Chapitre 28
Mon capitaine m'observait longuement, sans faire le moindre mouvement. Et je n'étais plus sure de savoir comment je devais agir. Devais-je le traiter en ennemi ? En ami ? Comme une bête sauvage ? Je n'avais plus aucune certitude.
Je lançais un regard incertain vers la vitre sans tain, puisque j'étais certaine que ce psychopathe nous observait derrière, jubilant du spectacle à venir, avant de vriller de nouveau mon regard dans celui de Byron.
— Tu vas devoir parler, dit-il simplement.
J'aurais pu me laisser convaincre rien qu'en entendant sa voix, mais c'était sans compter sur son expression.
— Je n'ai rien à dire et tu le sais.
— Parle.
Je ne comprenais toujours pas comment il était possible que lui n'ai rien dit alors qu'il essayait de me faire cracher le morceau. C'était complétement insensé !
— Byron, reprends toi, s'il te plaît. Arrête ça...
Il avança d'un pas, je reculais de tout autant. Cela sembla l'irriter, mais le mouvement avait été inconscient.
— J'ai pour ordre de te faire parler.
— Allez Byron, tu sais bien au fond de toi que c'est ordre est absurde ! Tu n'as à obéir à personne !
J'essayais de le raisonner. Après tout, il ne m'avait pas encore attaquée, et cherchait à me faire parler par les mots. Peut-être était-ce son vrai lui qui luttait contre l'ordre donné par Joseph ? Peut-être était-ce sa manière de me montrer qu'il était toujours présent au fond de lui ?
— Si tu ne parles pas, je vais être dans l'obligation de t'y forcer.
— Ce n'est pas en m'attaquant que tu arriveras à quelque chose, et tu me connais assez pour le savoir !
— N'oublie pas que je connais aussi tes points faibles. Je sais comment te faire craquer.
Si en temps normal j'aurais ri de cette phrase, parce qu'en effet, inconsciemment, il savait totalement me faire chavirer sur d'autres plans, là ça n'avait rien de romantique. Et le fait était qu'il avait raison. Il connaissait mes points faibles. Et saurait parfaitement les exploiter. A moi de rester plus forte que lui et de ne pas craquer.
— Première étape, t'affaiblir, lança-t-il devant mon insistance.
Et il ne me laissa pas le temps de réagir qu'il s'élança sur moi. Impossible de l'esquiver. Il m'envoya contre le mur derrière moi, avec violence. Je bougeai néanmoins assez vite pour me dégager.
S'en suivit un combat acharné. Il ne ménageait pas ses coups. Il était clairement moins tendre que lors de nos entraînements. Et s'il continuait, il risquait de me tuer.
Par change, je parvins à l'esquiver de nombreuses fois, ne souhaitant pas le blesser. Il n'était pas lui-même après tout, je le savais très bien. Mais je fus obligée de contre attaquer par moments pour le repousser. Mes coups furent sans effets, il ne semblait même pas ressentir la douleur. Et ça ne l'arrêtait pas.
Après de longues minutes de lutte, j'étais éreintée. Sans prévenir, et sans réaction possible de ma part, il me plaqua au sol et me coupa le souffle. Toutes mes douleurs, dont mes côtes meurtries se réveillèrent et je grognais de douleur.
A califourchon sur moi, il me maintenait en place avec une force improbable. Il pesait de tout son poids. Ses mains furent autour de ma gorge et serrèrent suffisamment longtemps pour faire changer mon visage de couleur j'en étais certaine. Il ne cherchait pas à m'étouffer réellement, un mince filet d'air passait encore, mais il voulait me faire paniquer, me faire comprendre qu'il ne plaisantait pas, au cas où les traitements précédents m'auraient fait douter. Son corps sur le mien m'empêchait de me débattre, aussi je le frappais à de nombreuses reprises jusqu'à ce que sa poigne de relâche. Ses mains étaient toujours sur ma gorge, prête à réitérer son assaut. J'aspirais de grandes goulées d'air, des larmes coulant sur mes joues.
— Parle, ajouta-t-il. Ou je continuerais.
— Tu peux me blesser autant que tu le souhaite, commençai-je la voix rauque et douloureuse, je ne dirais rien, et tu le sais. Et tu ne le veux pas au fond de toi.
Un coup de poing me cueillit et je vis des étoiles. Avec peine, je crachai une gerbe de sang sur le côté. Ce qui était étonnant c'était que je ne ressentais pas ses émotions, et ses douleurs non plus. Ça ne semblait pas être son cas non plus. Notre lien était peut-être toujours présent, mais il était clairement amoindrit par le sérum.
Faisant fi de ma souffrance et de mon étourdissement, je plantais mon regard dans le sien. Il fallait qu'il me reconnaisse, qu'il revienne à lui. Je ne me battais plus. C'était de toute façon impossible face à lui. Je perdrais assurément. Je devais attaquer sur le plan psychique, émotionnel. Essayer de réveiller les sentiments qu'il avait pour moi, quels qu'ils puissent être. Tout en faisant pression sur notre lien, pour le rendre tangible dans son esprit je lui parlais, à voix basse :
— Byron, je sais que tu es là. Ce n'est pas toi ça. Reviens !
Ni son expression, ni sa posture, ne changèrent. J'allais poser ma main contre sa joue, il se dégagea. Je recommençais avec plus de douceur, tout en lui parlant :
— Je sais que tu me reconnais. Tu ne veux pas me faire de mal. Je t'en prie. Il faut que tu te ressaisisses.
— Donne-moi les informations.
Du pouce je caressais sa pommette, près de sa cicatrice, en dessinant les contours, mettant dans ce simple geste autant de tendresse et d'amour que possible. Je ne cherchais pas à retenir mes larmes, peut-être le ramèneraient-elles à la surface.
— Tu veux que je te supplie, c'est ça ? Parce que je le ferais, croassai-je. Tu le sais. Ce n'est pas dans ma nature, mais je le ferais, pour toi.
Il ne répondit pas, son regard obstinément fixé dans le mien. Peut-être parvenais-je à toucher la corde sensible ?
J'essayais de focaliser toute mon attention sur lui, malgré mon cœur battant à tout rompre, malgré mes douleurs, mon souffle erratique et ma gorge meurtrie.
— Il faut que tu me reviennes Byron. Tu ne peux pas nous abandonner. Tu ne peux pas m'abandonner. Je t'en prie.
Il cligna des paupières et le violent coup de poing qui s'abattit sur le sol, près de mon visage, me fit sursauter.
— La ferme !
Il se releva brusquement. Je suivis le mouvement, persuadée d'avoir réussi à l'atteindre. Son poing vint de nouveau s'abattre contre un mur, plusieurs fois, le tapissant de son sang. Sans réfléchir, je me jetais sur son bras, l'empêchant de continuer.
— Arrête, s'il te plaît.
Ma voix fut aussi douce qu'autoritaire. Son regard se planta dans le mien, et je sentis, au plus profond de moi, que mon Byron refaisait peu à peu surface, il me fallait poursuivre. Je pouvais voir la lutte qu'il menait contre lui-même éclater dans ses yeux. J'allais reprendre lorsque les sentinelles entrèrent en trombe et nous séparèrent. Joseph les avait suivies :
— J'ai sous-estimé vos capacités, ma chère ? Il n'en sera pas de même la prochaine fois. Emmenez-la. Et conduisez-le en salle.
Tandis que les gardes m'emmenaient vers la porte, je me débattis, tentant au maximum d'atteindre mon capitaine :
— Byron, je t'en prie, bats toi ! Lutte ! Fais le pour nous ! Tu es plus fort que ça ! Plus fort qu'eux !
Quelques minutes plus tard, je fus jetée dans ma cellule. Il ne me fallut que quelques secondes pour fondre en larmes. L'horreur de la situation, mes douleurs, l'expression de Byron, tout me revenait en force et je m'effondrais. J'étais en train de le perdre, ils étaient en train de me l'arracher et je ne pouvais même pas lutter. Je n'étais pas assez forte.
Très vite mon souffle se fit court, je manquais d'air. Mon cœur battit plus fort, m'assourdissant. Je me cramponnais à moi poitrine, certaine de ne plus réussir à respirer correctement. J'étais en train de faire une crise de panique. Il me fallait me reprendre. Cette fois, personne ne serait là pour m'y aider. Pas même Ulric qui n'avait même pas réagit lors de mon retour. J'étais seule. Désespérément seule. Et je devais m'en sortir, je devais me battre pour les aider. Pour les sortir de cette situation. Focalisée sur mon but, j'entrepris de calmer ma respiration. J'appelais à moi des souvenirs heureux, mes amis, ma famille, Byron. Je concentrais mon attention sur tout cela. Au bout de plusieurs minutes, elle s'apaisa enfin et la fatigue me rattrapa. J'accueillis le sommeil avec joie.
Quelques heures plus tard, on vint de nouveau me chercher. Mes geôliers me guidèrent à nouveau vers cette même salle. Byron s'y trouvait de nouveau, mais pas seul. Cette fois des armes, ou outils, l'accompagnaient. Sans plus de cérémonies, ils me poussèrent dans la pièce avant de refermer. C'était reparti.
— Pitié Byron, ne me force pas à te combattre.
Son regard était aussi noir que la première fois. Si ce n'était plus... Nul doute qu'ils lui avaient injecté une nouvelle dose de sérum pour contrer les effets de ma présence.
— Si t'affaiblir ne suffit pas à te faire parler. Peut-être qu'un autre moyen y parviendra.
Je jetais un œil sur les outils à sa disposition :
— Me torturer non plus.
Un sourire sadique, qui ne lui allait absolument pas, vint étirer ses lèvres :
— Qui a dit que c'était pour toi ? Tes proches sont tes points faibles. Je suis ton point faible.
Et il avait raison. Mon cœur loupa un battement et je déglutis péniblement quand je compris qu'il comptait se torturer lui-même pour me forcer à coopérer. Et sous l'emprise de Joseph, je doutais qu'il pense à s'arrêter. Il irait jusqu'à se tuer si nécessaire. J'en étais persuadée.
— Non... Ne fais pas ça, Byron. S'il te plaît.
Il attrapa une lame sur le plateau à disposition.
— Lâche ça, ordonnai-je, la voix tendue.
Sans me quitter du regard, il fit glisser la lame sur sa poitrine. A l'endroit même où on l'avait torturé la première fois. Il rouvrit la plaie. Mes muscles, ainsi que ma mâchoire se contractèrent. Si je ne ressentis pas la douleur cette fois, ce fut tout comme. Avançant doucement vers lui, je tentais de l'apaiser, comme quelques heures auparavant. J'essayais de capter cette petite étincelle dans son regard qui m'indiquerait qu'il me voit, réellement, et qu'il m'entend.
— Écoute-moi Byron, ne fais pas ça. Ça ne servira à rien. Je ne peux pas céder. Je ne peux pas leur dire. Je ne peux pas prendre ce risque.
La lame glissa de l'autre côté et je déglutis péniblement. Il grimaça. C'était déjà bon signe non ? Il n'avait pas tressaillit la première fois.
J'avançais d'un autre pas tout en continuant à lui parler, il ne broncha pas. Ses yeux ne quittaient pas les miens. Je m'arrêtais face à lui, à portée de ses gestes, il pourrait me planter s'il le souhaitait et c'était le but de sa manœuvre. Un mouvement brusque et il me blessait aussi. Et s'il me blessait, ou me tuait, il perdait son moyen d'obtenir des informations. S'il n'était pas lui-même, s'il ne revenait pas à la raison, cela le dissuaderait peut-être de faire de quelconques gestes inconsidérés, auquel cas sa mission serait un échec. Dans les deux cas, c'était le meilleur mouvement à faire. Soit mon Byron se retiendrait de me faire du mal parce qu'il tient à moi, soit l'autre lui se retiendrait pour obtenir ce qu'il veut.
Avec précautions, je plaçais ma main sur la sienne, celle tenant l'arme. Je ne cessais de lui parler, à voix basse, continuant mes pressions sur notre lien. Il me laissa faire. Elle était là, cette petite lueur, j'en étais sure. Je pouvais la voir danser dans ses yeux bleus.
Lorsque la porte s'ouvrit avec fracas, cette lumière s'envola. Il me retourna brusquement, dos à lui, le couteau placé sur ma gorge.
Face à moi, je découvris Mahaut et Edwin, stupéfaits de leur découverte.
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