.

« ...et nous extermineront jusqu'au dernier être humain qui s'y trouve. »

Un frisson remonta le long de l'échine de Natherod. Les pires craintes formulées par Soren Firklöver concernant les actions potentielles d'Hachibunke et de l'alliance au 5e s'avéraient confirmées.

Boulversé, le latranien ferma quelques instants les yeux, visualisant l'ampleur de la catastrophe qui se profilait à l'horizon.


Si le plan du Dioptase n'entrait pas en action dans les prochaines heures...


...c'était un véritable bain de sang qui allait éclater au 5e.

Sky Keep ARC 2 - Chapitre 13, partie 2 : FIN

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