Chapitre 76 - Partie 1
Jeudi 26 octobre 18h15
KWAN – bassiste de Sweet Poison
Objectif en cours : ne pas se faire jeter du studio par AC.
Sur le papier, je suis plus large, plus lourd et plus grand que notre ingé. Dans les faits, mieux vaut ne pas la sous-estimer.
Surtout que je suis seul. Arthur est parti chercher sa grand-mère, Lukas a tenu à l'accompagner à la gare et Bec est rentrée appeler sa famille qui « va craindre un enlèvement » si elle ne leur téléphone pas. Bande de lâcheurs.
Ce n'est pas que je craigne réellement AC mais je me suis engagé à en apprendre davantage sur les intentions du label et, maintenant que le reste du groupe m'a gentiment abandonné, il est temps de passer à l'action. Cependant pour le moment, je cherche encore comment éviter mon expulsion définitive dès la première question.
— Tu sais qu'il est beaucoup trop cute votre chanteur ? roucoule AC en buvant son énième café de la journée.
— Il est fatigant surtout.
Je veux qu'elle me laisse rester, mais il y a quand même des vérités sur Lukas à rétablir.
— N'importe quoi ! Il est adorable. Et tellement chou que j'ai tout le temps de le prendre dans mes bras, c'est atroce !
— Par contre, il est gay, signalé-je.
— Le contraire m'aurait étonnée, sourit-elle.
— Mauvais les clichés. Je ne t'ai pas demandé combien d'années de taule tu avais faites, moi.
— D'années de taule ?
— Ton tatouage. Vu sa taille, tu as dû passer pas mal de temps à l'ombre, non ?
Elle claque la langue, amusée.
— Tu n'imagines pas. Par contre, je n'oserais pas t'inviter chez moi : tu pourrais prendre mon chat pour un snack.
— Ah oui, j'en connais une très bonne recette à base de chou.
On éclate de rire en même temps.
— Votre groupe n'est vraiment pas le plus pénible, dit-elle en réajustant la chaînette sur son oreille. Mais trêve de plaisanteries, futur Idole. J'ai du mixage.
— Ça t'embête si je reste là ?
Elle fronce les sourcils. Je hausse des épaules avec nonchalance pour la convaincre.
— Ça n'a rien de passionnant, prévient-elle, mais tu fais ce que tu veux.
— Merci.
Durant les minutes qui suivent, j'observe AC travailler. Elle commence par lancer une maquette de Kill Me et l'écoute en entier, les yeux clos pour s'imprégner de la musicalité. Nous entendre jouer m'embarrasse un peu, mais AC ne remarque rien, trop concentrée sur sa tâche. Une fois la chanson terminée, elle ouvre le dossier de ses enregistrements et vérifie une par une les pistes de la guitare. Celles où elle trouve un problème sont supprimées, les autres nettoyées et méticuleusement annotées. C'est un boulot de fourmi. Un boulot de fourmi interminable : après avoir passé tous les enregistrements d'Arthur au peigne fin, elle s'attaque à ceux de Bec.
— Pourquoi tu restes ? me demande-t-elle soudain.
Je cligne des yeux. Ce sont ses premiers mots depuis une demi-heure, j'avais presque oublié qu'elle pouvait me voir.
— Kwan ? insiste AC.
— Euh... Par curiosité ?
Je me sens très con, mais « j'aime beaucoup épier les gens » ou « tu es super sympa, mais je ne te fais absolument pas confiance » ne me semblent pas vraiment des réponses acceptables.
— Kwan, tu as passé les trente dernières minutes à inspecter chacun de mes faits et gestes. Pas à me poser des questions ou à essayer de comprendre, mais à me surveiller comme si j'étais sur le point d'amorcer une bombe. Ce n'est pas ton comportement habituel et ma question est : pourquoi ce changement ?
Mon premier réflexe est de vouloir monter une explication improvisée, mais l'image de ma mère s'intercale dans mes pensées avant que je ne puisse commencer. Ma mère qui m'a élevé dans l'horreur du mensonge. La vérité est parfois difficile à dire, Park KwanWoo, mais le mensonge est toujours pire. Mentir, c'est se rendre impardonnable. Quoi qu'il arrive, tu dois la vérité aux gens. Or, mentir avec ma mère — l'être que je respecte le plus au monde — en tête, je ne peux pas. Limite infranchissable. Maintenant, il ne me reste plus qu'à espérer qu'AC partage les augustes valeurs maternelles.
— Tu connais SKIN ? demandé-je.
— Le groupe de vos amis ?
— Oui.
— Seulement ce que vous m'en avez dit : que le frère d'Arthur en fait partie et qu'ils sont actuellement sur Paris avec vous.
— C'est suffisant, assuré-je. Tu sais qu'ils sont aussi sur la capitale pour enregistrer ?
— Lukas m'en a parlé, oui.
Comme quoi, avoir une pipelette dans le groupe fait parfois gagner du temps.
— La différence avec nous, c'est qu'eux ont signé un contrat chez Decibel. Tu connais ?
— Le label jeunesse de Galaxy ? Of course! D'autant que leur marketing est plutôt difficile à rater.
J'approuve avec une grimace. La major ne lésine pas sur la publicité. Leur budget com par campagne est sans doute supérieur au chiffre d'affaires annuel de Great Wave.
— On parle des mêmes, confirmé-je. En temps normal, les membres de SKIN enregistrent comme nous en journée et on se retrouve ensuite à l'hôtel pour dîner. Mais hier soir, quand ils sont rentrés des studios, ils étaient furieux et on les a à peine vus.
— Ils se sont pris des remarques ? Je sais qu'il y a de sacrés enfoirés chez Galaxy.
— Non, pas du tout. PIre que ça.
On arrive sur le passage délicat où je joue ma très jeune carrière.
— En cherchant je-ne-sais-quoi, le batteur du groupe est tombé sur une première maquette d'un de leurs morceaux. Alors, il l'a écoutée.
— Compréhensible.
— Oui. Le problème, tu vois, c'est que ce morceau-là n'avait plus rien à voir avec l'original. Réduction de la partie de guitare, ajout de sons au synthé, montage différent, bref, un remixage complet. Mais un remixage fait complètement à leur insu.
— Et vous craignez que je ne vous fasse le même coup en douce, résume AC.
Ce n'est pas une question, mais je hoche quand même la tête.
— Je vois.
Elle ne semble pas en colère contre moi et j'attends. Quoi, je ne sais pas encore, mais j'attends.
— Je comprends votre inquiétude, déclare AC. Elle est logique et vos amis ne sont pas les premiers à se faire arnaquer par un label. Moi, je ne pourrais jamais faire un truc aussi lâchement dégueulasse, mais on ne se connait que depuis quelques jours, pas assez longtemps pour que vous le compreniez.
— Merci.
— Pas de quoi.
Elle remet en place une de ses mèches violettes et continue :
— Mais ça ne résout pas mon problème. Comment te prouver que Great Wave n'est pas une bande de profiteurs comme ces enfoirés ?
— Je...
— Wait, j'ai une idée, m'interrompt-elle en vérifiant l'heure du PC. Tu as quelque chose d'urgent après ?
— Pas spécialement, non.
Il y a la grand-mère Genêt à saluer, mais elle survivra quelques heures sans moi.
— Très bien. Alors, je vais commencer par te dire comment j'ai atterri ici. Peut-être que ça t'éclairera.
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Je vous présente toutes mes excuses pour ces deux ans d'absence. Je ne m'apesentirai pas sur cette période, je n'ai pas vraiment d'explication.
Je tiens cependant à publier la suite de cette histoire ici par respect pour vous et espère donc poster au moins une fois par semaine dans les mois à venir (je n'ai pas compté le nombre de chapitres restants, mais ils sont écrits donc il faut juste que trouve l'énergie de faire du copier-coller).
Toutes les remarques, commentaires, réactions ce qui vous passe par la tête sont les bienvenus. Promis, je suis beaucoup moins mordante que certainEs de mes personnages ;)
Comme toujours, prenez soin de vous 🖤
Anne
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