4. Solution

Au bord de sa fenêtre, Sitka écoutait les oiseaux chanter. Ses souvenirs n'avaient pas eu le pouvoir de l'entraîner dans une nostalgie, pourtant sans le vouloir, ses pensées continuaient d'affluer. Elle savait précisément la raison qui la poussait à se remémorer ses instants aux côtés de cet homme. Il allait bientôt revenir. Tous les ans, ni plus ni moins, il se rendait dans sa chaumière. Il venait toujours au début de l'automne, et cette saison commencerait inexorablement d'ici quelques semaines.

Il pouvait se passer pléthore de choses en une année, et Sitka se demandait si son frère avait un peu changé. Selfos allait avoir trente ans, peut-être s'était-il enfin décidé à se marier, pour poursuivre la lignée d'Os. Sitka balaya du regard l'intérieur confortable de sa demeure. La chaumière qu'il lui avait construite de ses propres mains. Selfos avait choisi l'emplacement, cloué chaque planche, et même préparé la mixture pour le toit de chaume.

Sitka reporta son attention à l'extérieur, plus sûre que jamais sur ces prédictions. Non, Selfos ne se serait jamais marié. Pas si la femme en question n'avait pas été elle. Son tempérament avait fait de lui un homme bien trop borné. Depuis une dizaine d'années, il n'avait fait la cour qu'à une seule personne, et il ne s'arrêterait pas d'aussi tôt. Il n'aurait de cesse de la courtiser, jusqu'à son lit de mort. Après tout, il le lui avait promis cette nuit-là. Et Selfos tenait toujours ses promesses.

Douze ans auparavant, dans l'intimité d'une chambre sombre, il lui en avait fait des tas.

Alors allongés sur le lit, les deux jeunes adultes avaient poursuivi leur conversation. La discorde s'était envolée, emportée par le doux vent d'été qui soufflait par la fenêtre entrouverte.

— Je t'épouserai, murmura-t-il pour briser le silence. Dès que tu l'accepteras, je t'épouserai.
— Selfos.

Il tourna son visage vers elle, esquissant un sourire d'une tristesse infinie. Ses cheveux bouclés et sombres tombaient sur son front.

— Je sais, soupira-t-il sans cesser de sourire, inutile de te répéter. Ce rôle-là me va mieux. Je patienterai tout le temps qu'il faut, et si tu acceptes seulement la veille de ma mort, je serai le condamné le plus heureux qui aura existé.
— Tu es un idiot, Selfos.
— Non, je suis un rêveur.
— Un rêveur trop persistant.

Un sourire plus large habilla son visage. Ses yeux bruns pétillaient de malice, tant il appréciait cet échange enfantin. Selfos avait un peu l'impression de retrouver cette complicité délicieuse qui avait rythmé leur croissance. Ils se chamaillaient, s'amusaient et il l'aimait, inconditionnellement.

— Un passionné, comme disait mon père, murmura-t-il pour exprimer ses pensées.
— Une têtu de première qui n'a que faire du regard des autres, ni de leurs avis, renchérit Sitka.
— Sauf du tien, corrigea-t-il. Ton avis est le seul qui compte, ton regard unique est le seul qui puisse me transpercer l'âme.
— Un baratineur.

Une pointe de douleur se ficha dans son cœur. Il déglutit péniblement jusqu'à pouvoir avaler la douleur pour répondre sans fondre en pleurs.

— Je ne t'ai jamais menti, Sitka. J'ose simplement exprimer ce que je ressens pour toi. J'aimerais simplement... rester éternellement auprès de toi, à tout simplement discuter, comme ça.
— Cette idée me plaît, il est vrai.
— Vraiment ? sursauta Selfos, l'espoir faisant vriller sa voix. Tu le penses sincèrement ?
— Oui. J'irai à Terre-Glacée, s'il le faut. Mais je ne sais pas comment sera ma vie là-bas. J'ai déjà beaucoup à réfléchir ici, alors dans cet endroit ? Ce serait épuisant, mentalement parlant.
— Mon père n'a jamais compris à quel point tu devais faire des efforts pour comprendre les autres. Alors que je peux presque te voir analyser toutes les données dans ta tête, à chaque micro-expression et chaque geste que je te montre.

Le silence suivit sa déclaration, où Sitka semblait méditer. La preuve étant qu'elle se déplaça jusqu'au battant ouvert pour y observer la vue au contrebas. Dehors, elle voyait le jardin au clair de lune. Un potager prenait une grande partie de l'espace et Sitka pouvait se souvenir des milles couleurs qui y florissaient. C'était pour cette unique raison qu'elle avait choisi cette chambre qui donnait sur la vue arrière du domaine. À l'avant se trouvait pourtant un jardin fleuri, qui était tout bonnement magnifique, mais on y trouvait moins d'oiseaux, et plus de gens.

Sitka préférait se concentrer sur les chants plutôt que sur les sentiments des personnes qui passeraient dans son champ de vision. C'était devenu une habitude dont elle ne pouvait se défaire. Et cette manie l'épuisait tant qu'elle venait souvent s'isoler.

— Évidemment, que tu as remarqué. Tu es l'être le plus observateur que je connaisse.
— Toi, tu es l'être le plus fascinant que j'ai pu observer, répliqua-t-il. Et le plus calculateur, aussi. J'ai même parfois l'impression que tu pourrais devancer chacun de mes mots avant que je ne les prononce.
— Peut-être est-ce le cas ?
— Que veux-je dire, dans ce cas là ?
— Je t'aime.

Son cœur rata un battement. Il dû s'empêcher d'écarquiller les yeux, et mordit sa lèvre pour se contenir. Il n'aurait jamais pensé que Sitka puisse prononcer de tels mots.

— C'est ce que tu vas dire, précisa-t-elle en avisant sa réaction qu'elle jugeait disproportionnée.
— Dans le mille, lui dit-il en souriant malicieusement. Je t'aime.
— Selfos, comment stopper cette union ?

Elle avait enfin posé la question dont elle redoutait la réponse, ou plutôt l'absence concrète de solution. Mais y en avait-il seulement une ? Selfos semblait y croire dur comme fer, mais les volontés d'un rêveur comme lui n'avaient pas sa place dans une conversation constructive. Pourtant il savait aussi faire preuve d'intelligence et parvenai d'ailleurs souvent à s'en servir pour contourner ses devoirs. Sitka comptait sur cela pour défaire son lien à Terre-Glacée.

— Réfléchissons de manière concrète. Il faut trouver les motifs qui poussent ce clan à vouloir de ce mariage, puis dénicher une raison suffisante qui pourrait leur faire renoncer. Il doit bien en exister plusieurs, n'est-ce pas ?
— C'est sûr qu'ils doivent tirer plusieurs avantages à ce mariage, commença-t-il. J'en vois au moins deux.
— D'abord, ils doivent espérer faire de moi une alliée potentielle. Ils voudront probablement bien me traiter, tenter de changer mes idéaux pour m'avoir à leur service.
— Ils ignorent que tu contestes déjà bien suffisamment ton propre clan, marmonna son frère.

Sitka acquiesça pour approuver ses dires. Si elle mettait les pieds à Terre-Glacée, les pauvres Nordiques ne savaient pas à quoi s'attendre. La jeune femme s'imaginait mal vivre là-bas, entourée de tant de personnes qui lui faudrait analyser et éviter. Elle avait dit la vérité à son père, elle était capable d'effectuer ces tâches. Cependant, en avoir envie était une affaire bien plus complexe. Pouvait-elle avoir véritablement envie de quelque chose ? Le désir était-il à sa portée ? Elle en doutait. Pourtant, y songer la fatiguait par avance.

— Quelle est la seconde raison, pour le mariage ?
— Tu l'ignores vraiment ?

Elle hocha la tête, attendant la réponse.

— Quel est le but de tout mariage, Sitka ?
— Les gens ne se marient-ils pas pour vivre heureux avec celui ou celle qu'ils aiment ?
— C'est valable dans un mariage d'amour. Quand le but est de former une alliance entre deux familles, ou en l'occurrence deux clans, l'amour importe peu.
— Qu'est-ce qui importe, alors ?

Le jeune homme ne répondit toujours pas et s'approcha d'elle, subissant la tentation de sa peau blanche qui luisait encore à la douce lumière de la chandelle.

— Selfos ?

Elle ne recula pas, ni ne le repoussa, quand il lui offrit un baiser. Cette fois-ci, il l'avait fait comme il en avait rêvé. Ses lèvres avaient frôlé les siennes suffisamment longtemps pour sentir le goût de son souffle sur sa langue. Puis, lentement, il les avait pressées contre sa bouche entrouverte.

Les premières secondes, il eut peur qu'elle ne se dérobe. Ensuite, il avait eu peur qu'elle ne se dérobe pas. Ce baiser devenait passionné, alors que Sitka acceptait l'offrande de sa langue qu'il fit glisser entre ses lèvres pleines.

Il pouvait enfin la goûter ; c'était exquis.

Il n'osait pas la toucher, ni la serrer, de peur qu'elle ne se sente prise au piège. Il avait entrouvert les yeux et avait croisé les siens. Elle le fixait sans expression apparente. Gêné, il s'obligea à réfréner sa pulsion d'aller plus loin. D'aller trop loin.

— Qu'est-ce que ça fait ? l'entendit-il alors demander. Ton expression est nouvelle... que ressens-tu ?

Son cerveau n'interprétait pas seul les signaux que les autres montraient, avait depuis longtemps compris Selfos. Elle devait apprendre la gestuelle, le faciès et tous les tics nerveux que les individus effectuaient pour parvenir à définir leur état d'esprit, leur ressenti.

— C'était délicieux.
— Tu as... faim ?

Selfos se mit à rire, la joie contaminant la peur qui l'avait étreint l'instant d'avant.

— Ça y ressemble un peu, mais non. Je te désirais. Je te désire encore.
— Mais ton expression a changé.
— Comment t'expliquer ? Mon cœur battait la chamade, fit-il en approchant l'oreille de la jeune fille vers sa poitrine.
— Je l'entends, murmura-t-elle.

Un sourire sincère et innocent envahit le garçon, qui poursuivit ses explications.

— J'étais terrifié.
— Je ne te ferai jamais aucun mal, le coupa immédiatement Sitka.
— Ce n'est pas cela, que je craignais.
— Alors quoi ?
— Que tu me repousses. Que tu n'apprécies pas ces marques d'affection. Que tu sois mal à l'aise. Que ce soit le dernier baiser que je puisse te donner. J'avais peur pour un tas de raisons, et pourtant j'étais excité.

Ses paupières se rétrécirent, comme si elle voyait subitement moins bien. Sitka s'approcha, jusqu'à avoir son visage presque collé à celui de Selfos.

— Tes yeux ressemblent presque à ça, quand ils sont dans l'obscurité. Mais là, c'est différent.
— C'est le désir, que tu entrevois.
— Que signifie-t-il ?
— Que j'ai une folle envie de toi. Envie de toucher ta peau, de t'embrasser, de te basculer sur le lit et de te faire l'amour. Et j'ai tout le mal du monde à me maîtriser, surtout quand tu te trouves aussi proche de moi. Voilà ce que signifie le désir, Sitka.

Les cils blancs papillonnaient autour de ses yeux gris, imitant les jeunes filles qui cherchaient à séduire un bon parti. Elles les avaient vu lors du seul bal auquel elle avait assisté, avant de bannir à tous jamais ses distractions. La danse était un exercice plutôt amusant, la musique sublime, mais pas la foule qui se pressait à ses pieds.

En tant que fille adoptive du Premier Ancestral, elle était un bon parti. Cette soirée-là, elle fut présentée à la société. Société qu'elle avait évité depuis lors. heureusement pour elle, son père ne l'avait pas forcé à participer à d'autres bals, le premier avait rendu son corps malade. Mais ce fut une soirée riche en apprentissage, car elle avait découvert un nouveau monde, qui semblait fait de faux-semblants et de messes basses. C'était là-bas qu'elle avait vu des jeunes filles se pâmer devant de grands hommes aux traits froids et durs.

— Les filles font comme ça, pour montrer leur désir ?
— Non, elles le font pour montrer leur intérêt. Ou pour chercher à séduire. C'est ce que tu cherches à faire, Sitka ?
— Je l'ignore, répondit-elle avec sincérité, mais c'est peu probable. Je ne peux pas le savoir. Tu peux le dire, toi ?
— Malheureusement, je ne lis pas aussi bien dans les pensées que toi.

L'adolescente continua a battre des cils, penchant sa tête avant de pincer ses lèvres. Son expression maladroite mit Selfos au supplice. Finalement, n'en pouvant plus, il éclata de rire.

— Arrête donc de faire cette tête, ça ne te va pas du tout !

Il essuya une petite larme, mais la moue à présent boudeuse de sa petite sœur fit redoubler son hilarité. Son fou rire se stoppa en une seule seconde, alors que Sitka empoignait les cheveux tombant sans sa nuque. Elle tourna son visage vers le sien, ayant retrouvé un faciès aussi impassible que d'ordinaire.

— Je ne t'ai jamais vu rire autant. J'adore ce son, mais il commence à irriter mes tympans.

Il esquissa un début de sourire, vite soufflé par la voix de Sitka :

— Je t'en défends.

Mais le fou rire était plus fort et incontrôlable que ses ordres, et le ricanement du jeune homme reprirent. Les doigts toujours enroulés autour de ses cheveux, Sitka raffermit sa prise.

Le rire cessa net lorsqu'elle couvrit sa bouche agaçante de la sienne, comme pour imiter Selfos lorsqu'il avait voulu la faire taire contre son gré.

Les yeux grands ouverts, elle profita pleinement du regard perdu, apeuré et heureux du garçon. Cette fois-ci, elle reconnut tout de suite le sentiment qui l'animait.

— Le désir...

La seule sorte d'émotion à la portée de la jeune femme était la curiosité. Pas de celle qui est poussée par les sentiments, mais une curiosité scientifique qui lui permettait de mieux appréhender le monde pour s'y intégrer. Elle qui ne savait rien du désir ni de ses conséquences fut prise d'un besoin soudain de le comprendre.

Sa paume s'avança jusqu'au bras du jeune homme pour en frôler la surface. Elle vit la chair de poule s'y installer avec une surprise délicieuse.

— On dirait que tu as froid.
— Sitka, qu'est-ce tu fais, exactement ?
— Je te séduis ?

Il entrouvrit la bouche comme pour répondre, puis se ravisa. Selfos restait sans voix face à son impédance. Lui qui l'avait raillé sur sa capacité de séduction s'en mordrait à présent les doigts : Sitka était douée pour cela, il n'en doutait plus.

— Eh bien, c'est réussi. Tu peux arrêter à présent.
— Je ne fais que commencer, rétorqua-t-elle. Tu fais des expressions que je n'ai jamais encore observé. J'aimerai en voir davantage.

Selfos déglutit péniblement, pesant la réaction qu'il devrait avoir en cette circonstance. Obéir à sa curiosité, la laisser collecter à sa guise et obtenir du même coup ce qu'il a toujours désiré ? Ou devait-il tout de suite la stopper, la réfréner, car on ne jouait pas avec le feu sans se brûler. L'intimité était réservée aux couples, ou aux amants, non à leur relation actuelle, quand Sitka ne le voyait autrement que comme un frère.

— M'observer ne t'aidera pas à comprendre le désir, dit-il en optant pour la vérité. Chacun a des envies différentes et personne n'aime de la même manière. Mes réactions seront différentes de celle d'un autre car chaque individu a...

Il se coupa, se demandant jusqu'où il devrait lui expliquer.

— Termine ta phrase, l'encouragea-t-elle.
— Chaque individu a des fantasmes qui lui sont propres, soupira-t-il en se livrant. Certains peuvent sembler similaires, mais en réalité, nous sommes tous uniques.
— Des fantasmes ?
— Des désirs profonds, ancrés en nous. Ils peuvent changer, être variés, cachés et enfouis, ou visibles. Ce sont toutes ses choses que l'on aimerait faire... lors d'un moment d'intimité, ou même dans la vie courante. Ce sont des rêves, que l'on peut réaliser si l'on trouve le bon partenaire.
— Et toi, tu les as réalisé ?
— Non, car tout ce que je désire ne se raccroche qu'à toi.

Sitka remonta sa main jusqu'à son cou, les yeux fixés dans les siens.

— Non, Sitka, fit-il en repoussant sa main d'un geste tendre. Le plus grand désir que je puisse avoir, c'est que tu en ais envers moi. Je ne prendrai aucun plaisir sans que tu puisses le ressentir. Je suis désolé. Tout ce que je rêve de faire dans l'immédiat, c'est te caresser les cheveux et chercher une solution pour empêcher ce fichu mariage. Ça te semble envisageable ?

Sitka hocha la tête, et Selfos la fit adosser contre lui, pour glisser ses doigts dans ses longues mèches d'un blanc éclatant.

— Selfos, tu as oublié de me dire quelle était la raison pour laquelle les mariages d'alliance existent.
— Pour avoir une descendance de choix, Sitka. Ce qu'ils veulent de toi, c'est un héritage. Ils espèrent probablement conquérir les Terres d'Os en utilisant le fils ou la fille que tu mettras un jour au monde.

Selfos avait cessé ses caresses, et Sitka se retourna pour observer les expressions de son visage. Ses yeux braqués sur son ventre plat se dirigeaient lentement plus haut. Sa poitrine, heureusement couverte sous le fin tissu de sa robe de chambre, l'attirait irrésistiblement.

— Tu as encore envie de moi, supposa la jeune femme.
— On ne te cache rien, plaisanta-t-il d'un air faux.

Elle s'approcha de lui avec lenteur, jusqu'à poser sa bouche sensuelle sur son épaule, avant d'intercepter son regard troublé.

— Je m'y prends mal ?

Le garçon secoua la tête en saisissant ses bras pour éloigner son corps blanc et tentateur du sien.

— Non, pas du tout. C'est ce que j'ai fait, qui était mal. Je n'aurais jamais dû t'embrasser, ni te toucher. Je n'aurais même jamais dû venir, cette nuit. C'est une excuse minable et c'est un peu tard pour les regrets, mais je suis désolé.
— Je ne comprends pas.
— Le truc, c'est que je t'aime. Mais je ne veux pas faire ça de cette manière. J'en ai envie, terriblement, mais je ne te toucherai que le jour où tu le voudras vraiment.

Sitka se déplaça et vint coller son corps contre le sien, posant son oreille contre la poitrine de son frère. Elle écoutait son cœur battre, puis s'accélérer dans un concert envoûtant.

— Alors, tu peux caresser mes cheveux encore un peu ?
— Quoi, ça te faisait du bien ? demanda-t-il avec surprise.
— Non, je ne le sens pas... mais j'aime le son que cela provoque. Ça ressemble un peu au bruit qu'on fait lorsqu'on mord dans une galette qui sort du four, tu ne trouves pas ?

Selfos ne put empêcher le rire qu'il retenait de sortir, et le son cristallin se répercuta dans sa poitrine, ravissant la jeune femme, qui écoutait une multitude de nouveaux sons. Une main large atterrit sur son crâne et frotta près de ses oreilles. Elle ferma les yeux et s'endormit, bercée par la douce mélodie du cœur de Selfos et de ses caresses.

C'est la semaine suivante qu'ils eurent une idée pour déjouer le mariage indésirable. Sitka avait beaucoup insisté, car Selfos rechignait à arriver à de telles extrémités. Pourtant, entre perdre une minuscule partie de soi et perdre la totalité de son être, le choix était vite fait. Ils ne pouvaient qu'espérer que leur initiative commune porterait ses fruits.

Aujourd'hui encore, Sitka n'avait pas de regret, car cette décision lui avait épargné de se rendre à Terre-Glacée. Sa main vint glisser sur son ventre, gestuelle qu'elle avait vu chez quelques femmes enceintes aperçues dans la cité. Contrairement à elles, son ventre était plat.

Dehors, le soleil se couchait, abordant une teinte nostalgique qui seyait bien avec ses souvenirs. Sa journée avait ressemblé à la définition de la mélancolie, à ceci près que Sitka ne se sentait pas triste. Les oiseaux criaient, se retirant petit à petit pour la nuit, tandis qu'elle restait seule devant le paysage, debout dans sa chaumière tout aussi solitaire sur Vallon-Boisé. Elle n'avait pas de voisin, elle n'avait pas d'amis, pourtant, elle en était certaine : cet acte qui avait tant horrifié Selfos avait été la bonne solution.

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