Chapitre 1 - Les chaînes du destin, partie 2
Place centrale de Windy Hollow, Greenland (1er étage de la Tour)
Le soir du 17 juillet 3202
Matsuba se resservit du ponch pour la quatrième fois de la soirée.
« J'ai horreur de ce truc. » Songea-t-il, maussade, en engloutissant pourtant son verre d'un trait. « Ça m'écœure. »
Désemparé, le jeune homme se tourna vers le cœur de la fête, observant les innombrables lumières qui illuminaient la ville dans la noirceur sans lune de cette nuit d'été. Face à toute cette ambiance joyeuse, il se sentit minuscule et sans importance. Laissant un étrange sentiment le submerger, il laissa échapper un hoquet et ne s'aperçut même qu'il titubait légèrement.
Une grande claque dans le dos manqua alors le faire tomber.
« Alors crevette, on tente toujours d'impressionner la galerie, à ce que j'ai entendu ?! » S'exclama sa grand-mère en passant un bras autour de son cou.
« T'es ivre, la vieille. » Maugréa-t-il.
« Tu peux causer, gamin. T'as plus les yeux en face des trous depuis deux verres. »
Exaspéré, Matsuba leva les yeux au ciel.
« Ne me vomit pas dessus, par pitié. J'ai déjà eu ma dose, aujourd'hui. »
Il repensa alors à sa défaite face au haggis, aux acclamations récoltés par toute l'équipe Gyakushū, et à l'idiot qui dansait avec Shizuka. Le mal-être qui se cramponnait à son ventre depuis quelques heures s'accentua.
« Je sais même pas pourquoi est ce que j'en veux à ce type... » Soupira-t-il intérieurement.
« Fais tout de même attention avec la boisson, p'tit soldat. » Intervint alors une autre voix.
L'intéressé se tourna vers son interlocutrice et la reconnut aussitôt.
« Laura... » Murmura-t-il. « Cette robe te va à ravir. »
« C'est gentil. » Sourit la directrice du Refuge d'Elreach. « Au passage, merci beaucoup pour ton aide lors de la distribution des repas tout à l'heure. »
« De rien. Au moins, j'aurais servi à quelque chose, aujourd'hui. »
Voyant son air déçu, Laura ouvrait la bouche pour lui remonter le moral lorsqu'un nouvel arrivant lui coupa la parole :
« Ah, t'es là toi ! »
Ils se tournèrent vers celui qui les avait interpellés. C'était un homme de la cinquantaine, coiffé d'un béret, qui présentait une épaisse moustache grisonnante.
« Monsieur Garford » Songea Matsuba en reconnaissant le fromager de son quartier.
« J'te tiens enfin, l'garnement ! » Lança l'homme en lui agrippant l'oreille. « Et mon étable alors ?! »
« Aïe, aïe, aïe...! » Geignit Matsuba. « C-C'était pas moi ! »
« T'as encore cassé un truc ?! » Sursauta Junko, excédée.
« C'était le haggis ! » Protesta le jeune homme en se dégageant sèchement.
« Qui n'se serait jamais intéressé à mon étable si t'étais pas v'nu mettre le boxon 'vec tes jeux stupides. » Répondit le fromager, les mains sévèrement posées sur les hanches.
Matsuba ouvrit la bouche, mais sa grand-mère fut plus rapide que lui.
« C'est rien, Stanley. Je vous rembourserai. » Soupira-t-elle.
L'homme hocha la tête dans un grognement, puis se tourna vers le mis en faute.
« J'sais que t'as toujours été d'genre à remuer, mais faudrait arrêter les bêtises à ton âge, mon garçon. » Lança-t-il d'un ton légèrement plus calme.
Et après lui avoir tapoté l'épaule, il s'éloigna. Se sentant humilié au plus au point, Matsuba ne parvint pas à articuler une réponse, la mine basse. Son désespoir atteignit son paroxysme lorsqu'il entrevit Liam et Connor singer la scène, une vingtaine de mètres plus loin. Sentant la colère le pousser à leur asséner un coup de poing en pleine figure, le jeune homme fit un pas déterminé dans leur direction, lorsqu'il aperçu l'air songeur de sa grand-mère.
Junko ne gagnait qu'une maigre retraite. Ce remboursement impliquerait surement quelques sacrifices sur ses dépenses personnelles. La culpabilité et la tristesse prenant le pas sur la rage, toute détermination quitta Matsuba aussi vite qu'elle était arrivée et ses épaules s'affaissèrent en même temps que son expression.
Percevant ce changement d'émotion, sa grand-mère lui ébouriffa affectueusement les cheveux.
« Pas grave, crevette. Je voulais essayer d'arrêter de fumer, de toute façon. » Sourit-elle.
Mais loin d'être réconforté, Matsuba fit volte face.
« Je... je vais rentrer. J'ai sommeil. » Dit-il avant de s'éloigner rapidement.
Il entendit Junko et Laura lui répondre, mais il ne parvint pas à comprendre ce qu'elles disaient. La musique et la cacophonie ambiante lui faisaient bourdonner les oreilles. Pris d'un vertige, le jeune homme s'empressa de fendre la foule pour essayer de regagner sa maison.
Mais lorsque plusieurs minutes plus tard, il parvint enfin dans la périphérie de la place centrale - là où il n'y avait plus personne - une voix l'appela dans son dos :
« Matsu...? »
Un ton soucieux. Une grimace sur le visage, Matsuba se retourna.
À quelques mètres de là, dans une robe pervenche contrastant avec la couleur auburn de ses cheveux, se tenait la dernière personne à qui il aurait voulu parler à cet instant.
***
Un peu plus tôt...
« Pourquoi tu restes plantée là ? » Fit la voix de Lelio.
Shizuka sursauta. Puis, elle se tourna vers son coéquipier. Elle n'avait pas remarqué qu'il l'observait.
« Parce que c'est ma place ? » Répondit-elle en haussant un sourcil, indécise. « Regarde, y a même mon nom sur un petit trépied. »
« Je sais pas, tu le zieutes depuis environ... trente minutes, je dirais. »
La lycanthrope haussa les épaules.
« J-je ne vois pas de qui tu parles. »
« Regarde, il est en train de se barrer. »
Tournant vivement la tête dans la direction qu'il pointait, Shizuka aperçut effectivement Matsuba s'éloigner rapidement.
« Merde...! » Laissa-t-elle échapper en bondissant par dessus la table pour le poursuivre.
« Je t'en foutrais moi, des Je ne vois pas de qui tu parles. » Songea Lelio en levant les yeux au ciel.
***
« Ç-ça va...? » Demanda la lycanthrope en détournant les yeux.
« Bof... » Répondit Matsuba en haussant les épaules.
Un long silence gênant s'installa entre eux, rythmé par les battements de la musique amoindris par la distance.
« Tu t'en vas déjà ? » Demanda-t-elle. « Il n'est même pas minuit... »
Le jeune homme baissa le regard.
« Oui, désolé... je suis épuisé. Le combat contre le haggis, sans doute. »
Et avant qu'elle n'ait pu articuler quoique ce soit, il fit volte-face et s'éloigna rapidement.
« Att...! » Lança la jeune femme en tendant la main vers lui.
Mais il était déjà loin. Déçue, Shizuka regarda sa silhouette disparaître dans la nuit.
« Faut le laisser un peu seul, il ira mieux demain. » Fit une voix près d'elle, la faisant sursauter.
« M-Matt ! Depuis quand t'es là ? »
« Environ dix secondes. » Répondit le jeune homme en ne faisant qu'une bouchée de sa part de pizza. « Dis, che peux te poger une quechtion ? Le beau goche que t'as ramenée, ch'est ton...? Enfin vous êtes...? »
Écarquillant un instant les yeux, la lycanthrope éclata de rire. Ne comprenant pas sa réaction, Matthew haussa un sourcil, attendant des explications.
« J'ai dit quelque chose de drôle ? »
« Non, hi hi. C'est le contexte qui est drôle. Lelio est... disons qu'il est pas très branché femme, tu vois ? »
« Oh ! » Fit son camarade en comprenant le sous-entendu.
Hilare, Shizuka continua de rire pendant quelques minutes. Mais peu à peu, elle se rassombrit et tourna son regard là où Matsuba avait disparut.
« J'espère que ça ira pour lui... »
« Shizuka ! »
La jeune femme se retourna vers celle qui l'interpellait.
« Janak propose un bras de fer, pour mettre à l'épreuve la force d'une ascensionniste avérée. » Lança Linda en mimant des guillemets. « Ça te tente ? »
La lycanthrope ouvrit la bouche, puis s'interrompit, se mettant à sourire.
« On dirait que y en a un qui n'a pas retenu sa leçon d'il y a six mois. » S'amusa-t-elle. « Viens Matt, j'ai un corbeau orgueilleux à qui piquer son fromage. »
Son ami haussa les épaules et la suivit.
***
Matsuba se dirigea vers chez lui d'un pas vif. Il n'avait pas menti : la seule chose dont il rêvait, c'était de s'écraser dans son lit pour dormir.
Ne regardant pas devant lui, il bouscula alors quelque sans faire exprès.
« Eh ! Fais gaffe ! » S'exclama une voix féminine.
« Désolé... » Murmura le jeune homme en poursuivant sa route sans même la regarder.
« C'est quoi son problème, à ce crétin ? » Songea Raijū, agacée.
Elle l'observa s'éloigner une seconde, tout en buvant une gorgée de sa bière.
« Bah... c'est sans importance. »
Et elle partit dans la direction opposée.
De son côté, Matsuba ne tarda pas à arriver devant sa maison. Tournant la tête vers la droite, il aperçut le Refuge d'Elreach, grande silhouette biscornue dans l'obscurité. Ses yeux se posèrent sur la cour devant l'entrée. Là où il avait rencontré Shizuka, six ans plus tôt...
Le temps était passé à une vitesse hallucinante.
Pourtant, il avait l'impression que rien avait changé : il était toujours aussi faible. L'âme en peine, il pénétra dans sa maison et monta aussitôt dans sa chambre. S'allongeant sur le lit sans même prendre la peine de se changer, il observa les étoiles à travers la fenêtre se trouvant dans la toiture.
« Greenland... J'en ai plus qu'assez d'être un canari prisonnier de cette cage. » Songea-t-il tristement en tendant la main vers le ciel...
...avant de finalement sombrer dans le sommeil.
***
Las Alba, Tierraroja (5e étage de la Tour)
18 juillet 3202
« Enfoiré ! T'as encore triché ! J'ai vu un as tomber de ta manche ! » S'exclama un homme en écrasant son poing sur la table de jeu.
Celui qu'il avait accusé - un vieux barbu affublé d'un chapeau et d'une chemise à carreau miteuse - renifla avec mépris.
« Ridicule. Arrête la téquila, vieil ivrogne. »
« Allons allons, messieurs... restons entre gentlemans. »
Tous les convives se tournèrent vers celui qui avait parlé.
Un nanti, voilà un terme qui le définissait parfaitement.
Le chef recouvert d'un chapeau stetson au feutre couleur sapin encore neuf. De fins cheveux d'un doré à faire rougir le soleil. Bourgeonnant au sein d'un visage délicat et soigné, deux yeux d'émeraude aux sept nuances de vert, à demi-dissimulé derrière des lunettes modernes à la monture en or pur.
Une chaine dorée pendait à son cou, en lieu et place de l'habituel foulard que portaient les hommes de la région. Ses vêtements semblaient incroyablement onéreux : sa chemise - d'un vert semblable à celui de son chapeau - n'avait pas un pli, et son veston noir rembourré de fourrure était brodé dans le dos d'un trèfle à quatre feuille en fil d'argent. Enfin, son pantalon - assorti à son gilet - descendait couvrir une paire de bottes de luxe à l'éperon étincelant.
« Rien ne sert de se disputer. » Chantonna-t-il joyeusement. « De toute façon... c'est moi qui ait gagné ! »
Faisant cliqueter les innombrables bagues et anneaux précieux qui ornaient ses doigts, il étala magistralement ses cartes sur la table, dévoilant fièrement son jeu.
« Une quinte flush ! » Sursauta l'un des autres joueurs. « Salopard de fils de...! »
« Tâchons de rester polis. » L'interrompit l'homme avec un sourire embarrassé.
« Cette fois-ci, je m'arrête. » Soupira le barbu. « J'ai plus un rond, et j'ai pas envie d'être obligé d'vendre mon canasson. »
« Quatre parties disputées, quatre victoires d'affilée. Y a un truc louche dans l'histoire, c'moi qu'il dit ! » Beugla son voisin - celui qui l'avait accusé quelques minutes plus tôt.
De son côté, le gagnant secoua la tête avec arrogance.
« La confiance, mes amis. La confiance, c'est le secret. » Dit-il en pointant l'accusateur du doigt. « Toi qui met des bretelles ET une ceinture, tu doutes visiblement même de ton pantalon. Comment veux-tu avoir suffisamment confiance en toi pour remporter la partie ? »
« Foutaises ! Je vais t'apprendre à douter, cow boy ! » Beugla le concerné en se levant brutalement de sa chaise.
Mais soudain, il s'interrompit, se figeant sur place. Il avait perçu un mouvement subliminal dans son champ de vision. Se rendant compte qu'une ombre s'était mise à planer sur son visage, il tourna brusquement la tête.
Un œil le fixait intensément, à quelque centimètre seulement du sien. Un œil étrange, à l'iris et la pupilles unies dans le même noir d'une profondeur absolue. Le joueur se mit à transpirer abondamment.
« Lui...! C-c'est le joueur qui était à côté du snob ! C-comment est ce qu'il est arrivé ici ?! Je ne l'ai pas vu bouger ! »
Plongeant dans le regard de l'inconnu, il y décela une froideur qui lui hérissa le poil des bras. L'espace d'une fraction de seconde, il avait regardé la mort en face des yeux, il en était certain.
Il fut alors convaincu d'une chose.
« Il... il va me tuer... »
Une tension indescriptible parcourut son corps alors que sa vie défilait devant ses yeux. Il eut la tentation de porter la main au revolver qu'il gardait caché dans sa chemise, mais il su d'instinct que ce serait là la dernière chose qu'il ferait de sa vie, alors il s'abstint.
Lorsque finalement, une main se posa sur son épaule, il sursauta violemment.
« Hiii ! »
Face à lui, l'inconnu aux yeux noirs lui jeta un regard étonné.
« Vous alliez oublier votre chapeau. » Lança-t-il distraitement en lui tendant le couvre-chef. « Il était encore sur votre chaise. »
Toute intention meurtrière avait disparu de son être. Mais loin de rassurer l'autre joueur, cette soudaine volatilisation lui avait donné l'impression que le grand méchant loup venait d'enfiler un costume de brebis sous son nez.
« Il.... il faut que je me tire d'ici ! »
« M-Merci... » Bredouilla-t-il en s'emparant du chapeau d'une main tremblante. « Je... je vais y aller. »
Et sur ce, il s'enfuit en courant du saloon.
Un lourd silence s'abattit parmi les convives de la tablée. Pourtant, tout autour d'eux continuait le brouhaha ambiant. Ils étaient les seuls à avoir remarqué ce qu'il venait de se passer.
Un sourire aux lèvres, le nanti se leva alors.
« Bien... nous allons également nous retirer, si vous le permettez. Nous avons rendez-vous. »
Et sous les regards incertains, il sortit d'un pas royal, talonné de près par son discret camarade aux yeux noirs.
***
Cathédrale Santa Luminus (Las Alba)
« Encore un... » Murmura l'archevêque Tiberius ab Kadoran, ses lunettes carrées lui retombant sur le nez.
L'homme portait une tunique blanche brodée d'une couronne de laurier dorée. À son cou pendait un collier dont l'ornement représentait une silhouette ailée.
« Oui. » Affirma un soldat portant une armure immaculée, bien droit devant lui. « C'est le quatrième convoi attaqué ce mois-ci. Les monstres n'ont laissé aucun survivant, même parmi nos hommes. »
Épuisé, Tiberius passa un main sur son crâne dépourvu de cheveux en soupirant bruyamment.
« Très bien... tu peux te retirer. Je veux un rapport complet d'ici demain. »
« Bien monseigneur. »
La porte claqua derrière le soldat. S'appuyant un instant sur son bureau, l'archevêque inspira profondément. Puis soudainement, il s'empara de la lampe posée sur le meuble et la jeta de toutes ses forces sur le mur, l'explosant en mille morceaux.
Quelques mètres plus loin, le latranien - semi-humain coyote - qui passait le balais sursauta violemment, faisant cliqueter le collier qui lui emprisonnait le cou.
« Bon sang ! » Rugit Tiberius en martelant son pauvre meuble de coups. « Merde, merde, merde ! »
Constatant alors en relevant la tête qu'il était observé, ses traits se durcirent encore plus.
« Fout-moi le camp ! Va balayer ailleurs ! » Aboya-t-il à l'adresse du latranien.
Terrorisé, l'esclave s'inclina et s'enfuit hors de la salle sans demander son reste. Enragé, Tiberius se mit quant à lui à tout saccager avec hargne. Après plusieurs minutes - lorsque la plupart de ses affaires se furent retrouvées au sol - il reprit finalement son souffle.
« Ça ne peut plus durer... Avec tout ça, j'ai déjà perdu plus de la moitié de ce que je devais envoyer à la maison-mère ce mois-ci. »
Il se frotta de nouveau la tête, agacé.
« J'espère au moins que ce type tiendra parole et que son rituel marchera. »
Une bonne-sœur passa alors lentement la tête dans l'encadrure de la porte.
« V-Votre sainteté ? Le... l'envoyé de la Besace d'Ayizan est arrivé... » Bredouilla-t-elle.
L'archevêque tourna son regard vers elle, la faisant sursauter.
« Il ne manquait plus que ce con. » Grommela-t-il.
La bonne-sœur se recroquevilla, intimidée. Voyant que son attitude l'effrayait, Tiberius tâcha de se retrouver son calme, puis soupira avant de lui répondre d'un ton plus doux.
« C'est bon, tu peux le faire entrer. »
Rassurée, son interlocutrice hocha la tête avec un sourire timide.
« Entendu, monseigneur. »
Dès qu'elle eut quitté la pièce, l'archevêque remonta ses lunettes sur son nez et tâcha d'y remettre le minimum d'ordre nécessaire pour accueillir quelqu'un, quand bien même il n'avait aucune envie de le voir.
***
Quelques minutes plus tard, les portes du bureau s'ouvrirent à la volée.
Précédé d'une bonne sœur affolée devant son manque de manière, un homme blond à l'allure de nanti aux habits noirs et verts pénétra la pièce avec enthousiasme.
« Hola amigos ! » Lança-t-il en ouvrant les bras, visiblement ravi.
Tiberius se raidit aussitôt.
« La politesse voudrait qu'on enlève son couvre-chef dans une église. » Gronda-t-il farouchement. « Je pensais que votre fortune vous aurait au moins permis de vous acheter un peu d'éducation. »
« Ha ha, pardonnez ma grossièreté. »
Esquissant un sourire amusé, son invité retira son chapeau stetson.
« Je vous accorde trois minutes, Fyrklöver. » Gronda l'archevêque en le pointant de son gros doigt. « Pas une de plus. Qu'est ce que vous me voulez ? »
« Je vous en prie, appelez-moi Soren. » Répondit affectueusement le nanti en lui serrant le doigt comme si il s'était s'agit d'une main.
Ignorant le visage écœuré du religieux, il s'assit sans demander la permission dans la fauteuil situé derrière le bureau et posa ses jambes croisées sur ce dernier.
« Vous n'auriez pas un petit rafraichissement ? » Sifflota alors Fyrklöver. « C'est qu'il fait chaud, à cet étage. »
Une veine battante apparut sur le tempe de Tiberius. Il fit néanmoins appeler des boissons. L'instant d'après, un buffalien - semi-humain bison - aux cornes sectionnés entra dans la pièce, un plateau dans les mains. L'évangéliste s'empara aussitôt de la bouteille de bourbon qui reposait dessus et s'en servi un verre. Mais lorsqu'il l'esclave s'avança vers l'invité, il le stoppa d'un geste.
« Juste de l'eau pour monsieur. » Dit-il avec un sourire carnassier. « Il préfère quelque chose de pas trop fort. »
« Je ne vais sûrement pas gâcher une telle bouteille pour cet homme. »
Alors que Soren plissait du nez, le semi-humain hocha la tête et lui servit un peu d'eau fraîche avant de s'incliner et de quitter les lieux. Le marchand contempla tristement son verre avant de le vider d'un trait.
« Il vous reste deux minutes. » Lança Tiberius en savourant quant à lui son whisky.
« Vous êtes direct, j'aime ça. » S'amusa Firklöver, imperturbable. « Je vais être rapide, dans ce cas. Je viens vous proposer un contrat commercial avec la Besace d'Ayizan. »
Son interlocuteur lâcha un rire nerveux.
« Je représente les Messagers du Crépuscule, sans doute la seule équipe des Six étoiles montantes à ne pas s'être endettée auprès de votre bande de requins. Je préférerais encore avaler du verre pilé que de... »
Mais il s'étrangla avant d'avoir fini sa phrase. Pendant qu'il parlait, Soren avait posé une fleur d'un orange éclatant sur la table.
« I-Impossible ! » S'écria Tiberius, sous le choc. « C'est un plant de Leyposa ! Comment peut-il être en aussi bon état ?! »
Abasourdi, il n'arrivait plus à articuler. Mais si il en resta béat plusieurs minutes durant, ses traits ne tardèrent pas à se durcir.
« Espèce de salopard ! C'est vous ! Vous êtes le responsable de tout ça ! »
Fou de colère, il projeta son verre droit sur le nanti, qui l'esquiva d'un habile mouvement de cou, le récipient s'éclatant contre le mur derrière lui.
« Qu'allez-vous chercher ? » Sourit Firklöver en secouant la tête. « Je n'ai rien fait du tout, si ce n'est venir vous proposer mes produits. N'est ce pas là le travail de tout honnête marchand ? En bref, la Besace vous propose un contrat de vente pour ces jolies fleurs. »
« Sortez !! » Aboya le religieux, hors de lui. « Dehors ! DEHORS ! »
Amusé, Soren s'exécuta et se dirigea vers la sortie d'un pas insouciant.
« Je ne sais pas ce que vous et votre compagnie d'enfoirés avez trafiqué ici, mais je vous garantie que tout ça ne se terminera pas comme ça ! » Hurla l'archevêque. « Les Messagers en entendront parler ! »
Nullement intimidé, le marchand récupéra son chapeau et quitta la pièce, non sans avoir adressé un clin d'œil à son interlocuteur.
Dès que la porte se fut fermée, Tiberius poussa un cri de rage qui fit presque trembler les murs.
***
Sortant de l'église, Soren rejoignit son compagnon aux yeux noirs, qui observait la vitrine d'une armurerie d'un air blasé.
« Tu les as énervé. » Affirma celui-ci d'une voix indifférente.
« C'est là tout mon art, mon chère Charcoal. » Répondit Soren en haussant les épaules. « T'as pu placer ta surveillance ? »
Charcoal ferma les yeux instant, puis hocha la tête.
« Oui. Visuel dans toutes les pièces. »
« Parfait... alors rentrons. »
Tous deux reprirent la direction de l'hôtel où ils séjournaient.
« Les monstres s'agitent, dans le coin. » Fit Charcoal, impassible.
« C'est ce qu'il semblerait, oui. »
Soren s'interrompit brièvement pour balayer la ville des yeux, avant de noyer son regard dans l'horizon.
« Crois-moi, mon instinct se trompe rarement. Il va pas tarder à y avoir du grabuge, à cet étage. »
Sky Keep ARC 2 - Chapitre 1, partie 2 : FIN
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