Mercredi 24 septembre 12 h 00
MATT - chanteur de SKIN

— Pour la semaine prochaine, vous finissez l'exercice sept et vous préparez le huit du chapitre sur les lois de Newton. Je vous préviens si je m'aperçois que ce n'est pas fait, je ramasse et je note. Il y a le bac à la fin de l'année, le programme est très chargé d'ici là donc pas de temps à perdre.

Même si elle est stricte, Mme Tomassin, notre prof principale et de physique, confirme ma première impression : c'est une bonne enseignante. Peut-être qu'on peut lui reprocher ses looks excentriques basée sur des associations de couleurs improbables mais la mode ne concerne pas sa matière et, venant de la part du gothique de la classe, ce serait l'hôpital qui se moque de la charité.

— Bon !

Je lève les yeux de mon agenda. Notre enseignante et sa chemise jaune citron sont descendues de l'estrade et se tiennent à l'entame des rangées de paillasses.

— Maintenant que ceci est fait, explique-t-elle, on va passer aux élections des délégués de classe. Inutile de bâcler le processus, je ne vous lâcherai pas avant la sonnerie. Vous avez trois minutes pour décider entre vous des volontaires et de leur suppléant.

Les chuchotements s'élèvent dans la salle.

— Si on s'en fout, on peut se tirer ? lance Bec' à voix haute.

— Cessez votre insolence Rebecca, réplique la prof sans s'occuper de la provocation.

La batteuse de Sweet Poison soupire d'ennui et mordille son stylo pour s'occuper.

— Tu as qu'à te présenter, lui suggère Lukas depuis la rangée centrale, ça te fera passer le temps.

— Je ne suis pas un clown de foire.

Le chanteur rit devant l'air renfrogné de sa batteuse.

— Allez, ça pourrait être sympa Rebequinouchette ! titille-t-il.

Bec' bondit de son siège.

— Comment tu as osé m'appeler ? rugit-elle.

Il lui faut moins d'une demi-seconde pour se planter devant la table de Lukas et Kwan.

— T'es mort ! assène-t-elle, l'index pointé sur la poitrine du blond. Je vais t'enfoncer mes baguettes tellement profondément dans le derrière que tu vas finir aussi coincé que Blondie.

— Rebecca Grance ! hurle la prof. Vous retournez immédiatement à votre place ou je vous mets une heure de retenue.

— Bec', va t'asseoir, marmonne Kwan lèvres pincées. Tu détiens déjà le record d'heures de colle, pas la peine de t'inquiéter.

— Je vais le massacrer, menace-t-elle à voix basse.

— Plus tard, pour l'instant tu bouges ! ordonne Kwan, reconverti en flic malgré lui.

Avec un regard meurtrier pour Lukas, Bec' cède à son bassiste et bat en retraite à sa place.

— Tu espionnes la concurrence ? me chuchote Skinny.

Je sursaute et me retourne vers ma voisine. Voisine qui d'ailleurs, est ravie de m'avoir eu par surprise.

— Je..., bafouillé-je. Non, rien en fait.

— Hmm..., sourit-elle. Méfie-toi que je ne rapporte ta traîtrise à Hadrien.

— Collabo va.

Elle me lance un clin d'œil en réponse.

J'observe les débats autour de nous sur les délégués.

— Tu ne veux pas te présenter au fait ? la taquiné-je.

— On sait très bien tous les deux que non.

— Après tes agissements de ce week-end, je ne suis plus sûr de rien, continué-je avec un sourire.

Ses joues virent au cramoisi. Apparemment, les confidences que je lui ai arrachées dimanche matin en voyant son expression perdue sont toujours aussi sensibles. Heureusement pour le reste d'entre nous qu'Hadrien n'est pas au courant de tout.

— Mais tu devrais te proposer comme délégué toi, me dit-elle.

— Moi ? Pourquoi ça ?

Elle pose sa main sur le carrelage de la paillasse et fait glisser son index dans la rainure en énumérant son argumentation :

— On peut te faire confiance. Tu ferais un bon délégué. Et je préfèrerais que ce soit toi plutôt que Bec'.

J'envisage cette éventualité. Je n'ai jamais voulu représenter qui que ce soit. Mon apparence rend les choses suffisamment compliquées quand il s'agit d'exprimer ma propre opinion. Néanmoins, les conseils de classe m'ont toujours intrigué et étant en Terminale, c'est ma dernière chance.

— Ok. Mais à une seule condition.

Elle penche la tête, dans l'expectative.

— Tu es ma suppléante.

— Je pense qu'il y a meilleur choix si tu veux gagner, se renferme-t-elle.

Je croise les bras, sûr de mon choix.

— Je ne suis pas de cet avis et ce n'est pas pour ça que je te choisis de toute façon. Je te veux toi, et personne d'autre comme Première Ministre.

— Première Ministre, rien que ça ? relève-t-elle en se déridant un peu.

— Oui. C'est ok ?

— Mmh.

— Marché conclu ?

Elle décolle ses doigts de la paillasse et vient cogner mon poing.

— Marché conclu.

Mercredi 24 septembre 12h 05 
KWAN - bassiste de Sweet Poison

Bilan de mon intervention : Bec' fait la tête mais elle n'est pas collée et Lukas a arrêté de la provoquer. J'affine mes techniques dans la gestion des deux terribles. Cependant, je n'ose pas penser trop sérieusement à la rencontre sur Paris avec le label prévue pour ce week-end.

— Tu paries sur qui en délégué ? demande notre chanteur.

Ramené au présent, je hausse les épaules. Les élections ne m'ont jamais passionné.

— Aucune idée. On ne connait même pas les candidats, je te signale.

— Oui, mais je m'ennuie.

Une alarme se déclenche dans mon cerveau. Quand Lukas s'ennuie, il fait une connerie. En manager avisé, je prends les devants.

— Applique ton propre conseil alors : présente-toi.

Il stoppe tout mouvement et ouvre des yeux ronds. À croire que l'idée ne l'avait jamais effleuré. Y'a-t-il des jours où il s'entend parler ?

— Non, tranche-t-il au bout d'une seconde. Mais je veux bien faire suppléant si quelqu'un en cherche un.

— Toi dans l'ombre de quelqu'un ? Vraiment ?

Personne n'éclipse Lukas. Même Bec' n'en est pas capable et c'est pas faute d'avoir des arguments.

— Je veux juste briller pour la campagne, m'explique-t-il. Être délégué, c'est chiant. Je ne tiendrais pas un conseil de classe entier.

La « campagne » va durer quinze minutes grand maximum mais je ne relève pas : si ça peut l'occuper ce temps-là déjà, on a fait un grand pas en avant.

— Je vois. Et du coup, c'est qui ton candidat ?

Intense réflexion de Lukas.

—Tu ne veux pas te présenter ?

Je secoue la tête.

— Non, ris-je, trouve un autre pigeon.

Sans se vexer, le lutin blond recommence à réfléchir. Je m'en désintéresse jusqu'à ce qu'il se tourne brusquement à cent quatre-vingt degrés et que le souffle de son mouvement fasse voler mes polycopiés. La toupie humaine est de retour.

Derrière nous, sont assises Éloïse — binôme de Matt en exposé et première de la classe — et Sophie, une amie à elle.

— Eh les filles ! s'exclame Lukas, ravi. Une de vous se présente ? Je me propose comme suppléant.

On peut penser ce que l'on veut, mais ça sonne quand même comme une demande d'emploi fictif en bonne et due forme.

Les deux filles échangent un regard timide. L'apparition de Lukas et ses idées farfelues n'étaient pas dans leurs prévisions.

— Éloïse est en train de l'envisager, avance Sophie.

La première de la classe rougit. Sympa la copine de tout dévoiler.

— C'était juste une idée comme ça, explique-t-elle, confuse. Toi aussi, tu pourrais...

— Mais c'est parfait ! Je suis ton suppléant ! s'extasie Lukas, tout excité. En plus, je te ramène déjà le vote de Kwan.

Ah oui ? Je suis ravi de le découvrir.

— Tu peux faire une croix sur celui de Bec' en revanche, remarqué-je.

— Oh, je ne veux pas créer de problèmes entre vous, s'inquiète Éloïse.

— Hein ? On a des problèmes avec Bec' nous ? me demande Lukas, les sourcils froncés.

Notre chanteur possède non seulement la capacité fascinante d'avoir cent idées par minute mais il a aussi la possibilité de réinitialiser sa mémoire toutes les cinq secondes.

— Aux dernières nouvelles, elle parlait plus ou moins de te castrer, l'informé-je.

— Ah oui. Mais t'inquiète pas, rassure-t-il sa candidate, à mon avis, elle ne va pas même voter.

Je jette un œil vers Bec' qui est en train de discuter avec Hortense sans se préoccuper du reste d'entre nous. Sur ce coup, Lukas n'a pas tort.

— Tu n'as aucun regret Sophie ? demande Éloïse à sa voisine.

L'intéressée secoue la tête.

— Non, ça ne me tente pas.

Éloïse acquiesce, compréhensive. Lukas joue avec ses ongles et fixe sa candidate potentielle qui hésite.

— Niveau visibilité, tu ne trouveras pas moins discret, noté-je.

— Il semblerait oui, commente Lucie.

Éloïse remet ses lunettes en place et finit par déclarer.

— C'est d'accord Lukas.

— Ouiii ! sautille le blond en manquant de tomber de sa chaise. On va gagner, c'est sûr !

Éloïse ose un sourire, mi-rieuse, mi-effrayée de son exubérance.

Ona donc une paire formée de la discrète première de la classe et de l'énergieincarnée, l'élection ne va pas être triste. 

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Coucou à tous, j'espère que vous allez bien !

 Voilà pour la première partie de l'élection des délégués, des souvenirs des vôtres ? ;) 

Prenez soin de vous,

Anne