Chapitre 77
Jeudi 26 octobre 19h15
REBECCA – batteuse de Sweet Poison
Par piété filiale ou pitié familiale parce que je me suis jusqu'ici contentée d'un sms laconique en réponse à leurs longs messages, j'ai décidé d'appeler ma famille ce soir. J'espère qu'après cet effort, la famille me fichera la paix jusqu'à mon retour.
Je m'assois sur le bureau et sélectionne le domicile. J'ai ai porté le téléphone à mon oreille qu'on décroche :
— Allô, Rebecca ? appelle ma mère. C'est toi ?
— Non, juste son portable qui s'ennuyait.
— Rebecca ! Ne commence pas comme ça, s'il te plaît. Est-ce que tu vas bien ? Je sais que tu n'aimes pas trop donner de nouvelles, mais je commençais à me dire qu'il y avait un souci...
— Je vais très bien Maman, relaxe. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, ok ?
Aucun risque que je raconte les mésaventures de mon nez à mes parents-poules.
— D'accord, d'accord. En tous cas, à part Rachel qui s'est enrhumée, tout le monde va bien aussi.
— Merveilleux.
Elle laisse passer un silence, hésitant à me reprendre pour l'ironie. Cependant, elle doit décider que ça n'en vaut pas la peine parce qu'elle continue :
— Et sinon, le travail avec le label se passe bien ? Les gens y sont gentils ? Vous n'avez pas eu de problèmes ?
— Dans l'ordre : oui, oui — mais on s'en moque —, non.
— Oh, c'est bien ! Et vos amis ? Tout va bien pour eux aussi ?
— Ça va. Ils ne se plaignent pas.
— Je suis contente pour eux alors. Tout comme pour vous.
— Merci.
— Et les gens sont contents de toi ?
— Contents de moi ? On me demande de jouer de la batterie, rien de plus. Qu'est-ce que tu entends par là ?
— Eh bien... enfin, je ne... je ne te reproche rien, mais tu sais que... enfin, tu te connais et est-ce que tu...
— Est-ce que je quoi ? Accouche, s'il te plaît.
Quand elle s'adresse à moi, ma mère progresse avec l'assurance d'un échassier sur du verglas et ça m'horripile.
— Est-ce que tu... est-ce que tu te comportes bien, Rebecca ?
Tout ça pour ça.
— Oui Maman, je fais ce qu'on me dit et je ne suis pas encore pris de blâme en quatre jours.
— Ah, c'est bien, c'est bien. Continue comme ça. Je suis fière de toi.
Et elle paraît soulagée en plus.
— La cohabitation avec ta voisine de chambre se passe bien sinon ?
— Impec. Blondie est du genre présence invisible.
Elle n'a pas une grande conversation, mais aucun bruit passées onze heures et elle nettoie toujours le lavabo après s'être lavé les dents. Dix sur dix.
— Blondie ? s'insurge ma mère. Rebecca, tu devrais faire attention avec les surnoms. C'est blessant.
— Quel est le problème avec Blondie ? C'est insultant d'être blonde ?
— Non, bien sûr que non ! Je... je parlais en général. Certaines personnes prennent les choses plus à cœur que toi, tu sais, et bien involontairement, tu pourrais... les mettre mal à l'aise. C'est pour ça que je... je te demande juste de faire attention à ton entourage, d'accord ?
— Je suis la reine de la diplomatie, ne t'en fais pas.
Silence.
— Tu t'inquiétais d'autre chose ?
— Moi ? Euh non, non.
Sauf que vu la hauteur de sa voix, pas besoin d'avoir une thèse en psycho pour savoir que si.
— De quoi ?
— De... Enfin, je...
— De quoi ?
— C'est ... c'est toujours un peu délicat à amener comme sujet, dit-elle avec embarras.
— Délicat ?
— Oui. Assez... intime.
J'éclate de rire.
— Intime ? Qu'est-ce que tu veux savoir, Maman ? Avec qui j'ai couché depuis notre arrivée ?
— Rebecca !
Sa voix est horrifiée.
— Tes sœurs sont juste à côté ; j'aurais pu être en haut-parleur !
— Et alors ? Elles sont sorties de la cuisse de Jupiter, peut-être ?
Ma mère ne dit rien mais je sens le rouge sur ses joues d'ici. Comment peut-on être encore intimidée par la moindre allusion au sexe après vingt ans de mariage trois enfants ?
— Puisque tu veux un bilan : je n'ai eu de rapports avec personne depuis mon arrivée. Juste un rendez-vous qui a mal tourné. Mais quoi qu'il arrive ce week-end, je te rappelle que je prône les rapports protégés et exige un consentement, ok ?
— Je... oui, oui. C'est... c'est bien. Tu as la bonne attitude. Reste prudente.
— C'est ça.
On va éviter de s'éterniser sur le sujet vu l'état dans lequel ça la met.
— Je vais te laisser, reprend ma mère, mais je suis contente de t'avoir eue au téléphone et je tiens à te transmettre que Papa et moi sommes très fiers de toi.
— Merci, c'est gentil. Bises aussi.
Si l'on excepte l'overdose de « Rebecca », je m'en tire pas à si mauvais compte.
— Tu veux parler à tes sœurs ?
— Pas spécialement, non.
— Rebecca !
Que les gens arrêtent de prôner l'honnêteté s'ils veulent des mensonges.
— Je te mets le haut-parleur, prévient ma mère. Elles ont le téléphone.
— Bonjour Becca ! hurle Victoria.
—Pas besoin de parler si fort, réprimande aussitôt Rachel. Elle nous entend très bien.
Tiens, numéro 2 qui parle sans bouder, c'est louche.
— Tu m'as manquée, repend la plus jeune. Je veux que tu reviennes !
— Je ne suis partie que depuis cinq jours, Vic. Et je suis juste à Paris. Pas en Alaska.
— C'est pareil que tu sois à Paris ou en Alaska : tu n'es pas là.
Elle est futée, numéro trois.
— Et moi, j'aime pas quand tu es pas là.
La maison doit pourtant être bien plus calme.
— Je reviens dès mardi, t'inquiète.
— Promis ?
— Promis. Pourquoi tu tiens tant à ce que je sois là de toute façon ?
Silence au bout du fil.
— Vic, j'ai pas la journée. Dis-moi pourquoi.
— Je... J'ai peur quand tu n'es pas là.
— Peur ? Peur de quoi ?
— De... Des monstres, un peu. Et des fantômes. Et qu'il y ait quelqu'un dans la maison. Quelqu'un de méchant.
— Je vois. Et quand je suis là, tu n'as pas peur ?
— Non. Toi, tu fais peur aux monstres.
Bec, terreur des monstres. Encore un super titre, ça.
— Ok. Bon, Vic, si ça peut te rassurer, la maison n'accueille pas plus de fantômes quand je suis absente que quand je suis là. Tu peux dormir tranquille. En plus, je suis sûre que Rachel les terrifie plus que moi.
— Mais tu pourras penser à la maison ce soir ? Vérifier en pensée qu'il n'y a pas de monstres dans ma chambre ?
La vérité sort de la bouche des enfants. Qui nous a débité cette ânerie ?
— Si ça peut te faire plaisir.
— Oui, merci Becca !
— De rien, minimoys.
Ma sœur embrasse le combiné qui me renvoie un désagréable bruit de ventouse.
— Je te passe Rachel ! Elle veut te parler.
Merde. J'espérais que numéro 2, lassée des divagations sur les créatures imaginaires peuplant la maison, se serait tirée.
— Salut, fait une voix traînante d'adolescente.
— Salut.
— J'imagine que Maman t'a posé les questions d'usage ? Et que Vic t'a emmerdée ? Elles sont reloues toutes les deux, tu ne trouves pas ? En plus, elles sont encore pires quand t'es pas là, tu n'imagines même pas...
Rachel est une ado en pleine construction d'elle-même. Son problème, c'est que ses écervelés de camarades lui ont mis en tête que je suis « cool ».
— Si, et du coup, on va éviter de se refaire le film. Tu avais un truc à me dire ? Sinon, je pense qu'on peut se dire à mardi.
Vu la capacité de Rachel à bouder, je m'attends à ce qu'elle me raccroche au nez mais elle a l'air d'avoir une question plus urgente sur les lèvres que sa fierté :
— Qu'est-ce que Maman ne voulait pas qu'on entende, Bec ?
— Rien qui vous concerne pour le moment.
— J'ai quatorze ans ! Je suis pas Vic, raconte-moi !
— Crie pas déjà.
Qu'est-ce je faisais à quatorze ans, moi ? Des conneries sans doute.
— C'était quoi ? insiste-t-elle, un ton en-dessous.
— Savoir avec qui j'avais couché.
— Oh...
Cette révélation valait-elle le coup ? Perso, je ne pense pas.
— J-Je voyais pas Maman poser la question cash, bafouille Rachel.
— Moi non plus. Elle s'améliore.
— Et... donc ?
— Et donc ?
— Tu as... couché avec des gens ?
Il y a a plus de curiosité dans sa voix que Schrödinger avant de découvrir l'état de son chat. Ça bosse les hormones au collège.
— Non, pas depuis vingt-quatre heures.
— Ah... Ça a dû rassurer Maman.
— Certainement. Maintenant si tu veux plus de détails sur comment on fait les bébés, demande à ta prof d'SVT. Elle a des conseils plus fiables que moi à te filer.
Si on paye des gens pour éduquer les ados, c'est pas pour que je m'en charge. Surtout s'il s'agit de quelqu'un d'aussi pénible que numéro 3.
— Eurk... mais elle est méga-vieille ! C'est trop dégueu...
— Et alors ? Tu crois qu'elle se fout à poil quand tu lui poses des questions ?
— Nan, mais... 'fin, t'es trop conne.
— C'est ça.
— Eh ! Pourquoi t'es comme ça avec moi ? Mes potes disent que tu parles tout le temps de sexe et que tu adores raconter tes expériences, mais tu ne me dis jamais rien à moi !
Je soupire.
— Ce sont des rumeurs, Rachel. Des rumeurs qu'ils aiment se raconter parce qu'ils n'ont pas de vie. La moitié du bahut est aussi persuadée que je me suis tapé un prof lors d'une heure de colle et ça n'en devient pas vrai pour autant. Mais j'en ai marre, je te laisse. Si tu t'ennuies, va lire les forums dédiés. Tchüss !
— Bec !
Je raccroche avant d'entendre la suite de sa complainte. Même les singles à la radio sont moins répétitifs que Rachel.
Heureusement, Gis' est là ce soir et elle a depuis longtemps passé le cap d'avouer qu'elle a eu des relations non-platoniques.
***********************************************************************************
Hello,
Le retour de l'irremplaçable Bec (j'avoue que je me suis beaucoup amusée en relisant) qui adore toujours autant ses soeurs. J'espère que le chapitre vous aura plu aussi.
Prenez soin de vous,
Anne
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top