Six pieds sous terre
Pas un murmure, pas un cri, pas même le chant lointain d'un oiseau, ni même le vieux ronronnement d'un moteur quelconque, il règne ici un silence de mort. Un vrai et un authentique silence de mort. Je trouve que l'expression est particulièrement juste dans ce cas, puisque je suis enterré vivant en plein milieu d'un cimetière ! Mon esprit se frotte, gémit, sursaute, avant de déraisonner complètement. Un rire apocalyptique s'échappe de mes lèvres. Ce rire de dément secoue mon corps de tremblement. Ce rire finit en un cri, un pure et long cri d'horreur alors que je réalise pleinement ma situation. Je suis enterré vivant.
Cela fait une bonne heure que je suis ici. Je me suis éveillé en sursaut, mon crâne a brutalement frappé le métal du cercueil, me replongeant aussitôt dans une espèce de torpeur, de semi sommeil, où je ne réalisais pas vraiment ce qu'il se passait, si ce n'est qu'une douleur me vrillait le crâne et que j'étais stupide de m'être cogné ainsi, puisque je m'étais habitué pendant un temps à dormir dans des lieux étroits. Mes yeux se sont ensuite rouvert, et j'ai pu constater que j'étais dans un cercueil. J'ai rit de la bonne blague tout en essayant de soulever le couvercle. Non, vraiment c'est très drôle ! Candice ouvre moi ! Je rit encore, pour la bonne mesure, je répète la même stupide phrase. Ouvrez-moi, ce n'est pas drôle. Je ne sais plus ce que je dis, et au final je me met à hurler, m'époumoner, frappant le métal de toute mes forces, hurlant encore, criant, jusqu'à ce que mes cordes vocales me brûlent, jusqu'à manquer d'oxygène dans mes poumons, jusqu'à ne plus avoir de force dans les bras, avoir mal aux poings, jusqu'à supplier et pleurer. Personne. Je réalise alors, dans le silence que je brisais alors de mes sanglots, qu'il n'y avait absolument personne au-dessus de moi. Pas un bruit, pas le minuscule moindre bruit. Je suis seul. Tout seul. Et on m'a enterré vivant.
Voilà la situation, le topo. J'ignore qui m'a enfermé, j'ignore pourquoi je suis pas ange mais je ne suis définitivement pas un salaud qui mérite un tel traitement. Bien que l'idée qu'on puisse avoir fait cela totalement gratuitement m'effleure l'esprit. Les gens sont parfois malade, sacrément malade dans leur tête. Je respire un grand coup, me pince le haut du nez pour me forcer à réfléchir. Non, personne ne m'aurait fait cela. Et puis, au fond, qu'est-ce que cela changerait ? Je devais plutôt me soucier de qui pourrait venir me chercher. Oui, c'est plus rassurant de songer aux secours qu'à un éventuel être rempli de haine vous voulant assez de mal pour vous enterrer vivant et ne même pas profité du spectacle. Qu'est-ce que j'en sais que quelqu'un ne profite pas du spectacle ? J'ai vu Saw après tout. Je tâte le métal du bout des doigts, sentant ses aspérités, ses petits défauts, le sang séchés provenant de mes poings, ce qui explique l'odeur régnant dans le cercueil, mais rien d'autre. Pas de caméra cachée quelque part, pas de micro... et si c'était sur mes vêtements. Non ridicule. Je suis complètement ridicule d'avoir songé un seul instant que quelqu'un puisse avoir placé une caméra sur moi ou un micro... et si c'était un malade ? Bon d'accord, je tâte mes proches, effleure ma peau, ce qui me fait sourire, au pire si je m'ennuie je pourrais toujours me livrer au plaisir solitaire. Je finis par trouver mon portable ! et mon portefeuille, ainsi que les clés de chez moi. Fébrile, je tapote l'écran de mon Iphone, tape le code, et le colle au plafond de métal. Merde ! Pas de réseau. Je le fait glisser tout le long de la parois. Pas le moindre réseau ! Je suis vraiment seul. De rage, je balance le portable dont l'écran finit par s'éteindre.
Pense au secours bordel, pense aux secours qui seront bientôt là ! Bon sang, mon frère va s'inquiéter, il enverra des gens me rechercher. Il va alerté toute la ville ! Je m'exalte en imaginant le visage de mon frère jumeau, baignant de pleurs, qui me prend dans ses bras en m'engueulant pour la peur que je lui ai fait. Mais non, tripple idiot ! Lorenzo ne s'inquiètera pas, tu es tout le temps absent. Que tu ne vienne pas dormir à la maison pendant une semaine ? Il n'y prêtera même pas attention. Tu n'es jamais là. Je ne suis jamais là. Cette pensée m'horrifie. Non, Candice s'inquiétera. Sauf que tu ne la voie qu'une fois par semaine et encore quand elle n'a pas des partiels. Tu n'es pas vraiment un petit ami prévenant, pourquoi s'inquiéterait-elle que cette semaine, tu ne l'appelle pas ? Elle se dira que tu es occupé ou que tu l'as encore oublié. Les membres du groupe ! Avec le concert qui approche, on a augmenté le rythme des répétitions. Et s'ils ne me voient pas... Daniel s'inquiétera, mais au bout de combien de temps appellera-t-il mon frère ? les policiers ? Eux aussi sont habitués à me voir m'absenter sans donner de nouvelles. Je laisse tomber ma tête en arrière et pousse un petit hurlement de douleur. Au point où j'en suis...
C'est exactement l'état de mes pensées. Au point où j'en suis... je sens le Iphone sous mes doigts. Il doit y avoir au bas mot 6 heures de batterie si je met la musique à fond. Mes doigts palpent l'écran sans même que j'eusse besoin de regarder. Il n'y a rien d'autre à faire n'est-ce pas ? Attendre qu'on vienne te chercher ou mourir doucement, quelqu'en soit l'issue, les heures vont s'écouler plus lentement, alors autant s'occuper l'esprit avant de devenir fou. Lemon Tree résonne à mes oreilles. Je dodeline de la tête au rythme de la musique. C'est curieux, mais cette musique me fait un effet bizarre. Sans doute parce que c'est une chanson de drogué, mais pendant ces minutes j'oubli où je suis, et c'est sans doute mieux ainsi. Fermant les yeux je peut même voir le fameux citronnier. L'herbe verte fraîche sous mes pieds. L'odeur caractéristique des fleurs au printemps. Et cette jeune femme qui me rejoint dans la danse. Elle porte une robe légère d'été qui se soulève à chacun de ses pas, et tournoie avec elle. Je lui attrape la main. Nous dansons ensemble autour du citronnier. Et la musique s'arrête. Mes joues sont humides. Les yeux clos, je vois à présent le visage d'Orphée et j'ai envie de hurler. Je suis désolé. Sincèrement, je sais que c'est moi qui ai tout gâché. S'il te plait, pardonne moi d'avoir été un connard égocentrique, pardonne moi de ne pas avoir compris, de ne pas avoir saisit ce dont tu avais besoin. Je t'aime Orphée, je t'ai toujours aimé. Mon cœur se serre. Je voulais pas... ce qu'il s'est passé, je te jure que je voulais pas. J'aurais aimé qu'on soit heureux tous les trois. Je t'aurais tout pardonné, tout offert... je suis désolé. Et comme un con, je pleure tout seul.
L'illusion se dissipe lorsque je frappe de toutes mes forces le métal. Je sens quelque chose de mou contre moi. J'ouvre les yeux. Un trou béant. La terre qui s'y engouffre ! Merde ! Je frappe encore et encore le métal, j'essaie de l'étirer avec mes mains. Le sang coule le long de mes bras. Mais je m'en fou. Je veux pas rester ici avec toute cette terre qui me tombe dessus. J'hurle, je frappe, je crie, la terre rentre dans ma bouche, les mains me font horriblement mal, mais il y a ce fol espoir qui m'anime, je crie comme un dément, ma peau se découpe comme du papier, mais je m'en fou, je frappe, je tire sur le métal, et j'arrive enfin à passer ma tête dans le trou, je déchire la peau de mes épaules, mais je passe ! putain ! je passe ! La terre continue de me couler littéralement dessus. Il y a de la boue. J'ai peur de rencontrer un cadavre. Ca pue. Mais je m'en fou. Je nage presque, vers la surface. J'ai l'impression de me noyer, mais j'y arrive. Je vois le ciel, je pleure de joie. Je m'imagine rejoindre Candice, la serrer dans mes bras, lui promettre de ne plus jamais être un con égocentrique. Je l'enlacerais tendrement. Je tombe à genou, je lève les bras au ciel, et je crie. Je suis enfin libre ! Je cri encore lorsque je m'effondre, à bout de force. La terre est fraîche. Trop fraîche. Pas si meuble que ça. Je tourne les yeux.
NON !!! je frappe le métal. NON, NON ET NON !! je frappe encore et encore. Mon sang maccule de métal. L'odeur est enivrante. La soif me brûle la gorge. Mes poumons sont en feu. NON ! Je pleure. J'ai si soif, et j'ai si mal. Je me serre. Tel un bébé, je serre mes bras contre mon torse, remonte autant que je peux mes jambes, les pliants. Je pleure. JE SUIS DESOLE !! D'accord ? Je suis vraiment désolé. Sortez moi de là, je vous en supplie. Je pleure comme un bébé. Mais personne ne m'écoute, personne n'est là pour me sauver, je suis tout seul. Enfermé comme un rat, dans un putain de cercueil et je vais mourir là... me désécher comme un pruneau, je serait tout sec, tout raide, et je ne mourrais pas tout de suite... non, ça prendra sûrement des siècles. Les larmes aux yeux, je prend le trousseau de clé dans mes mains, et je les serre. J'ai si soif. C'est si difficile. J'enfonce le bout d'une clé dans ma peau de mon bras. Le sang coule. Je bois. J'ai si soif.
FIN
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