Chapitre 30 : Invitation
Vendredi 19 septembre 17h 30
SKINNY - guitariste de SKIN
— Ce soir, tu viens avec moi : je sors.
Rebecca m'a presque aidée pour travailler : elle ne m'a pas importunée pendant que je bossais et c'est sa session qui a été ouverte sur le PC du CDI. Elle a même été jusqu'à faire l'effort de ne pas sortir son téléphone. J'aurais dû me douter qu'il y avait anguille sous roche.
— Pardon ? tenté-je.
Elle lève les yeux et me crucifie du regard.
— Je dois vraiment répéter ?
— Je ne..., bégayé-je. Je ne suis pas sûre d'avoir vraiment compris.
Gros soupir. Elle retire ses pieds de la chaise à sa gauche et je me ratatine sur la matelassure bleue de la mienne.
— Ce soir, je vais traîner dans un bar dansant. Et tu m'accompagnes.
— Je... je n'en ai pas très envie. On ne se connait pas et...
Je ne le sens pas du tout du tout.
— Je sais, répond-elle. C'est l'occasion de faire davantage connaissance.
Qu'est-ce qu'elle manigance ?
— Je ne suis pas à l'aise en public, expliqué-je. Camille serait sans doute plus appropriée pour...
— Elle est pas dispo, me coupe-t-elle.
Je l'ai agacée. Bien joué Marie, tu as réveillé le dragon.
— Je vais essayer de te la faire en douceur mais ça va sûrement foirer. Ce soir, on sort. Toi et moi. Juste toi et moi. J'ai bien compris que les foules ne sont pas ton truc, ça se voit sur ta gueule, rassure-toi. Tu es pas comme moi ok. Heureusement d'ailleurs. On t'a éduquée, c'est bien. Tu es une fille sage ok.
Elle se gratte le menton comme si elle réfléchissait. J'appréhende la suite, immobile.
— Mais merde Skinny, tu vis pas là ! Tu traverses seulement les jours. Tu voudrais qu'on te confonde avec les murs que tu ne t'y prendrais pas autrement. Je suis sûre que ton plus grand regret, c'est de ne pas être une souris. Je te concède que tu reprends un peu de couleur avec une guitare et tu es même carrément belle quand tu joues. Mais le reste du temps, tu ne t'exprimes pas. Je pensais que c'était une forme de mépris, mais même pas. Quand tu n'es pas sur scène, tu n'existes pas !
Il y a quelque chose d'atroce dans les paroles de Rebecca, c'est leur vérité. Je fixe mes mains et sens ma gorge se serrer. Je m'exhorte à respirer. Inspiration. Expiration. Les larmes me montent aux yeux malgré tout. Je voudrais balayer toutes ces imprécations d'un revers de main. Mais je sens une goutte d'eau traîtresse se figer sur le bord de mes cils. Je hais cette sensiblerie. Face à la confiance en soi, les gens comme moi perdent à chaque fois.
— Merde, s'exclame Bec'. Pleure pas putain, pleure pas !
Elle fouille son sac à la recherche d'un mouchoir. Après un instant de doute, elle me tend le paquet entier.
— Merci.
— Je sais que j'ai pas de tact, reprend-elle, mais merde Skinny, c'est ta vie. Agis !
— C'est pas si simple.
— Si. Un peu. Je ne me prends jamais la tête et je suis plus heureuse que toi qui te la prends tout le temps. Donc une fois dans ta vie, tu arrêtes de réfléchir et tu viens avec moi.
Je n'ose même pas répondre.
— Je passe te prendre à dix heures. Ce soir, tu vas vivre Blondie.
— Ma mère ne sera peut-être pas d'accord, argué-je.
— C'est ça, et moi je suis la prochaine Miss France, répond-elle en rassemblant ses affaires pour partir.
Merde.
18h 30
— Moi je pense que tu devrais y aller.
Comme d'ordinaire à cette heure-ci, Matt est assis sur le siège de mon bureau pendant que je gribouille des notes de maths sur mon lit.
Je n'ai pas su dire non fermement à Rebecca. Elle a quitté le CDI avant que je ne puisse vraiment protester et je me retrouve piégée par cette invitation. De plus, je m'attendais plutôt à ce que Matt m'aide à sortir de ce traquenard.
— Vraiment ?
Il se redresse et enlève son coude du bureau.
— Bec' est pénible mais elle ne proposerait jamais un truc qui l'ennuie juste pour être sympa deux minutes. Si elle te demande de venir avec elle, c'est qu'elle est d'accord pour t'accorder la soirée.
— Elle a plus exigé que demandé, marmonné-je en feuilletant mes cours de trigonométrie.
— C'est son mode de communication ça, rit-il. Si vraiment tu ne le sens pas, refuse et invoque je ne sais quel prétexte. Cependant, une soirée en tête-à-tête avec elle, rien que par curiosité, je dirais oui.
— Tu es sûr de toi ? insisté-je.
— Non, admet-il. Mais si elle est avec toi, personne ne s'en prendra à toi. Et en tête-à-tête, elle ne pourra pas être aussi insupportable que d'habitude : elle a besoin d'un public pour ses numéros.
— Elle pourrait m'humilier.
Il se mord la lèvre, son tic pour réfléchir.
— Bec' n'est pas mauvaise. Juste sans gêne ni tact. Ce ne serait pas son genre de préparer tout un stratagème pour s'en prendre à toi. Sa démarche parait sincère. Et ça pourrait être sympa comme soirée. De toute façon, je ne fais rien ce soir, donc même si tu veux rentrer en avance, tu m'appelles et je passe te chercher.
— Je ne veux pas te déranger, protesté-je.
Je me sens suffisamment redevable envers lui comme ça.
— Je t'incite à passer la soirée avec Rebecca Grance. C'est le moins que je puisse faire pour soulager ma conscience.
Je souris.
— Ok.
— Ok ? répète-t-il.
— J'y vais.
— Avec ma bénédiction princesse. Promis, je garde mon téléphone allumé.
J'avoue que ça me rassure.
— Joue pour te détendre, me conseille-t-il.
— Tu veux juste m'écouter n'est-ce pas ?
— Très possible, s'amuse-t-il en rebasculant ses épaules vers le dossier de mon fauteuil.
Mais je joue quand même.
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Coucou à tous, j'espère que vous allez bien.
Oui, ce chapitre promet bien évidemment le "rendez-vous" entre Bec' et Skinny. Rendez-vous qui d'ailleurs sera sûrement divisé en plusieurs chapitres...
Mais d'ici là, toutes vos remarques sont les bienvenues !
PS : l'avant-propos ne vous concerne évidemment pas.
PPS : je publierais les réponses de la FAQ avec le prochain chapitre, donc n'hésitez pas avec vos dernières interrogations. (Et si vous avez des questions privés, je ne mords pas en dm promis).
Prenez soin de vous,
Anne
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