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05 Novembre
J'avais un petit job à temps partiel dans un petit café, situé à quelques mètres de mon lycée. Je me souvenais encore de la première fois que j'y avais mis les pieds. J'avais tout de suite accroché. La déco était simple et tout le monde se fichait de la vie d'autrui. À vrai dire, dès l'instant où je suis rentré dans ce petit café, je me suis senti bien. Comme si une nouvelle brise me fouettait et que je pouvais enfin respirer pleinement. Ce jour là, un peu plus tôt, j'étais tombé par hasard sur l'annonce de recherche d'employé et pour une raison que j'ignorais, j'avais postulé. Étonnement, je fus pris alors que je n'avais absolument aucune expérience. C'était mon premier vrai job.
Une fois engagé, j'y allais après les cours trois jours sur sept et travaillais jusqu'à tard le soir. Il arrivait même que le gérant me "force" à faire la fermeture. Je n'ai jamais vraiment accepté de le faire, encore moins refuser. Il me filait juste les clés ou plutôt me les lançait à la figure avant de claquer la porte et de s'en aller.
Disons que Kim Seokjin, aussi appelé Jin, était un patron plus ou moins... étrange ?
La première fois j'avais été très surpris. D'un regard inquisiteur, je le regardais à travers la vitre transparente monter sur sa moto et s'éloigner rapidement du bar. Je m'étais retrouvé seul avec mon collègue de travail, Jung Hoseok, et son expression montrait qu'il était tout aussi choqué que moi. Il y travaillait depuis trois ans et jamais il n'avait fait la fermeture. Je venais d'arriver et je devais m'en charger ? Ne fallait-il pas laisser cette tâche à un employé digne de confiance ? Et si je volais de l'argent et m'enfuyais ? Après tout Jin ne savait pas grand chose sur moi, si ce n'est que le stricte nécessaire à savoir sur ses employés.
D'une certaine façon, j'étais ravi qu'il me fasse confiance. Mais d'une autre, cela me déplaisait énormément de rentrer aussi tard. Au final je ne pensais même plus à protester et faisais juste la fermeture lorsqu'il me le demandait à sa manière un peu particulière.
Aurais-je dû me plaindre ? Certainement pas. Premièrement on m'avait engagé alors que je n'avais certainement pas un profil qui correspondait avec leur recherche. En effet, je n'avais pas d'expérience, pas de motivation ni de recommandation. Et pourtant j'y travaillais et étais assez bien rémunéré. Deuxièmement le café était un refuge pour moi, y passer du temps ne me dérangeait en aucune façon. L'ambiance était chaleureuse et j'aimais côtoyer cette chaleur que je ne trouvais nul part, pas même à la maison. Il était souvent calme et bien qu'il soit situé pas loin de mon lycée, les lycéens n'y traînaient presque jamais. C'était plutôt des hommes et des femmes d'affaires qui y traînaient souvent.
Ainsi mon service était des plus paisibles et je me retrouvais souvent à lire un livre tant le calme y régnait. Parfois j'avais même l'impression d'être payé pour ne rien faire. Je sortais mon livre du moment et m'asseyais sur un coin reculé mais visible de tous, surtout pour les clients qui viendraient, ayant besoin d'un service quelconque.
De temps en temps mon collègue Hoseok demandait mon aide, mais la plupart du temps le roux me laissait lire ou me tenait juste compagnie silencieusement. Parfois on discutait. Il me racontait ses anecdotes qui pouvaient m'arracher quelques rires que je pensais perdus à jamais et des sourires que je n'avais plus revu depuis des lustres.
J'aimais sa façon de parler comme si tout dans sa vie était un arc-en-ciel géant qui dégoulinait de douceur et de bonheur. Il parlait beaucoup mais jamais je ne cessais de l'écouter. Je restais suspendu aux paroles qui sortaient de ses lèvres, communicantes avec elles une chaleur réconfortante dont j'avais tant besoin. Une chaleur que je ne trouvais plus nul part.
J'enviais énormément Hoseok de pouvoir vivre toutes ces belles choses qu'il aimait me raconter car il savait que j'adorais l'écouter. Il avait l'air si heureux. Pourtant il ne l'était pas vraiment. Parfois quand il restait silencieux, perdu dans ses pensées, je pouvais lire la douleur et la tristesse sur son visage. Ses sourcils restaient froncés et ses dents martyrisaient tant ses lèvres. Il suffisait juste de le connaître un peu plus, et de l'observer assez longtemps pour se rendre compte qu'il souffrait tant. Il avait perdu sa mère quelques mois plus tôt et sa copine l'avait quitté quelques semaines après, ne supportant plus de le voir aussi triste. Il avait été abandonné lui aussi, et pourtant Hoseok essayait de s'en sortir. C'était dans sa nature de partir à la recherche du meilleur, afin de remettre sur pieds son monde écroulé. Il n'était pas comme moi et je l'enviais tellement pour ça.
Le roux contribuait beaucoup à mon nouvel équilibre. Son sourire et son regard bienveillant me berçaient pendant des heures. Ainsi je lisais mon livre paisiblement, tout en étant payé. Ma seule obligation était de m'occuper de quelques clients si Hoseok était déjà occupé, et de faire la fermeture à vingt-deux heures. Alors aurais-je dû vraiment me plaindre ?
De plus l'absence de lycéens était sûrement l'une des choses que j'appréciais le plus dans mon travail. Des fois, il arrivait que quelques élèves de mon lycée viennent, mais généralement ils ne s'adressaient jamais à moi. Ils faisaient partie de ceux qui se fichaient pas mal de mon existence, que ça soit au café ou au lycée.
Je pouvais citer Hwang Hyunjin et son ami l'australien, Lee Félix. Généralement les deux meilleurs amis venaient les mardis vers dix-sept heures et repartaient vers vingt heures. Il y'avait aussi un autre lycéen dont j'ignorais le nom qui venait toujours pendant les fins de semaines, parfois seul, parfois avec deux ou trois amis. Et enfin le solitaire, Jeon Jungkook, qui venait tous les jeudis et samedis vers vingt heures.
Avant que Taehyung ne me laisse, il venait souvent aussi et s'asseyait pas loin du comptoir. Il me tenait compagnie pendant mon service et je me sentais si apaisé de sentir son regard posé sur moi. Après la fermeture, il me raccompagnait chez moi et pendant tout le trajet qu'on faisait à pied, il me racontait sa journée. Envieux, je l'écoutais parler de ses nombreux amis qu'il aimait beaucoup, sans même savoir qu'ils étaient parmi ceux qui me faisaient du mal. J'aurais aimé lui dire, mais je ne voulais pas gâcher ce sourire rayonnant qui ornait ses lèvres.
Et puis je pensais que ça n'irait pas trop loin. Je n'avais donc pas besoin d'évoquer ce léger détail.
Mais c'était le passé, maintenant il le savait et désormais j'étais seul. Une nouvelle routine s'était très vite installé, étonnant mon collègue Hoseok. Travailler était devenu nécessaire pour ne pas penser au tournant qu'avait pris ma vie. Travailler m'aidait à m'éloigner de mes violentes pensées obsessionnelles. Alors je travaillais d'arrache-pied, servais le plus de clients possibles et m'occupais de la caisse lorsqu'il le fallait.
_ Ça vous fera dix dollars.
Sans jeter un regard au client, je
rendais la monnaie et m'occupais du prochain. Peut-être était-ce le seul échappatoire que j'avais trouvé pour retrouver la stabilité que j'avais perdu ?
_ Jimin, ça va ? Demanda Hoseok d'une voix pleine d'inquiétude.
_ Ouais.
Je m'en voulais de paraître aussi froid, mais je ne pouvais tout bonnement pas lui dire que je n'allais pas bien. À vrai dire
j'avais peur qu'il me trouve lâche car contrairement à lui, quand ça n'allait pas, je ne partais pas à la recherche du meilleur. Je savais très bien que j'étais du genre à attendre que tout vienne à moi. J'attendais que ce cauchemar s'arrête, j'attendais qu'ils me laissent tranquille, j'attendais que quelqu'un vienne m'aider... J'attendais, j'attendais et attendais encore, parce que je n'étais pas capable de le faire moi même. C'était au dessus de mes forces et je craignais énormément le regard que Hoseok aurait sur moi, une fois qu'il verrait que je n'étais qu'un lâche. Que je n'étais pas courageux et que je me laissais seulement entraîner par mes émotions, mes peurs et ce mal qui me consumait de jour en jour.
De toute façon c'est tout ce que je savais faire, j'avais aucune idée de comment faire autrement. Ce n'était pas de ma faute et je ne pouvais rien y faire. C'étaient ces montres qui m'avaient conduis à devenir ce lâche que je haïssais tant. Ce lâche que je ne voulais pas que le monde découvre, même si au fond de moi j'espérais que quelqu'un le comprenne, sans que je n'ai à le dire et qu'on m'apprenne à faire autrement.
_ D'accord, je te laisse t'occuper de la caisse alors ! Je vais prendre la commande à la table numéro sept, s'empressât de dire mon collègue en s'éloignant du comptoir.
Je le regardais s'éloigner et me tourner le dos, croyant à mes paroles. Pourquoi mon regard ne me trahissait jamais ? Pourquoi Hoseok me croyait si facilement quand je disais que j'allais bien ? Probablement parce que la personne qui m'aiderait n'était probablement pas Hoseok. Et encore une fois, malheureusement, j'attendais. J'attendais cette personne.
Blessé, j'ai détourné le regard, le ancrant dans celui de la cliente devant moi. J'ai légèrement incliné la tête en guise de salutation, incapable de parler tant ma gorge était nouée. Son sourire chaleureux me fit sentir mieux, alors que je peinais à le lui rendre, les lèvres tremblantes.
_ Ça vous fera quinze dollars.
Elle paya et je lui rendis sa monnaie. Avant de partir, elle m'adressa à nouveau un sourire qui me fit encore une fois sentir bien, et elle s'éloigna de la caisse en me souhaitant une bonne journée.
C'était peut-être anodin, mais bizarrement cela m'avait fait du bien. Voilà pourquoi j'aimais tant mon travail. Parce que souvent je tombais par hasard sur des gens, qui en un sourire, pouvait m'apaiser ne serait-ce qu'un tout petit peu.
Mon regard se posa rapidement sur le cadran au mur. Il n'allait pas tarder, nous étions samedi et il était vingt heures et quart. Avant même que je ne détourne les yeux, la porte s'ouvrît sur Jeon Jungkook, et j'ai souri. Encore une fois le solitaire avait eu le bon timing.
Ça m'amusait de prédire l'arrivée du lycéen, c'était assez drôle de connaître ses petites habitudes, bien qu'on ne se connaissait pas. Généralement après son arrivée, il s'asseyait dans un coin refoulé et mettait ses écouteurs. Pendant une heure il lirait un livre et dessinerait sur son carnet. Au bout de deux heures, il commanderait enfin quelque chose par hasard, je l'avais deviné par sa manière de scruter rapidement le menu comme s'il voulait juste manger, peu importe ce que c'était. Finalement, il allait partir sur les coups de vingt-deux heures, après avoir laissé un généreux pourboire sur la table.
Peut-être que Jeon Jungkook me trouverait étrange s'il apprenait que je savais tout ça rien qu'en l'observant, mais je doutais qu'il le sache puisque au grand jamais je n'allais croiser son chemin. Et puis honnêtement, je préférais largement l'observer de loin, derrière le comptoir. Je devais bien avouer que c'était fascinant de voir quelqu'un de si calme et si détaché de mon monde.
C'était agréable de regarder Jeon Jungkook.
*•*
Comme je le pensais, Jeon Jungkook partit sur les coups de vingt-deux heures, alors que je me dirigeais déjà vers sa table pour prendre le généreux pourboire qu'il avait laissé. Le Jeon étant mon dernier client, je fis bien évidement la fermeture du café après son départ. Ensuite je m'engouffrais dans la nuit noire, éclairé par les faibles lampadaires clignotants.
C'est étrange, avant je ne me rendais pas compte à quel point c'était effrayant de marcher seul dans le noir.
Et comme si ma peur ne suffisait pas, des gouttelettes d'eaux commencèrent à marteler ma peau, et une averse éclata.
N'ayant pas consulté la météo, je me suis retrouvé sans parapluie et complètement trempé en quelques secondes. La foudre tomba et un tonnerre gronda.
C'est étrange, je n'avais jamais eu aussi peur de la nuit pluvieuse.
Les lampadaires se sont finalement éteints et je fus plongé dans le noir complet.
17 jours après que Taehyung m'ait abandonné, 10 jours après que Yoongi m'ait laissé seul, je n'ai jamais eu aussi peur de l'obscurité.
*•*
💜 안녕하세요 💜
Hey ! Comment tu vas ?
En effet, je ne fais pas souvent de note d'auteur dans cet œuvre. Mais c'était juste pour te dire que les chapitres seront un peu plus long à partir de maintenant, puisque l'histoire commence vraiment ici ;)
Prenez bien soin de vous 💜
Ellie-Deenie.
*•*
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