Chapitre 30
Le cœur battant à tout rompre, je me retournais brusquement. Quelqu'un venait d'être touché, je le savais au plus profond de moi, je le sentais. Au fond du couloir, je pus apercevoir Joseph, entouré de quatre de ses sentinelles, armes braquées sur nous. Ils avançaient lentement, mais ne tiraient pas. Pourquoi ?
Je profitais de ce petit temps de répit pour observer mes proches un a un. Byron semblait choqué et semblait revenir petit à petit à lui, poings serrés, je le vis secouer plusieurs fois la tête, comme pour se remettre les idées en place. Mahaut et Edwin allaient bien et mon père aussi, il faisait face aux hommes. Alors pourquoi avais-je ce sentiment ?
— Breena, dégagez de là maintenant, grogna mon père.
L'ordre avait fusé comme une urgence. Son pistolet était braqué sur Joseph, il ne tirait pas parce qu'il savait que ça déclencherait une réaction des gardes.
— Papa, viens avec nous, ne reste pas là.
— Je ne peux pas, ma princesse...
— Nous reviendrons chercher Allia et Amanda, mais si tu restes, ils te tueront !
Je m'approchais de lui à l' instant où Axel sautait près de nous, en soutient, armes à la main.
— Fait chier, grogna-t-il à son tour, comme s'il comprenait quelque chose que j'ignorais.
— Tu ne comprends pas ma belle, continua mon père. Tu vas devoir continuer sans moi...
Il appuya sur ces derniers mots, si bien qu'un long frisson remonta le long de ma colonne vertébrale. Un pas plus tard j'étais près de lui et mes yeux s'écarquillèrent. Sa main était pressée sur son abdomen, et je pouvais la voir se teinter de sang une seconde après l'autre.
— Non... murmurais-je.
Je saisissais à présent l'ampleur de la situation. Son grognement était de douleur, et son empressement à me faire partir. Ma colère refit surface en une fraction de seconde. Lentement je me tournais vers Joseph. Mon sang semblait brûlant dans mes veines.
— Je vais te tuer, affirmai-je, d'une voix trop calme pour refléter mon réel état d'esprit.
Alors que j'avançais un pas après l'autre, Axel me retint d'une main ferme avant de lancer une dague sur un boitier électronique. Une seconde plus tard une porte en acier se referma au centre du couloir, nous coupant du psychopathe et de ses suivants.
— Lâche-moi ! hurlai-je en me ruant sur la porte. Laisse-moi lui faire la peau.
— Breena ! me rappela brusquement Edwin.
Le ton de sa voix m'alerta et je me retournais brusquement, juste à temps pour voir mon père glisser le long du mur le plus proche de lui. En une seconde, ma rage reflua pour laisser intervenir mon inquiétude. Me précipitant à ses côtés, je jetais mes armes au sol. Sa respiration s'était faite plus rapide, plus pénible.
— Papa, qu'est-ce que je peux faire ? Dis le moi, je t'en prie.
Je pris le relai pour comprimer sa blessure à l'instant où il n'eut plus assez de force pour le faire. Je sentis à peine les larmes courir le long de mes joues, focalisant mon attention sur l'homme agonisant face à moi. Il essayait de me cacher sa douleur, de rester fort, je le voyais, mais il ne me trompait pas.
— Dis-moi ce que je peux faire !
— Tu dois partir, dit-il simplement.
— Axel, trouve une solution, un médecin, quelqu'un ! Soigne-le ! ordonnai-je.
Mais je savais très bien qu'il ne pouvait rien faire, en jetant cette dague, il nous avait isolés de nos ravisseurs, dans un couloir sans aucune autre issue que l'échelle. Et mon père ne pourrait pas monter cette dernière...
— Écoute-moi, ma chérie... commença mon géniteur.
— Papa... Non... Je t'en prie. Tu ne peux pas me faire ça. Tu ne peux pas me quitter encore une fois... Je ne m'en relèverais pas...
— Tu es plus forte que tu ne le crois, tu me l'as suffisamment prouvé.
Il grimaça avant de reprendre lentement son souffle. Il poursuivit tandis que la douleur me tordait les entrailles aussi surement que si c'était moi qui venais de prendre cette balle.
— Je remercie les dieux de m'avoir permis de te revoir une dernière fois.
Sa main propre vint se poser sur ma joue, essuyant mes larmes tandis qu'un sourire étirait ses lèvres.
— Tu as toujours été mon plus précieux trésor. Tu es devenue une femme incroyable, princesse. Sache que où que tu ailles je veillerais sur toi.
— M'abandonnes pas... suppliai-je.
— Ne sois pas en colère contre elles... me demanda-t-il.
Je savais qu'il parlait d'Allia et d'Amanda. Je secouais la tête. Je ne leur en voulais pas.
— Je ferais tout mon possible pour les sortir de là, je t'en fais la promesse, répondis-je.
— Je n'en ai jamais douté. Je t'aime mon ange.
Une nouvelle grimace sur son visage et sa main retomba contre lui, et il ferma les yeux. Mon cœur s'arrêta une fraction de seconde, en même temps que le sien et je crus mourir autant que lui. Mes larmes redoublèrent, mon corps se mit à trembler et mon souffle se coupa. Non... Ce n'était pas possible. C'était un cauchemar, j'allais me réveiller ! La douleur se décupla, tant dans mon esprit que mon corps.
— Breena, m'appela doucement une voix, lointaine.
Mes mains relâchèrent la pression sur sa blessure, cela ne servait plus à rien.
— Regarde-moi... demanda la voix tandis qu'une main se posait doucement sur mon épaule.
La personne s'agenouilla à mes côtés et pris mes mains dans les siennes, essayant de capter mon attention.
Je détournais le regard du corps inerte de mon père pour faire face à Byron.
— Nous devons partir...
Il semblait être revenu à lui, pour le peu que je pouvais en juger. Je remarquais alors que tous les autres étaient partis, et nous attendaient probablement en haut de l'échelle.
Je répugnais à laisser mon père, son corps, entre les mains de ces psychopathes mais je savais que je n'avais pas le choix. Et il n'aurait pas voulu que je prenne d'autres risques pour lui. Au loin, j'entendais les Sentinelles s'activer sur la porte. Ils allaient bientôt la défoncer. Me penchant sur mon père, je lui embrassais le front, mes larmes coulant sur son visage, avant de lui murmurer :
— Je te rendrais fier de moi, et je les sauverais, je t'en fais la promesse. Je t'aime, mon héros.
Je me relevais péniblement pour rejoindre Byron, m'attendant près de l'échelle, avant de la grimper sans un regard en arrière, suivie de mon Capitaine. Une fois arrivés en haut, j'évitais les regards que je savais désolés, de mes compagnons et avançai. J'entendis Axel verrouiller la trappe et nous enjoindre à fuir. Il avait raison, nous ne pouvions pas rester là. Je savais qu'un jour j'allais revenir à cet endroit. J'avais une femme, un enfant, ma sœur, à sauver tout autant qu'une Hamadryade et un peuple sous terre. Il me faudrait tous les sortir des griffes de Joseph. Mais cela me serait impossible à cet instant. J'allais m'occuper d'élaborer un plan, et ma vengeance serait terrible.
*****
Cela faisait quelques heures que je suivais mes amis, telle un robot, et il faisait déjà nuit. Je les avais entendus dire que nous n'allions pas tarder à faire une pause. Je ne parlais pas, ne réagissais pas. Je me sentais comme une coquille vide, de toute émotion, de tout sentiment ou de toute capacité. Jusqu'à ce que tout me revienne en force. Je m'écroulais, mes genoux heurtant durement le sol tandis que je fondais de nouveau en larmes, incapable de les empêcher de couler. Tous se précipitèrent vers moi et ce fut, comme toujours, Byron qui fut le plus proche et le plus rapide.
— Je viens de perdre une seconde fois mon père... murmurais-je, fixant mes mains encore couvertes de son sang.
C'était presque comme si je ne le réalisais réellement que maintenant.
— Mon père est mort...
Comme si le dire rendais la chose plus réelle, mais cela ne rendait pas cette réalité moins douloureuse. Je sentis de nouveau mon cœur se briser et mes poumons se comprimèrent aussi surement qu'un étau le ferait et ma main vint tenir ma poitrine, comme si j'étais capable d'empêcher cela.
— Breena, écoute moi, concentre toi sur ma voix, m'enjoignis mon Capitaine.
— Je ne peux... pas. Ca fait... trop... mal.
— Elle fait une crise de panique, répondit Mahaut.
— Non, elle a le cœur brisé, répondit Byron.
Après tout, je ne savais pas si le lien était revenu en même temps qu'il avait recouvré ses esprits, puisque je ne ressentais plus rien, mais si tel était le cas, il devait le savoir.
— Je ne peux pas... haletais-je.
— Partez, laissez-nous, ordonna-t-il aux autres et j'entendis leurs pas s'éloigner.
Il me porta et nous emmena près d'un arbre. Il vint s'asseoir contre le tronc et m'installa entre ses jambes, ses bras puissants se refermant autour de mon corps. Il formait un bouclier protecteur, un cocon, dans lequel je pouvais me lâcher et me sentir en sécurité.
— Laisse tout sortir... me murmura-t-il.
Sur ses simples mots, presque comme s'il avait pressé un bouton, mes larmes reprirent de plus belle et mon corps se mit à trembler. J'avais mal, tellement mal. Byron me berçait lentement dans ses bras. J'haletais, ma respiration devenue difficile, et nous restâmes comme ça de longues minutes, en silence, jusqu'à ce que je recouvre un peu mon calme.
— Je peux pas le perdre encore une fois...
— Je sais que c'est dur... Crois, moi je le sais. Mais tu t'en sortiras.
Je sentais qu'il disait vrai. Avait-il vécu ces pertes également ?
— J'ai à peine réussi à m'en remettre la première fois... Comment le pourrais-je à nouveau ?
— Tu es plus forte que tu ne le crois, et ton père le savait, il te l'a dit.
— Il était tout pour moi...
— Je sais, ma belle, je sais... Mais tu t'en relèveras, j'y veillerai. Tu ne seras jamais seule, ni pour traverser cette épreuve ni pour aucune autre.
Ses mots se frayèrent un chemin dans mon esprit et dans mon cœur. Je n'étais pas seule. Sa présence encore à ce moment me le prouvait. J'avais trouvé en lui un soutien inébranlable, et, grâce à lui, peut-être que je pourrais réellement m'en remettre. Maintenant que mes émotions refluaient légèrement, la fatigue s'empara de moi, aussi surement que le froid. La douleur m'étreignait toujours la poitrine mais elle devenait un peu plus supportable. Ou bien étais-je simplement exténuée ?
— Tu devrais te reposer, me murmura-t-il.
— Nous devons repartir... Je nous ai déjà fait perdre assez de temps...
— Et tu n'en as pas pris assez pour toi. Repose-toi.
A l' instant où ces mots franchirent ses lèvres, sa main se posa sur le dessus de mon crâne, caressant mes cheveux, et je me sentie envahie d'un certain bien-être.
— Byron... murmurais-je, tandis que mes paupières se faisaient de plus en plus lourdes.
— Chut... souffla-t-il contre mon oreille, dors. Je serais là à ton réveil.
Son bras se resserra autour de moi, me plaquant dos contre sa poitrine, m'empêchant presque de m'en aller, tandis que son autre main continuait sa douce caresse sur mes cheveux. Je le savais, il m'envoyait de sa magie pour me détendre. Nous n'en avions encore jamais parlé, parce que je ne l'avais réalisé que récemment, mais je savais à présent qu'il la possédait. C'est épuisée, mais apaisée, que je m'endormis entre les bras de mon doux Capitaine.
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