9- Alexandre




-Oui, Gladys?

-Un certain monsieur Bleck voudrait vous voir.

-Bleck... Alexandre Bleck?

-Je ne pourrais vous dire. Il ne m'a pas dit son prénom. Il attends à l'accueil.

-Faites-le monter.

                                                                                       *

                                                                                  *          *


Quelques minutes plus tard, Gladys introduisait Alex Bleck. Pierre le reconnu au premier regard. Décidément, il ne changerait jamais. Même après toutes ces années.

Toujours aussi bel homme. Sûr de sa personne. Un charme fou, malgré quelques cheveux blancs. Le beau gosse de la bande. Toutes les filles lui tombaient dans les bras. Il n'avait qu' à paraître. Pierre se souvenait en avoir été terriblement jaloux.

Gladys se tenait tout proche de son invité. Bouche grande ouverte, comme si elle se trouvait en présence de la huitième merveille du monde.

Manifestement, elle aussi succombait à son charme.

-Vous pouvez nous laisser, Gladys.

GLADYYYYS ??????

-Ouiiiii?

Elle mit une éternité à refermer la porte derrière elle.



-Charmante, ta secrétaire.

Pierre désigna un des confortables fauteuils en cuir de son living room. 

-Prends place. Tu boiras quelque chose?

-Non. Je suis pressé.

Pierre se servit un scotch.

-Tu as des nouvelles de Jack? ... Jack Martin?

Il n'avait pu s'empêcher de poser la question.

Alex releva la tête. Surpris.

-Tu n'as pas lu la presse ce matin?

Pierre regarda la pile de courrier déposé en bout de bureau. Evidemment, le journal ne s'y trouvait pas.

-Je reviens.

Il fit claquer la porte derrière lui, arpenta à grandes enjambées le couloir, et déboula dans le bureau de sa secrétaire.

Il arracha le journal des mains de Gladys.

-Mais...

Ses grands yeux noisettes ne comprenaient pas.

-Au travail !!!

De retour à son bureau, il feuilleta le quotidien local.

-Va directement aux fais divers.

Pierre s'y reporta aussitôt. Un gros titre occupait la moitié de la page.



                                     Meurtre sordide dans le Loiret.

Les gendarmes ont fait dans la nuit de jeudi à vendredi une macabre découverte.

Un individu, du nom de Martin Jack, a été retrouvé sans vie dans son domicile, à Gagnère-Sur-Loire.

Les enquêteurs privilégient la piste du cambriolage qui aurait mal tourné.

C'est un coup de fil anonyme, qui aurait prévenu les forces de l'ordre.



-Regarde ce que je reçois depuis deux jours!

Alex sortit deux lettres qu'il mit sous le nez de Pierre.

      BANDE DE SALOPARD VOTRE HEURE A SONNE VOUS ALLEZ  PAYER

Pierre scruta son courrier. Comme hypnotisé. Il savait trop bien ce qu'il allait y trouver.

En effet. La troisième enveloppe fut la bonne. Toujours cette couleur marron foncée, et cette adresse tapée sur ordinateur. Le cachet de la Poste indiquait qu'elle avait été envoyée depuis Paris. Dans le cinquième arrondissement.

Pierre lui tendit la lettre. Identique.

-Alors toi aussi tu reçois ces merdes? Je ne suis pas le seul? Me voilà rassuré. J'ai cru que j'avais à faire à un détraqué.

-Nous avons à faire à un fou, Alex. Jack est mort.

-Et alors? Quel rapport avec moi?

-Quel rapport? Es-tu devenu amnésique à ce point? Ne fais-tu pas le lien avec ce qui s'est passé il y a dix ans?

Alex pâlit légèrement. Bien entendu qu'il avait fait le rapprochement. Mais il ne voulait pas y croire. Pas après tout ce temps.

Pierre poursuivit.

-Jack avait reçu les mêmes menaces que nous.

-Comment le sais-tu?

-Il m'a contacté, voici deux jours. Je lui ai suggéré de venir à Paris par le premier train. Et il était d'accord.

 Apparemment, il s'est fait tuer la veille.

-Mais, bon Dieu, quel rapport avec nous?

-Ne fais pas l'innocent. Notre passé remonte à la surface. Ces lettres sont là pour nous le rappeler.

Et après un court silence.

... La mort de Jack, aussi.

-Mais qu'est-ce que je dois comprendre? Que l'un de nous est en train de se faire justice? C'est totalement grotesque. Pourquoi?   POURQUOI ???

-Je l'ignore. Pourtant, je ne vois guère que l'un d'entre nous...

-De nous six?

- ... Cinq, désormais. Nous sommes les seuls à détenir ce terrible secret. Personne n'a dû vendre la mèche, sinon nous croupirions en prison,à l'heure qu'il est.

Alex venait de se lever. Il arpentait de long en large la pièce. Très agité.

-Je crois que tu as raison. Quelqu'un cherche à se venger.

Il posa ses deux mains à plat sur la table basse, et fixa Pierre dans les yeux.

-Mais je te jure que ce n'est pas moi. Je te le jure sur ce que j'ai de plus cher. Sur la tête de ma femme et de mes gosses. Tu me crois? Ce n'est pas moi...  Ni Baptiste, d'ailleurs.

Pierre redressa la tête.

-Baptiste? Tu vois Baptiste?!

-Oui. On est restés en contact. Après ce qui s'est passé, je n'ai pas quitté la région, comme toi tu as pu le faire. Baptiste, non plus. Il habite Remilly, près de Beauvais. Il vit en couple, sans enfants. Je peux lui parler, si tu veux? Il a du recevoir ces lettres, lui aussi.

Il avait repris ses allées-venues. Bordel, on va pas rester sans rien faire. Les bras croisés.

Son poing venait se s'abattre sur la table.

Il faut tirer cette chose au clair. J'ai pas envie que ça me pourrisse la vie. On a fait une erreur. Et alors? Qui n'en a jamais fait? QUI??? BORDEL!!!

-Maîtrise tes nerfs. ça ne sert à rien de s'énerver. Je comprends ta colère. Crois-moi, je le suis aussi.

Ecoute, reprends contact avec Baptiste. De mon côté, je vais tenter de mettre la main sur les deux restants de la bande.Il devient urgent de se réunir au plus vite. Quelque chose est en train de nous échapper. Et je n'aime pas ça.

Je te contacte dès que je les aurai retrouvés.

-Comment comptes-tu t'y prendre?

-C'est mon affaire.

Alex regarda tout autour de lui.

-C'est vrai que l'argent aide beaucoup!


Ils se donnèrent l'accolade. Pas aussi chaleureuse que l'aurait espéré Pierre.

Alex, lui, paraissait avoir retrouvé son calme. Et son charme.

-Gladys...

Elle parut au bout du couloir, essoufflée. Remettant un semblant d'ordre dans sa chevelure.

Vous pouvez raccompagner Monsieur Bleck.

-Jusqu'au Hall d'entrée?

Pierre hésita un instant. Qu'avait-elle encore en tête? Mais devant ses grands yeux suppliants, il acquiesça.

-Pourquoi pas, finit-il par répondre.

-En prenant l'ascenseur?

-A moins de descendre les trente étages à pied...

Elle rougit. Manifestement, elle n'avait pas envisagé cette éventualité. Elle s'adressa à Alex, les joues encore colorées.

-Si monsieur veut bien prendre la peine de me suivre.

-Mais après vous, chère Madame.

Elle se rapprocha de lui, marqua un temps d'arrêt, puis, dans un battement de cils qui se voulait faussement pudique, murmura.

-Mademoiselle...





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