Chapitre 12
Le fameux Hansol les regarde en souriant puis se re concentre sur son dessin. À côté de lui se trouve des toiles recouvertes de peinture de toutes les couleurs, l'une d'entre elles attire l'œil de Joshua puisque la représentation exacte du gorille géant y est dessinée, dans les moindres détails.
— Hansol à dix-huit ans. Lorsqu'il est né, ses parents ont pris l'avion pour partir en vacances, mais malheureusement, ils se sont fait emporter par la tempête qui entoure l'île et se sont écrasés sur la colline près des montagnes. Il était le seul survivant, mais ce n'était qu'un bébé d'à peine quelques mois. Il ne faisait que crier et pleurer, il avait faim, sa mère n'était pas là pour le nourrir et prendre soin de lui. C'est Kong qui l'a trouvé et l'a déposé juste devant l'entrée du village. Mon père l'a récupéré et a décidé de l'élever comme son propre fils, en prenant soin de lui. Lorsque mes parents sont décédés, j'ai repris le flambeau et Hansol est resté avec nous, il est considéré comme un membre à part entière de notre famille, c'est le seul humain qui n'est pas indigène ici. Comme vous l'avez remarqué, il n'a pas de tatouages et ne ressemble pas aux autres personnes vivant dans ce village.
Le géologue paraît intrigué et sur ses gardes tandis que le soldat a l'air impressionné et curieux. Il s'approche du jeune garçon et lui tend la main.
— Je m'appelle Seungkwan, enchanté !
Taeyeon glousse en regardant le blond tendrement, comme une mère le ferait avec son enfant. Elle semble amusée de la situation et ce n'est pas la seule puisqu'un léger sourire prend place sur le visage d'Hansol.
— Il ne te répondra pas, il ne parle jamais. Il n'a pas prononcé un mot depuis bien longtemps.
— Il est muet ? Demande Seungkwan, les yeux grands ouverts, s'approchant un peu plus de l'Américain.
Taeyeon secoue la tête pour lui signifier que le jeune garçon pourrait parler.
— Ce n'est juste pas dans ses habitudes, il parle en langues des signes quand il veut dire quelque chose. Mais la plupart du temps, il arrive à se faire comprendre assez facilement. Le fait d'avoir perdu les personnes qui l'ont élevé lui a laissé un traumatisme et je n'ai dû l'entendre que cinq fois depuis de nombreuses années.
Hansol semble être dans son monde et déconnecté de la réalité, il est très concentré sur son dessin et les autres lui semblent invisibles.
Taeyeon se dirige vers le fond de la pièce où une figurine de deux mètres représentant le gorille les attend, entourée de bougies allumées et de roches semblables à des pierres précieuses.
Elle invite les deux aventuriers à prendre place à ses côtés et s'assoie à même le sol, sur les genoux.
— Le gorille géant qui vous a attaqué s'appelle Kong. C'est une divinité très respectée ici, c'est notre protecteur. Le vacarme que vous avez fait en arrivant ici, les bombes qui ont explosé sur le sol, ont réveillé des créatures très dangereuses qui vivaient autrefois très loin sous cette terre. Ce sont d'immenses et affreuses bêtes reptiliennes à deux pattes ;
des tueurs de sang-froid, on les appelle les rampants. Leur colonne vertébrale leur sort de la peau et leurs mâchoires sont dotées de deux rangées d'innombrables dents acérées. Ils mesurent plus de trente mètres et font partie des mystères de l'île. Le roi des rampants, Ramarak, est trois fois plus grand et à tué toute la famille de Kong.
Joshua semble impressionné par les petites statuettes noires et les nombreuses photos du gorille qu'il voit tout autour de lui. Seungkwan, qui est d'habitude d'un naturel heureux, arbore un visage fermé et sans émotions.
— Il a tué de nombreux amis à moi et vous appelez ça une divinité protectrice.
Le blond à craché ses mots avec une haine que Joshua n'avait jamais vu de sa part.
Taeyeon ne dit rien, comprenant la colère du jeune soldat, elle-même aurait eu du mal à faire passer la pilule si sa famille s'était faite tuer par Kong sans qu'elle ne puisse rien y faire.
— Sans Kong pour protéger les habitants de l'île, nous ne serions plus vivants depuis longtemps, s'exclame t-elle d'un grand calme. Je viendrais vous appeler quand le déjeuner sera prêt, en attendant, vous pouvez vous balader où vous voulez et rejoindre vos amis si vous le souhaitez ; mais n'ouvrez jamais la porte du barrage sans autorisation pour notre sécurité à tous.
***
Seungkwan est assis au milieu du pont traversant la petite rivière qui coule du nord au sud du village. Il a les pieds dans l'eau et fixe les petits poissons qui nagent entre les plantes sous-marines. Le soleil tape fort et il fait trop chaud pour rester à l'intérieur de sa cabane alors le blond a décidé de se promener un peu.
Il est allé voir Eunwoo et Minghao pour leur faire part de tout ce que Taeyeon a dit et pour prendre des nouvelles du co-pilote qui a une situation stable, sans grande amélioration, mais sans que rien n'est empiré non plus. Il n'a pas eu la force d'entrer dans l'infirmerie où se trouve Jaehyun. Il ne veut pas pleurer en voyant la souffrance qu'endure son ami, il préfère rester dans l'ignorance et avoir comme dernière image de lui le visage souriant qu'il arborait la dernière fois qu'il l'a vu.
En marchant, il a aperçu Hansol, son carnet à dessin dans les mains, assis dans l'herbe près de l'eau. Il l'a rejoint sans rien dire et finalement, ils sont allés se rafraîchir en plongeant dans l'eau.
Leurs vêtements ont assez vite séchés quand ils sont sortis, mais cette baignade improvisée leur a fait le plus grand bien. Ils sont maintenant l'un à côté de l'autre, le premier toujours dans son mutisme et le second dans ses pensées.
Seungkwan se tourne vers son nouvel ami qui n'a pas dévié son regard de la feuille blanche sur laquelle se rajoute des traits noirs.
— Hansol ?
L'Américain penche un peu sa tête sur le côté et plante ses yeux dans ceux de son vis-à-vis.
— Je peux te raconter ma vie ? Questionne Seungkwan d'une voix triste.
Cette question surprend le muet qui referme son carnet en hochant la tête, toute son attention portée sur le soldat qui commence donc son récit.
— Je suis né dans une famille assez riche, j'ai eu la chance d'avoir une belle enfance. Mes parents se sont toujours occupés de moi, il ne m'offrait pas des cadeaux tous les jours même s'ils avaient l'argent pour, ils disaient que j'étais un enfant normal et ils me refusaient beaucoup de choses pour que j'aie une éducation simple et comme les autres. Parfois, je recevais des cadeaux comme un livre, un jeu de PlayStation, un album ou même des vêtements ; comme tous les enfants finalement. Mais je n'avais pas le droit d'avoir une télévision dans ma chambre, si je voulais un sac de marque, je devais moi-même me le payer, je n'avais pas le dernier iPhone à la mode, ni une Lamborghini et je n'avais pas le droit d'aller à des concerts tout le temps. Mes parents ont toujours été très stricts à ce sujet, j'étais dans une école publique, j'avais des amis de toutes origines, de toutes catégories sociales, je ne faisais pas de différences parce que comme disait ma mère : "Je suis riche, mais avant tout humain". Ils ne m'ont jamais mis de pression au niveau des cours, c'est moi qui choisis le métier que je voudrais faire plus tard, si je ne veux pas travailler et que je sèche les cours de mathématiques, c'est à mes risques et périls, mais mes parents me laissaient faire tout en m'informant des répercussions que ça pouvait avoir. Enfin bref, j'avais quelques amis, parfois ce n'était que des camarades d'un an avec qui je m'amusais bien, mais que je ne reverrais jamais après l'année de cours finie, il y avait aussi des personnes que je considérais comme des ennemis. J'avais parfois des coups de blues, des moments hilarants, des envies, comme tout adolescent finalement.
Hansol se met à sourire en écoutant Seungkwan parler. Lui, n'a jamais eu l'occasion d'aller à l'école, d'avoir des amis ou même des ennemis. Il ne regrette pas pour autant de vivre ici, les indigènes sont sa famille maintenant, il s'est habitué à cette vie. Mais il se demande s'il aurait été plus heureux encore s'il avait vécu parmi les humains, dans une grande ville pleine de lumières, d'embouteillages et de vieux qui hurlent pendant que les enfants rient à gorge déployée après une énième bêtise.
— Un jour, j'avais un stage à faire mais je m'y étais pris beaucoup trop tard dû au fait que j'avais vraiment pas envie de regarder des gens ennuyeux taper sur un ordinateur. Ma mère a été obligée de contacter l'une de ses amies qui a accepté que je l'accompagne sur les lieux de son travail. Et ouais, elle était l'une des fonctionnaires à l'armée. J'ai complètement été ébloui par tous ses soldats qui s'entraînaient sans relâche en uniforme de guerre, j'ai directement su que moi aussi, je voulais devenir un soldat. Je voulais rejoindre les rangs de l'armée de l'air et pouvoir piloter mon propre avion comme dans Top Gun. Mes parents disaient que c'était de la folie, mais ils m'ont toujours encouragé. J'ai tout quitté, j'ai arrêté l'école et je suis parti pour passer les tests. Et j'ai été pris ! Je n'en revient toujours pas, je ne comprends pas comment un gringalet comme moi a pu être accepté dans un tel métier. Je ne vais pas m'en plaindre bien sûr.
Seungkwan tourne sa tête vers Hansol qui continue de le fixer en souriant. Les yeux du blond se mettent à s'embuer de larmes et il essuie ses joues avant de secouer la tête, comme pour se donner du courage.
— Toutes ces personnes, tous ces soldats, ceux qui ont péri, ceux qui sont peut-être encore en vie, ce sont mes amis les plus précieux. C'est eux ma famille, tu comprends. Et savoir qu'ils ne seront peut-être plus là quand on rentrera à la maison, c'est très dur. Je ne suis pas le plus fort, pas le plus courageux, ni le plus habile, je fais du mieux que je peux. Je voulais les rendre fier, m'entraîner encore et encore pour devenir l'un des meilleurs. Mais Johnny, Junhui, Seungcheol, Rocky, Mingyu Jackson ; ils ne seront peut-être plus là pour le voir.
Les larmes dévalent maintenant en masse sur le visage du soldat qui ne peut les retenir. Ses épaules sursautent au rythme de ses pleurs et Hansol, peiné, vient le prendre doucement dans ses bras, lui caressant le dos pour le réconforter. Le plus jeune se laisse aller à cette étreinte, trouvant les caresses du muet d'une douceur et d'un soutien infini.
Contre toute attente, c'est comme si Hansol prenait un peu de la peine du blond pour le soulager, quitte à lui-même souffrir.
Et à cette pensée, Seungkwan ne peut s'empêcher de sourire.
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