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20 Décembre 2013
12h58

La vidéo s'arrêta, plongeant la salle dans un silence pesant. Madame Park éclata soudainement en sanglots. Peut-être que la culpabilité commençait à la ronger ? Tous demeuraient silencieux, réfléchissant aux mots de l'adolescent.

Jimin n'était qu'un enfant qui avait perdu ses souvenirs. Il n'était pas cette personne méchante que les médias décrivaient. Il n'avait jamais vraiment voulu devenir comme ça. Il souffrait. Il était victime de lui même.

Le procureur Kim Namjoon se laissa tomber sur sa chaise, il avait toujours su que quelque chose clochait avec Park Jimin. Il ne savait pas pourquoi, mais son instinct le poussait toujours à aller vers lui. Et même en sachant ce que Jimin avait fait. Après avoir entendu ses paroles, il n'arrivait pas à lui en vouloir. Jimin n'était pas fautif. Il n'était qu'un enfant qui avait toujours fait de mauvaises rencontres. Un enfant à qui on avait enseigné que le mal. Un enfant qui cherchait juste à aller mieux mais qui avait fini par perdre le contrôle. Park Jimin s'était oublié et se cherchait désespérément.

_ Faites des recherches sur ce Jeon Jungkook, dit-il soudainement en se relevant de sa chaise.

_ Et pour Park Jimin ? Demanda sa coéquipière qui avait fini de noter le déroulement des faits. Vous pensez qu'il est toujours au lycée ?

_ Nos troupes ne l'ont toujours pas retrouvé, dit l'officier de police dans la salle.

_ Où est-ce qu'il peut-être ? Demanda l'inspectrice en passant nerveusement sa main dans ses cheveux.

Le procureur ne répondît pas et sortit de la chambre en courant. Une fois dehors, il monta dans sa voiture, la démarrant à une vitesse incroyable. Il roulait si vite qu'il manqua de faire un accident trois fois de suite. Mais une fois qu'il vit le pont au loin, il stoppa sa voiture et en descendit.

_ Jimin ! Criait-il désespérément.

La respiration saccadée, Kim Namjoon courait en espérant le retrouver. Mais malheureusement il était déjà trop tard. Tout ce qu'il trouva fut une lettre sous une une pierre, au sol. Il s'abaissa pour la ramasser, les mains tremblantes. Son téléphone sonna au même moment, et il le décrocha après de longues secondes.

_ Nous avions retrouvé le corps de Jeon Jungkook chez lui. Il est mort... étranglé, dit l'inspectrice à l'autre bout du fil.

Le coeur du procureur se comprima dans sa poitrine alors qu'il laissait tomber son téléphone au sol. Ses mains vinrent ouvrir la lettre qu'il devinait déjà de Jimin. Des taches de larmes et de sang étaient encore visibles et pas encore sèches, Kim Namjoon était arrivé juste un peu trop tard.

Le coeur menaçant de sortir de sa cage thoracique, le procureur déplia la lettre et se mit à lire cette écriture fragile, écrite d'une main tremblante.

«  Nous y voilà.

Je ne sais pas trop qui lira cette lettre et ce n'est pas vraiment important. Peut-être même que personne ne voudra lire mes derniers mots ».

Le procureur trouvait déjà ces mots si durs à lire. Et pourtant il décida de continuer sa lecture, il voulait savoir ce que Jimin avait fait. Il voulait savoir pourquoi il était trop tard pour rattraper les choses. Il avait encore des questions en suspend. Il désirait des réponses que Jimin n'avait pas mentionné dans son récit.

« Ce matin je me suis réveillé et je me suis rendu dans ce lieu que je haïssais tant. De mon sac, j'ai sorti le révolver de mon père et j'ai tiré sur la première personne que j'ai vu. C'était madame Lee.

C'était étrange, j'avais vu le fils mourrir quelques semaines plus tôt. Et finalement c'est moi qui tuait la mère.

Son corps est tombé au sol. J'avais juste crispé ma main sur le revolver que je tenais maladroitement. Autour de moi c'était la panique mais je restais là. Je continuais à presser cette gâchette encore et encore alors que le soleil continuait de briller, et que le temps de son côté filait.

J'ai tiré sur ce corps inerte jusqu'à ce que mes premières balles s'épuisent ».

Namjoon marqua une pause dans sa lecture, c'était vraiment dur à lire. Pourtant Jimin en parlait comme s'il racontait une journée normale. Comme s'il vivait un lundi comme les autres. Mais justement, il comprenait par là que ses lundis n'étaient jamais heureux. Et que oui, c'était une habitude pour lui que ça parte toujours loin. Jimin ne faisait que reprendre ce qu'on lui avait appris.

« C'était étrange mais j'agissais sans réfléchir. Ma main a ensuite retiré de mon sac, des munitions que j'avais aussi volé à mon père la veille.

J'ai tiré sur le concierge, son sang était rouge vif. Mais je ne retrouvais pas mes souvenirs dedans.

J'ai tiré sur la fille qui me regardait souvent en pitié mais qui ne faisait jamais rien.

Je suis passé à côté des deux meilleurs amis qui venaient souvent au café. Je ne voulais pas tirer alors je ne l'ai pas fait. Ils m'ont juste laissé passer, pétrifiés.

J'ai tiré sur le garçon qui m'avait dit un jour que je ne méritais pas ma place dans ce monde.
Peut-être.
Mais lui non plus ne méritait pas la sienne.

J'ai tiré sur le garçon que je ne connaissais même pas, mais qui voulait m'empêcher de retrouver mes souvenirs. Son sang a coulé le long du sol et les cris ont continué à résonner autour de moi.

Je tirais.

Je tirais.

Je tirais sans trop savoir pourquoi ».

Le procureur remarqua sur ce passage quelques taches de sang encore fraîches. Il se rappela soudainement que les mains qui avaient écrites cette lettre quelques minutes plus tôt étaient celles d'un meurtrier. Ou tout juste celles d'un enfant qui avaient perdu ses souvenirs et qui avait agi comme on lui avait montré, pensant les retrouver.

« Je tirais sur un élève par là, sur un professeur par ci. Ils n'essayaient même pas de m'arrêter. Ils fuyaient juste. Mais moi je détestais qu'on me tourne le dos. Alors je tirais. Ils tombaient juste au sol mais ne revenaient pas ».

Namjoon arrêta de nouveau sa lecture, se rappelant de l'appel qu'il avait reçu ce matin. Il venait d'apprendre qu'une fusillade avait soudainement commencé dans le grand établissement de la ville. Sans trop savoir pourquoi, il savait que ça avait un lien avec Park Jimin.

Tout avait toujours un lien avec lui.

« Je n'avais plus de munitions alors je suis sorti par la porte de derrière. Je marchais tranquillement alors qu'autour de moi les gens continuaient à fuir. Le soleil me brûlait. Le temps continuait toujours de filer ».

Le procureur imaginait sa silhouette se diriger vers le pont alors que tous les policiers se ruaient vers le lycée.

« Je suis arrivé ici, sur ce pont. Et en fixant cette magnifique vue, mes souvenirs ont fini par revenir. J'ai alors repensé à ma vie et j'ai éclaté en sanglots.

Je pleure. Je pleure la vie de Park Jimin. De celui que j'étais. De celui que je suis devenu. De lui. De moi. De nous.

Je plains ce garçon. Il ne demandait pas beaucoup de choses. Il voulait juste qu'on lui tende une main. Il voulait simplement que quelqu'un voit qu'il allait mal et qu'on le rassure. Il cherchait juste la chaleur qu'il ne trouvait nul part. Elle était si dur à trouver. Si dur à garder.

Je pensais que Jeon Jungkook me tendait cette main. Mais je pensais aussi que je m'étais trompé à son sujet. Hier soir, j'ai cru réaliser à travers son sourire que Jungkook était la sorcière. Celle qui me faisait tant de mal et qui tirait les ficelles qui m'étranglaient. Alors je l'ai tué lui aussi. Et ça même s'il était le seul à me rassurer et à me dire de ne pas m'inquiéter car tout allait bien se passer.

J'ai repensé alors à ses paroles qui étaient aussi revenues avec mes souvenirs. J'étais brisé. Je pensais que je pouvais fuir cette dépression qui me rongeait depuis si longtemps, mais je n'avais pas compris qu'à travers ses mots, il essayait de me dire que je ne pouvais pas fuir. Qu'une fois qu'elle s'est installée, elle finit par vous ronger et prendre tous vos sentiments. C'est probablement ce qui lui était arrivé. Mais je n'étais pas capable de comprendre ses paroles et son regard.

J'ai finalement réalisé que je ne pouvais pas soulager ma respiration étouffée. Que la douleur c'est juste la douleur et qu'il n'y a aucun moyen pour moi de la transformer en autre chose.

Les gens meurent parce que. Mais mes raisons à moi sont mortes parce que je continuais à m'oublier. J'essayais juste de repousser la douleur et de la transformer. Mais pourquoi je ne comprenais juste pas que c'est impossible ?

Je l'ai dit à Seokjin, mais à ce moment là je ne comprenais pas vraiment. Maintenant je comprends réellement que personne ne souffre plus que moi. Tout le monde souffre. Tout le monde cherche à apaiser sa respiration étouffée. Mais moi je n'ai pas réussi, j'ai juste perdu mes souvenirs. Je me suis juste oublié.

Je ne demandais pas grand chose pourtant. Je voulais juste apaiser cette douleur. Elle était devenue trop insupportable. Trop grande. Trop insurmontable. Alors je voulais que quelqu'un me tende la main pour m'aider à la dépasser. Pour me sortir de cet enfer. Mais même après qu'on me l'ait tendu, je n'ai pas réussi.

Alors je suppose que je ne suis pas fait pour vivre dans ce monde. Il a été trop cruel avec moi et j'ai assez souffert. Maintenant je veux juste qu'on me dise que je ne suis pas fautif. Que je n'ai pas choisi d'être cette version de moi et que c'est formidable d'avoir tenu aussi longtemps. Mais malheureusement je sais que ça n'arrivera jamais. Alors je le ferai moi même. Je vais me rassurer cette fois-ci, tout seul. Parce que j'ai toujours été seul.

Alors Jimin, s'il te plaît ne m'en veut pas. Je veux juste te dire que je me souviens de toi maintenant et que je suis désolé. Tu as assez donné. Tu as bien fait. Tu as été formidable. Celui que tu es devenu est désolé pour toi. Crois moi, je suis vraiment désolé Jimin. Désolé de ne pas avoir assez cru en toi. Désolé d'avoir perdu mon temps à chercher des raccourcis pour t'ignorer. Tu t'es si bien débrouillé. Ce n'était pas de ta faute si tu as sombré. Tu as juste fait ce qu'on t'a montré. C'est tout ce qu'on t'a appris.

Jungkook avait encore raison sur ce point, je voulais vraiment m'enfuir. Mais ce n'est jamais arrivé. Je n'ai pas réussi. J'ai juste plongé encore plus dans notre souffrance. De toute façon il ne m'avait jamais menti. Et même s'il n'était pas capable de ressentir, il était certain qu'il m'aimait. Moi aussi j'étais sûr.

De lui.

De moi.

De nous.

Alors pourquoi j'ai fini par pleurer sa disparition ? Sa disparition que j'avais causé de mes propres mains parce que je pensais comprendre ?

J'ai mal.

Je ne savais pas qu'on pouvait souffrir autant.

Jungkook m'a dit que j'allais finir par comprendre. Et je crains avoir finalement compris. Ça craint, Jungkook tuait pour me protéger. Mais je ne pensais pas que je finirai par le tuer en pensant me sauver. Mais j'ai finalement réalisé, et je pense savoir qui tire les ficelles qui continuent à m'étrangler même après la fin du jeu.

Et c'est seulement lorsque mon équilibre fragile s'est brisé, que j'ai finalement compris que celui que j'étais à souffert à cause de moi.
Je voulais juste faire quelque chose pour toi. Mais j'ai échoué.

Peut-être même que je savais que je me trompais. Peut-être que finalement je savais que c'était moi la sorcière. Car c'est moi qui nous faisait souffrir. Pourtant je voulais la traquer pour le Jimin que j'étais. Je voulais la tuer pour toi. Pour lui. Pour nous. Sans chercher à comprendre que je me traquais moi.

Alors tout se termine là Jimin. Celui que tu es devenu est vraiment épuisé de s'accrocher. Je pense que ne pas mettre un terme aux choses est devenu plus dure que le faire. Tu as assez souffert Jimin. Alors je vais arrêter de me retenir. Je n'ai même plus d'endroit où m'accrocher, alors ça ne sera pas dur de se laisser tomber.

Le profond vide qu'ils ont tous laissé en toi m'a aussi rattrapé. Et j'ai réalisé que de nous deux c'était toi le plus fort. Tu as tellement souffert Jimin. Tu as traversé tellement de choses. Je suis fier de toi même si tu n'as pas pu affronter le monde.

Alors je te jure Jimin que je mettrais fin à nos souffrances aujourd'hui.
Il y'a longtemps que j'aurais dû le faire, comme lui l'aurait voulu.

Au revoir ».

Le procureur laissa retomber la lettre à côté de lui, alors qu'il se relevait pour regarder la rivière.

_ Ce n'était pas de ta faute ! Cria Namjoon, le coeur battant la chamade. Tu as fait les mauvaises rencontres mais tu n'étais pas fautif, celui que tu étais et celui que tu es devenu ont juste pris les mauvaises décisions. Mais vous deux êtes Jimin et tu aurais pu surmonter cette douleur !

Mais c'était trop tard. Jimin ne pouvait plus l'entendre.

_ Tu as assez souffert et c'est même fantastique que tu sois arrivé jusqu'ici, poursuivit Namjoon d'une voix tremblante, mais tu n'étais pas fautif. Tu as juste préféré oublier ce toi qui avait trop souffert.

Pourquoi il ne lui avait pas dit ça plus tôt ? Peut-être qu'ils en seront jamais là. Mais encore une fois c'était trop tard. C'était toujours trop tard pour Jimin. Lui qui désirait juste entendre ces mots n'avaient pas pu les entendre. Il était parti. Ses souvenirs étaient revenus et il s'était laissé tomber dans le fleuve glacée, comme l'aurait voulu Jungkook.

Les courants étaient déchaînés et il s'était laissé entraîner, la respiration cette fois-ci entièrement étouffée.

En arrêtant de s'accrocher et de se retenir, Jimin avait enfin pu mettre un terme aux choses. À toutes ces choses qui le rendaient affreusement tristes et qui l'avaient tant fait souffrir. À toutes ces choses qu'il essayait tant de repousser au point de s'oublier lui même. À toutes ces choses qui l'avaient complètement détruit de l'intérieur. Il n'y avait vraiment plus rien à arranger cette fois-ci.

« 10h après la mort de Jungkook, j'ai enfin retrouvé mes souvenirs.

Je m'appelais Park Jimin.

Et je n'étais que l'unique raison pour laquelle j'allais mal ».

*•*

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