Chapitre 90


Samedi 28 octobre 23h 49

REBECCA – batteuse de Sweet Poison

— Bec ! Je te cherchais.

Étrange.

En général, les gens m'évitent plus qu'ils ne me cherchent. Surtout quand ils sont blonds et qu'ils s'appellent Marie Huissier.

— Mmh ?

— Tu as passé une bonne soirée ?

— Ça va. Rien d'exceptionnel à raconter.

Je déverrouille ma porte de chambre d'hôtel, mais attends pour entrer.

— Tu as séché le concours de casseroles ?

Maintenant que j'y songe, je ne l'ai pas vu sur les Snaps de Kwan.

— Tu parles du karaoké, c'est ça ? Non, j'ai préféré rentrer manger ici.

— Sage décision vu le résultat. Et tu voulais me dire quoi ?

Parce qu'elle est gentille Blondie, mais il y a des endroits plus conviviaux que le couloir pour discuter.

— Que je descendais en salle de loisirs et qu'il ne fallait pas t'inquiéter pas si tu entendais ma porte tout à l'heure.

— Qu'est-ce que tu vas y foutre à presque minuit ?

— Composer.

Évidemment. Le squelette n'est pas la protégée chérie d'Hadrien pour rien.

— Je vois que les conditions de travail s'arrangent chez SKIN.

— Personne ne me force à le faire. J'en ai envie.

— Si tu le dis. Amuse-toi bien, Stakhanov !

— Merci, à demain !

Elle disparaît et je rentre dans ma piaule. Au calme.

Sauf que j'ai à peine claqué ma porte que l'inimitable rire ivre de Lukas résonne de l'autre côté. La clique du karaoké gay est de retour et pas pour le meilleur.

Je jette mes bottines dans un coin et fais demi-tour.

Dans le couloir, Lukas a déjà disparu. Pas de trace du lover non plus, ni de Kwan. En revanche...

— Salut Bec.

Le gothique. Dont la démarche incertaine en dit long.

— Laisse-moi deviner : tu ne tiens pas l'alcool ?

— Je crois que non. Entre la moto à conduire et le chant, je bois rarement.

— Je vois.

Navrant de perfection.

Il perdrait la course contre un chaton paraplégique mais, avec le mur comme ligne à suivre, le croque-mort parvient à marcher jusqu'à moi. Je sonde ses yeux. Ils ont l'air normal. Son équilibre est à chier, mais il est lucide.

— Si tu veux éviter les remontrances de ton tyran, je t'autorise à faire une pause chez moi, déclaré-je.

— Je fais tant pitié ?

— Oui.

Il rit.

— Alors je veux bien.

Je le laisse entrer et referme derrière nous.

— Pose-toi sur le lit.

— Merci, soupire-t-il une fois assis. L'immobilité aide.

Le corbeau découvre les effets secondaires de l'alcool à dix-sept ans. On n'est pas rendu.

— Tu n'as pas l'air très atteint, ça va passer rapidement.

Il acquiesce pendant que je me hisse sur le bureau face à lui.

— Tu es rentrée depuis longtemps ?

— Dix minutes. J'ai croisé ton squelette en revenant. Elle avait meilleure mine que toi.

— Ça ne m'étonne pas trop, admet-il. Je l'ai vue aussi.

— Des regrets d'avoir suivi la Pile ?

— Non, le karaoké était sympa.

Lukas nous aura donc corrompu Saint-Matthieu. Peut-être qu'il reste un espoir alors.

Le gothique amorce un changement de position. Il n'a pas l'air trop impacté, mais la prudence qu'il met dans ses mouvements le rend lentissime.

— Il y a une astuce pour rendre ces symptômes plus confortables.

— Pour rendre les symptômes plus confortables ? C'est-à-dire ?

— Qu'il faut cesser d'y penser. Se distraire pour les oublier.

— Et tu connais la meilleure distraction ?

Je souris en coin.

— Ça se pourrait...

Je déplie ma jambe droite et glisse la pointe de mon collant sur son genou. Il ne se dégage pas. Sa cuisse m'attendait.

— Mais pour jouer à ça, préviens-je, une vérification de ton état de conscience s'impose. Donne-moi les nucléotides de l'ADN dans l'ordre alphabétique.

— D-De quoi ? Je suis lucide.

— Alors réponds.

Il se pince l'arrête du nez et récite :

— Adénine, Cytosine, Guanine, Thymine.

Moins d'une demi-seconde de concentration pour les trouver. Aucune idée de si c'est correct, en revanche.

— Bien. Et maintenant...

Mon pied remonte sa cuisse, suivant délicatement le triceps.

— ...plus difficile : oui ou non ?

Il n'ose pas baisser les yeux sur ma cheville qui dévie vers l'aine et la hanche. Pourtant, il apprécie. Sous mon pied, les muscles du bassin se contractent dans l'espoir de masquer sa réaction. Tant de naïveté. Je roule des phalanges et retire ma jambe.

— Le choix t'appartient, rappelé-je.

Il se mord la lèvre. Sous la tignasse brune, la droiture vacille. Le parfait Matt Trelors ne devrait pas aimer ça. Le prince charmant rêve de princesses pures et romantiques, pas de batteuses rebelles. Mais ce soir, Saint-Matthieu est à Paris et il a soif de folie.

— Alors, oui ou non ?

Il déglutit.

Pour mieux abdiquer.

— Oui. Bec, s'il te plaît, distrais-moi.


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Parenthèse un peu perso.

Je suis dans un état assez compliqué psychologiquement ces temps-ci. Je vis avec des gros troubles depuis des années mais ces dernières semaines et jours ont été particulièrement éprouvants. Je ne poste pas ceci pour vous alarmer, simplement pour vous prévenir qu'il est possible que j'ai du retard dans les prochaines publications. J'ai une drôle de relation avec cette histoire, pas toujours très saine d'un point de vue travail (je n'ose même pas dire à quel point...) et je dois faire très attention de ne pas tourner davantage à l'obsession dessus. Peut-être que ce ne sera pas le cas (et je l'espère) et que je posterais de façon régulière parce que mes facultés émotionnelles et de concentration seront à peu près revenues, mais dans le cas contraire, sachez que je ne vous oublie pas et qu'au contraire je n'ai pas assez de mots pour vous dire combien le fait que vous lisiez cette histoire et suiviez ses personnages me fait du bien. 


Prenez soin de vous, toujours, 

🖤

Anne 

Par ailleurs, je rappelle que si vous n'allez pas bien, même si ça ne vous semble pas méchant, il ne faut pas hésiter à chercher de l'aide et à contacter des proches pour en obtenir. Votre santé mentale est importante. 

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