Chapitre 4
Andrea
♫ Wish you'd wanna hear
All the things I wanna say, but I've been holding it back
If the words slipped out my mouth and found their way in your ear
I wonder what you'd say
While you are asleep
I'm wondering who's laying next to you in your dreams
I'm scared it isn't me, but maybe you're just way too good at pretending
Do you miss me like I miss you?
When he touches me, it ain't you
Take a shot or two or four
Any kind of poison to forget that you're a stranger now ♫
Poison – Yas
— Andrea ! Joder ! S'il te voit débarquer avec moi, il va me buter. Tu m'avais seulement dit de venir récupérer ses affaires.
— J'en ai rien à foutre ! Je vais les lui rendre moi-même et tu vas m'y emmener.
— T'es conne ou quoi ? (Je lui jette un regard furibard à son insulte.) Si Aaron ou un des mecs du MC t'aperçoit avec moi, on va avoir de grosses emmerdes au cul !
— Oui, merci, je ne suis pas débile. Ils sont tous partis en livraison tout à l'heure. T'inquiète, ils ne reviennent que ce soir.
Je savais bien que Juan n'allait pas approuver. Bon, j'avoue que je l'ai un peu roulé dans la farine sur ce coup, mais je crève d'envie de voir quelle gueule va tirer Dean quand je lui balancerai toutes ses affaires que j'ai gardées pendant quatre ans chez moi. Qu'il se rende compte que je ne l'ai pas jeté aux oubliettes comme il le prétend.
Je ne parviens pas à lui pardonner les mots rudes qu'il m'a crachés à la figure hier. J'ai besoin de lui prouver qu'il se trompe sur moi et qu'il culpabilise.
J'ai conscience qu'il ne connaît pas la vérité. Il ne doit jamais la connaître d'ailleurs. Mais Dean, c'est comme une drogue dure. S'en être sevré et y goûter à nouveau, c'est replonger direct. Et le revoir une nouvelle fois aujourd'hui va encore rallumer la flamme de tous ces sentiments que j'éprouve à son égard. Nos souvenirs communs vont me tourmenter et je vais encore tourner et virer dans mon lit en me demandant s'il pense à moi autant que je pense à lui.
Je suis dans la merde !
Car bien que durant quatre ans, j'aie sciemment fermé la porte à toute forme de communication avec lui, je savais que le jour de sa libération arriverait. C'est d'ailleurs survenu bien plus tôt que prévu. Mais j'imagine qu'il s'est plutôt bien tenu et que, les places manquant dans les pénitenciers, ils dégagent les détenus qui ne sont là que pour des condamnations pour petits crimes.
Mais devoir feindre mon amour pour Aaron va s'avérer d'autant plus compliqué avec mon ex dans les parages.
J'enfourne l'énorme sac de voyage rempli des vêtements de Dean dans le coffre de la vieille Cadillac de Juan et m'installe sur le siège passager. Les mâchoires du Mexicain se contractent et je l'entends jurer en espagnol dans sa barbe.
J'aime bien Juan. C'est un gentil gars, bien qu'il ait été bouffé par le cartel. Je le verrais plutôt propriétaire d'un garage avec plusieurs hommes à ses ordres et une femme magnifique à qui il aurait fait plusieurs gosses joufflus. Je suis certaine que c'est le rêve de sa mère, mais malheureusement, l'argent facile est également une addiction difficile à lâcher. Surtout quand de lourdes factures viennent agrémenter le quotidien de leur famille avec les problèmes de santé du père.
Juan finit par se mettre au volant et démarre. Les pneus crissent sur le sable et la voiture dérape à cause de sa conduite nerveuse.
— Tu fais chier ! ajoute-t-il pour la forme.
— Moi aussi je t'aime.
— C'est ça ! bougonne-t-il.
Mes cheveux virevoltant dans le vent, je ferme les yeux quand l'air chaud du désert s'écrase sur mon visage par la fenêtre ouverte.
Au moment où nous arrivons, je ne peux réprimer un ricanement amer.
Le repaire de putes !
Et dire que Dean a eu le culot de me comparer à ces femmes hier soir. Mais qui se perd aujourd'hui entre leurs cuisses en vérité ?
Sombre connard !
Juan gare sa caisse et je remarque immédiatement Dean sur la galerie attenante au parking, en train de discuter avec une brune plantureuse en petite tenue. Ils rient ensemble. Mes dents grincent en réponse.
Il porte les mêmes vêtements que la veille, mais il semble plus reposé. Une légère barbe grignote ses joues et ses cheveux humides sont coiffés en arrière. Il n'y a rien à faire, je suis toujours aussi sensible à son charme ravageur qui me chatouille l'estomac quand je l'observe. Je sais qu'à l'orée de la ceinture de son jean se cache un tatouage. Un que je suis – normalement – la seule à connaître puisque j'en suis à l'origine.
Je me souviens qu'il l'avait fait suite à une petite vengeance de ma part. Il avait ouvertement dragué une fille à mon boulot de l'époque pour m'emmerder et surtout m'avait obligée à démissionner. J'ai toujours été de nature jalouse et dans le temps, Dean aimait jouer de ça pour me rendre folle. Alors, je lui ai mordu la queue le soir même pendant une fellation tandis qu'il s'était complètement abandonné à moi. Cela m'a valu d'être attachée au lit pendant deux jours. Les seules et uniques fois où il m'avait détachée étaient pour que je me rende au petit coin sous sa surveillance – bonjour l'humiliation – et sous la douche. Le reste du temps, il me baisait comme un affamé. Puis, il m'a croqué le cul jusqu'au sang en châtiment.
J'en porte encore la cicatrice...
Je suis d'ailleurs certaine qu'il l'a fait dans le but de me marquer. S'il avait pu incruster son nom au fer rouge dans ma chair comme on l'inflige au bétail, il n'aurait pas hésité une seconde. Au bout des deux jours, il est revenu avec ce tatouage. Je lui ai alors promis que jamais plus je ne planterai mes dents dans son précieux membre, malgré le désir de désobéir juste pour le principe.
Ça m'agace de l'admettre, mais cette vision de lui avec une autre femme m'égratigne. Et même si je ne suis absolument plus dans mon droit de l'admonester pour cela, j'ai tout de même envie de tirer cette grognasse par les cheveux et de lui enjoindre d'aller racoler ailleurs, c'est-à-dire le plus loin possible de Dean.
Je ne supporte pas les prostituées. Pas qu'elles y soient pour quelque chose, mais ma mère ayant été des leurs, je ne peux m'empêcher d'éprouver une certaine animosité à leur encontre. Juste parce qu'elle n'a pas su m'aimer. Qu'elle n'a pas su me protéger d'elle-même, me collant à la peau un passé qui ne me quittera jamais.
J'imite Juan qui sort le véhicule, et récupère le sac dans le coffre. Lorsque nous nous approchons, Dean nous repère et son regard s'assombrit dès lors qu'il m'aperçoit. Il congédie sa pétasse et jette son mégot par terre, qu'il écrase sous son boot.
Vive l'écologie...
Une fois à sa hauteur, je lui balance l'énorme bagage à ses pieds.
— Tes affaires, lui expliqué-je sur un ton mauvais. Ça prend de la place dans mon appart', et vu que tu es revenu...
C'en devient une véritable obsession, je veux à tout prix le blesser, le faire souffrir, l'obliger à réagir. Mais il demeure impassible et ça me rend folle. Puis, il lance un coup d'œil au sac avant de plonger son regard noir dans le mien et de sortir d'une voix calme, mais acérée :
— Ça prend de la place ou ça emmerde ton mec ?
Ses iris se muent en lames aussi tranchantes que des rasoirs, alors j'affûte les couteaux de ma réplique pour l'affronter.
— Il aura des tiroirs en plus comme ça, le provoqué-je.
Sa mâchoire crispée m'indique que j'ai visé exactement là où ça fait mal.
Touché !
Mais je ne m'attends pas à son second assaut qui est l'égal d'une balle en plein cœur.
— La bague de fiançailles que je t'ai offerte y est également, j'espère ?
L'EN-FOI-RÉ !
Je serre les dents, me retenant de lui cracher à la figure toutes les insultes qu'il m'inspire à cet instant précis. Bien sûr que non, ce bijou n'y est pas. C'est le souvenir le plus précieux que j'ai de lui. Pas par son prix, mais par sa valeur sentimentale.
— Tu peux toujours courir pour la récupérer ! maugréé-je.
— Pourquoi ? Tu l'as vendue ? T'es à ce point accro au fric ?
La lueur électrique qui traverse son regard sombre me met au défi.
— Va chier, Dean !
Je lui tends mon majeur avant de tourner les talons et de me diriger vers la route qui mène en ville. Mais bien entendu, Dean ne l'entend pas de cette manière.
Juan jure – jamais connu un mec avec un lexique de grossièretés aussi étendu – et une main aussi brûlante que rugueuse se referme sur mon poignet, puis m'oblige à me retourner violemment.
— Lâche-moi ! grondé-je en tentant de me libérer en vain.
Les billes noires de Dean sont si profondes qu'elles pourraient m'avaler corps et âme. Le contact de sa peau sur la mienne m'électrise et déclenche des picotements sur mon épiderme.
— Rends-moi la bague ! m'ordonne-t-il.
— Non !
Il resserre sa prise, m'infligeant une douleur qui irradie dans tout mon bras. Je grimace, m'agite encore plus pour me défaire de sa poigne, mais il est trop fort pour moi.
— Tu vas me la rendre, Andrea. Que ce soit de gré ou de force !
Je déteste quand il prononce mon prénom avec ce ton véhément. Cela n'augure généralement rien de bon et je suis certaine de déguster sévère plus tard. Dean n'est pas un homme tendre, surtout lorsqu'il a une cible dans le collimateur.
— Dean ! l'interpelle Juan.
Mon ex me lâche, mais n'interrompt pas l'échange visuel cataclysmique qui opère entre nous. J'ai conscience que si nous avions été seuls, il aurait été beaucoup plus impétueux qu'il ne l'est déjà. Dans un sens, je me bénis d'être venue avec Juan, car cela m'a assuré une certaine sécurité.
— Je te préviens, menace-t-il, si tu ne ramènes pas cette bague d'ici deux jours, je la récupérerai moi-même. Et crois-moi, tu n'as pas envie que je le fasse.
Un frisson glacial lèche mon échine à l'instar d'une lame de poignard. Je ne prends pas à la légère son avertissement. Je sais très bien qu'à partir du moment où Dean donne un ultimatum, il vaut mieux le respecter. Les risques courus sont bien trop importants.
— Et que ce soit clair, Bluebell, ajoute-t-il, ton mec est loin de me foutre les boules.
Bluebell...
Ce surnom qu'il m'avait donné en référence à cette fleur bleue du désert qui, selon lui, était aussi belle et délicate que moi. Je le déteste d'utiliser ce sobriquet normalement tendre à des fins malicieuses.
Je ne réponds rien, consciente qu'Aaron n'impressionne en rien Dean, et déguerpis comme si j'avais la mort aux trousses.
***
Je longe la route sous le soleil qui me grille la peau malgré mon teint mat. Mon altercation avec Dean tourne en boucle dans mon esprit et vrombit dans mon crâne. Je sais très bien que je vais bientôt le revoir, car il est absolument hors de question que je lui rende sa putain de bague.
Faudra me la prendre de force !
Je ne la porte plus depuis qu'il a été emprisonné. Ç'a été un crève-cœur de l'enlever, mais si je voulais séduire Aaron, je n'avais d'autre choix que de montrer patte blanche pour qu'il pense que j'étais célibataire. Pas très compliqué de draguer le numéro 2 de cette faction de bikers, cela dit. Cependant, mon amour-propre en a été entaché, surtout quand j'ai dû prouver ma motivation.
Le jour où j'ai sauvé la vie de Dean, j'ai perdu la mienne en échange.
Je perçois le bruit d'un moteur de voiture qui ralentit près de moi. Je jure que si c'est encore un de ces connards qui me prend pour une des putes de Ruben en train de tapiner, je lui lance une pierre dans la tronche.
— Qu'est-ce que tu fiches ici, ma jolie ? entonne la voix familière de Sharon.
Je me tourne vers elle, heureuse de trouver un visage amical alors que je suis en pleine tourmente. Elle comprend immédiatement que je suis mal. Elle baisse ses lunettes de soleil et ses yeux délavés par trop d'années d'excès m'examinent avec inquiétude.
— Ma fille, t'as pas l'air dans ton assiette.
Je serre les dents pour interdire à mes larmes d'affluer. Sharon soupire, puis replace ses verres sur le nez.
— Je suppose que le retour de ton Dean y est pour quelque chose, note-t-elle.
Même elle est au courant...
Mes épaules s'affaissent de dépit. Je suis comme une poupée désarticulée à qui on vient d'arracher son âme.
— Allez, grimpe, poussin ! Je te paye un café.
Je ne me fais pas prier et contourne sa voiture pour monter à l'intérieur.
— Comment tu sais qu'il est revenu ? lui demandé-je.
Je vois bien qu'elle hésite, mais Sharon et moi ne nous cachons jamais rien. Elle connaît tout de moi comme je connais tout d'elle. C'est une sorte de mère de substitution malgré les nombreuses similitudes qu'elle a avec ma génitrice. À une différence près : elle, elle m'aime.
— Tout simplement parce qu'il est passé à la boutique hier.
— Et tu étais trop occupée pour m'envoyer un message afin de me prévenir ?
Elle prend une grande inspiration, resserre sa poigne sur son volant, puis déclare :
— Je lui ai dit d'aller te voir, chérie. Mais il était en colère et m'a balancé que vous deux c'était de l'histoire ancienne. Il a ajouté des choses assez disgracieuses que je ne te répéterai pas. Alors j'ai préféré garder le silence. J'ai pensé que tu en souffrirais...
J'appuie ma tête contre l'encadrement de la fenêtre et regarde les maisons décrépies par le soleil défiler sous mes yeux.
— Il est passé au bar, lui annoncé-je. Il m'a vue avec Aaron.
Sharon ne répond rien, parfaitement consciente que j'ai besoin de temps pour lui déballer toute l'histoire et que la suite n'est pas reluisante.
— Et effectivement, continué-je, il est en colère. Mais qui ne le serait pas à sa place ? Je l'ai trahi, Sharon !
— Ça, il ne le sait pas, poussin.
— C'est pas de ça que je parle. Il m'a trouvée avec un autre homme alors que je l'ai laissé pourrir en taule sans jamais lui donner de nouvelles. J'aurais pu aller lui rendre visite, au moins pour rompre et ne pas l'abandonner avec de faux espoirs. Tu aurais vu la détresse que j'ai lue dans son regard, Sha... Je me dégoûte encore plus.
— Poussin... La meilleure chose que tu puisses faire aujourd'hui est d'avouer la vérité à Dean.
Sharon est au courant de tous mes secrets. Heureusement que j'ai cette confidente sinon j'aurais pété un plomb depuis belle lurette. À l'instar d'une soupape, elle me permet de faire baisser la pression quand je ne supporte plus ma situation. Elle a été cette épaule sur laquelle j'ai pleuré mon amour perdu que je n'ai jamais cessé d'aimer toutes ces années. Elle m'a consolée d'innombrables fois quand le manque de Dean était trop fort. Elle a été là à chaque fois que j'ai failli craquer, m'empêchant d'aller supplier Ruben de me coller cette fichue balle dans la tête parce que ma vie sans Dean est devenue insoutenable. Mais j'ai aussi conscience que ce n'est qu'une rustine qui n'évitera pas éternellement la culpabilité de mes actes de m'engloutir.
— Tu sais très bien qu'il va vouloir buter Ruben. Il est trop fier, trop arrogant. Regarde sa réaction avec moi alors qu'il se doutait bien qu'après quatre ans, je n'allais pas l'accueillir en écartant les cuisses. C'est lui qui va être tué... et moi avec. À choisir, je préfère qu'il me haïsse jusqu'à la fin de ses jours, mais qu'il vive.
Sharon n'ajoute rien parce qu'elle sait qu'il n'y a pas d'autres issues possibles. Toute cette histoire est un entrelacs de secrets que je m'évertue à garder au plus profond de moi afin de nous sauver tous les deux. Et peut-être, égoïstement, mon cœur avant tout. Le seul problème, aujourd'hui, c'est que Dean est sorti et est de nouveau sous le joug de Ruben. Dieu sait ce que ce dernier prévoit encore... La trouille me dévore le bide parce que je n'ai aucune certitude qu'il n'essaiera pas à nouveau de se débarrasser de l'homme que j'aime.
Sharon nous emmène chez elle. Nous nous installons à l'ombre sur sa terrasse, des tasses fumantes de café pour nous accompagner.
— Je n'avais jamais observé une telle rage dans ses iris alors qu'il me regardait, expliqué-je, perdue dans mes souvenirs encore frais. Tu penses... Il a vu Aaron m'embrasser, me toucher... À sa place, j'aurais eu envie de cramer ce putain de bar qui me sort par les trous de nez.
Sharon me tend une cigarette de son paquet. Pas que je sois fumeuse, mais je ne refuse pas de m'en griller une de temps en temps depuis que tous ces soucis me pourrissent l'existence.
— Je savais qu'en le protégeant, je le perdrais. Mais je ne pensais pas que ce serait si douloureux de le revoir. En fait, je ne pensais pas le revoir tout court. C'était plus facile comme ça. Mais là... Bordel, j'ai mal à en crever !
Sharon m'écoute religieusement, tire sur sa clope en observant les herbes cramées de son minuscule jardin qui n'est en réalité qu'une vague étendue de terre et de sable.
— Je n'ai pas grand-chose à t'apprendre sur l'amour, m'indique-t-elle. Tu sais, les hommes et moi...
Je lui jette un coup d'œil pour lui signifier que j'ai compris. Dans cette ville, nombreuses sont les femmes qui ont déjà offert leur corps contre un peu d'argent. La misère court plus les rues que l'opulence. Et la gent féminine n'a pas beaucoup de choix quand il s'agit de nourrir ses enfants ou de ne pas finir à la rue.
— T'as pas besoin d'en parler, Sha... Je sais trop ce que c'est. Et suis-je vraiment différente ?
— Raconte pas de conneries, chérie ! Tu te tues à petit feu pour sauver le mec que tu aimes. Tu n'as rien à voir avec ta mère ou même moi. Non... C'est juste pour que tu comprennes que je ne connais pas l'amour. Mais si je devais être aimée, je souhaiterais que ce soit de la manière dont tu aimes ton Dean. Inconditionnellement et avec abnégation.
Est-ce une si bonne chose ?
Sharon pense me complimenter en me disant cela, mais elle ne réalise pas la souffrance que cela génère derrière. Pour Dean. Pour moi. Et éventuellement Aaron si ses sentiments sont sincères, mais lui m'importe peu.
— Je suis allée lui rendre ses affaires tout à l'heure, avoué-je. C'est pour ça que tu m'as trouvée sur le bord de la route. On s'est méchamment pris le bec et je suis partie.
Mon amie tourne la tête vers moi, me fixe en attendant la suite.
— Il pense que j'ai profité de son incarcération pour me caser avec un autre mec. Il m'a traitée de pute...
Je n'arrive pas à camoufler la brisure dans ma voix en lui dévoilant cela. Sharon sait combien cette insulte me blesse, moi qui me débats de toutes mes forces pour ne pas sombrer dans cette voie qui m'a privée de mon enfance et d'une maman.
— Dès que nous nous voyons, ce n'est plus de l'amour qui opère entre nous, expliqué-je. C'est de la haine.
Je fixe le bout de mes santiags, mortifiée par mes propres mots.
— Il exige que je lui rende sa bague, soufflé-je.
Sharon se débarrasse de sa tasse de café, se lève et vient m'enlacer par-derrière. Son parfum fleuri m'englobe et a quelque chose de rassurant. Ces odeurs qui ramènent à l'enfance et que je n'ai pas connues hormis avec elle. Ma mère de substitution dépose un baiser sur ma joue et me berce comme si j'étais sa propre fille. Elle a perdu la sienne dans un tragique accident de la route qui a aussi emporté son mari. Elle n'a jamais réussi à s'en remettre, ce que je peux comprendre. Je n'ose imaginer ce qu'on ressent quand son enfant décède. Mais depuis notre rencontre, elle déverse sur moi tout l'amour maternel qu'elle n'a jamais pu offrir à sa petite. J'en profite également, car on ne peut pas vraiment dire que ma propre mère était un exemple de tendresse à mon encontre. J'étais plutôt un boulet qui l'encombrait.
— Tu comptes la lui rendre ? s'inquiète-t-elle.
Je secoue vivement la tête, chassant au passage les larmes qui se sont agglutinées au bord de mes yeux et qui coulent désormais sur mes joues.
— C'est l'unique chose que je ne peux me résoudre à abandonner. J'ai trop de souvenirs qui y sont attachés. Pourtant... Pourtant je devrais. Mais ça m'est impossible.
Les images de sa demande reviennent comme un boomerang dans ma mémoire et je ne peux plus contenir les pleurs qui m'obstruent la gorge depuis tout à l'heure. Dans les bras de Sharon, je donne libre cours à mon chagrin, sanglot après sanglot, libérant ces sentiments qui m'ont rongée depuis quatre ans et qui sont aujourd'hui, plus que jamais, plus forts que tout.
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