Chapitre dix-huit

« Battements de coeur »

─── °∘❉∘° ───

Taehyun jouait paresseusement les pieds dans l'eau. Le soleil chaud tapait sa nuque et sans doute Soobin lui lâcherait-il une remarque à propos de sa peau qu'il avait laissée trop longtemps exposée au soleil.

– Tu as l'esprit ailleurs, lui fit remarquer Yuchan.

Son meilleur aussi semblait avoir l'esprit ailleurs. Mais chez une sirène, toutes les émotions étaient plus dures à cerner. Les sirènes étaient des êtres de mystère ; cerner une sirène pour un simple être humain n'avait jamais été aisé. Taehyun trouvait qu'il s'en sortait plutôt pas mal, son meilleur ami le lui disait souvent, mais il demeurait des mystères que le prince ne pouvait percer. Yuchan pencha légèrement la tête sur le côté et sa main vint trouver la sienne, avec douceur.

– Tu peux m'en parler, tu le sais ça ?

Taehyun acquiesça. Il confiait toujours à Yuchan. Bien souvent, ce dernier devinait même avant lui ses propres tracas.

– C'est au sujet de ce Beomgyu dont tu me parles de temps en temps ?

Un sourire mince étira son visage et celui de Yuchan sembla s'illuminer d'une lueur nouvelle. L'instant d'après, il s'était accoudé au rocher où Taehyun était assis et sa nageoire se mit à frétiller dans l'eau à un rythme infernal.

– Cela me plairait de faire sa connaissance, lui glissa-t-il d'une voix enjouée.
– Pardon ? Que...
– Je sais, je sais, pas d'humain autre que toi ont le droit de venir ici, mais... Mais je suis curieux.
– Pourquoi ?
– As-tu vu comment tu as réagi quand j'ai prononcé son prénom ?
– Non.
– Oh, Taehyun, on ne me l'a fait pas, rigola Yuchan.
– Je ne l'amènerai pas. Il serait effrayé.

Il essaya de s'imaginer, expliquant à Beomgyu que les sirènes n'étaient pas un mythe ici, et que contrairement à l'endroit morose où il vivait, l'île, elle, abritait bien plus de magie qu'elle ne le laissait entrevoir.

– Allons, il doit déjà savoir pour les sirènes, râla Yuchan.
– Peut-être.
– Je ne suis pas effrayant.
– Sous cette forme, objecta Taehyun.

Yuchan se rembrunit légèrement et Taehyun s'en mordit la lèvre immédiatement.

– Désolé, c'était facile, se reprit Taehyun.
– Je ne me transforme pas, maugréa son meilleur ami.
– Je sais Yuchan, pardon. Je sais que tu es une bonne sirène. Je... Écoute, je lui parlerai.
– Vraiment ?

Toute sa peine semblait s'être désormais envolée et Taehyun se demanda vraiment pourquoi il tenait tant à rencontrer Beomgyu.

Yuchan était curieux. Il l'avait toujours été, depuis le début de leur amitié improbable et Taehyun ne lui avait jamais rien caché. En ce qui concernait Beomgyu... Il avait bien mentionné son prénom de temps en temps au fil de leur discussion, mais au point que Yuchan veuille le rencontrer ? Il se remit intégralement en question. Soudain, l'idée désagréable que Yuchan chercher à percer sa carapace, à lire en lui, peut-être même à l'effleurer pour savoir ce que Beomgyu renfermait de plus précieux en lui le mit mal à l'aise. L'air de rien, Yuchan changea de sujet, comme s'il voulait l'empêcher de cogiter davantage à ce sujet.

– Comment va votre roi ?

Taehyun haussa les épaules.

– J'ai l'impression que sa santé stagne, murmura-t-il.
– Et toi, comment tu te sens vis-à-vis de cela ?
– Je n'en sais trop rien.
– Mon peuple...

Yuchan s'interrompit soudainement et Taehyun baissa le regard vers lui, curieux.

– Tu peux le dire.
– Je voulais m'exprimer quant à au fait que mon peuple sera certainement heureux d'un nouveau roi comme toi. Je sais que nos deux peuples n'ont plus de lien, mais... Avec toi, peut-être... Peut-être que les sirènes ne seront plus reléguées au statut de monstres.
– Tu penses que je serais capable de faire changer des générations entières de mentalité ?
– Oui, répondit Yuchan. Mon peuple ne voudra pas revenir vers le vôtre, mais que notre honneur soir lavé en revanche...
– Je pensais que les sirènes n'en avaient rien à faire, qu'elles voulaient rester loin de nous. Vous êtes fiers à ce point ?
– Nous avons des points communs avec les hommes il faut croire, rigola Yuchan.

Taehyun l'imita aussitôt.

– J'amènerai Beomgyu ici quand je le pourrai, dit-il pour changer de sujet.

Parler du roi le mettait encore plus mal que de parler de Beomgyu. Une lueur d'excitation passa dans le regard de son meilleur ami. Taehyun se demanda comment, et de quelle manière Beomgyu réagirait... Lui apprendre que les sirènes existaient réellement, lui en dévoiler une... tout cela lui semblait impossible. Il se ravisa, les sourcils légèrement froncés.

– Yuchan, votre existence pourrait être compromise si jamais il vient à en parler, tenta-t-il.
– Tu lui fais confiance ?
– Bien sûr.

Il avait répondu sans hésiter un seul instant.

– Alors dans ce cas, moi aussi.

Comme pour le rassurer, Yuchan effleura le sommet de sa main. Mais je ne sais pas si je suis prêt Yuchan. Au même instant, un mouvement au ras de l'eau attira son attention et Taehyun esquissa un sourire amusé.

– J'ai bien l'impression que ton gardien arrive.

Yuchan pouffa et, l'instant d'après, Byeongkwan émergea de l'eau.

– Pourquoi je ne suis même pas surpris, soupira ce dernier. Comment va le premier prince de l'Île Rouge ?
– Il se porte comme un charme, répondit-il.
– Oh, le prince a le cœur qui bat la chamade. Aurait-il trouvé une partenaire ?

Taehyun écarquilla les yeux et Yuchan rouspéta.

– Enfin Kwan ! Un peu de retenue !

Ce dernier haussa les épaules, l'air de rien.

– Après, je peux me tromper.
– Tu te trompes oui, râla Taehyun.

Il se drapa dans sa fierté, bombant le torse et lui jetant le regard le plus dédaigneux qu'il avait en stock. Byeongkwan ne se laissa nullement impressionner... Et son visage se fendit d'un large sourire amusé. Taehyun l'imita sur-le-champ. Il n'était nullement impressionnant sur son rocher. Au fond, la sirène en face de lui l'était bien plus. Byeongkwan avait un torse développé et des épaules larges, solidement bâties. Il ne doutait pas un seul instant de la force qu'il possédait et le savait physiquement plus fort que son meilleur ami. Les deux faisaient une drôle de paire et si Yuchan se plaisait à lui répéter qu'il était son meilleur ami sur terre, Taehyun savait que Byeongkwan était le sien, là-bas, sur cette île brumeuse qu'il rêvait secrètement de découvrir un jour.

Les liens entre ces deux-là ne lui avaient jamais semblé clairs. Il lui semblait qu'ils étaient de la même famille, très éloignée, mais Yuchan considérait Byeongkwan aussi bien comme un frère qu'un cousin. Les sirènes n'avaient pas les mêmes liens familiaux qu'eux. La seule chose que Taehyun était sûr de savoir, était que Byeongkwan avait élevé Yuchan aux côtés de sa mère. Le père de Yuchan était parti trop tôt, et Taehyun n'avait jamais voulu creuser davantage le sujet : Yuchan n'en parlait jamais.

– Tu t'en doutes Yuchan, mais je venais pour toi. Les gens te demandent.

Yuchan éventa son visage d'un geste théâtral de la main.

– Quelle personne occupée je fais !

Yuchan en plaisantait souvent, mais Taehyun savait qu'il était de ces sirènes « uniques » dans son royaume. Yuchan en riait, mais il était aussi important qu'il l'était à l'Île Rouge.

– À bientôt le prince, le salua Byeongkwan.
– À bientôt vous deux.

Il resta sur son rocher jusqu'à les voir disparaître totalement. Puis, comme à son habitude, le prince rentra dans son palais en toute discrétion.


*  *  *


Taehyun avait eu une mauvaise idée deux jours plus tôt et ne l'assumait toujours pas. Mauvaise idée, car elle lui faisait prendre des risques inutiles à lui, et à ce garçon aux cheveux longs dans la nuque qui lui faisait tourner la tête chaque jour qui passait.

En un claquement de doigts, Beomgyu avait disparu dans la foule. Souhaitant rester le plus discret possible, Taehyun se faufila du mieux qu'il put à son tour dans le marché, craignant chaque instant que l'on aperçoive un bout de son visage. Il était descendu dans la ville basse sans aucune autorisation, simplement pour lui faire plaisir et désormais, Taehyun commençait à regretter sa décision. Quelle mouche l'avait piqué ? D'abord la promenade à cheval, maintenant, cela ? Taehyun se sentait idiot. Ce Beomgyu parvenait réellement à lui faire faire n'importe quoi et à tordre le cou à toutes les règles imposées par son père.

Il se demanda si Mashiro ou Soobin se doutaient de quelque chose, mais leur attitude demeurait inchangée. Si l'un des deux avait quelques doutes concernant ses activités avec l'explorateur, ils n'en donnaient nullement l'air.

Quant à lui, Beomgyu ne tenait plus en place et avait enfin réussi à le semer au bout de plusieurs longues minutes. Inquiet, il pressa le pas, jetant de temps à autre quelques coups d'œil autour de lui et aux divers stands en place. Si Beomgyu venait à se faire repérer – quand bien même il ressemblait davantage aux habitants de son île que son frère ou les autres hommes du navire – la panique gagnerait le marché. Les explorateurs n'étaient pas censés se mêler à eux, le roi l'avait promis. Il fut soulagé de le reconnaître quelques mètres plus loin et les battements vifs de son cœur se calmèrent soudain.

Beomgyu était là, trépignant devant un stand de parures. Aussitôt Taehyun l'agrippa par le bras, les sourcils froncés.

– Beomgyu, cesse d'agir comme si tu découvrais le monde, lui glissa-t-il à voix basse.
– Mais je découvre le monde.

Sa voix avait vrillé, piqué à vif et Taehyun sut qu'il l'avait chagriné.

– Et cela, ils ne sont pas censés le savoir, fit-il en désignant les habitants.

Beomgyu sembla le réaliser et ouvrit de grands yeux, surpris. Une légère tristesse teinta son visage et il se mordilla les lèvres, visiblement mal à l'aise.

– Pardonne-moi, souffla-t-il.

Aussitôt, son regard se porta sur les bracelets faits main, juste là, sous leurs yeux. Il les effleura du bout des doigts et soupira.

– On y va, c'est ça ?
– Tu aimes ?
– Quoi ?
– Ce bracelet, tu l'aimes ?
– Il est joli. Tous ces bijoux sont jolis. Je n'en ai jamais vu des comme ça chez moi.

Il se tourna brièvement vers lui et détailla ses poignets fins.

– Ils ressemblent un peu aux tiens, j'ai toujours trouvé les tiens très beaux.

Taehyun ne trouva pas de bonnes réponses à ces mots. Sans doute Beomgyu n'en attendait-il aucune, en fin de compte. La bouche un peu sèche sans comprendre pourquoi, il le regarda s'éloigner la tête basse, sans rien ajouter. Alors rapidement, avant que le jeune homme ne le réalise, il fit signe à la jeune vendeuse de lui emballer les deux que Beomgyu avait effleurés du bout des doigts.

Remontant vers le palais, Taehyun se décida enfin à reprendre la parole.

– On ne doit pas te voir dans la ville Beomgyu...
– J'ai compris.
– Les habitants seraient effrayés de savoir que nous laissons des inconnus se balader ici.
– Je sais Taehyun, merci, répliqua-t-il presque sèchement.

Sans se démonter, Taehyun garda la tête haute. La voix de Beomgyu avait de nouveau déraillé, comme à chaque pic de frustration ou de colère. Il l'entendit toussoter, comme pour la remettre en place.

– Eh, attends...
– Quoi ?

Il se retourna vers lui, les sourcils froncés, son beau visage un peu crispé. Il se perdit un très bref instant sur ses traits doux, mais fâchés et sur ses cheveux longs et lâchés dans sa nuque et sur ses oreilles. Il était d'une beauté révoltante Beomgyu, presque androgyne. Et cette beauté ne le laissait pas indifférent aujourd'hui.

– Où vas-tu comme ça ?
– Je rentre dans ma prison dorée pardi.

Taehyun leva les yeux au ciel, agacé. Nouvelle quinte de toux.

– Ne soit pas idiot, ne passe pas par-là, ou tout le monde comprendras que tu en es sorti. Suis-moi, passons par les jardins.

Beomgyu le suivit sans rien dire, shootant d'un petit caillou au passage. Typique d'un enfant en colère, espèce d'immature va... Pourtant, Taehyun était incapable d'arrêter de sourire. C'était peut-être du fait d'être dehors avec lui, d'avoir bravé un interdit avec lui, ou simplement d'être à ses côtés. Ils se glissèrent dans les jardins sans se faire prendre et il l'arrêta, d'un geste léger sur sa tunique.

– Ne boude pas...
– Je n'avais aucune envie de rentrer. Je voulais passer plus de temps avec toi dehors.
– Oh.
– Crétin va.

Il leva un sourcil.

– Eh, on ne parle pas comme ça du premier prince, plaisant-t-il.
– Quand ça t'arrange, tsss...
– Beomgyu, voyons-nous ici après le repas. Je serais là-haut, dit-il en désignant son arbre d'un geste du menton.

Il ne passa pas à côté de l'étincelle dans son regard.

Le voyant s'éloigner, Taehyun regretta d'avoir écourté leur sortie. Pourtant, il devait se rendre à l'évidence : il n'avait pas été prudent aujourd'hui.


*


Taehyun aimait de moins en moins manger avec sa famille et les explorateurs. Le plus souvent, ils mangeaient entre eux, dans la salle qui leur avait été réservée. Mais de temps en temps, sans que personne ne comprenne pourquoi, le roi insistait pour les voir manger à leurs côtés. Mashiro semblait toujours terriblement confuse et Soobin... Les expressions de Soobin étaient indéchiffrables. Il ne passait jamais à côté des regards mauvais qu'il lançait à Yeonjun, comme en guise d'avertissement. Ce regard, il le connaissait, c'était celui qui voulait dire : un seul faux pas et je te fais reprendre la mer de force. Il ne ressemblait pas à Soobin ce regard aussi, Taehyun s'inquiétait de le voir ainsi.

Sa mère, la reine, était toujours inquiète, mais au courant des décisions de son époux avant de les confronter. Son grand-père, lui, semblait jubiler de les voir là : coincé et à leur merci. Taehyun se demanda s'il s'agissait là d'un pur sadisme de les savoir bloqué à jamais sur l'île. Pendant ces repas, Junhee ne disait pas un mot. Le capitaine, en revanche, tentait toujours sa chance. Seyhoon pouvait être loquace ; mais Taehyun notait qu'il n'en disait jamais trop. Il maniait les mots à la perfection. Il flattait le roi avec justesse et de temps en temps, Taehyun était persuadé de voir cela fonctionner. Malade, son père ne payait pas de mine, mais les flatteries éclairaient toujours son visage d'une étrange lueur triomphante.

Il attendit tout le long du repas d'enfin pouvoir s'éclipser vers les jardins. Il ne lui tardait qu'une chose : enfin s'échapper et simplement se retrouver avec lui. Au même instant, le regard de Beomgyu croisa le sien et Taehyun sentit ses joues se colorer légèrement.

Assise à ses côtés, Mashiro lui donna un léger coup de pied. Rien ne semblait lui avoir échappé. Aussitôt, Taehyun détourna le regard. Il se mit à le fuir pour le reste du repas.



Taehyun craignait de l'avoir vexé. Les bras noués autour de ses jambes repliées contre son torse, il guettait le moindre bruit venant du jardin sous ses pieds. Assis sur sa branche, il se demanda si le jeune explorateur n'avait pas tout simplement oublié leur discussion de tout à l'heure. Au moment où il porta ses ongles à sa bouche, le bruit des feuilles sous ses pieds le figea. Quelques secondes plus tard, la tignasse sombre de Beomgyu lui apparut et il esquissa un sourire immense. Quelque instant plus tard, il s'était hissé à ses côtés.

– Désolé du retard, souffla-t-il.
– Ce n'est rien.
– Les lucioles ne sont pas là ?
– Pas encore, répondit-il amusé.

Beomgyu avait une drôle de fascination pour ces insectes. Il le regarda passer une de ses mèches sombres derrière ses oreilles et résista à l'envie de le faire lui-même. Bon sang, mais qu'est-ce qui te prend...

– Je suis désolé pour tout à l'heure, je me suis comporté comme un gosse capricieux.
– Beomgyu...
– Merci beaucoup de m'avoir emmené dans la Ville Basse. J'étais heureux de pouvoir la découvrir avec toi.

Il esquissa un sourire, un peu gêné, et passa une main dans sa nuque. Il eut envie de bénir les lumières du soir, qui dissipèrent les rougeurs légères sur ses joues.

– J'ai quelque chose pour toi, murmura-t-il.

Beomgyu lui lança un regard intrigué. Fouillant ses poches Taehyun en extirpa un petit sachet de couleur crème qu'il déposa au creux de ses mains. Beomgyu le regarda sans comprendre et déballa le petit sachet avec des gestes précautionneux. Il releva des yeux ronds vers lui, la bouche entrouverte.

– Quand as-tu... ?
– Juste avant de te rejoindre, par chance la vendeuse ne m'a pas reconnu, rigola-t-il.

Beomgyu l'enfila sans un mot, les yeux brillants, comme fasciné par le bijou.

– Je me doute que tu ne pourras pas vraiment l'exhiber, mais euh... Quand vous partirez, j'espère que tu seras heureux d'emporter ce souvenir.
– Tu y crois ?
– Bien sûr. Vous allez bien réussir à rentrer chez vous.
– Merci pour ce bracelet Taehyun, souffla-t-il.

Il le regarda l'effleurer avec douceur. Avec précaution, Taehyun lui dévoila son propre poignet où il avait accroché celui assorti de la même série. La bouche de Beomgyu s'ouvrit en un petit « o » parfait et il s'en amusa.

– Comme ça, je ne t'oublierai pas non plus, murmura-t-il.

Il fut persuadé de voir ses yeux se mettre à briller.

– Ne dis pas des choses pareilles... Je n'oublierai jamais cette île.
– Ne jamais dire jamais, s'amusa-t-il.
– Je suis sérieux Taehyun.
– Comment ça ?
– Je n'en suis pas capable, chuchota-t-il tout bas.

Il haussa un sourcil, intrigué. Que voulait-il dire ?

– Je... Je ne devrais pas t'en parler, marmonna Beomgyu.
– Je garderai le secret.
– Promets-le-moi. Ma mère m'a gardé de le partager, très peu de gens sont au courant.
– Promis, oui.

Beomgyu avait réussi : la curiosité le dévorait.

– J'ai une très bonne mémoire.

Taehyun arqua un sourcil. C'était tout ? Lui aussi en possédait une bonne. Le voyant sans doute septique, Beomgyu continua, à mi-voix.

– Demande-moi de décrire n'importe quel endroit que je n'ai pu voir que très brièvement, même dix secondes.
– Euh, eh bien...
– Je peux tout décrire si tu me le demandes. Du nombre de marches pour grimper jusqu'à la chambre de Mashiro, aux motifs de ses draps qu'elle change toutes les semaines. La couleur de sa coiffeuse, blanche et nacrée, l'emplacement de ses trois brosses à cheveux, de la plus petite à la plus grande en partant de la gauche. Il y a ce tableau juste en face de son lit qui représente, je présume, une scène de bataille enjolivée. Sa chambre, c'est peut-être trop simple, j'y suis allé plusieurs fois. En revanche, je n'ai vu le marché qu'une seule fois. Quand on y descend, c'est par un chemin de pierres claires. Le premier stand est celui d'une femme au visage abîmé par les embruns, ses cheveux lui descendent jusqu'au bas du dos. Elle portait une tunique taupe quand nous sommes passés devant elle et elle t'a salué en essayant de te vendre le poisson qu'elle avait certainement dû pêcher le matin même. Sur son étale tout à gauche il y avait des crustacés encore frais qui remuaient. Juste à côté, quelques préparations que la jeune femme à côté d'elle continuait de produire sur place. Elle portait un voile dans les cheveux pour la protéger du soleil et son visage était parsemé de taches de rousseurs. Si tu te dis que j'invente des détails, alors demain, va vérifier de toi-même. La toiture de la maison devant laquelle elles se tenaient était légèrement abîmée et la pierre de la maison usée. Il y en a d'ailleurs une plus cabossée que les autres, juste au-dessus de leur porte d'entrée avec des traces de clous. Elle a été grattée sur le dessus, sans doute pour essayer de la rendre aussi neuve que celles autour. Il y a une espèce de petite sculpture de coquillage sur le rebord de la fenêtre. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle représente, mais la base est faites d'oursins, trois au total. On y a juxtaposé du bois flottant et collé des gibbules dessus. Neuf gibbules. D'ailleurs, si tu prêtes attention tu-
– Attend, attend...
– Je peux continuer des heures.
– Comment ?
– Je vois et je n'oublie pas. J'entends, je n'oublie pas non plus. Demain va vérifier.
– Je te crois, murmura-t-il. Ce sont des sculptures que les enfants font pour s'amuser. Les parents ont pour habitude de... de les laisser sur le rebord de leurs fenêtres. C'est une tradition ici...
– Les cartes de notre expédition sont de moi.
– Tu as une mémoire remarquable, murmura-t-il.

Beomgyu ne répondit rien et quant à lui, il peinait à réaliser. Remarquable n'était pas le mot qu'il préférait.

– C'est un don rare, d'un grand prestige.
– C'est plutôt un calvaire oui...
– Non, non pas ici !
– Chez moi, cela m'aurait sans doute valu d'être déporté à la capitale.
– Ce n'est pas une bonne chose ?
– Non.
– Ici peu de gens ont leur cet honneur c'est... c'est un cadeau rare des dieux.
– Tu oublies que nous n'avons pas les mêmes, rigola Beomgyu. Je ne suis pas croyant.

La chose lui parut improbable, mais Taehyun ne releva pas ce détail.

– Ma mère dit aussi que c'est peu commun. Elle travaille dans le médical chez moi, alors je la crois. Garde le pour toi, si Seyhoon apprend que je t'en ai fait part, ou pire, mon frère...
– Je ne dirais rien, je t'en fais la promesse.

Beomgyu eut l'air à moitié convaincu et il haussa un sourcil.

– Pourquoi tu me regardes comme ça ?
– Que... Comme quoi ?
– Comme une espèce de bête de foire, se renfrogna l'explorateur.

Sa voix avait de nouveau grimpé dans des notes plus hautes et Taehyun l'entendit presque se blâmer mentalement.

– Je me dis simplement que tu encore plus formidable, murmura-t-il.
– Oh.
– Et tu sais euh... Par rapport à ta voix, ne la force pas.

Beomgyu le regarda sans comprendre.

– J'ai l'impression que tu la forces pour être plus grave. Ne te force pas avec moi, je sais que nous n'avons pas tous les mêmes voix, ce n'est pas un souci d'en avoir une qui ne rentre pas dans les cases. Personne n'a jamais été blâmé pour sa voix sur l'Île Rouge.

En cet instant il eut l'impression de voir une lueur nouvelle briller dans le fond de son regard. Taehyun espéra qu'il s'agisse de la même chose qui faisait battre son cœur un peu plus vite à chaque fois qu'il le voyait.



⋆ ★ 𝐊𝐔𝐊𝐈𝐇𝐈𝐌𝐄 𝑻𝑰𝑴𝑬'

hello ! je souffle enfin, donc j'en profite pour poster mn chapitre du jour ! bientôt les vacances pour certain.es, quelques congés pour d'autres et pour celleux qui travaillent pendant les fêtes; courage !! J'espère que ce chapitre vous aura plu en tout cas <3

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