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20 Novembre
14h57

Allongé sur mon lit, je laissais la musique me bercer, le regard fixant la veste en cuir posé sur mon bureau de travail. C'était celle de Jungkook. Notre dernière altercation remontait d'il y'a quatre jours et dieu seul savait pourquoi je ne lui avais toujours pas rendu sa veste. La vielle, je m'en étais servi pour dormir. Bizarrement l'odeur de Jeon Jungkook semblait m'apaiser. Mais malheureusement, plus les jours passaient et plus elle se dissipait.

Alors que je peignais à reconstituer les  souvenirs restants de ces derniers jours, la porte s'ouvrît. J'ai doucement tourné la tête vers celle-ci avant de rencontrer le regard furieux de ma mère.

En y réfléchissant, son regard sur moi était souvent colérique, froissé ou frustré. Je ne savais pas pourquoi mais j'avais l'impression qu'elle était toujours énervée contre moi. Parfois je me demandais même si elle regrettait de m'avoir mis au monde, car il était évident que j'étais la première de ses déceptions. Pourtant je me souvenais encore de son sourire rayonnant et de ses yeux doux qui m'étaient adressés lorsque j'étais plus jeune.

Avec le temps, avait-elle tout simplement cessé de m'aimer ? Ou ne m'aimait-elle juste plus assez ? Peut-être qu'au fil des années, de son fils, elle avait fini par se lasser.

Ses sourcils étaient si froncés que j'ai cru halluciner lorsqu'elle les fronça encore plus. Son pied se mit à taper nerveusement contre le sol, les mains croisés sur sa poitrine et le regard jugeant. J'ai descendu mes yeux vers sa tenue, remarquant qu'elle revenait sûrement du travail. De toute façon elle ne savait que faire ça de ses journées ; travailler, travailler et encore travailler. Peut-être allait-elle remporter le prix de la femme la plus bosseuse dans le monde du travail ? Mais accompagné aussi de celui de la mère de famille la moins présente. Les deux semblaient lui aller parfaitement bien.

_ Tu comptes t'expliquer ou tu préfères que je commence à te crier dessus dès maintenant ? Dit-elle en rentrant dans la pièce, prenant la peine de claquer la porte.

J'allais passé un mauvais quart d'heure et je ne savais même pas pourquoi. Toutefois, je me demandais ce qu'elle allait faire une fois qu'elle se serait rendue compte que ses cris ne me faisaient absolument rien. En tout cas plus maintenant. Je n'étais plus le petit enfant qui pleurait dès qu'on lui criait dessus, et je savais qu'elle n'était pas assez présente pour s'en rendre compte.

_ Eh je te parle ! Cria-t-elle en s'énervant de plus belle, agacée de mon comportement.

La veine qui ressortait de son front ne passait plus inaperçue et je crus même voir un élan meurtrier dans son regard sombre.

_ Espèce de gamin ! Tu penses que c'est comme ça que tu vas réussir à accomplir quelque chose ? Tu penses que fuir les cours et rester cloîtré dans ta chambre matin, midi et soir va t'apporter quelque chose ?

C'était donc pour ça. Elle venait alors d'apprendre que je n'étais pas allé en cours le matin.

_ Et ton père, bien évidement, n'a pas répondu à l'appel du lycée, continua-t-elle en haussant toujours plus la voix. J'ai dû me déplacer de mon travail jusqu'ici pour venir te chercher et te ramener en cours Jimin.

_ Je ne viendrai pas.

Ma voix était calme et pourtant elle avait eu le dont de l'énerver encore plus. Mais je ne pouvais pas retourner à l'école. Pas après ce jour là.

Allait-elle m'en vouloir de fuir mes cauchemars ?

_ Je ne te demande pas ton avis.

Alors pourquoi n'a t-elle pas demandé la raison ?

_ Tu prends ton sac, tu mets tes affaires et tu me suis, ordonna-t-elle en me menaçant du regard comme elle savait si bien le faire.

_ Je ne viendrai pas maman.

Elle laissa échapper un cri de frustration, avant de s'approcher de mon bureau et de fourrer dans mon sac de cours tous les cahiers qu'elle trouvait à la main.

_ Je m'en fiche de savoir ce que tu as aujourd'hui, dit-elle les dents serrées, tu vas prendre ce sac que j'ai spécialement fait pour toi et tu iras à l'école.

Je me doutais bien qu'elle devait déjà être énervé depuis son travail, et que le coup de téléphone du lycée l'avait encore plus énervé, mais je ne pouvais tout simplement pas accepter d'y aller.

_ Pars sans moi, dis-je d'une voix faible.

_ Tu iras à l'école.

Et elle claqua la porte, bien évidement sans oublier de me dire qu'elle m'attendait dehors et que j'avais intérêt à descendre à la minute.

Dégouté, j'ai pris mon sac et me suis dirigé vers la porte, les mains déjà tremblantes de peur. Je ne voulais vraiment pas y aller. Pas après ce qui m'était arrivé.

_ Park Jimin descend tout de suite ! Cria maman depuis le rez-de-chaussée. Tu n'es plus un enfant !

J'ai fermé la porte derrière moi, avant de descendre les marches grinçantes sous chacun de mes pas, ravalant du mieux que je pouvais mes larmes. En revanche mes mains, elles, continuaient de trembler. Mais bien évidement, ça maman ne le voyait pas. Maman ne remarquait jamais rien de toute façon.

Lorsqu'elle me vit arriver, elle monta dans sa voiture, prenant soin de montrer son mécontentement en claquant de nouveau la portière. J'ai dégluti, avant de monter à mon tour dans la vieille bagnole et de mettre la ceinture.

Honnêtement pourquoi je la mettais ? C'est pas comme ci ça ne m'arrangeait pas de mourrir à l'instant d'un accident de voiture. Je trouvais ce geste tellement hypocrite et ironique de ma part.

Alors que je m'attendais à ce qu'elle démarre, maman soupira avant de laisser reposer sa tête sur le volant.

_ Honnêtement Jimin, je suis si épuisée, murmura-t-elle en passant nerveusement sa main dans ses cheveux. Je ne voulais pas te crier dessus mais c'est difficile de rester calme ; au travail c'est les nerfs, ton père m'énerve encore plus, et maintenant toi aussi tu te rajoutes à l'équation.

Je n'osais rien dire, je ne m'attendais pas à ce qu'elle parle aussi calmement. Pris de court, je restais là sans bouger, le regard dirigé vers un point fixe sur la porte du garage.

_ Je me suis disputée avec ton père ce matin.

Je ne savais pas pourquoi elle me le disait, je le savais, je les avais entendu. Ils étaient assez égoïstes eux deux et je ne pouvais que le remarquer par leur manière de déchirer notre famille avec leurs mots blessants.

_ Il est parti avec sa valise ce matin, continua-t-elle d'une voix un peu plus basse.

Honnêtement je ne savais pas pourquoi ils s'étaient mariés. J'aimais ma mère malgré tous ses défauts, mais je savais aussi qu'elle était une mauvaise épouse et incapable de s'occuper correctement d'une famille. J'aimais également mon père, mais je me demandais comment il avait fini par se marier avec une telle femme. Lui était plus calme. Il aimait énormément passer du temps avec sa famille. Alors comment avait-il fait pour tomber amoureux d'une femme qui ne pensait qu'à son travail et à la réussite scolaire de sa progéniture ? C'était tout bonnement absurde, ils se faisaient juste du mal à vouloir s'accrocher l'un à l'autre.

_ Alors s'il te plaît ne me mets pas en colère et vas à ton dernier cours de la journée, finit-elle par dire en relevant la tête pour poser son regard sur moi.

Voyant que je ne répondais toujours pas, maman soupira avant de démarrer et de prendre route pour le lycée. Le trajet fut silencieux et une fois devant l'établissement, elle coupa le moteur et je descendis sous son regard ravi. Elle redémarra ensuite sans un mot, alors que j'avançais vers le portail d'un pas lent. Une fois que sa voiture disparut à l'horizon, j'ai reculé et me suis éloigné de la bâtisse.

Je ne savais pas où j'allais mais je m'éloignais de ce lieu. À ce moment là, je me fichais de savoir ce que penserait ma mère. Je savais que le lycée rappellerait et qu'elle allait péter un câble sur moi et mon père qui n'avait absolument rien avoir avec ça. Mais je ne pouvais pas aller à l'école. Pas après ce qu'il m'était arrivé il y'a quelques jours.

Non, je ne pouvais pas. C'était au dessus de mes forces.

Inconsciemment, je m'étais retrouvé sur le grand pont de la ville. Mes pieds m'y avaient conduis avant même que ma pensée ne me le communique. Le regard perdu sur la belle vue, je me suis adossé contre la paroi du pont, ignorant les quelques voitures qui passaient rapidement sur la route derrière moi. Finalement, mes yeux se posèrent sur une cabine téléphonique à seulement quelques mètres de moi. Je me suis difficilement redressé, comme si un poids sur mes épaules m'empêchait de me déplacer, et suis rentré à l'intérieur. C'était un téléphone spécial pour les personnes qui étaient à "bout" et qui voulaient sauter de ce pont.

Après maintes hésitations, j'ai finalement approché le combiné de mon oreille.
Au bout de quelques secondes de bip sonore, la voix d'une femme se fit entendre à l'autre bout du fil.

_ Bonsoir, ici la ligne d'urgence anti-suicide.

J'ai dégluti, c'était comme si elle répondait machinalement.

_ Je suis sur un pont, ai-je finalement dit après de longues secondes d'hésitation.

_ D'accord... je vous écoute.

_ Je crois qu'il y'a quelqu'un qui veut sauter, me lançai-je. Cette personne veut se jeter dans le fleuve, mais il semble hésiter... Y'a t'il une raison pour laquelle elle pourrait s'accrocher à ce monde ?

J'ai balayé la larme qui venait de rouler le
long de ma joue, le regard fixé vers l'horizon.
Un petit bruit se fit entendre, me laissant croire que la femme à l'autre bout du fil venait de se lever de sa chaise qui grinçait.

_ Êtes vous la personne qui envisage de sauter ? Demanda-t-elle d'une voix
peu soucieuse.

_ Je peux vous poser une question ? Coupai-je en voulant m'assurer d'une chose.

_ Oui.

_ Pourquoi faites vous ce travail ? Qu'est-ce que ça vous apporte de rester assise sur une chaise, attendant qu'une personne qui compte visiblement mettre un terme à sa vie vous contacte ?

Sa raison à elle seule pouvait peut-être me rassurer alors j'ai attendu qu'elle me réponde.

Cinq secondes se sont écoulées.

Dix secondes.

Quinze.

Vingt.

Trente.

Quarante.

Une minute.

L'attente était devenu très rude et malheureusement je n'ai pas eu de réponses. La femme resta tout bonnement incapable de me répondre. Est-ce qu'elle n'avait pas de raison de faire ce travail ? Elle ne souciait pas vraiment des gens comme moi ?

_ Je suis désolé du dérangement madame. N'appelez pas les secours, ai-je fini par dire d'une voix froide.

J'ai raccroché, avant de sortir de la cabine. Cette femme n'avait pas de raison. Elle ne savait même pas son rôle. Honnêtement je ne m'attendais pas à ce qu'elle me rassure de tout ce qui me faisait peur. Mais je pensais, qu'au moins, j'aurais eu un peu de chaleur de sa part. Que la considération que je ne trouvais nulle part et dont j'avais tant besoin, j'espérais qu'elle me la donnerait. Mais malheureusement elle me faisait tout simplement penser à ma mère ; une autre travailleuse acharnée qui ne se souciait pas vraiment des autres. En réalité qu'est-ce que ça pouvait lui faire que quelqu'un saute ou pas ? Elle serait payée, c'est tout.

Inconsciemment je m'étais rapproché du bord et avant même que je ne m'en rende compte, j'étais déjà assis sur la rambarde, les pieds suspendus dans le vide.

_ C'est donc comme ça que ta vie en tant que Park Jimin prendra fin ? Se fit entendre une voix derrière moi.

J'ai tourné la tête, non surpris de tomber sur Jeon Jungkook. Honnêtement, ce garçon débarquait toujours de nul part quand ça n'allait pas. C'était vraiment étrange. Était-ce, encore une fois, la sorcière qui lui avait dit que quelque chose n'allait pas ?

_ Comment tu as su que je serai là ? Demandai-je en serrant mes doigts autour de la rambarde, perdant mon élan de courage.

Il fit apparaître un léger sourire presque imperceptible au coin de ses lèvres, avant de s'approcher de la ferronnerie et de s'affaler sur cette dernière, laissant son regard se perdre sur la vue. 

_ Tu vas sauter ? Demanda Jungkook en fixant l'horizon.

_ Oui.

_ Pourquoi ?

_ Tu poses vraiment la question ?

Il détourna le regard, ancrant ses yeux sombres dans les miens. Aucune émotion ne s'y dégageait, il semblait juste indifférent au monde qui l'entourait. Complètement détaché de ce qui allait se passer.

_ Tu n'as pas répondu à ma question, fit-il remarquer. Pourquoi tu vas sauter ?

Je me suis tu un instant, voyant qu'il était sérieux. Jungkook voulait réellement savoir si je comptais sauter et pourquoi.

_ Parce que tout s'est effondré. Je ne suis plus capable de surmonter mes peurs. C'est trop tard.

Ma voix se faisait de plus en plus petite, alors que je me perdais dans mes pensées. Je ne savais pas si j'essayais de lui expliquer mon geste ou de me l'expliquer à moi même.

_ L'enfer que je traverse m'a sûrement déjà anéanti. À l'intérieur de moi tout s'est brisé et mon monde s'est écroulé.
Cette sensation qu'on pince mon coeur n'est plus supportable, murmurai-je d'une voix étouffée. C'est pour ça que je veux sauter.

_ Tu veux juste t'échapper, dit-il en reposant son regard sur la vue.

Oui je voulais m'échapper. C'est vrai. De moi. De eux. De lui.

Mais je n'avais jamais été assez courageux pour le faire. Je continuais juste de vivre parce que'. Mais j'étais désormais fatigué de le faire, ça faisait trop mal. Et malheureusement je ne savais pas comment transformer cette douleur en autre chose.

_ Pourquoi tu t'es retenu alors ? Demanda-t-il, les sourcils froncés.

Jungkook ne comprenait pas pourquoi j'avais tenu aussi longtemps. Il voulait simplement savoir pourquoi est-ce que je me retenais tant de mettre un terme à tout ça. D'ailleurs moi non plus je ne savais plus pourquoi je continuais à le faire.

_ Parce que j'avais des raisons, mais avec le temps, elles ont fini par disparaître.

Je voulais également lui dire que c'était dommage de le rencontrer que maintenant, peut-être que j'en serai jamais là. Mais je n'ai rien dit.

Il m'a ensuite demandé pourquoi j'ai laissé mon monde s'écrouler et que je n'ai rien fait ? Je lui ai répondu que c'était moi, moi et encore moi. Parce que je me laissais juste briser sans rien faire et que j'avais tant souffert à propos de ça. Maintenant j'agonisais.

Nous nous sommes finalement tu. J'aimais qu'il n'observe pas ce que je comptais faire comme étant une chose grave. Pour la première fois de toute ma misérable existante, j'avais l'impression qu'on me comprenait.

_ La ville que j'ai sous mes yeux est tellement belle que ça devient difficile d'imaginer que tant de personne y souffre.

Sa voix venait de briser le silence,tandis que moi je me contentais de le fixer. Jeon Jungkook était vraiment spécial.

_ Lorsque tu rentreras chez toi, réfléchis y. Il y'a tellement de beaux endroits dans cette ville, continua-t-il en fixant l'horizon.

_ J'ai l'impression que t'es sûr que je ne vais pas sauter, répondis-je en laissant mon regard se perdre dans le fleuve au dessous de mes pieds.

L'eau semblait glacial et le courant était probablement fort. Comme dans un bateau au milieu de la mer déchaînée, ça viendrait de tous les côtés.

_ Le fleuve est encore plus beau le soir, lumières de la ville s'y reflètent, lança-t-il tout bas. Quand tu reviendras une autre fois, viens un peu plus tard et tu verras à quel point c'est beau.

_ Je ne pense pas que ça soit la peine de me le dire. Tu es probablement la dernière personne à qui je vais parler.

_ Ah... dommage, dit-il en se redressant, plongeant ses yeux sombres et dénué d'émotions dans les miens.

Après ça, Jungkook détourna finalement le regard avant de s'éloigner du bord. Il tourna les talons et partit sans se retourner.

Je l'ai regardé disparaître puis j'ai reposé de nouveau mon regard sur la vue.

Dommage ?

Il avait dit dommage qu'il soit la dernière personne à qui j'allais parler ou à propos d'autre chose ? D'ailleurs, pourquoi avait-il dit cela maintenant ? Alors qu'il n'allait probablement pas m'empêcher de sauter.  Dans tous les cas cela m'intriguait.

Décidément, plus je le côtoyais et plus l'attitude de Jeon Jungkook me dérangeait. Il était étrange. Il arrivait toujours quand quelque chose n'allait pas et repartait alors que rien ne s'était arrangé. Pourtant à chacune de ses apparitions, j'avais l'impression qu'il voulait me faire passer un message et qu'il laissait toujours une trace en moi. Mais surtout, ce qui m'intriguait le plus, était de savoir ce qu'il était venu faire également sur ce pont ?

Je ne m'étais même pas rendu compte que j'étais descendu de la rambarde et que j'avais pris la route qui menait à la maison.

Une fois rentré, maman m'a crié dessus. Elle ignorait que j'aurais pu ne jamais rentrer ce jour là. Je ne lui ai pas répondu alors elle a commencé à crier sur papa, lui disant qu'il était responsable de mon comportement et que je commençais à me rebeller. Lui m'a juste souri comme s'il se doutait que quelque chose s'était passé et m'a fait signe de monter dans ma chambre.

J'ai fermé la porte derrière moi et me suis allongé sur mon lit. Je venais de réaliser que je n'avais finalement pas sauté, alors que je pensais réellement que cette fois-ci c'était la bonne.

33, 34 ou peut-être même 35 jours après que Taehyung m'ait abandonné, probablement 26 jours après que Yoongi m'ait laissé seul, se pourrait-il que Jeon Jungkook soit devenu la raison qui me poussait à m'accrocher ?

*•*

💜 안녕하세요 💜

Hey ! J'espère que vous allez bien ?

N'hésitez pas à me faire savoir vos retours ! C'est une histoire qui sort tout juste de mes brouillons
2020.

La suite très prochainement !

Prenez soin de vous 💜

Ellie.

*•*

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