Chapitre 15

Après plusieurs minutes de trajet passées dans le silence, nous arrivâmes à ce que je pourrais qualifier d'hôpital, ou tout du moins de clinique. Byron n'avait toujours pas lâché ma main, et ça me convenait très bien. Je le soupçonnais de penser que je ferais demi-tour s'il ne me tenait pas. Pour une fois, ce n'était pas le cas.

Nous trouvâmes rapidement Victor, enfin, ce fut plutôt lui qui le fit. Nous le croisâmes dans le couloir, lorsqu'il me vit, il s'arrêta net et m'étudia :

— Breena... Qu'est-ce que vous avez fait ?

Mal à l'aise devant son regard vraisemblablement réprobateur, je me grattais la nuque en répondant :

— Vous me manquiez, doc !

Il fit claquer sa langue :

— Suivez-moi.

Il nous guida vers une de ses salles de soins. Cette fois, je n'y allais pas à reculons. Je ne connaissais pas cette pièce-là, elle était moins grande, et ne possédait pas le même matériel. Pas de vitres, pas de caméra, enfin aucune que je ne puisse voir. Un miroir se trouvait contre un mur. Il y avait également un fauteuil, et une table d'auscultation. Très semblable à mon monde. Il ferma la porte derrière nous, et je lâchais la main de Byron. Il se posta près de l'entrée, bras croisés, tandis que Victor s'approchait de moi.

— Maintenant, expliquez-vous.

J'allais vraiment me faire sermonner par lui ? Se prenait-il pour mon père ? Cette simple pensée m'arracha une grimace.

— Ne peut-on pas simplement éclipser les explications ?

Il lança un regard à Byron qui haussa simplement les épaules, avant de reporter son attention sur moi :

— J'ai besoin de savoir ce qu'il vous est arrivé pour vous aider, pour vous soigner correctement.

— Je me suis battue, dis-je en soupirant.

Il s'agita immédiatement :

— Quelqu'un s'en est pris à vous ?!

— Non ! le détrompais-je immédiatement devant son inquiétude. Pas sans mon consentement du moins. J'ai combattu plusieurs de vos soldats... Et mon père, comme une démonstration.

— Votre... père ?

— Vous n'êtes pas au courant ?

Il m'analysa, et tenta :

— Vincente n'est-ce pas ?

J'hochais la tête, tristement.

— Je me disais bien que vous lui ressembliez. Je n'aurais jamais cependant jamais cru que mes doutes soient fondés.

— Pourquoi vous être battue contre eux ?

— Je devais faire mes preuves... C'était nécessaire. Et je voulais retrouver ce moment... avec lui.

Mon regard se baissa à ce souvenir.

— Et contre combien d'hommes vous êtes-vous battue ?

— Quatre soldats, et Vincente.

Les yeux de Victor s'écarquillèrent de stupeur.

— Et elle a gagné. Elle a été incroyable, lança Byron de sa position.

Mon regard se porta immédiatement vers lui. Ses yeux étaient posés sur moi, et je pus ressentir sa fierté au travers de ces derniers. Un sourire ornait son visage et cela regonfla mon cœur de joie. Une légère chaleur se fit sentir dans mes joues. Rougissais-je ?! Me raclant la gorge je détournais la tête la première pour me concentrer sur Victor.

— Ca je n'en doute pas une seconde, sourit-il. Maintenant, si vous me laissiez-vous examiner ?

Avec un hochement de tête il me guida un peu plus loin.

— Voulez-vous que Byron sorte ? me demanda-t-il.

Après un regard lancé à ce dernier, qui s'asseyait sur une chaise près de la porte, je répondis :

— Non, il ne me dérange pas, de toute façon, je ne suis même pas sure qu'on puisse le faire partir.

Un rire le secoua. J'avais raison, mais avec cette explication en venait une autre. J'avais envie qu'il reste près de moi. J'avais besoin qu'il reste près de moi. Même si je savais qu'il ne ressentait probablement rien à mon égard, je n'arrivais pas à me passer trop longtemps de sa présence. Il allait falloir que j'essaye de m'éloigner de lui avant que mon cœur n'en fasse les frais, mais je savais d'avance que ça allait être difficile

— Où avez-vous mal ? me ramena Victor.

— Vous voulez vraiment une liste ?

— Oui, ça m'aiderait, rit-il.

Me concentrant sur mes ressentis et sur mon corps, je décidais de n'évoquer que les blessures qui me faisaient le plus mal :

— La lèvre, la mâchoire, le flanc droit.

Je lui épargnais mes douleurs psychiques, qui étaient autant, sinon plus douloureuses que mes blessures physiques. Celles-là, personne ne pourraient me les réparer.

Après m'avoir fait asseoir sur sa table d'auscultation, il examina mon visage. Il désinfecta ma lèvre fendue, ce qui me fit siffler. Il palpa ensuite ma mâchoire.

— Rien de cassé, c'est déjà ça.

En même temps, je pense que j'aurais encore plus mal si c'était le cas.

— Vous aurez probablement un hématome par contre dans quelques jours, il vous faudra bien glacer cette zone. Est-ce que vous permettez que je jette un œil à votre flanc ?

Pour cela il fallait que j'enlève mon haut. Je n'en étais pas spécialement gênée puisque je portais une brassière en dessous. Donc je ne fis pas cas de la présence des deux hommes à mes côtés. Difficilement car lever les bras amplifia les douleurs, je retirais mon haut.

Je fus surprise de la réaction de Victor face à moi. Il semblait inquiet. C'était donc si moche ?

Me levant, j'allais me poster vers le miroir. Effectivement j'allais avoir un hématome sur le visage, et ma lèvre était plutôt gonflée en plus d'être fendue. Mais ce qui me marqua le plus fut le gros hématome se trouvant sur mon flanc. Une grande marque violacée marquait tout mon côté. Ma main se porta à cet endroit, que j'effleurais non sans grimacer. Heureusement la marque honteuse laissée par lepirate restait cachée sous mon pantalon.

J'accrochais le regard de Byron dans le miroir. Ce dernier, accoudé sur ses genoux, ne me lâchait pas des yeux. Ils fixèrent ma blessure, tandis qu'il serrait les poings et la mâchoire. Puis son regard sillonna le reste de mon corps. Cherchait-il d'autres blessures, ou m'observait-il simplement ? Ses poings se détendirent à mesure qu'il faisait son exploration. Lorsque ses yeux rencontrèrent les miens, je pus lire une certaine gêne d'avoir été remarqué. Après quelques secondes, il détourna le regard. Je revins m'asseoir sur le fauteuil.

Après avoir eu mon accord, Victor palpa doucement mon flanc. Je grimaçais malgré sa douceur, mais tentais de ne pas bouger. C'était quand même vachement douloureux là. Me voyant avoir du mal à me retenir, Byron se leva et vint tenir ma main, sans un mot. La serrant, je me concentrais sur cela.

— Je pense que vous avez une, ou peut-être deux, côtes fêlées.

— Merveilleux... dis-je en expirant.

Il ne me touchait plus, donc la douleur reflua tout doucement.

— Malheureusement il n'y a pas grand-chose que je puisse faire pour vous aider. Il va falloir que vous évitiez de forcer pendant quelques temps. Essayez de glacer aussi cette zone si vous le pouvez, même si je sais que c'est compliqué. Et surtout, reposez-vous.

— J'y veillerais, répondit simplement mon Capitaine.

Mon regard trouva le sien. La détermination que je lus dans le sien, associée à son haussement de sourcil évocateur, m'enleva toute envie de le contrer, du moins pas oralement. Je ferais bien ce que je voulais après tout.

— Vous prendrez aussi quelques tisanes d'écorce de saule pour vos douleurs, voulez-vous que je vous explique comment ?

— Pas besoin, j'ai des notions à ce sujet.

Je remerciais silencieusement Arcénia pour ses précieux conseils.

— Et j'insiste Breena, plus de bêtises de ce genre ! Vous n'êtes sortie de votre quarantaine qu'hier, et je vous retrouve déjà ici ! Je ne veux plus que cela se reproduise. Quitte à vous revoir, j'aimerais que ce soit autour d'un bon repas !

— Si ça ne tenait qu'à moi, je ne serais pas venue vous savez, ris-je.

— Ca je m'en doute bien, vous pouvez remercier votre Capitaine de veiller sur vous plus que vous ne le faites vous-même.

— Une vraie mère poule, ris-je à nouveau tandis que Byron levait les yeux au ciel en secouant la tête.

Malheureusement mon rire réveilla ma douleur et je m'arrêtais aussitôt avec une grimace. Super.

Me levant je me rhabillais lentement en soufflant pour lutter contre l'élancement provoqué par ce geste. Une fois vêtue, je remerciais Victor et nous sortîmes.

— Tu vois, pas de quoi paniquer, dis-je à mon Capitaine sur le trajet de retour.

— Breena...

— C'est toujours moi oui.

Byron me fit m'arrêter et se posta face à moi.

— J'aimerais que tu fasses plus attention à toi. Comme Victor l'a dit, tu sors à peine de ta maladie, et tu es déjà blessée.

— Tu sais que ce que j'ai fait était nécessaire.

— Oui, je sais, et tu t'en es bien sortie. Mais pas indemne.

— Aucun d'entre nous n'en serait sorti indemne. Si tu avais été à ma place, tu aurais fait fi de nos protestations et de nos inquiétudes.

— C'est vrai, mais tu n'es pas moi. Et tu es plus précieuse pour notre mission que moi, nous nous devons de te garder en bonne santé et au meilleur de ta forme.

— C'est là que tu te trompes, tu es plus précieux que moi pour cette quête et tu sais pourquoi ?

Son visage reflétait sa confusion. Alors je continuais :

— Parce que sans toi, tes lieutenants ne nous auraient pas suivis aussi gentiment jusqu'ici. Sans toi je ne parviendrais pas une minute de plus à avancer. Sans toi je ne serais déjà plus de ce monde tant tu m'as sauvée un nombre incalculable de fois. Tu vois, je suis peut-être celle qui possède l'énergie de votre monde, mais je suis surtout celle qui le tue, alors que tu es celui grâce auquel j'ai une chance de le sauver. Sans toi rien de tout cela ne serait possible. Et il est temps que tu t'en rendes compte. Tu es l'élément précieux de cette équipe. Sans toi nous serions tous déjà tombés.

Il restait mutique devant mon discours. J'avançais d'un pas vers lui, avec un sourire en tapotant son front :

— Alors rentre toi ça dans la tête, très cher Capitaine. Oui je vais continuer à faire des conneries, oui je serais probablement encore blessée à l'avenir, on ne pourra pas y échapper, mais tant que tu seras à mes côtés, je sais que tout iras bien. Aucun de nous deux ne peut flancher, ou lâcher prise. C'est ensemble que nous sommes plus forts, et c'est ensemble qu'on ira jusqu'au bout de notre mission.

Son regard s'était fait intense pendant que je parlais. Il absorbait le poids de mes mots doucement. Avec un petit rire, fière de lui avoir cloué le bec, je claquais des doigts devant son visage :

— Maintenant, si tu n'as pas d'autres protestations, allons manger. J'ai la dalle !

Oui j'étais un ventre sur pattes. Sans un mot de plus, nous reprîmes notre route jusqu'au réfectoire, pour y retrouver nos compagnons.

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