Chapitre 6 : Fuite et remords

Je remonte très lentement à la conscience. J'arrive finalement à ouvrir les yeux après quelques minutes de combat intérieur avec mon corps. À mon réveil, je remarque que je suis toujours allongée sur le canapé avec la couverture de Kai remontée jusqu'à mes épaules. Mon « kidnappeur » est assis sur une chaise juste à côté de moi. Alors il est vraiment resté avec moi pendant tout ce temps... Ce soudain élan de gentillesse contraste avec sa cruauté un peu plus tôt dans la journée.

Suite à mes petites réflexions intérieures, je constate qu'il s'est endormi, sa tête est posée sur mes genoux, comme un enfant le ferait. Ce moment presque hors du temps me donne l'occasion de le détailler un peu plus. Son visage fin, ses cheveux qui paraissent si doux qu'on aurait envie de passer ses mains dedans, les traits de son visage semblent si détendus, si... innocents. Tout cela détonne réellement avec sa personnalité et ses sautes d'humeur. En laissant mon regard voguer, j'aperçois ses deux yeux bleus fermés, il semble presque apaisé. Son nez plutôt fin lui donne un air mignon, en opposition avec sa moustache naissante qui le fait paraître plus mature. Pour finir, ses lèvres, fines elles aussi, se trouvent légèrement gercées.

Pour ne pas mentir, je m'attarde beaucoup sur son visage malgré moi, il a quelque chose d'envoûtant. Je ne saurai pas dire pourquoi, mais je ressens des choses que je ne devrai pas ressentir envers lui. Après tout, c'est un sociopathe, il m'a fait captive et prisonnière de ce monde avec lui, il m'a torturé plusieurs fois froidement, et même avant tout ça il a fait souffrir mes proches de nombreuses fois. Je ne devrai pas ressentir de sentiments positifs envers lui, je devrai uniquement le détester. Mais c'est bien ça le problème, je n'arrive pas à le détester totalement. Je suis donc dans une position dangereuse de laquelle je dois m'extraire rapidement.


Mes pensées profondes se font interrompre par mon retour à la réalité et par deux orbes bleus qui me fixent intensément. Il vient de se réveiller et je m'aperçois que son visage laisse transparaître de la douceur à ce moment précis.

« Tu es réveillée. J'ai eu un peu peur en te voyant t'effondrer comme ça. Du coup, je t'ai soignée avec ma magie et quelques pansements. J'ai veillé sur toi pour être sûr que ça allait, mais je suis certainement tombé de fatigue un peu après tout ça... désolé. »

Pour prendre conscience de ses paroles, j'observe mes blessures et, effectivement, elles ont été pansées et soignées. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il me blesse et me fait du mal s'il finit par être inquiet par la suite et par me soigner dès que j'ai une blessure. Pourquoi est-il froid et sans sentiment, puis attentionné et chaleureux quelques minutes après ? Je n'arrive pas à le comprendre, et cette incertitude le concernant me plonge dans un état de stress et de crainte constante. Il est capable de tout, de m'aider puis d'être à la limite de me tuer dans la seconde qui suit. Je dois fuir le plus loin possible de cet individu si difficile à cerner, il en vaut mieux pour ma vie.

« Je vais aller te chercher un verre d'eau et de quoi manger pour que tu reprennes des forces. Tu dois être affamée. »

Il finit par se lever et partir en direction de la cuisine. C'est ma chance de fuir, je dois la saisir ! J'essaie de me redresser du mieux que je peux malgré la douleur qui reste présente et je me lève. Je veille à ne pas faire de bruit pour n'éveiller aucun soupçon et me dirige lentement vers la porte d'entrée. Une fois arrivée devant la porte, je prie de toutes mes forces pour qu'elle ne soit pas verrouillée, sinon je peux dire adieu à ma liberté. Ma main s'approche de la poignée, je suis effrayée mais je tente ma chance. Et quelle ne fut pas ma stupéfaction en constatant que j'ai réussi à actionner la poignée sans difficulté et que la porte d'entrée s'est ouverte. Je prends alors soin de sortir discrètement en refermant la porte tout aussi discrètement. Mais, une fois cela fait, une montée d'adrénaline surgit en moi et je mets à courir à en perdre le souffle.


Je ne sais pas depuis combien de temps je cours, mais, malgré mon souffle erratique, je continue ma route jusqu'à rejoindre la ville. Je ne connais absolument pas Portland, donc je suis un peu déroutée et perdue, mais je finis par atteindre le centre-ville. Mon but est simple : trouver un appartement un peu caché et discret où je pourrai rester le temps de réfléchir à un moyen de quitter cet endroit de malheur. Et justement, je viens de repérer un immeuble un peu discret, qui se fond dans la masse. J'entre alors dans le hall et monte les étages afin d'atteindre le cinquième étage où je trafique la serrure d'un des appartements pour pouvoir y entrer. Heureusement que Damon m'a appris à crocheter des serrures, même si on taira le pourquoi du comment on en était arrivé là. Mais, à cet instant précis, je le remercie grandement de m'avoir appris.

Une fois la porte déverrouillée, je m'engouffre dans l'appartement en prenant soin de refermer la porte derrière moi et de la verrouiller pour ne pas avoir de mauvaises surprises. J'atterris donc dans un appartement plutôt simple et pas trop chargé en décoration. Seules quelques photos Polaroïd représentant des paysages sont accrochées au mur. Je me dirige alors vers la cuisine pour vérifier les placards et, à ma grande surprise, ils sont très bien remplis. Au moins, j'aurai de quoi manger ici, c'est déjà ça. Je finis donc par me prendre quelque chose à manger et me sers un verre d'eau car mon corps me fait comprendre que je n'ai rien avalé depuis trop longtemps et que ma course effrénée n'a rien arrangée. Tout bien réfléchi, je vais rester ici quelques jours, juste le temps de mettre en ordre mes pensées et de réfléchir à un plan pour quitter cet endroit en étant sûre de rester en vie, ce qui est difficile quand on est enfermée avec un sociopathe qui cherche une distraction.


Cela fait maintenant trois jours que je me suis retranchée dans cet appartement du centre-ville. J'ai eu un peu de temps pour me recentrer sur moi-même. Malheureusement, aucun des plans auxquels j'ai pensé ne résoudrait le problème du sang de sorcière Bennett pour parvenir à sortir d'ici, ni même d'ailleurs le problème de la localisation de l'ascendant, objet nécessaire pour réaliser le sort qui me ferait sortir de ce monde.

Alors que je suis encore en train de penser à un énième plan sans issue, trois coups se font entendre sur la porte de l'appartement. Non... Il n'a pas pu me retrouver, c'est impossible. J'ai fait exprès de rejoindre la ville, de trouver un appartement discret, dans un immeuble discret... Rien ne peut le mener à moi. Mais il faut croire que j'ai dû commettre une erreur quelque part car il m'a réellement retrouvée. S'il entre ici, je vais mourir à coup sûr. Il doit être en colère depuis qu'il s'est rendu compte que je me suis enfuie, il veut certainement me retrouver pour me torturer à nouveau... et peut-être me tuer cette fois-ci.

« Allison ? Je sais que tu es ici. Est-ce que... tu pourrais ouvrir, s'il te plaît ? »

Je reste paralysée sur place, n'osant plus bouger. Jamais je ne lui ouvrirai, il faudrait avoir perdu la raison pour faire ça. Je n'arrive plus à penser de façon rationnelle. Le son de sa voix me paralyse littéralement. Pourtant, sa voix a l'air posée et il semble calme, loin d'être en colère ou irrité. Au contraire, sa voix se fait quasiment suppliante, comme s'il était abattu de savoir que je suis partie. Comme je ne réponds pas et que je n'ai engagé aucun mouvement, il enchaîne par désespoir.

« D'accord... Je comprends que tu ne veuilles pas ouvrir. Après ce que je t'ai fait subir, je le comprends parfaitement. Alors, je vais t'avouer ce que je voulais te dire en venant te voir... »

Il semble un peu hésiter avant de reprendre, comme s'il cherchait ses mots, visiblement mal à l'aise.

« Tout d'abord, je tenais à m'excuser pour... tout ce que je t'ai fait subir depuis qu'on est ici. Je m'excuse aussi de t'avoir même amenée de force ici avec moi. Pardon aussi pour mes changements d'humeur, avec le recul je me doute que ce doit être déroutant. Pour être tout à fait honnête, je ne me comprends pas moi-même. Je ne sais pas pourquoi je t'ai torturé, je n'en avais aucune envie pourtant, je te le promets. Mais, j'ai juste ressenti des choses que je n'avais jamais ressenties avant, et... ça m'a fait peur. Alors, à chaque fois que je ressentais ça, je me protégeais en faisant la seule chose que j'ai toujours faite : faire du mal pour réprimer toute forme de sentiment. Je suis tellement désolé, si tu savais à quel point... Je n'ai jamais voulu te blesser. À chaque fois que je le faisais, je te soignais et j'étais aux petits soins avec toi parce que je... je m'en voulais de t'avoir fait du mal. Ce sentiment que j'avais découvert à cause de Bonnie il y a quelques temps, je le ressens encore aujourd'hui : la culpabilité. Si tu savais à quel point ça me fait mal, à quel point ça me fait peur. La vérité c'est que je suis effrayé à l'idée que tu me détestes parce que... tu es la seule avec qui je me sens apaisé. Tu es d'ailleurs la raison de mon bien-être, c'est une sensation toute nouvelle pour moi, je ne l'avais jamais ressentie auparavant, et ça me fait peur. Je te promets de ne plus jamais te torturer, je ne te ferai plus jamais de mal. J'ai compris aussi qu'on doit s'entraider pour sortir d'ici. Ne serait-ce que pour trouver l'ascendant, nous avons besoin d'être soudés.

J'ai... J'ai besoin de toi Allison... Reviens s'il te plaît... Pardonne-moi... Ou ne me pardonne pas, mais ne m'abandonne pas s'il te plaît... Parle-moi... Dis quelque chose... »


Il est train de me parler à travers la porte, et malgré ça, je peux entendre les sanglots qu'il réprime à chacun de ses mots. Kai est en train de pleurer. Pour la deuxième fois de ma vie, je l'entends pleurer. Je ne sais pas pourquoi, il me semble sincère. Peut-être parce que ce n'est pas dans sa nature de pleurer. Malachai Parker, le sociopathe, ne pleure jamais. Il ne ressent rien, si ce n'est du plaisir à voir les autres souffrir à cause de lui. Mais là, il semble ressentir d'autres émotions très diverses : la peur, la tristesse, la joie, la culpabilité. J'hésite quelques instants, pesant le pour et le contre, puis j'arrête de réfléchir et ouvre finalement la porte. Devant moi, Kai a le dos appuyé sur le cadran de la porte, il sanglote, les yeux rougis par la tristesse et de gros cernes sous ses yeux.

Quand il me voit ouvrir la porte, Kai se jette immédiatement dans mes bras en continuant de pleurer. Un peu sonnée, je ne sais pas réellement comment réagir. Malgré cela, il s'accroche à moi et, parmi ses sanglots, je crois distinguer quelques-unes de ses paroles : « Pardonne-moi Allison... Je suis un monstre... Ne m'abandonne pas... ». Je ne sais pas quoi faire face à ses actes, je suis comme paralysée. Une nouvelle fois, je suis tiraillée entre l'empathie que je peux ressentir face à sa peine et la haine profonde que je voue à ses actes de torture. Je n'arrive plus à avoir la notion du temps, mais je suis bien restée plusieurs longues minutes avec Kai toujours blotti contre moi en sanglotant. Ses paroles sont déroutantes, surtout sur la question de l'abandon. Kai, le sociopathe qui éprouve du plaisir à me faire souffrir, a peur de mon abandon... Rien de cela n'est logique. Pourtant, je me surprends à laisser mes bras s'enrouler autour de son corps dans une tentative de réconfort.

Bien que troublée, je tente tant bien que mal de réconforter Kai. Ce dernier finit doucement par se calmer et ses sanglots cessent lentement. Puis, sans réfléchir, je l'invite à entrer dans mon refuge de ces derniers jours. Il s'assoit sur le canapé et n'ose pas lever les yeux vers moi.

« Kai... Je pense ne pas trop comprendre tout ce que tu m'as dit derrière la porte, surtout la partie de l'abandon. Je ne sais pas non plus si tu es sincère dans tes paroles quand tu me promets de ne plus me faire de mal. Comprends que je ne peux pas faire confiance à de belles paroles, surtout après ce que tu m'as fait vivre. »

À mes derniers mots, il semble se morfondre encore plus, comme s'il prenait conscience de tout le mal qu'il m'a fait subir depuis le début. Cependant, je ne comprends pas réellement d'où sort cette soudaine inquiétude me concernant. Il me semblait pourtant qu'avec sa personnalité, l'empathie n'est pas réellement son fort, surtout pour un sociopathe comme lui. Mais, avant que je ne puisse rajouter quoique ce soit, une petite voix s'élève dans la pièce.

« Je suis inexcusable pour toutes ces horreurs que je t'ai faites subir. Je suis impardonnable, et je comprendrai que tu ne me pardonnes jamais... Si je suis venu te voir c'est parce que j'ai compris que je n'arriverai à rien sans ton aide et que tu as également besoin de moi pour sortir d'ici. Je sais que tu as du mal à croire ma sincérité, mais c'est la vérité et, si tu me laisses une chance de me racheter, je pourrai te prouver que je ne veux plus te faire de mal. »

Je reste perplexe face à ses explications mais, en ayant analysé son visage pendant qu'il parlait, j'ai vu qu'il parait sincère dans ses mots. D'ailleurs, il a totalement esquivé la question de l'abandon, mais je trouverai bien un moyen de la remettre sur le tapis. Je ne sais juste plus quoi penser.

« - Écoute Kai, j'ai du mal à poser du sens sur tout ça. J'ai envie de te croire mais mon corps me rappelle encore ce que tu m'as fait subir. Alors, pour prouver ta sincérité, je te propose une chose.

- Dis-moi tout... Je veux absolument me racheter. Me demande-t-il l'air visiblement abattu.

- Trouve l'ascendant et un moyen de le faire fonctionner pour nous faire sortir d'ici. Après cela, tu seras racheté et je te croirai réellement. Lui lançai-je en soutenant son regard.

- D'accord, aucun souci. Merci de me laisser une chance. Tu sais, j'ai quelque peu réfléchi à la localisation de l'ascendant mais je n'ai aucune idée précise du lieu où il peut être. J'ai simplement une piste possible.

- Laquelle ?

- Je pense que l'ascendant doit se trouver dans un endroit que je connais, quelque part qui m'est familier, parce que ce monde prison a été construit pour moi. Me confie-t-il un peu plus assuré.

- Je pense que c'est une bonne piste effectivement. »

Après quelques minutes de discussion sur l'ascendant, nous décidons de partir à sa recherche dans ce monde isolé de toute autre forme de vie.

« Donc, l'ascendant doit être dans un endroit qui nous est familier ou du moins qui t'est familier. Dis, tu n'aurais pas un endroit dans lequel tu allais souvent pour être seul à cause de ton père ? »



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Me revoilà avec un nouveau chapitre ! Kai semble se remettre en question et le changement s'amorce doucement. Allison doute toujours de sa sincérité, mais elle tente quand même de passer outre le tourbillon de ses sentiments pour faire équipe avec lui et sortir du monde-prison.

J'espère que vous avez apprécié votre lecture ! N'hésitez pas à voter pour ce chapitre et y laisser un commentaire, si le coeur vous en dit !

On se retrouve bientôt pour un nouveau chapitre !

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